Éléments des stalles d'Issenheim
Éléments sculptés provenant des stalles de l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim (Haut-Rhin). Les parties structurelles des stalles ont disparu ainsi que de nombreux éléments décoratifs dont la profusion est mentionnée dans les sources. La disposition d’origine des éléments conservés ne peut pas être précisément reconstituée mais quelques hypothèses peuvent être avancées. Les stalles étaient placées dans le chœur dans la partie, longue de 19 m et large de 9 m environ, entre le jubé et le chevet à cinq pans. Le nombre de sièges varie selon les sources et leurs interprétations (54 ou 30 sièges). Les deux jouées (SB.1 e et SB.1 f) datées de 1493 étaient peut-être disposées de part et d’autre de l’entrée du chœur. Elles portent en effet en partie inférieure deux gongs à pointe pour l’une et des traces de fixation de tels gongs pour l’autre, ayant sans doute servi à faire pivoter la partie ouvrante d’une grille (postérieure ?) fermant l’accès au chœur. Deux autres jouées devaient probablement être placées à l’extrémité des stalles le long des murs nord et sud du chœur : la moitié supérieure de l’une a été acquise récemment (2022.1.1). Les quatre dorsaux conservés (SB.1 a, SB.1 b, SB.1 c, SB.1 d) présentent latéralement des traces de fixation sur le bâti des stalles, et sur le bord supérieur, des traces venant peut-être de la fixation du couronnement. Des statuettes appartenaient au décor des stalles, certaines placées sur le chant des jouées (SB.1 g, SB.1 h), d’autres, un peu plus volumineuses (SB.3 a, SB.4 a), peut-être fixées en partie haute des stalles. Deux miséricordes sculptées (SB.3 b, SB.4 b) provenant des abattants des sièges ont été remployées après le démembrement des stalles et transformées en supports des statuettes SB.3 a, SB.4 a. L’emplacement d’origine d’une console avec figure d’Apôtre (SB.2) demeure indéterminé (élément d’un appui-main ou de partie haute ?). Trois Arcs avec réseau d’entrelacs (SB.5, SB.6, SB.7) appartenaient vraisemblablement au couronnement des stalles.
Le programme iconographique général est difficile à définir hormis ses liens avec l’ordre des Antonins, affirmés par la représentation de trois saints : saint Paul de Thèbes, saint Jérôme et saint Augustin (2022.1.1, SB.1 e et SB.1 f) qui sont en place d’honneur sur les jouées. Il est donc possible d’envisager la présence de saint Antoine sculpté en partie haute d’une jouée disparue.
Les autres saints et saintes conservés sont les témoins d’un répertoire, plus vaste à l’origine, de figures habituellement vénérées à l’époque : Barbe, Catherine en partie basse des jouées (SB.1 e et SB.1 f) ; Laurent, Étienne, la Vierge, Joseph et l’Enfant Jésus (SB.1 a, SB.1 b, SB.1 c, SB.1 d) sur les dorsaux ; Marie Madeleine, Urbain, François et Christophe (SB.1 g, SB.1 h, SB.3 a, SB.4 a) représentés sur les statuettes.
Observation, Laurence Brosse, Sophie Guillot de Suduiraut, 2022-2023.
Couche brune (mentionnée par Hugot, avant 1860) et couches de cire appliquées sur le bois.
ANNO M° CCCC° LXXXXIII° IOR (écrit en minuscules « anno m° cccc° lxxxxiii° ior)
année 1493 année (anno millesimo quartogentesimo nonagesimo tertio johr)
Date d’exécution ou d’achèvement des stalles ; « ior », pour le mot alsacien Johr, signifie « année », doublet du mot latin « anno ».
Datées de 1493, année de l’exécution ou de l’achèvement des stalles que fit réaliser Guy Guers, précepteur de la commanderie des Antonins d'Issenheim de 1490 à 1516.
Suisse, Rhin supérieur (Oberrhein), Bâle (Basel)
1493, exécution (ou achèvement) des stalles du chœur de l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim sous le préceptorat de Guy Guers (1490-1516). 1628, mention de cinquante-quatre sièges « […] ornés de cinquante figures et de plus de cent bustes » (Notice sur cette préceptorerie avec la liste de ses précepteurs depuis 1298). 1650, description du chœur « […] travaillé à jour, avec des petites figures d’une menuyserie […] » (Correspondance des précepteurs). 18 décembre 1658, visite du prince Ferdinand qui attribue à Albert Dürer les stalles et le retable (Decreta Capitulorum). 1668, sur un plan de l’église (Plan de la préceptorie, février 1668), le tracé de quatre lignes esquisse la disposition des stalles : deux rangées de douze sièges de chaque côté contre les murs du chœur et six stalles adossées au jubé, face au retable, qui auraient pu être réservées à des religieux de rang élevé. Le total des cinquante-quatre stalles correspondrait ainsi à la description de 1628. Dernier tiers du 17e siècle, mention élogieuse des ornements d’architecture et des stalles du chœur (Fonds de la préceptorie des chanoines réguliers de Saint-Antoine de Vienne). 1695, plan de l’église (Plan de la maison d’Issenheim) donnant un tracé des stalles qui peut être interprété comme la représentation de trente sièges sur une seule rangée ou de cinquante-quatre sur une double rangée. 1781, mention des sculptures des stalles comparées aux statues du retable (Lersé).
1789, décret du 2 novembre instituant que les biens des communautés religieuses sont « mis à la disposition de la nation ». 4 février 1793, visite de la commanderie d’Issenheim par les commissaires du district de Colmar Louis Vaillant et Louis Homberger, suivi de l’inventaire des biens : mention « tout autour du chœur » d’une « boiserie moderne » et des stalles « d’une structure antique » (Vaillant, Homberger). 1794, dans l’inventaire dressé en novembre à Issenheim par les commissaires Jean-Jacques Karpff et Jean-Pierre Marquaire, les stalles ne sont pas mentionnées : elles ont sans doute été dispersées auparavant. 1831 ou 1832, incendie de l’église de la commanderie d’Issenheim (Schmid, p. 103 ; Clementz, p. 249).
3 avril 1853, ouverture du Musée dans l’ancien couvent des Dominicaines d’Unterlinden. Entre 1853 et 1860 dans l’inventaire du musée (Hugot, avant 1860), description des sculptures données par Gustave Saltzmann en 1855-1858 : seize éléments sculptés provenant de la commanderie des Antonins d’Issenheim, non reconnus comme appartenant aux stalles (SB.1 a-h, SB.2, SB. 3a-b, SB.4 a-b, SB.5, SB.6, SB.7). Dans le registre des dons (Registre des dons et acquisitions), seules sont mentionnés sept sculptures (SB.1 g-h, SB.2, SB.3 a-b, SB.4 a-b). Avant 1869, chacun des seize éléments sculptés est présenté séparément dans la « salle des globes » à l’entrée de la nef de la chapelle de l’ancien couvent (Hugot, 1860 : n° 53 à 67, 86 ; Gatineau). 1869, déplacement et présentation sur les murs du chœur autour des sculptures du retable d’Issenheim. Trois photographies des années 1880 témoignent des différents états de cette présentation. Sur l’une, vers 1885 (Gatineau, fig. 7.4), à gauche du retable : les deux dorsaux, Saint Étienne et Saint Joseph (SB.1 a, SB.1 d), présentés chacun sur un socle bas, encadrent le Christ de douleur et sont surmontés des trois reliefs du retable de Thann dont L’Annonciation en partie haute. Sur une photographie de la nef (musée Unterlinden, documentation), prise entre 1869 et 1889 : les trois Arcs avec réseau d’entrelacs (SB.5-7) remplacent L’Annonciation ; à droite du retable, on distingue : la jouée Saint Jérôme et sainte Catherine (SB.1 e) avec la statuette Sainte Marie Madeleine (SB.1 g), les deux statuettes Saint François et Saint Christophe (SB.3, SB.4), surmontés d’un dais, élément du couronnement du retable d’Issenheim, et, peut-être la jouée Saint Augustin et sainte Barbe (SB.1 f) masquée par un panneau peint. Une carte postale, après 1889 (Strasbourg, BNU) montre un état un peu différent : la jouée Saint Augustin et sainte Barbe avec la statuette Saint Urbain (SB.1 h) est bien visible ainsi que Saint Christophe, placé au-dessus d’un dorsal (La Vierge ?) et surmonté par La Nativité du retable de Thann, la console Apôtre (SB.2) a été ajoutée à la présentation. 1900, pour la première fois, mention du terme stalle (Chorgestühl) ; seuls deux dorsaux et les deux jouées avec leurs statuettes sont cités (Haussmann). Avant ou en 1924, montage factice réunissant les quatre dorsaux, les jouées et leurs deux statuettes, et complété par une corniche, un banc et un soubassement, exposé sur le mur sud dans la chapelle (montage publié sous un seul numéro d’inventaire : Champion, n° 101) ; autres éléments présentés séparément dans la chapelle (Champion, n° 102-106, 108). Avant 1946, fixation de la console Apôtre dans le montage, au milieu des dorsaux (cliché Centre de Recherche des Monuments Historiques, 1946, Waltz, 1951, n° 110). 1950-1960, présentation en vitrine des Arcs avec réseau d’entrelacs, des statuettes de Saint Christophe et Saint François. Vers 1980 (?), console Apôtre retirée du montage et placée en réserve. 1994, fonction d’origine des supports des statuettes de Saint François et Saint Christophe reconnue : miséricordes (Fréchet).
2013, déplacement, dans la salle de l’art de Bâle et de la Souabe au rez-de-chaussée, du montage des stalles (suppression de la corniche, du banc et du soubassement réalisés vers 1924), des statuettes Saint Christophe et Saint François sur leurs supports, et mise en réserve des Arcs avec réseau d’entrelacs. 2022, acquisition du relief supérieur d’une jouée Saint Paul de Thèbes (2022.1.1).
Les dix-sept éléments, vestiges des parties sculptées des stalles d’Issenheim.
« Nam anno 1493 sedilia in choro egregio opere curavit fieri numero quinquaginta quatuor in quibus sunt quinquaginta figura et centum amplius busta » (En 1493, Guers a fait faire dans le chœur des stalles d’un travail remarquable, au nombre de 54, ornées de 50 figures et de plus de cent bustes. Traduction Élisabeth Clementz, 1998, p. 269, note 151).
Le 25 septembre 1650, un vicaire de l’abbé général décrit le chœur de l’église : « Le chœur tout entier est tout entier travaillé à jour, avec des petites figures d’une menuyserie approchant celle des Dominicains de Troyes ». (Édition Élisabeth Clementz, 1998, p. 249).
« […] le prince Ferdinand vient contempler l’œuvre de Grünewald, et explique aux religieux que l’auteur des stalles et du maître-autel s’appelle Albert Dürer […] » (Élisabeth Clementz, 1998, p. 290).