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Guimet, Émile

Statut
Publiée
Contributeur
lbaumel
Dernière modification
17/04/2024 10:15 (il y a 7 mois)
Type de personne
Type de personne : 
Noms
Nom : 
Guimet
Prénom : 
Émile
Sexe : 
Nationalité : 
Nom : 
Guimet
Prénom : 
Marie Melchior Joseph Théodose
Qualificatif : 
Naissance et mort
Date de naissance : 
2 juin 1836
Lieu de naissance : 
Date de mort : 
12 octobre 1918
Lieu de mort : 
Commentaire Lieu de mort : 

Fleurieu-sur-Saône

Adresses
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1844 - 1918
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1854 - 1899
Adresse : 

Château de Demigny

Code postal : 
71150
Ville : 
Professions / activités
Type de profession / activité : 
Institution : 
Date d'activité : 
1860 - 1904
Type de profession / activité : 
Date d'activité : 
1868 - 1918
Type de profession / activité : 
Lieu institution : 
Date d'activité : 
1879 - 1918
Biographie
Commentaire biographique : 

À première vue, Émile Guimet apparaît comme une figure emblématique du grand bourgeois, mélomane, sensible à l’art, qui collecte au gré de ses voyages grâce à une fortune personnelle héritée de l’usine paternelle qu’il fait fructifier. Mais sous ces dehors lisses, l’homme est singulier. Très vite, il décide de créer un musée, à partir des collections ramenées, puis suivant un plan d’acquisition réfléchi. Ce sera un musée d’histoire des religions, en cette fin de XIXe siècle tiraillée en France par des tensions autour du rôle de la religion. « Un musée religieux, contenant tous les dieux de l’Inde, de la Chine, du Japon, de l’Égypte, de la Grèce et de l’Empire romain », annonce le Catalogue des objets exposés sous la plume du premier conservateur, Léon de Milloué (1842-192?) en 1880 (p. 2).

Émile Guimet naît à Lyon en 1836 d’un père polytechnicien (Jean-Baptiste Guimet, 1795-1871), créateur du « bleu Guimet », colorant artificiel outremer appelé à de nombreuses déclinaisons industrielles, alors que sa mère, Rosalie Bidauld (1798-1876), est une femme peintre reconnue et excellente musicienne. Sciences appliquées et arts président à son éducation dont on sait peu de choses, sans doute dispensée à demeure, solidement classique comme le dévoilent ses écrits et ses références à la Grèce ou à Rome. Il reprend l’usine paternelle en 1860 et s’inquiète du bien-être de ses ouvriers, comme il l’explique en 1904 lors du jubilé du musée : « Fils d’industriel, chef d’usine moi-même, j’avais passé ma vie en contact avec les ouvriers, je m’étais constamment occupé de leur donner la santé de l’esprit et le bien-être du corps. Je fondais des écoles, des cours, des sociétés musicales, des associations de secours mutuel, et je constatais que les créateurs de systèmes philosophiques, les fondateurs de religions avaient eu les mêmes pensées » (Guimet, 1904, p. 8). De la philanthropie à la philosophie puis à la religion, cette phrase résume admirablement la quête d’Émile Guimet.

Les rouages de l’entreprise en mains, il peut envisager de voyager. En 1862, au cours d’un tour d’Espagne avec son ami Henri de Riberolles (1837-1908), tous deux s’initient à la cuisine à l’huile d’olive et visitent les musées. Guimet en fait le récit dans de longues lettres à sa mère, publiées par la suite (Guimet, 1862). Puis arrive l’expérience qui orientera définitivement sa vie. « En 1865, j’entreprenais, comme tout le monde, un voyage de touriste en Égypte. La vue des monuments, les visites au Musée de Boulacq, la lecture du merveilleux catalogue rédigé par Mariette, attrayant même pour les profanes, tout cela avait ouvert mon esprit aux choses des temps passés et particulièrement aux croyances encombrantes dont les symboles se déroulent en Égypte sur des kilomètres de murailles » (Guimet É., 1904, p. 5).

Le musée de Boulaq, qu’il visite plusieurs fois, l’enthousiasme au plus haut point. De retour à Lyon, Guimet se lance dans une frénésie d’achats : « Un petit musée d’Italie était à vendre, tombeaux étrusques, portraits funéraires et statues d’orantes, le tout en terre cuite. Je soldai le petit musée. Un marchand de Lyon avait acheté la collection égyptienne de l’abbé Greppo, je ramassai le tout. Un jour j’achetai une momie : quelle joie ! Puis une autre. Pour gagner mon lit j’étais obligé d’enjamber les cadavres. Je changeai de chambre » (Guimet É., 1904, p. 6).

Les années suivantes, il mène de front ses tâches de patron d’industrie, des activités scientifiques et études en égyptologie, des voyages (Grèce et Algérie). Membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, il participe au premier congrès des orientalistes à Paris organisé par Léon de Rosny en 1873, puis en 1874 au congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques à Stockholm. De là, une escapade le conduit à Copenhague pour en visiter les musées, dont la rigueur l’impressionne, des modèles « soit comme clarté de système d’administration, soit comme moyens d’exhibitions, soit comme clarté de classement », comme il le dit dans les Esquisses scandinaves publiées l’année suivante (Guimet É., 1875, p. 20). Il relève notamment le rôle indispensable des conservateurs en tant que passeurs de savoir : « Chaque musée a un nombreux personnel de conservateurs qui se divisent le travail, mais leur rôle est surtout l’enseignement, la démonstration des objets catalogués » (Guimet É., 1875, p. 21).

L’égyptologie le passionne, il lit Champollion, s’initie aux hiéroglyphes, pourtant il lui semble que quelque chose manque : « Des comparaisons s’imposaient avec les autres civilisations archaïques. Il fallait tourner mes regards vers l’Inde, la Chaldée, la Chine » (Guimet É., 1904, p. 8). Lors du jubilé du 25e anniversaire de la fondation de son musée, il précise : « Quand on veut vraiment apprécier les civilisations anciennes ou exotiques qui faisaient l’objet de mes préoccupations, on doit faire abstraction de ses propres croyances, se dépouiller des idées toutes faites données par l’éducation, par l’entourage. Pour bien saisir la doctrine de Confucius, il est bon de se donner l’esprit de lettré chinois ; pour comprendre le Bouddha, il faut se faire une âme bouddhique. Mais comment y arriver par le seul contact des livres ou des collections ? [...] Il est indispensable de voyager, de toucher le croyant, de lui parler, de le voir agir. Aussi, je me décidai à faire le tour du monde, à visiter le Japon, la Chine, l’Inde, comme j’avais fait de l’Égypte et de la Grèce » (Guimet É., 1904, p. 9).

C’est dit, Émile Guimet va faire le tour du monde. Première étape, sans doute celle qui lui a fait imaginer ce périple, l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, où il présente ses produits. Félix Régamey (1844-1907), peintre et dessinateur ami établi aux États-Unis le retrouve ; il a accepté de l’accompagner pour la suite du voyage en qualité de dessinateur, chargé de documenter la mission, mais aussi d’interprète car Guimet manie mal l’anglais. Ils traversent les États-Unis en train jusqu’à San Francisco, débarquent à Yokohama. Première étape, le Japon fascine nos deux voyageurs. Guimet est porteur d’un ordre de mission officielle signé par le ministre de l’Instruction publique dans le but d’étudier les religions d’Extrême-Orient. Ce document lui sera fort utile au Japon, où il sera reçu avec tous les égards dus à sa mission, même si le financement lui incombe totalement. Guimet peut ainsi interroger prêtres et moines, visiter sanctuaires et temples, consigner les réponses à ses questionnaires pendant que Régamey accumule les croquis. Guimet achète à tour de bras, livres, statues et objets de culte, dans un climat favorable à la collecte en pleine vague antibouddhique. Toujours passionné de céramique, il ne se prive pas d’en faire ample moisson. Mais surtout il commande à un sculpteur réputé une copie au tiers de taille du célèbre mandala du temple du Tō-ji, pièce maîtresse de son futur musée. Cette partie du voyage donnera lieu à la publication d’un récit en deux volumes, Promenades japonaises, écrit par Guimet et illustré par Régamey, publiés en 1878 et 1880.

Puis ils rallient la Chine, où la situation est bien moins propice ; instabilité politique, marasme économique, épidémies, sentiments anti-étrangers les incitent à se hâter. Retour par le canal de Suez via Singapour, Ceylan, l’Inde, ils arrivent à Marseille en mars 1877. Rapidement, Guimet adresse un rapport détaillé de sa mission au ministre, où il détaille les résultats de son enquête scientifique. Il évoque les réunions officielles tenues au Japon : « Dans ces réunions, les plus savants docteurs répondirent de fort bonne grâce à toutes mes questions, me firent présent de livres religieux et d’objets sacrés, m’indiquèrent les ouvrages que je devais me procurer pour bien connaître leurs idées, et rédigèrent des réponses simples et claires à des demandes que je leur laissais par écrit, sur la création, l’intervention divine, la prière, les miracles, la vie future et la morale » (Guimet É., 1877, p. 2-3). En Chine : « je me suis heurté en Chine à l’indifférence des mandarins, à l’hostilité des prêtres locaux et au manque complet d’interprètes chinois parlant français » (Guimet É., 1877, p. 5). Pour l’Inde et Ceylan, il se contente d’évoquer les contacts pris avec des savants et moines, ainsi que le futur recrutement de deux jeunes gens susceptibles de rejoindre l’école de langue envisagée au même titre que le musée, pour enseigner le sanscrit et le cinghalais.

Il dénombre les objets et ouvrages collectés. Au Japon : « […] plus de trois cents peintures japonaises religieuses, six cents statues divines et une collection de plus de mille volumes soigneusement catalogués en chinois ou japonais et en français. » En Chine : « La bienveillance des missionnaires catholiques et protestants m’a mis à la tête d’une bibliothèque religieuse chinoise presque aussi considérable que celle que j’ai rapportée du Japon ; cette collection se complétera par correspondance, et j’espère aussi la doubler peu à peu des représentations sculptées ou peintes de toutes les divinités du Céleste-Empire. » Pour l’Inde : « Les savants que j’ai eu l’honneur de voir ont bien voulu me dresser des listes de tous les livres spéciaux que je pourrai trouver à Londres ou à Paris ; ils se sont chargés, en outre, de me procurer tous les travaux locaux publiés en brochures, et qu’on ne peut trouver en Europe. C’est également grâce à leur obligeance que je pourrai avoir peu à peu une collection aussi complète que possible de toutes les représentations divines du pays, et aussi de tous les vases sacrés et objets symboliques qui servent au culte des différentes sectes » (Guimet É., 1877, p. 8). Car le futur musée est déjà préfiguré, comme il l’explique au ministre : un musée religieux, « qui contiendra tous les dieux de l’Inde, de la Chine, du Japon et de l’Égypte. Ces deux dernières collections sont déjà complètes ; une bibliothèque des ouvrages sanscrits, tamoul, singalais, chinois, japonais et européens, traitant particulièrement les questions religieuses ; près de trois mille volumes sont déjà rassemblés ; une école, dans laquelle les jeunes orientaux pourront venir apprendre le français, et les jeunes Français pourront étudier les langues mortes ou vivantes de l’Extrême Orient ». Un imposant programme de publications doit servir la communauté des savants et étudiants, tout comme le grand public.

Bien entendu, le musée sera construit à Lyon car Guimet, très attaché à sa région, prône avant l’heure la décentralisation scientifique. « J’ai tout lieu de supposer que cette institution, aussi utile aux intérêts commerciaux qu’à la philosophie et à la philologie, sera fréquentée par les nombreux jeunes gens de Lyon, qui se destinent au commerce extérieur ou que l’éloignement de la capitale prive des moyens de se livrer aux études des langues. »

Toujours à Lyon, Guimet s’embarque simultanément dans une aventure qui faillit le ruiner, la construction du théâtre Bellecour, inauguré en 1879. De facture classique, inspiré de l’opéra Garnier, mais résolument exotique, avec sa Salle indienne, un diorama changeant, un restaurant à la décoration égyptienne ; l’affaire périclite et sera cédée à la ville de Lyon en 1892.

En 1879 ouvre enfin le musée de l’histoire des religions et des civilisations occidentales. Le premier mouvement d’intérêt passé, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions ; notamment l’école ne verra pas le jour. Guimet en prend acte, comme il le rappelle lors du jubilée : « Je m’aperçus qu’à Lyon ne venaient pas les savants, archéologues, philosophes, philologues, qui auraient pu m’être utiles, que là n’aboutissaient pas les documents nécessaires. De plus les érudits qui pouvaient s’intéresser au musée se trouvaient rarement en province, tandis qu’à toutes occasions ils visitaient Paris. J’avais fait avec nos publications, nos conférences, les voyages organisés, les fouilles entreprises, les indigènes rassemblés, une sorte d’usine scientifique, et je me trouvais loin de la matière première et loin de la consommation. Dans ces cas-là on déplace l’usine, c’est ce que je fis : je transportai le musée à Paris » (Guimet É, 1904, p. 15).

Au terme de longues et âpres négociations, Guimet obtient un terrain à Paris, où est construit largement à ses frais et à l’identique l’actuel musée Guimet inauguré en 1889. Il fait don de ses collections à l’État, lequel en contrepartie en assure le fonctionnement. Il est nommé directeur à vie sans émoluments, mais avec un droit de regard sur le recrutement du personnel. Le fidèle Léon de Milloué suit donc le mouvement et signe en 1890 le premier Petit guide illustré du musée Guimet, dont le directeur reste très impliqué dans la vie quotidienne de l’établissement. Les acquisitions posent un réel problème car aucune ligne budgétaire n’est prévue par l’État, obligeant le directeur à acheter sur ses deniers propres, ce qui contribuera à compliquer les attributions par la suite. Mais il sait susciter des dons, suit les échanges de la bibliothèque, commande des missions de collectes et de fouilles, intervient dans les conférences, gratuites et ouvertes à tous, suit l’activité éditoriale particulièrement riche. Outre les Annales du musée Guimet la Grande bibliothèque, les bibliothèques d’étude, de vulgarisation, d’art, la Revue de l’histoire des religions permettent de documenter l’actualité scientifique menée par le musée. Publications et conférences représentent pour Guimet un élément primordial de partage du savoir et un instrument utile de communication, surtout les conférences, qui rapidement bénéficient des avancées de la science pour offrir des projections lumineuses. La bibliothèque, au cœur du dispositif muséal, apporte textes et explications sur les religions et divinités exposées de façon très didactique, suivant les préceptes tirés des enseignements des musées de Boulaq et Copenhague. « Un musée des religions étant avant tout une collection d’idées, les questions d’art et d’archéologie ne pouvaient y tenir qu’une place secondaire. Nous nous sommes donc attachés avant tout à la clarté de la démonstration. Prenant chaque peuple, nous avons soigneusement séparé ses croyances, en les subdivisant encore d’après leurs principales sectes, toutes les fois que la précision de nos renseignements nous l’a permis. Dans chacune de ces divisions, nous avons groupé les diverses représentations d’une même divinité de façon à faire ressortir son importance », explique Milloué dans le Catalogue du musée (Milloué de L., 1883, p. X-XI).

En 1877, Guimet épouse Marthe Sanlaville (1857-1915) sœur cadette de Lucie Sanlaville, sa première épouse, décédée trois mois après leur mariage en 1868. En 1880 naît Jean Guimet (décédé en 1920 dans un accident). Jusqu’à sa disparition en 1918, Guimet continue de gérer de front l’usine, le musée, ses activités scientifiques (congrès des orientalistes à Rome en 1899, congrès internationaux d’histoire des religions), ses charges institutionnelles (Société asiatique, Société franco-japonaise de Paris, Société française des fouilles archéologiques, Commission archéologique de l’Indochine), des voyages (Égypte, Turquie, Grèce, Italie, Roumanie, Allemagne). Un seul musée ne lui suffit pourtant plus : en 1913, est inauguré un nouveau musée Guimet à Lyon pour accueillir les objets en double à Paris, par prêts ou dépôts. Les négociations, encore une fois, sont ardues, comme s’en plaint le directeur de l’Enseignement supérieur : « Certainement, Guimet est un infatigable donateur, mais c’est aussi un terrible entêté, avec lequel il n’est pas facile de s’entendre administrativement. Voilà deux mois au moins que je le prie de soumettre au ministre le texte de la convention qu’il veut négocier avec la Ville de Lyon, la liste exacte des objets appartenant au musée qu’il veut déporter à Lyon. Je ne puis l’obtenir. » (S. R., 1918, p. 342). De Paris à Lyon, l’attribution de nos jours de certains objets s’avère délicate, tant les questions d’ordre administratif rebutaient Guimet.

Mais il cultive également une autre de ses passions, la musique. Créateur de chorales, d’un orphéon et d’une fanfare dans les environs de l’usine, il a également composé des chansons publiées en recueil en 1863, des oratorios. En 1894, son opéra Taï-Tsoung sur un argument chinois est représenté à Marseille et accueilli favorablement d’après la presse locale. La musique est pour lui un élément de progrès social depuis toujours. De son premier voyage en Espagne, il raconte : « Pendant que les voyageurs soupent, nous faisons un tour de ville et je trouve Quoi ?... une fanfare de jeunes ouvriers qui sortent de leur répétition. Je ne m’étonne plus maintenant des progrès étonnants que les Espagnols ont faits dans la civilisation depuis deux ou trois ans ; ils ont des Fanfaristes en béret et en ceinture rouge, l’Espagne est sauvée ! » (Guimet É, 1862, p. 16).

Officier de la Légion d’honneur en 1895 (LH//1244/25), commandeur de l’Ordre du Trésor sacré du Japon (1899), chevalier de l’ordre royal du Cambodge, lauréat du prix Lefèvre-Deumier attribué par l’Académie (1908), Guimet est enfin élu membre correspondant de l’Institut en 1917. Cette reconnaissance tardive traduit sans doute le fossé qui sépare la science patentée d’un personnage trop souvent relégué au rang de simple mécène autodidacte, comme si sa richesse ternissait ses réalisations pourtant bien pérennes. Cet homme avait son franc-parler et un certain sens de l’humour, à preuve cette remarque au détour de ses Croquis égyptiens, où il commente les scènes d’offrandes royales au regard des pratiques répandues dans la société égyptienne : « […] les Égyptiens, comme on le voit, savaient que les petits cadeaux entretiennent l’amitié, et la moralité de ces représentations est que le bakshish, étant agréé avec plaisir par Ammon ou Isis, peut être déclaré d’institution divine » (Guimet É., 1867).

Après son décès, l’orientation scientifique du musée évoluera vers une clarification du propos et l’accent portera de plus en plus sur l’art et l’archéologie, notamment pour valoriser des collections nouvelles. Laissons le dernier mot au conservateur, Alexandre Moret (1868-1938) qui prit sa suite, dans le Bulletin archéologique du musée Guimet en 1921 : « Réunir et classer images divines et objets de culte de l’Orient ancien et moderne en vitrines bien closes, étiqueter dogmes et rituels sur les rayons d’une bibliothèque, ne lui suffisait point : son ambition était d’initier le grand public aux origines des problèmes philosophiques et religieux, d’agir sur lui par la conférence et le livre, de solliciter les recherches des savants et de les rendre accessibles à tous ceux qui sont épris d’art et de pensée religieuse » (fasc. 1, p. 7).

Article rédigé par Cristina Cramerotti

Commentaire biographique : 

At first sight, Émile Guimet would seem emblematic of the bourgeoisie: a lover of music, sensitive to art, a collector on his travels thanks to a personal fortune inherited from his father’s factory, which he made profitable. Undeer this polished exterior, however, the man was unique. Early on, he resolved to create a museum from the collections he amassed, and then followed a thoughtfully laid out plan of acquisition. It was to be a museum of the history of religions, opening at the end of the 19th century in a France torn between tensions around the role of religion in society. "A museum of religion, including all the gods of India, China, Japan, Egypt, Greece, and the Roman Empire", announces the Catalogue des objets exposés written by the first curator, Léon de Milloué (1842-192?) in 1880 (p. 2).

Émile Guimet was born in Lyon in 1836 to a polytechnician father (Jean-Baptiste Guimet, 1795-1871), creator of "guimet blue", an artificial dye used in many industrial variations, while his mother, Rosalie Bidauld (1798-1876), was a recognised painter and outstanding musician. His education, about which few precise details are known, was dominated by applied sciences and arts, and undoubtedly provided at home; it must also have been solidly classical, as indicated by his writings and his references to Greece or Rome. He took over his father's factory in 1860 and worried about the well-being of his workers, as he explained in 1904 during the museum's jubilee: "Son of an industrialist, factory manager myself, I had spent my life in contact with the workmen, I had constantly occupied myself with giving them health of mind and well-being of body. I founded schools, courses, musical societies, mutual aid associations, and discovered that the creators of philosophical systems, the founders of religions, had had the same thoughts” (Guimet, 1904, p. 8). From philanthropy to philosophy and then to religion, this sentence admirably sums up Émile Guimet's quest.

With the reigns of the business in hand, he began to consider traveling. In 1862, on a tour of Spain with his friend Henri de Riberolles (1837-1908), the pair discovered cooking with olive oil and visited museums, as Guimet recounts in long letters to his mother, subsequently published (Guimet, 1862). Then came the experience that would definitively guide his life. “In 1865, like everyone else, I was on a tourist trip to Egypt. The sight of the monuments, the visits to the Musée de Boulacq, the reading of the marvellous catalogue drawn up by Mariette, attractive even to the profane, all this opened my mind to the things of times past and particularly to the weighty beliefs whose symbols are visible in Egypt over miles of walls” (Guimet É., 1904, p. 5).

The Musée de Boulaq, which he visited several times, excited him to the highest degree. Back in Lyon, Guimet embarked on a shopping spree: “A small Italian museum was for sale, Etruscan tombs, funerary portraits and statues of prayers, all in terracotta. I bought the little museum. A dealer in Lyon had bought Abbé Greppo's Egyptian collection, and I picked it all up. One day I bought a mummy: what joy! Then another. To reach my bed, I had to step over the corpses. I changed rooms” (Guimet É., 1904, p. 6).

In the following years, he focused on his tasks as a head of industry, his scientific activities and studies in Egyptology, and his journeys (Greece and Algeria). As a member of the Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, he took part in the first congress of orientalists in Paris organised by Léon de Rosny in 1873, then in 1874 at the congress of prehistoric anthropology and archeology in Stockholm. From there, he took a getaway to Copenhagen to visit its museums, whose rigour impressed him, models “whether as to clarity of the administrative system, or the means of exhibition, or the clarity of classification", as he writes in the Esquisses scandinaves published the following year (Guimet É., 1875, p. 20). In particular, he notes the indispensable role of curators as transmitters of knowledge: "Each museum has a large staff of curators who divide up the work, but their role is above all teaching, demonstrating the cataloged objects" (Guimet É., 1875, p. 21).

Fascinated by Egyptology, he read Champollion and studied hieroglyphs, yet something seemed missing: "Comparisons were necessary with other archaic civilisations. I had to turn my eyes to India, Chaldea, China” (Guimet É., 1904, p. 8). During the jubilee of the 25th anniversary of the founding of his museum, he explained: "When one really wants to appreciate the ancient or exotic civilisations that were the subject of my concerns, one must disregard one's own beliefs, strip oneself of all ideas given by one’s education, by one’s environment. To fully grasp the doctrine of Confucius, it is good to acquire the spirit of a Chinese scholar; to understand the Buddha, one must make oneself a Buddhist soul. But how do you get there by just contacting books or collections? [...] It is essential to travel, to touch the believer, to speak to him, to see him act. So I decided to go around the world, to visit Japan, China, India, as I had done in Egypt and Greece” (Guimet É., 1904, p. 9).

And Émile Guimet did indeed go around the world. The first step, and probably the one that helped him imagine this journey, was the Universal Exhibition in Philadelphia in 1876, where he presented his products. Félix Régamey (1844-1907), a painter and draughtsman friend established in the United States, met him and agreed to accompany him on the rest of the trip as a draughtsman, responsible for documenting the mission, as well as for interpreting, as Guimet did not speak English well. They crossed the United States by train to San Francisco, and eventually disembarked in Yokohama. Their first stop, Japan, fascinated these two travellers. Guimet had an official mission order signed by the Minister of Public Instruction with the aim of studying the religions of the Far East. This document would prove very useful to him in Japan, where he would be received with all the respect due to his mission, even if the financing was entirely his responsibility. Guimet was thus able to question priests and monks, visit sanctuaries and temples, and record the answers to his questionnaires while Régamey piled up the sketches. Guimet bought books, statues, and religious objects with a vengeance, in a context of a wave of anti-Buddhism that proved favourable to collecting. Always passionate about ceramics, he harvested them amply. Above all, he commissioned a renowned sculptor to make a third-size copy of the famous mandala of the Tō-ji temple, the centrepiece of his future museum. This part of the trip gave rise to the publication of a two-volume story, Promenades Japonaises, written by Guimet and illustrated by Régamey, published in 1878 and 1880.

They then continued to China, where the situation was much less favourable; political instability, economic stagnation, epidemics, and anti-foreign sentiments encouraged them to hurry along. Returning by the Suez Canal via Singapore, Ceylon, and India, they arrived in Marseilles in March 1877. Guimet quickly sent a detailed report of his mission to the minister, in which he detailed the results of his scientific investigation. He mentioned the official meetings held in Japan: "In these meetings, the most learned doctors answered all my questions with great grace, presented me with religious books and sacred objects, told me the works that I should obtain in order to understand their ideas, and wrote simple and clear answers to requests that I left them in writing, on creation, divine intervention, prayer, miracles, the future life, and morals" (Guimet É., 1877, pp. 2-3). In China: "I came up against the indifference of the mandarins in China, the hostility of the local priests and the complete lack of Chinese interpreters speaking French" (Guimet É., 1877, p. 5). For India and Ceylon, he was content to mention the contacts made with scholars and monks, as well as the future recruitment of two young people likely to join the language school envisaged in the same way as the museum, to teach Sanskrit and Sinhalese.

He enumerated the objects and works collected in Japan: “[…] more than three hundred religious Japanese paintings, six hundred divine statues and a collection of over a thousand carefully cataloged volumes in Chinese or Japanese and French.” In China: “The benevolence of Catholic and Protestant missionaries has put me in charge of a Chinese religious library almost as large as the one I brought back from Japan; this collection will be completed by correspondence, and I also hope to gradually double it with sculpted or painted representations of all the divinities of the Celestial Empire. For India: “The scholars whom I had the honour of seeing were good enough to draw up lists for me of all the special books I could find in London or Paris; they undertook, moreover, to procure for me all the local works published in pamphlets, and which cannot be found in Europe. It is also thanks to their kindness that I will gradually be able to have a collection as complete as possible of all the divine representations of the country, and also of all the sacred vessels and symbolic objects which are used in the worship of the different sects" (Guimet É., 1877, p. 8). For the future museum was already prefigured, as he explained to the minister: a religious museum, "which will contain all the gods of India, China, Japan and Egypt. These last two collections are already complete; a library of Sanskrit, Tamil, Sinhalese, Chinese, Japanese, and European, dealing particularly with religious matters; nearly three thousand volumes have already been collected; a school, in which young Orientals can come and learn French, and young French people can study the dead or living languages ​​of the Far East". This impressive publications program was intended to serve the community of scholars and students, as well as the general public.

Of course, the museum would be built in Lyon, for while Guimet was very attached to his region, he also advocated scientific decentralisation before his time. "I have every reason to suppose that this institution, as useful to commercial interests as to philosophy and philology, will be frequented by the many young people of Lyon, who are destined for foreign trade or for whom the remoteness of the capital deprives of the means to engage in language studies.”

Still in Lyon, Guimet simultaneously embarked on an adventure that nearly ruined him, the construction of the Bellecour theatre, inaugurated in 1879. Classically designed, inspired by the Opéra Garnier, but resolutely exotic, with its Indian Room, a changing diorama, and an Egyptian-themed restaurant, the business collapsed and was sold to the city of Lyon in 1892.

In 1879, the Musée de l’histoire des religions et des civilisations occidentales finally opened. After the first wave of excitement passed, results did not live up to ambitions; the school in particular never came to be. Guimet came to terms with this, as he recalled during the jubilee: "I realised that the scholars, archaeologists, philosophers, and philologists who could have been useful to me did not come to Lyon, and that the documents required did not end up there. Moreover, the scholars who could be interested in the museum were rarely in the provinces, while they visited Paris on all occasions. I had made with our publications, our conferences, the organised trips, the excavations undertaken, the natives gathered, a sort of scientific factory, and I found myself far from the raw material and far from consumption. In such cases, the factory is moved, so that's what I did: I moved the museum to Paris" (Guimet É, 1904, p. 15).

After long and bitter negotiations, Guimet obtained land in Paris, where the current Musée Guimet, inaugurated in 1889, was built largely at his expense and identically to the former one. He donated his collections to the state, which in return ensured the museum’s operation. He was appointed director for life, without salary, but with the right to oversee the recruitment of personnel. The faithful Léon de Milloué thus followed the collection’s migration and in 1890 wrote the first Petit guide illustré du musée Guimet. The museum’s director remained very involved in the daily life of the establishment. Acquisitions posed a problem; as no budget line was provided by the State, the director was compelled to make purchases with his own money, which would later complicate allocations. But he managed to raise donations, follow the exchanges of the library, order collection and excavation missions, participate in conferences, and follow the particularly rich editorial activity. In addition to the Annales du musée Guimet, the Grande bibliothèque, the Bibliothèques d’étude, the Bibliothèques de vulgarisation, the Bibliothèque d’art, and the Revue de l’histoire des religions documented the latest scientific undertakings conducted by the museum. For Guimet, publications and conferences represented an essential element of knowledge sharing and a useful tool of communication, especially conferences, which quickly benefit from scientific advances to offer luminous projections. The library, at the heart of the museum system, provided texts and explanations on the religions and deities exhibited in a very didactic way, following the precepts drawn from the teachings of the museums of Boulaq and Copenhagen. “A museum of religions was above all a collection of ideas, questions of art and archeology could only occupy a secondary place. We therefore upheld above all the clarity of the demonstration. Taking each people, we carefully separated their beliefs, further subdividing them according to their principal sects, whenever the precision of our information has permitted us. In each of these divisions, we have grouped the various representations of the same deity in such a way as to bring out its importance,” explains Milloué in the Catalogue du musée (Milloué de L., 1883, p. X-XI).

In 1877, Guimet married Marthe Sanlaville (1857-1915), younger sister of Lucie Sanlaville, his first wife, who had died three months after their marriage in 1868. In 1880, Jean Guimet was born (deceased in 1920 in an accident). Until his death in 1918, Guimet continued to manage the factory, the museum, his scientific activities (congress of orientalists in Rome in 1899, international conferences on the history of religions), his institutional responsibilities (Société asiatique, Société franco-japonaise de Paris, Société française des fouilles archéologiques, Commission archéologique de l’Indochine), and his travels (to Egypt, Turkey, Greece, Italy, Romania, and Germany). However, a single museum was no longer enough for him: in 1913, a new Musée Guimet was inaugurated in Lyon to accommodate superfluous objects in Paris, on loan or deposit. The negotiations, once again, were arduous, as the Director of Higher Education complained: "Certainly, Guimet is an indefatigable donor, but he is also a terribly stubborn person, with whom it is not easy to agree administratively. For at least two months I have been asking him to submit to the minister the text of the agreement he wants to negotiate with the city of Lyon, the exact list of objects belonging to the museum that he wants to send to Lyon. I cannot get it.” (S.R., 1918, p. 342). Between Paris and Lyon, the attribution of certain objects today is tricky, as questions of an administrative nature were repellent to Guimet.

He also cultivated another of his passions, music. Having created choirs, choral societies, and a brass band in the factory, he also composed musical pieces, namely oratorios, published in a collection in 1863. In 1894, his opera Taï-Tsoung on a Chinese theme was performed in Marseille and was received favourably by the local press. Music had always been an element of social progress for him. Of his first trip to Spain, he recounts: "While the travellers are having supper, we take a tour of the city and I find What?...a marching band of young workers coming out of their rehearsal. I no longer wonder at the astonishing progress the Spaniards have made in civilisation for two or three years; they have Fanfaristes in berets and red belts, Spain is saved! (Guimet É, 1862, p. 16).

Named Officier of the Légion d’honneur in 1895 (LH//1244/25), Commander of the Order of the Sacred Treasure of Japan (1899), Knight of the Royal Order of Cambodia, and winner of the Lefèvre-Deumier Prize awarded by the Académie (1908), Guimet was finally elected a corresponding member of the Institute in 1917. This belated recognition no doubt reflected the gap that separates certified science from a character too often relegated to the rank of simple self-taught patron, as if his wealth tarnished his long-lasting achievements. The man was certainly outspoken and had a particular sense of humour, as evidenced by this remark in his Croquis égyptiens, in which he comments on the scenes of royal offerings with regard to the practices widespread in Egyptian society: “[…] the Egyptians, as we see, knew that small gifts maintain friendship, and the morality of these representations is that the bakshish, being accepted with pleasure by Ammon or Isis, can be declared a divine institution" (Guimet É. , 1867).

After his death, the scientific orientation of the museum evolved towards a clarification of the subject and the accent focused more and more on art and archeology, in particular to promote new collections. The last word can be left to the curator Alexandre Moret (1868-1938) who followed him, in the Bulletin archéologique du musée Guimet in 1921: "To bring together and classify divine images and objects of worship from the ancient and modern Orient in well-closed display cases, labelling dogmas and rituals on the shelves of a library, was not enough for him: his ambition was to initiate the general public into the origins of philosophical and religious problems, to act on them through lectures and books, to solicit research from scholars and to make it accessible to all those who are fond of art and religious thought" (fasc. 1, p. 7).

Article by Cristina Cramerotti (Translated by Jennifer Donnelly)

Evénements
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Date de l'événement : 
1876 - 1877
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Voyage pour l'Exposition universelle de Philadelphie, où Guimet présente ses produits.

Date de l'événement : 
1876
Lieu de l'événement : 
Thèmes d'étude
Période étudiée : 
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Technique étudiée : 
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[Objets collectionnés] Archéologie : poteries, tablettes, momies, textiles

Aire géographique étudiée : 
Commentaire Thèmes d'étude : 

[Objets collectionnés] Statuaire et objets religieux, livres, céramiques

Aire géographique étudiée : 
Commentaire Thèmes d'étude : 

[Objets collectionnés] Statuaire et objets religieux, livres, céramiques

Liens entre personnes
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Georges de Tressan et Émile Guimet sont amis. Ce dernier demande à Georges de Tressan de donner une conférence le 2 mars 1913 à la Société franco-japonaise de Paris. (Source : notice Agorha "Georges de Tressan" rédigée par Asuka Minami).

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En 1876-1877, Félix Régamey accompagne Émile Guimet en qualité de dessinateur, afin de documenter son voyage à travers le Japon, la Chine et l'Inde. (Source : Notice Agorha "Félix Régamey" rédigée par Cristina Cramerotti)

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En 1908, Émile Guimet intervient personnellement pour exposer les objets rapportés de mission par Jacques Bacot lors d'une exposition temporaire au Musée national des Arts asiatiques-Guimet. (Sources : Exposition temporaire au Musée Guimet : 27 mai-31 juillet 1908, catalogue. Paris : Ernest Leroux, 1908 ; Archives MNAAG, Correspondance d'Émile Guimet)

Bibliographies / archives
Source
Institut national d'histoire de l'art (France)
Licence
Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Articles & actualités
Rédacteur
Cristina Cramerotti