Saint Augustin, sainte Barbe
Jouée des stalles du chœur de l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim (Haut-Rhin), représentant au registre supérieur saint Augustin, et inférieur sainte Barbe.
Observation, Laurence Brosse et Sophie Guillot de Suduiraut, 2022-2023.
Jouée sculptée dans une pièce de bois (chêne) : au registre supérieur, relief ajouré, sculpté (saint Augustin) ; au registre inférieur, relief au revers plat (sainte Barbe) ; entre les deux reliefs, bandeau portant une inscription ; sur le chant senestre : une colonnette polygonale comportant une base et deux chapiteaux ornés de feuillages, deux éléments en forme de larmier et un talus à hauteur du bandeau ; une statuette (Saint Urbain, SB.1 h) est assemblée sur le chapiteau en partie supérieure.
1) Registre supérieur de la jouée : saint Augustin, relief ajouré au revers sculpté. La figure du saint est encadré par deux rameaux latéraux écotés qui se rejoignent en s’incurvant au-dessus de sa tête et se terminent par plusieurs rinceaux occupant plus d’un tiers du relief.
-Traces de fixation sur les bords latéraux (soit fixation du relief sur le bâti des stalles, soit fixation d’éléments décoratifs assemblés au relief, soit fixations lors d’interventions postérieures) : sur la face, deux petites cavités ; au revers, une cavité (h. 4 cm ; L. 3,5 cm environ) et plusieurs petites cavités.
-Trace de fixation sur le chant dextre : une cavité (diamètre : 1 cm environ) comblée par un reste de cheville ayant peut-être servi à fixer un élément décoratif au-dessus d’une statuette ; traces de colle.
- Léger évidement sur le chant dextre au-dessus de la statuette (saint Urbain, SB.1 h) indiquant peut-être l’emplacement d’une statuette de plus grande taille à l’origine ; deux cavités rectangulaires de part et d’autre de l’évidement.
-Plusieurs fentes notamment ouvertes sur le bord supérieur et les rinceaux ; fentes fines sur les mains et les plis de l’aube.
-Manques : plusieurs parties des rinceaux, plusieurs feuillages des deux chapiteaux de la colonnette ; éclats sur la volute de la crosse et le bord des vêtements.
-Quatre traces de brûlure, une dans les plis du vêtement et trois sur les bords de part et d’autre du relief.
2) Registre inférieur de la jouée : sainte Barbe, relief au revers plat. Figure de la sainte encadrée par deux rameaux latéraux écotés qui se rejoignent en s’incurvant au-dessus de sa tête et se terminent par plusieurs rinceaux partiellement détachés du fond.
-Au revers, lignes incisées dans le bois pour repérer les parties à évider : parties semi-circulaire et rectangulaires (avec retaille ?) correspondant au siège et à l’abattant
-Plusieurs fentes verticales ; un nœud et des fentes sur un pli de la robe dans la partie inférieure.
-Pièce de bois assemblée sur le nez.
-Manques : seins et bouche de la sainte arasés, un fleuron de la couronne à senestre, plusieurs parties des rinceaux, arrachement à l’angle du relief sur le bord inférieur à dextre ; éclats sur les bords des vêtements, les saillies des plis, les fleurons de la couronne, les bords du calice, l’œil gauche de la sainte.
-Traces de fixation (postérieures) sur le bord dextre du relief : deux cavités rectangulaires (0.5 cm x 1 cm correspondant probablement aux gongs ayant servi à faire pivoter la partie ouvrante d’une grille de fermeture du chœur ; plusieurs petites cavités circulaires (diamètre : 0,2 cm environ).
Couche brune (mentionnée par Hugot, avant 1860) et couches de cire appliquées sur le bois.
Traces de polychromie : rouge sur les lèvres, noir sur les iris et les pupilles.
La jouée
ANNO M° CCCC° LXXXXIII° IOR (écrit en minuscules « anno m° cccc° lxxxxiii° ior »)
année 1493 année (anno millesimo quartogentesimo nonagesimo tertio johr)
Date d’exécution ou d’achèvement des stalles ; « ior », pour le mot alsacien Johr, signifie « année », doublet du mot latin « anno ».
Saint Augustin (354-430), est l’un des quatre Pères de l’Église latine, avec saint Amboise, saint Grégoire et saint Jérôme. L’évêque d’Hippone, coiffé d'une mitre et vêtu d'une chape laissant voir l’amict, tient la hampe d'une crosse dans la main gauche et un livre ouvert dans la dextre. Certains de ses écrits sont à l’origine du texte de la règle de saint Augustin qui ordonne la vie de communautés religieuses au Moyen Age. Dans les établissements des Antonins, l’image de saint Augustin peut être ainsi associée aux figures de saint Antoine et de saint Paul de Thèbes, en référence à la règle augustinienne que suivaient les religieux antonins.
Sainte Barbe est représentée avec ses attributs habituels, le calice et la tour. La vie de sainte Barbe se déroule au 3e siècle selon les récits légendaires rapportés depuis le 9e siècle et enrichis au 15e siècle. Pour avoir refusé de renoncer à sa foi chrétienne, Barbe fut enfermée dans une tour puis décapitée par son père Dioscure. Au moment de mourir, elle adressa à Dieu une prière en faveur de tous ceux qui l'invoqueraient pour avoir l'assurance de recevoir les sacrements avant d’expirer : ainsi sainte Barbe protège-t-elle de la mort subite. Le calice que tient la sainte évoque la dernière communion reçue par les agonisants et son rôle de protectrice des mourants. Comme sainte Catherine, sainte Barbe est une figure secourable très populaire à la fin du Moyen Âge. Elle est rangée parmi les Quatorze Intercesseurs, quatorze saints ayant le pouvoir d’intercéder auprès de Dieu pour l’humanité en péril de mort ou d’épidémies, selon la vision d’un jeune berger allemand au 14e siècle. Les deux saintes sont souvent associées dans les représentations.
Stalles datées de 1493, année de l’exécution ou de l’achèvement des stalles que fit réaliser Guy Guers, précepteur de la commanderie des Antonins d'Issenheim de 1490 à 1516.
Suisse, Rhin supérieur (Oberrhein), Bâle (Basel)
Statuette provenant des stalles de l'église de la commanderie des Antonins d'Issenheim, datées de 1493, année de l’exécution ou de l’achèvement des stalles que fit réaliser Guy Guers, précepteur de 1490 à 1516. Stalles mentionnées aux 17e et 18e siècles. Citées en 1793 dans l’inventaire des biens de la commanderie d’Issenheim et sans doute dispersées avant la fin de 1794. Collection Gustave Saltzmann (Colmar, 1811- Nyons, 1872). Don Gustave Saltzmann en 1858.
[p. 113] « Nous observons qu’il règne tout autour du chœur une boiserie moderne en panneaux de bois de chêne, mais que les stalles qui sont aussi en chêne sont d’une structure antique ».
p. 92 (« deux panneaux sculptés en bas-relief représentant, en hauteur, superposés, le premier : 1. Un évêque [Saint Augustin], […] au-dessous : 2. Ste Barbe […] Ils ont reçu une couleur brune », bois de chêne, provient d’Issenheim, fin du 15e siècle, 1493, don Gustave Saltzmann).
p. 31, nos 53-54 (idem).