Grandidier, Ernest
75 rue du Faubourg Saint-Honoré
27 rue du Faubourg Saint-Honoré
27 avenue de Marigny
Auditeur au Conseil d'Etat
Auditeur au Conseil d'État
Né à Paris le 2 décembre 1833, c’est dans cette ville qu’Ernest Grandidier grandit, étudie et passe la majeure partie de sa vie. Aux côtés de son père François-Napoléon Grandidier (1802-1870), de sa belle-mère Zoé Cardon et de son frère cadet, Alfred (1836-1921), le jeune Ernest est élevé rue du Faubourg-Saint-Honoré. Sa mère, Marie-Ange Delalevée (1813-1838), meurt alors que les deux frères sont encore enfants. Celui-ci est issu d’une famille fortunée : son père est notaire et possède de nombreuses rentes et propriétés. Les enfants reçoivent une éducation soignée et fréquentent la haute bourgeoisie de la capitale, notamment par l’intermédiaire de la famille Cardon. Ces années parisiennes sont entrecoupées de voyages sur le littoral méditerranéen et en Italie. L’absence de mémoires ou de correspondance privée d’Ernest Grandidier rend difficile la connaissance de ces années de jeunesse. Toutefois, les travaux récemment menés par Jehanne-Emmanuelle Monnier (2017) sur la vie et l’entreprise géographique d’Alfred Grandidier nous permettent d’en savoir plus. Très proches, Ernest et Alfred ont suivi les mêmes leçons, prodiguées tantôt par leur père, tantôt par un précepteur, avant qu’Ernest n’entreprenne des études de droit et qu’Alfred ne se tourne vers les sciences naturelles.
Un voyage de jeunesse : deux ans aux Amériques
En 1856, à l’âge de vingt-trois ans, Ernest Grandidier termine ses études juridiques. Il est décidé à devenir auditeur au Conseil d’État, mais aucun concours d’entrée n’est alors programmé. Il se résout à accompagner son frère et le précepteur de celui-ci, Jules Janssen (1824-1907), aux Amériques, une entreprise qui n’est pas rare pour la jeunesse aisée de l’époque. Ernest se propose de réunir à cette occasion « des collections d’histoire naturelle, surtout de minéralogie » (MNHN, ms. 2807), tandis que les préoccupations de Janssen et de son jeune élève se tournent plutôt vers la physique et l’astronomie (Monnier J.-E., 2017, p. 51). Les frères Grandidier s’embarquent en octobre 1857 (Grandidier E., 1861, p. 4), et rejoignent les États-Unis via Liverpool. Ils reviennent en 1859 d’un périple qui aura duré un peu plus de deux ans.
Ils commencent leur voyage par l’Amérique du Nord. Ils sont aidés par les nombreuses lettres de recommandation qui leur avaient été fournies et la première partie de leur séjour consiste surtout en une suite de mondanités et de visites. Ils rallient au début de l’année 1858 la partie sud du continent et y rejoignent Janssen qui arrive de France (Monnier J.-E., 2017, p. 54). Avant de partir, les deux frères se sont vu confier par le ministre de l’Instruction publique une « mission scientifique gratuite » devant « traiter de certaines questions physiques du globe » (Grandidier E., 1861, p. 269) en accord avec les études alors entreprises par Janssen. Mais la maladie empêche ce dernier de rester plus de quelques mois en Amérique du Sud et il finit par rentrer en France avec le matériel astronomique prévu pour ses expériences (Monnier J.-E., 2017, p. 55). Démarre alors une nouvelle facette du voyage, pendant laquelle Ernest et Alfred traversent plusieurs fois les Andes à la recherche de contrées inexplorées. D’Amazonie, ils rejoignent le Pérou (notamment les villes de Cuzco et Puno), la Bolivie, l’Argentine (Buenos Aires) et le Brésil. Ils sont de retour au Havre en novembre 1859. Outre l’expérience acquise lors de ce premier périple, les deux jeunes gens rapportent plusieurs espèces de reptiles, des graines et des échantillons géologiques et minéralogiques. À cela s’ajoutent des objets à caractère ethnographique, donnés au musée des Antiquités impériales de Saint-Germain-en-Laye, aux Invalides, au Louvre et au Trocadéro (Monnier J.-E., 2017, p. 63). Le voyage des frères Grandidier est très bien reçu par le monde scientifique parisien, qui salue la qualité des informations rapportées et le courage des deux jeunes hommes. Des suites de leurs aventures, Ernest rédige Voyage dans l’Amérique du Sud. Pérou et Bolivie qu’il publie en 1861 et c’est en sa qualité d’« auteur de travaux scientifiques sur l’Amérique » qu’il est nommé chevalier de la Légion d’honneur l’année suivante. Ce premier voyage est formateur, et est déterminant pour la suite de la carrière d’Alfred, qui continuera ses explorations en Inde, puis séjournera à Madagascar et cartographiera l’île. Il deviendra par la suite un membre respecté de la Société de géographie.
Paris, lieu de vie et de constitution de sa collection
De retour en France à l’âge de vingt-cinq ans, Ernest Grandidier devient auditeur au Conseil d’État. Sa carrière, mal connue, est stoppée peu avant la chute de l’Empire en 1870 (Annuaire-almanach, 1870, p. 316). La date exacte à laquelle il commence à collectionner est à ce jour inconnue, mais on sait que ses collections prennent de l’ampleur dans les années 1870. Celui-ci semble s’intéresser en premier lieu aux livres (Kœchlin R., 1914, p. 9) et aux objets d’art. Il se consacre peu à peu à la porcelaine chinoise, qui devient, au fil de sa vie, son principal domaine de collection. Il fréquente assidûment le marché parisien, et notamment les marchands Siegfried Bing (1838-1905), Philippe Sichel (1841-1899), Laurent Héliot (1848-1909) ou encore Florine Langweil (1861-1958) [Chopard L., 2020]. Il est également en contact avec d’autres collectionneurs, comme Henri Cernuschi (1821-1896).
Alfred Grandidier raconte dans ses Mémoires que le goût pour la porcelaine de Chine a été transmis à Ernest par Eugène de Vandeul, le neveu de sa belle-mère, dont les deux frères étaient proches : « C’était un grand amateur d’art et il avait de fort beaux meubles parmi lesquels un charmant “trouchin” qu’Albert m’a laissé par testament, des tableaux et surtout des porcelaines de Chine qui en ont donné le goût à mon frère » (MNHN, ms. 2807). Veuf et sans enfant, Ernest Grandidier jouit d’une fortune considérable, enrichie par l’héritage de son père et ses biens immobiliers. Il hérite notamment du domaine paternel, le château de Fleury-Mérogis. C’est la fameuse « propriété des environs de Corbeil […] convertie en porcelaines » dont parle Raymond Kœchlin en 1914 (Kœchlin R., 1914, p. 10). Rien n’indique formellement que le collectionneur l’ait revendue dans le but d’acquérir de nouvelles porcelaines ; Alfred Grandidier rend toutefois compte de la même anecdote dans ses Mémoires (MNHN, ms. 2807).
Ernest Grandidier effectue de nombreuses libéralités envers l’État français au cours de sa vie (Les Donateurs du Louvre, 1989, p. 222), mais la plus importante est la donation au musée du Louvre en 1894 de sa collection de porcelaines chinoises. Il fixe alors plusieurs conditions à cette donation, qui ont pour effet de le désigner comme unique conservateur de la collection jusqu’à la fin de sa vie, de contribuer chaque année à son accroissement, et d’établir un ensemble de salles dans lesquelles ses porcelaines doivent être disposées. Il s’agit de la première collection uniquement constituée de porcelaines chinoises à rejoindre le musée. Bien que par sa nature, elle soit incluse dans le département des Objets d’art du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes, Grandidier bénéficie d’une relative autonomie vis-à-vis des autres conservateurs.
Inaugurée en juin 1895, les salles de sa collection se situent à l’entresol de la Grande Galerie où elles se succèdent en enfilade (Joanne P., 1912, p. 9). Les porcelaines sont agencées dans de grandes vitrines et la présentation nous est connue par deux photographies de 1909 (Geffroy G., 1909, planches insérées après p. 102 et 104). Une seconde donation acceptée en 1895, voit la deuxième collection d’Ernest Grandidier rejoindre le Louvre : il s’agit cette fois-ci de céramiques japonaises. Ces deux donations sont très importantes, tant par le nombre de pièces que par leur valeur financière. Jusqu’à la fin de sa vie, Ernest Grandidier n’aura de cesse de veiller sur sa collection et de continuer à l’enrichir par des dons et des achats. Il s’éteint le 14 juillet 1912 à son domicile, 8 bis avenue Percier à Paris, à l’âge de soixante-dix-huit ans. Sa collection continue après sa mort de former une entité singulière et importante parmi les collections extrême-orientales du Louvre. En 1932, elle est intégrée au département des Arts asiatiques, nouvellement créé et dirigé par Georges Salles (Bresc-Bautier, Fokenell, Mardrus, 2016, p. 457). Elle est ensuite transférée au musée Guimet à partir de 1945, à l’initiative de ce conservateur qui y regroupe les collections asiatiques nationales (Bresc-Bautier, Fokenell, Mardrus, 2016, p. 459).
Article rédigé par Lucie Chopard
Born in Paris on 2 December 1833, it was here that Ernest Grandidier grew up, studied, and spent most of his life. Living with his father, François-Napoléon Grandidier (1802–1870), his mother-in-law, Zoé Cardon, and his younger brother, Alfred (1836–1921), the young Ernest was brought up in the Rue du Faubourg-Saint-Honoré. His mother, Marie-Ange Delalevée (1813–1838), died when the two brothers were still children. Ernest Grandidier came from a wealthy family: her father was a notary and had many annuities and properties. The children benefitted from a good education and frequented the capital’s haute bourgeoisie, particularly through the intermediary of the Cardon family. The years spent in Paris were interrupted by travels on the Mediterranean coast and in Italy. The absence of Ernest Grandidier’s memoirs or private correspondence make it difficult to gain a better understanding of his youth. All the same, the study recently undertaken by Jehanne-Emmanuelle Monnier (2017) about Alfred Grandidier’s life and geographical ventures gives some indications about his life. Very close to one another, Ernest and Alfred attended the same lessons, whether instructed by their father, or a tutor, before Ernest decided to study law and Alfred the natural sciences.
Youthful travels: two years spent in the Americas
In 1856, at the age of twenty-three, Ernest Grandidier finished his legal studies. He wanted to become an auditor in the Conseil d’État, but no admission competition was scheduled. He decided instead to accompany his brother and his tutor, Jules Janssen (1824–1907), on a trip to the Americas, which was quite common amongst wealthy young individuals at the time. Ernest set out to assemble ‘collections of natural history and, above all, mineralogy’ (MNHN, MS. 2807), whilst Janssen and his young pupil focused mainly on physics and astronomy (Monnier, J.-E., 2017, p. 51). The Grandidier brothers embarked in October 1857 (Grandidier, E., 1861, p. 4), and travelled to the United States from Liverpool. When they returned in 1859, their journey had lasted just over two years.
Their trip commenced in North America. They were helped by the many letters of recommendation they had been given, and the first part of their sojourn primarily consisted of a series of social calls and visits. At the beginning of 1858, they travelled to the southern part of the continent and joined up with Janssen who had come from France (Monnier, J.-E., 2017, p. 54). Before leaving, the two brothers were entrusted by the French Minister of Public Instruction with a ‘free scientific mission’ to assess ‘certain of the planet’s physical aspects’ (Grandidier, E., 1861, p. 269) in association with the studies undertaken by Janssen. But illness prevented the latter from staying more than several months in South America and he eventually returned to France with the astronomical equipment required for his experiments (Monnier, J.-E., 2017, p. 55). Hence, a new phase in the trip began, during which Ernest and Alfred crossed the Andes several times in search of unexplored lands. From Amazonia, they went to Peru (in particular the cities of Cuzco and Puno), Bolivia, Argentina (Buenos Aires), and Brazil. They returned to Le Havre in November 1859. In addition to the experience gained during this first trip, the two young men brought back several species of reptile, grains, and geological and mineralogical samples. And they donated ethnographic objects to the Musée des Antiquités Impériales in Saint-Germain-en-Laye, the Invalides, the Louvre, and the Trocadéro (Monnier, J.-E., 2017, p. 63). The Grandidier brothers’ trip was well received by Parisian scientific circles, which praised the quality of the information brought back and the courage of the two young men. Following their adventures, Ernest wrote Voyage en Amérique du Sud. Pérou et Bolivie, which was published in 1861, and it was in his role as ‘the author of scientific studies about America’ that he was made Chevalier de le Légion d’Honneur the following year. This first trip was highly instructive and was decisive for Alfred’s subsequent career, as he continued with explorations in India, then stayed in Madagascar, where he mapped out the island. He subsequently became a respected member of the Société de Géographie.
His life in Paris, where he compiled his collection
When he returned to France at the age of twenty-five, Ernest Grandidier became an auditor in the Conseil d’État. His career, about which little is known, came to an end just before the fall of the Empire in 1870 (Annuaire-almanach, 1870, p. 316). The exact date he began his collection is to this day unknown, but his collections did grow in the 1870s. He seemed to be primarily interested in books (Kœchlin, R., 1914, p. 9) and objets d’art. He devoted himself to collecting Chinese porcelain, which gradually became the preferred specialisation for his collection. He assiduously frequented the Parisian market, and in particular the Parisian dealers Siegfried Bing (1838–1905), Philippe Sichel (1841–1899), Laurent Héliot (1848–1909), and Florine Langweil (1861–1958) (Chopard, L., 2020). He was also in contact with other collectors, such as Henri Cernuschi (1821–1896).
Alfred Grandidier wrote in his Mémoires that Ernest’s love of Chinese porcelain came from Eugène de Vandeul, the nephew of his mother-in-law, whom both brothers were close to: ‘he was a great art lover and had beautiful furniture, including a charming “tronchin” (a writing table), which Albert left to me in his will, pictures, and, above all, Chinese porcelain pieces that inspired my brother with a taste for them’ (MNHN, MS. 2807). A widower and childless, Ernest Grandidier had a large fortune at his disposal, enriched by his inheritance from his father and his properties. He inherited, in particular, from his father’s estate, the Château de Fleury-Mérogis. This was the famous ‘property near Corbeil (…) “converted” into porcelain’, which Raymond Kœchlin referred to in 1914 (Kœchlin, R., 1914, p. 10). Nothing formally indicates that the collector sold it with the intention of buying new porcelain objects; however, Alfred Grandidier did mention the same anecdote in his Mémoires (MNHN, MS. 2807).
Ernest Grandidier made many donations to the French State in his lifetime (Les Donateurs du Louvre, 1989, p. 222), but the most important of these was the donation of his collection of Chinese porcelains to the Musée du Louvre in 1894. He did set out a number of conditions, which specified that he would be the sole curator of the collection until the end of his life, that every year a sum of money was to be granted by the museum for it growth, and that an ensemble of rooms should be created to house his porcelain objects. This was the first collection consisting solely of Chinese porcelain wares to be integrated into the museum. Although it was naturally incorporated into the Department d’Objets d’Art du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps Modernes, Grandidier was relatively autonomous compared with the other curators.
Inaugurated in June 1895, the rooms that housed his collection were located on the mezzanine floor adjoining the Grande Galerie (Joanne, P., 1912, p. 9). The porcelain items were arranged in large showcases and this presentation is attested by two photographs dating from 1909 (Geffroy, G., 1909, Plates inserted after pp. 102 and 104). In a second donation made in 1895, Ernest Grandidier’s second collection was added to that of the Louvre: this was a donation of Japanese ceramic wares. These two donations were very significant, both in terms of the number of donated objects and their financial value. Right up until the end of his life, Ernest Grandidier constantly watched over his collection and continued to enrich it with donations and acquisitions. He died on 14 July 1912 in his home, at 8 Bis Avenue Percier in Paris, at the age of seventy-eight. After his death, his collection continued to form a unique and important entity in the Louvre’s Far-Eastern collections. In 1932, it was integrated into the Department of Asian Arts, which had just been created and which was directed by Georges Salles (Bresc-Bautier, Fokenell, and Mardrus, 2016, p. 457). It was then transferred to the Musée Guimet in 1945, on the initiative of the museum’s curator, who assembled the national Asian collections there (Bresc-Bautier, Fokenell, and Mardrus, 2016, p. 459).
Article by Lucie Chopard (translated by Jonathan & David Michaelson)
[Objets collectionnés] grès (une petite verseuse à têtes de phénix, grès sculpté à la couverte translucide verte, provenant des fours de Yaozhou). (Période des Cinq Dynasties et des Trois Royaumes)
[Objets collectionnés] Vase à anses en forme de dragons.
[Objets collectionnés]
Ernest Grandidier fréquente le magasin Sichel. (Source: Notice Agorha "Sichel" rédigée par Lucie Chopard).
Ernest Grandidier aurait acheté près de 900 céramiques chinoises et japonaises chez les Sichel. Il s’est notamment adressé à l’enseigne de Philippe Sichel, puisqu’il acquiert certaines pièces après 1891. (Source : Chopard, 2021, vol. 2, p. 161)
Les carnets du collectionneur de porcelaines chinoises Ernest Grandidier (1833-1912) abondent de mention d’achat au nom de Malinet quoi qu’il ne fût pas son principal fournisseur. ( Source : Notice Agorha "Joseph Malinet" rédigée par Pauline d'Abrigeon )
Ernest Grandidier achète à Ahmed Bey Benaïad des porcelaines chinoises avant 1894 puis au début de l’année 1900. (Source : Chopard, 2021, vol. 2, p. 144)
Année 1870.
Site des chefs d’œuvres de la collection Grandidier.