Partie supérieure d’une jouée des stalles du chœur de l’église de la commanderie des Antonins d’Issenheim (Haut-Rhin).
Observation, Sophie Guillot de Suduiraut, Laurence Brosse, 2022-2023.
Relief ajouré au revers sculpté, taillé dans une pièce de bois (chêne).
La figure du saint est encadrée par deux rameaux latéraux écotés qui se rejoignent en s’incurvant au-dessus de sa tête et se terminent par plusieurs rinceaux occupant plus d’un tiers du relief.
- Tracé sur le bord supérieur, face : ligne horizontale incisée dans le bois au trusquin pour repérer pour repérer la partie à évider.
- Traces de fixation sur le bord supérieur : deux cavités avec restes de chevilles (diamètre : 1 cm environ) qui ont peut-être servi à la fixation d’un élément du couronnement d’origine ; au revers, une cavité avec restes de chevilles et deux cavités (diamètre : 0,5 cm environ) peut-être d’origine mais réutilisées pour insérer des vis (20e siècle).
- Une cavité avec reste de cheville au revers, côté senestre.
- Plusieurs fentes verticales.
- Manques : plusieurs parties des rinceaux, extrémité du pied droit ; arête du nez et extrémité du pied gauche arasées ; arrachement sur le bord inférieur (attestant que la sculpture a été détachée brutalement de la jouée à laquelle elle appartenait) ; éclats sur les boucles des cheveux, les feuilles de la tunique, les bords du relief.
La couche noire, visible au revers et à l’intérieur des rinceaux sur la face, a été probablement supprimée sur la face.
Ce personnage en prière, qui présente les caractéristiques d’un ermite, barbe abondante et longs cheveux, pieds nus et vêtement de feuilles, a été tour à tour identifié à saint Paul de Thèbes et à saint Onuphre. Les deux anachorètes de la Thébaïde se sont retirés dans le désert pour mener une vie ascétique. Le récit fictif de la vie de saint Paul a été rédigé par saint Jérôme (Vita Sancti Pauli eremitae) et popularisé par la Légende dorée. Pour échapper aux persécutions des chrétiens vers le milieu du 3e siècle, Paul s’enfuit dans le désert où il demeura soixante ans. À ce titre, il était considéré comme le premier des ermites. La visite d’Antoine, qui croyait être lui-même le premier à mener une vie érémitique, est un épisode très connu et souvent illustré (D-SB.33). Apprenant l’ancienneté de Paul, Antoine vint lui rendre visite et partagea avec lui la double ration de pain apportée miraculeusement par un corbeau. Après la mort de Paul, Antoine prit la tunique faite de palmes tressées que portait l’ermite. Relatée par le moine Paphnuce, la vie légendaire de l’ermite Onuphre reprend plusieurs traits de celle de saint Paul de Thèbes. Onuphre a quitté son monastère pour habiter un lieu isolé, près d’un palmier et d’une source, où il vécut soixante ans (au 4e siècle et au début du 5e), vêtu d’une tunique de palmes et nourri par un ange qui lui apportait un pain et lui donnait la communion chaque semaine.
Ainsi les deux anachorètes peuvent-ils être chacun représentés avec un vêtement de feuilles, signe d’une vie d’ascèse et de pénitence dans la solitude. L’habit est plus court ou en forme de ceinture pour Onuphre, figuré souvent hirsute et velu, en « homme sauvage ». En Occident, les palmes des arbres du désert peuvent être remplacées par des feuilles d’arbres locaux, telles ici les feuilles de chêne. Schématiques mais reconnaissables, elles évoquent celles de la tunique d’un Saint ermite (Onuphre ?) sur le retable de Bergheim (SB.28). Saint Paul de Thèbes revêt aussi une tunique de feuilles de chêne, plus longue, sur des sculptures du 15e siècle de l’ancienne commanderie des Antonins à Höchst près de Francfort : sur les jouées des stalles et les statues de la façade de l’église, la figure de saint Paul tenant un chapelet est en outre placée en pendant de celle de saint Antoine.
L’absence d’attributs significatifs, comme l’hostie pour saint Onuphre ou le corbeau et le pain pour saint Paul, rend délicate l’identification de l’ermite sculpté sur la jouée des stalles d’Issenheim. Néanmoins, l’appartenance de la sculpture à un ensemble provenant d’une commanderie de l’ordre de saint Antoine engage à reconnaitre ici une représentation de l’ermite saint Paul. Dans un établissement des Antonins, il est naturel de trouver associée l’image de saint Paul de Thèbes aux figures de saint Antoine et de saint Jérôme, de même qu’à celle de saint Augustin (les religieux antonins suivaient la règle augustinienne). Comme Paul, Jérôme et Augustin sont en place d’honneur sur les jouées conservées des stalles d’Issenheim, la présence de saint Antoine, sculpté en partie haute d’une jouée disparue, est très probable.
Stalles datées de 1493, année de l’exécution ou de l’achèvement des stalles que fit réaliser Guy Guers, précepteur de la commanderie des Antonins d'Issenheim de 1490 à 1516.
Suisse, Rhin supérieur (Oberrhein), Bâle (Basel)
Relief provenant des stalles de l'église de la commanderie des Antonins d'Issenheim, datées de 1493, année de l’exécution ou de l’achèvement des stalles que fit réaliser Guy Guers, précepteur de 1490 à 1516. Stalles mentionnées aux 17e et 18e siècles. Citées en 1793 dans l’inventaire des biens de la commanderie d’Issenheim et sans doute dispersées avant la fin de 1794. Collection de Madame D. Vente Tessier-Sarrou, Paris, Hôtel Drouot, 1er avril 2022, n° 195.
p. 82, lot n° 195 (« Élément de jubé ou boiserie de stalles en chêne sculpté à claire-voie à décor de saint Paul ermite habillé de feuille de chêne stylisé ; il est entouré de deux colonnes torses à l’extrémité écotée et s’emmêlant en amples rinceaux, vers 1520/1530 »).
« […] attribué à un atelier bâlois actif à la fin du XV siècle. Le vieillard en prière vêtu de feuillages est saint Onuphre. […] ».