Burty, Philippe
Rue Watteau
Ancien 4 rue du Petit Banquier
55 rue Vivienne
11bis-13 boulevard des Batignolles
Divers quotidiens et hebdomadaires
Inspection des Beaux-Arts
La formation d’un critique indépendant
Plus que l’inventeur du mot « japonisme » en 1872, Philippe Burty (1830-1890) est une figure prédominante du développement du goût pour le Japon dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Weisberg G., 1993, p. 99). Pendant plus de 30 ans, il s’illustre comme un héraut de la modernité et nourrit la réflexion sur le renouvellement des arts en France. Républicain convaincu et homme de réseau, par ses écrits, il s’est forgé une solide réputation de défenseur « indépendant » (Weisberg G., 1993) À la fois critique d’art, collectionneur et inspecteur des Beaux-Arts, il est passé à la postérité comme une personnalité profondément engagée, pugnace et marquée par l’indépendance de ses opinions, qui ont directement contribué à l’appréciation de l’impressionnisme, au renouveau de l’eau-forte et des arts décoratifs. Par sa contribution à l’émergence de courants picturaux novateurs tels que l’école de Barbizon et l’impressionnisme, il s’oppose à l’académisme français et se positionne comme le chantre de voies artistiques nouvelles. Écrivain prolifique, il contribue à plus de dix-huit périodiques au cours d’une carrière qui s’étend de 1857 à 1890. Il est l’auteur d’un roman Grave Imprudence (1880) et préface de nombreux catalogues raisonnés et de vente. La publication d’études approfondies, tels Les Émaux cloisonnés anciens et modernes (1868) et Maîtres et Petits Maîtres (1872), lui permet de développer un discours analytique de fond tout en valorisant les artistes et les techniques qui le passionnent.
Fils de Marin Burty (1789-1870), propriétaire d’un commerce de mode couru sous la Restauration (Tourneux M., 1891, p. 1), Philippe Burty est élevé dans un milieu protestant. Il bénéficie d’un enseignement classique solide et grandit parmi les objets rapportés de leurs voyages par ses aïeuls, marchands de soie. Son père le destine à des études de droit. La révolution de 1848 vient contrecarrer ce projet et après une tentative infructueuse dans le commerce de la soie, le jeune Burty, qui dessine déjà, intègre l’atelier de Chabal Dussurgey (1819-1902), peintre de fleurs à la manufacture des Gobelins (Weisberg G., 1993, p. 2-4 ; Maritch-Haviland N., 2009, p. 113). Cet apprentissage contribue à nourrir et à affuter le sens artistique du jeune homme. Il lui confère une véritable compréhension des mécanismes de la création et amorce la constitution d’un solide réseau. C’est à cette occasion que le futur critique noue des liens avec des artistes tels que l’émailleur et poète Claudius Popelin (1825-1892), grand habitué du salon de la princesse Mathilde Bonaparte (1820-1904). Il forme ainsi son œil et affine son goût. Cette proximité avec les artistes et les artisans influe directement sur la qualité des articles de Burty, qui sont reconnus pour leur finesse d’analyse et leur caractère didactique. Dans la préface qu’il rédige pour le catalogue de vente des tableaux, aquarelles et dessins de la vente Burty en mars 1891, Paul Mantz (1821-1895) écrit que le critique « garda toujours une passion invincible pour la peinture et, d’une manière générale, pour l’art exprimé sur tous les modes et dans tous les langages ». Un avis partagé par le marchand Siegfried Bing (1838-1905) lorsqu’il note « [Burty] fut sans relâche le passionné soutien de tous les élans hardis et convaincus ».
Un réseau de sociabilité au service de ses convictions artistiques
Grand admirateur des Romantiques, notamment d’Eugène Delacroix (1798-1863) dont il est l’un des exécuteurs testamentaires et de Victor Hugo (1802-1885) avec qui il entretient une correspondance régulière (Georgel P., 1973), Burty est une personnalité exaltée. Le développement de la presse au cours du XIXe siècle en France lui offre la possibilité d’un engagement soutenu qui convient à son tempérament. De 1859, date à laquelle il intègre la rédaction de Charles Blanc (1813-1882) à La Gazette des Beaux-arts, à 1870, son activité de critique est riche et dynamique. Blanc, séduit par sa plume, engage Burty dès la création de la revue. Il lui confie le compte rendu des ventes de l’hôtel Drouot dans le supplément Chroniques des arts et de la curiosité. Ce type de rubrique est inédit et permet à son chroniqueur de consolider sa réputation grâce à son style précis et ses réflexions d’amateur assidu aux ventes. Une passion qu’il garde jusqu’à son décès et qui influe sur le devenir de sa collection. C’est d’ailleurs au sein de La Renaissance littéraire et artistique qu’il publie sa série nommée « Japonisme » et qu’il se positionne ainsi comme un spécialiste du Japon, y compris au-delà des sphères intellectuelles françaises en contribuant notamment au périodique anglais The Academy. De fait, la critique de Burty est caractérisée par deux aspects. En premier lieu, la chronique régulière de l’actualité culturelle, que ce soient les salons ou les expositions à Paris ou en province. En second lieu, la valorisation d’artistes dont il apprécie le travail ou de techniques. Ce qui lui permet d’être au contact rapproché des collectionneurs, des acheteurs et des experts de vente ainsi que de continuer à fréquenter de façon assidue les milieux artistiques.
Tout au long de sa carrière, Burty développe plus spécifiquement trois sujets : l’eau-forte, les arts décoratifs et l’art japonais. Déjà, en 1863, il publie un article consacré à un graveur peu connu, Charles Meryon (1813-1882) : une prise de risque considérée comme présomptueuse par certains. Pourtant, ses articles vont contribuer à la révélation de l’eau-forte de Meryon, et les autres publications de Burty, notamment le catalogue raisonné (1876), sont considérées comme des sources primaires sur le sujet.
Le critique sait solliciter à dessein le solide réseau qu’il a bâti. Par son implication au sein de plusieurs associations, comme la Société des aquafortistes à partir de 1862 (Bailly-Herberz J., 1972, p. 10), ou lorsqu’il figure parmi les premiers à soutenir la création de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie et siège à la commission consultative de la Société de l’Union centrale (BMAD, A1/50-A1/52), Burty poursuit ce travail de valorisation des sujets qu’il traite dans ses articles. Il collabore avec des personnalités issues des milieux artistes, politiques et financiers et entretient son statut de héraut.
Ce travail de réseau aboutit par ailleurs à sa nomination, en 1881, au poste d’Inspecteur des Beaux-Arts. Léon Gambetta (1838-1882), alors président de la Chambre des députés, décide de lui offrir le poste pour le récompenser de sa fidélité et de son engagement républicain. Les rapports de mission que Burty rédige (AN, F/21/2284/2) sont précis. Les détails donnés témoignent de l’attention portée et nourrissent la matière de ses articles. Il emploie le même mode opératoire quand il décrit les objets d’art japonais.
La passion de Burty pour le Japon est largement influencée par son intérêt pour les arts décoratifs. La qualité technique et esthétique des œuvres vendues dans les échoppes parisiennes le conduit à réfléchir à la nécessité d’améliorer les techniques artisanales et industrielles en France (Weisberg G., 1993, p. 97). L’analyse de la collection Burty montre qu’elle est à la croisée de toutes ses réflexions sur la création artistique (Ponchel L., 2016). Constituée dès 1863 pour les œuvres asiatiques, elle est aussi exemplaire des pratiques des « japonistes » de la première génération. Dans son testament du 4 août 1876, le critique déclare que la collection doit être vendue aux enchères après son décès (AN, Minutier Centrale, Étude LXXII, 02/07/1890). En mars 1891, l’Hôtel Drouot voit la dispersion du premier grand ensemble d’art japonais rassemblé par un amateur occidental et vit au rythme de Burty pendant un mois. Cette vente irrigue les collections des amateurs de la deuxième génération. Comme l’écrit Bing, « en s’égrenant, l’œuvre de Burty deviendra la semence qui féconde les alentours pour de nouvelles floraisons » (Bing S., 1891, p. X).
Commentaire rédigé par Léa Ponchel.
The training of an independent criticism
Known for coining the term "Japonisme" in 1872, Philippe Burty (1830-1890) was a leading figure in the development of the taste for Japan in the second half of the 19th century (Weisberg G., 1993, p. 99). For more than 30 years, he distinguished himself as a herald of modernity and stimulated reflections on the renewal of the arts in France. A dedicated Republican and networker, he forged through his writings a solid reputation as an "independent" advocate (Weisberg G., 1993). At once an art critic, collector, and inspector at the Académie des Beaux-Arts, he is remembered by posterity as a deeply committed, pugnacious personality marked by the independence of his opinions, who directly contributed to the appreciation of Impressionism and tp the revival of etching and the decorative arts. Through his contribution to the emergence of innovative pictorial currents such as the Barbizon school and Impressionism, he opposed French academicism and positioned himself as a champion of new artistic paths. A prolific writer, he contributed to more than eighteen periodicals during a career that stretched from 1857 to 1890. He was the author of the novel Grave Imprudence (1880) and the prefaces to numerous catalogues raisonnés and auction catalogues. The publication of in-depth studies such as Les Émaux cloisonnés anciens et modernes (1868) and Maîtres et Petits Maîtres (1872) enabled him to develop a substantive analytical discourse while promoting the artists and techniques that fascinated him.
Son of Marin Burty (1789-1870), owner of a popular fashion business during the Restoration (Tourneux M., 1891, p. 1), Philippe Burty was brought up in a Protestant environment. He benefited from a solid classical education and grew up among the objects brought back from travels by his ancestors, who were silk merchants. His father intended for him to study law. The 1848 revolution thwarted these plans, and after an unsuccessful attempt in the silk trade, the young Burty, who was already drawing, joined the studio of Chabal Dussurgey (1819-1902), a painter of flowers at the Gobelins manufactory (Weisberg G., 1993, pp. 2-4; Maritch-Haviland N., 2009, p. 113). This apprenticeship helped nourish and sharpen the young man’s artistic sense, provided him with a hands-on understanding of the mechanics of artisanal production, and initiated the development of a solid professional network. It was on this occasion that the future critic forged ties with artists such as the enameler and poet Claudius Popelin (1825-1892), a regular in the salon of Princess Mathilde Bonaparte (1820-1904). In this way he trained his eye and refined his tastes. This proximity to artists and artisans had a direct influence on the quality of Burty's pieces, which were recognised for their analytical finesse and their didactic nature. In the preface he wrote for the auction catalogue for the Burty sale of paintings, watercolours and drawings in March 1891, Paul Mantz (1821-1895) wrote that the critic “always retained an invincible passion for painting and, generally speaking, for art expressed in all modes and in all languages.” This opinion was shared by the art dealer Siegfried Bing (1838-1905) when he noted "[Burty] was tirelessly the passionate support of all bold and convinced impulses".
A social network in service of artistic convictions
A great admirer of the Romantics, in particular of Eugène Delacroix (1798-1863) of whom he was an executor, and of Victor Hugo (1802-1885), with whom he maintained a regular correspondence (Georgel P., 1973), Burty was an exalted personality. The development of the press in France during the 19th century offered him the possibility of a sustained commitment suitable to his temperament. From 1859, when he joined the editorial staff of Charles Blanc (1813-1882) at La Gazette des Beaux-arts, until 1870, his critical activity was rich and dynamic. Blanc, seduced by Burty’s writing, hired him from the magazine’s inception. He entrusted him with reports on the sales at the Hôtel Drouot in the supplement Chroniques des arts et de la curiosité. This unique section allowed the columnist to consolidate his reputation through his precise style and his thoughts as a dedicated aficionado in sales, passions he maintained throughout his life and which influenced the future of his collection. It was through his series called "Japonisme" published in La Renaissance littéraire et artistique that he positioned himself as a specialist in Japan, also beyond the intellectual spheres of France, particularly by contributing to the English periodical The Academy. Burty's critique is characterised by two aspects: first, by the regular chronicle of cultural news, whether trade shows or exhibitions in Paris or in the provinces; and secondly, by the promotion of artists whose work or of techniques he appreciated. This allowed him to be in close contact with collectors, buyers and sales experts as well as to continue to frequent artistic circles.
Throughout his career, Burty developed three subjects more specifically: etching, decorative arts, and Japanese art. Already in 1863, he published an article devoted to a little-known engraver, Charles Meryon (1813-1882), a risk considered presumptuous by some. However, his articles would contribute to the revelation of Meryon's etching, and Burty's other publications, notably the catalogue raisonné (1876), are considered primary sources on the subject.
The critic was skilled at deliberately soliciting the solid network he had built. Burty continued the work of promoting the subjects addressed in his articles through involvement in several associations, such as the Société des aquafortistes from 1862 (Bailly-Herberz J., 1972, p. 10), early support for the creation of the Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, and serving on the advisory committee of the Société de l'Union centrale (BMAD, A1/50-A1/52). He collaborated with personalities from artistic, political, and financial circles and maintained his status as a herald.
This network work also led to his appointment in 1881 to the post of inspector at the Beaux-Arts. Léon Gambetta (1838-1882), then president of the Chamber of Deputies, offered him the position as a reward for his loyalty and republican commitments. The reports that Burty wrote for this mission (AN, F/21/2284/2) are precise. Their detailed nature demonstrate the attention he devoted to this work as well as the inspiration he drew from it for his articles. He used the same modus operandi in describing Japanese art objects.
Burty's passion for Japan was largely influenced by his interest in the decorative arts. The technical and aesthetic quality of the works sold in Parisian shops led him to reflect on the need to improve artisanal and industrial techniques in France (Weisberg G., 1993, p. 97). Analysis of the Burty collection shows that it is at the crossroads of all his reflections on artistic creation (Ponchel L., 2016). Assembled beginning in 1863, regarding the Asian works, it is also exemplary of the practices of the first-generation "Japonistes". In his will of August 4, 1876, the critic declares that the collection should be sold at auction after his death (AN, Minutier Centrale, Étude LXXII, 02/07/1890). In March 1891, the Hôtel Drouot saw the dispersal of the first large ensemble of Japanese art brought together by a Western amateur and for a month Burty’s spirit dominated the sales hall. This auction was important in nourishing the collections of second-generation enthusiasts. As Bing wrote, "As it scatters, Burty's work will become the seed that fertilises new blossoms in its surroundings" (Bing S., 1891, p. X).
Article by Léa Ponchel (translated by Jennifer Donnelly).
Les Archives nationales conservent un dossier qui mentionne une mission effectuée en Russie par Philippe Burty. En revanche, aucun rapport ne permet de connaître le trajet ni le programme de cette mission.
[Objets collectionnés] kanamono, kozuka, laques, bois sculpté, inrô, gardes de sabre, porcelaine, bronzes, armes, objets en fer.
[Objets collectionnés] kanamono, armes, kozuka, gardes de sabre, bois sculpté, inrô, laques, porcelaines, émaux cloisonnés, grès, objets en fer, bronzes, estampes, livres illustrés, kakemono.
[Objets collectionnés] kanamono, armes, kozuka, gardes de sabre, bois sculpté, inrô, laques, porcelaines, émaux cloisonnés, grès, objets en fer, bronzes, kogai, estampes, livres illustrés, kakemono.
Franck Burty Haviland est le fils de l'industriel Charles Edward Haviland. Il est le frère de Paul Burty Haviland et le petit-fils du collectionneur Philippe Burty.
Franck Burty Haviland est le fils de l'industriel Charles Edward Haviland. Il est le frère de Paul Burty Haviland et le petit-fils du collectionneur Philippe Burty.
Philippe Burty est l'élève de Pierre Adrien Chabal-Dussurgey. (Source: Notice Agorha "Philippe Burty" rédigée par Léa Ponchel).
Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet : Delacroix, voir fonds Bruyas, (particularités : Ex Arch 33, carton 86 bis), (réferences compl. : Ms carton 98 microfilmé).