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David-Neel, Alexandra

Statut
Publiée
Contributeur
jnorindr
Dernière modification
08/04/2024 14:50 (il y a 9 mois)
Type de personne
Type de personne : 
Noms
Nom : 
David-Neel
Prénom : 
Alexandra
Qualificatif : 
Sexe : 
Nationalité : 
Nom : 
David
Prénom : 
Louise Eugénie Alexandrine Marie
Qualificatif : 
Nom : 
David-Neel
Prénom : 
Nini
Commentaire Noms : 

(surnom)

Naissance et mort
Date de naissance : 
24 octobre 1868
Lieu de naissance : 
Date de mort : 
8 septembre 1969
Lieu de mort : 
Adresses
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1896 - 1905
Adresse : 

3 rue Nicolo

Code postal : 
75016
Ville : 
Commentaire Ville : 

Anciennement Passy.

Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1902 - 1914
Adresse : 

« Villa Mousmé », 29 rue Abd’el Wahab

Code postal : 
2060
Ville : 
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1928 - 1969
Adresse : 

« Samten Dzong », anciennement : route de Nice, aujourd’hui : 27 avenue du Maréchal Juin

Code postal : 
04000
Commentaire Ville : 

« Samten Dzong », ancienne route de Nice.

Professions / activités
Type de profession / activité : 
Date d'activité : 
1889 - 1901
Commentaire Professions / activités : 

Actrice lyrique en Belgique, France, Indochine, Grèce et Tunisie.

Type de profession / activité : 
Biographie
Commentaire biographique : 

L’étude et la pratique du bouddhisme (qui découlent d’intenses réflexions de jeunesse sur les religions et la philosophie antique) et le goût tôt manifesté pour le théâtre et les arts du spectacle forment deux intérêts personnels dont on peut considérer qu’ils se croisent sous de multiples rapports tout au long du parcours de vie d’Alexandra David-Neel. Sans en être toujours les thèmes explicites, ils forment comme la trame de la vie et de l’œuvre de l’autrice. Si le bouddhisme est indissociable du personnage dans l’opinion publique, le théâtre, quant à lui, a joué un rôle plus souterrain.

À ces deux intérêts majeurs s’associe la pratique précoce de l’écriture : à titre privé d’abord (en témoignent des carnets et des agendas tenus depuis 1882 [MADN, Archives, ADN-G2-AG1-6 et CADN 18], un journal intime couvrant les années 1889-1892 [MADN, Archives, CADN, s.n., reproduit dans David-Neel A., 1986], conservés dans sa maison à Digne, mais dont David-Neel a, à différentes périodes, détruit les plus anciens (notamment en 1910 où il s’agissait pour elle de « détruire tous les vestiges matériels de liens et de partir, ayant enseveli le passé », David-Neel, 2000, p. 266]) puis, dès 1893, des publications ponctuelles dans des revues [Le Lotus bleu, L’Étoile socialiste]. Sans qu’il y ait de véritable solution de continuité dans sa trajectoire, l’on distinguera ici trois périodes successives, d’environ trente-trois années chacune, dans la longue existence de l’autrice : la période de l’enfance et des premiers engagements (1868-1900), celle de la femme de lettres orientaliste (1901-1936), celle enfin de l’écrivaine accomplie (1937-1969). Chacune de ces trois périodes correspond à un périple en Asie : la première à deux premiers voyages en Inde et en Indochine en 1894 et 1895-1896 ; la seconde au long séjour qui dura de 1911 à 1925 et durant lequel elle vécut principalement au Sri Lanka, en Inde, au Sikkim, au Népal, au Japon, en Chine et au Tibet ; la troisième à la dernière de ses grandes traversées asiatiques, de 1937 à 1946 : de Paris à Pékin (Beijing) par le Transsibérien et, de là, vers la frontière tibétaine par le Wutaishan, Hankeou, Chengdu et Dartsedo (Kangding), puis rapatriée en avion après avoir visité Kunming et revu Darjeeling et Calcutta.

Les années de formation et l’actrice lyrique engagée (1868-1900)

Pour la première période, la critique biographique a longtemps été tributaire des présentations rétrospectives qu’a fait David-Neel de sa propre jeunesse et de sa famille, à de rares occasions dans son œuvre publiée et plus abondamment dans sa riche et fascinante correspondance avec son mari, dévoilée au public après sa mort (David-Neel A., 2000). De récentes recherches en archives (voir l’exposition permanente du musée de la maison de l’écrivain, MADN ; Mascolo de Filippis J., 2018 ; Éprendre N., 2019) ont fait apparaître de nouvelles données éclairant l’enfance, la jeunesse et la carrière d’actrice lyrique de David-Neel, principalement sous le pseudonyme d’Alexandra Myrial (David-Neel A., 2018). Le goût du pseudonyme et des identités multiples accompagne la trajectoire de l’autrice. Déclarée à l’état civil sous les prénoms Louise Eugénie Alexandrine Marie (MADN, Archives, CODN 1578), elle est appelée Louise par son parrain, mais Nini (diminutif présumé d’Eugénie) par son père et Alexandrine par sa mère (MADN, Archives, CODN 364) ; ce dernier prénom est probablement le plus usité, comme l’attestent des partitions de piano et des ouvrages annotés de sa bibliothèque. Louis Pierre David (1815-1904), instituteur en Touraine et journaliste pour le quotidien républicain Progrès d’Indre-et-Loire, journal politique, agricole, commercial et littéraire, est anticlérical. Proscrit en décembre 1851, il s’exile en Belgique où il rencontre et épouse, en 1853, Alexandrine Panquin, née Borgmans (1832-1917) qui tient une boutique de mode ; elle est issue d’un milieu catholique et la fille adoptive d’un employé d’assises de Louvain (Van Grasdorff G., 2011, p. 53). Ensemble, ils tiennent un commerce de textiles qui semble florissante. Après 1865, ce couple quelque peu disparate s’en va vivre en France, à Saint-Mandé, où naît Alexandra. En 1874, la famille David s’installe à Bruxelles. C’est sans doute Alexandra elle-même qui se choisit, peut-être à sa majorité, le prénom par lequel elle se fera appeler toute sa vie durant et certainement parce qu’ainsi elle se démarque doucement de sa mère et de son nom de baptême. Peut-être a-t-elle d’ailleurs moulé son prénom sur celui d’une amie proche, Alexandra de Kozoubsky (1868-n.c) dont l’origine russe et le lieu de naissance (Jérusalem) la font rêver. Son aînée d’à peine un mois, cette dernière est entrée en même temps qu’elle au Conservatoire royal de Bruxelles (CRB, Archives, Demandes d’admission). À tout le moins peut-on supposer qu’elle endosse par ce jeu onomastique l’imaginaire exotique, à la fois frondeur et nobiliaire dont le prénom était alors porteur. En 1895, elle revendiquera en effet une origine russe imaginaire dans un portrait publié dans Le Courrier d’Haiphong (24 décembre 1895, p. 23). Nous ne possédons pas plus de certitudes au sujet du choix du patronyme qu’elle prend cette même année, au moment de partir pour la saison d’opéra lyrique de la troupe d’une certaine Mme Debry au Tonkin (Thévoz S., 2019). Son compagnon d’alors, le musicien et compositeur Jean Hautstont, figure comme contrebassiste de la troupe sous ce même nom (ANOM, GGI, R.62, 1896).

En 1886, tout juste sortie de son second pensionnat (le premier était protestant, ce dernier catholique), Alexandra David, empêchée par sa mère d’entreprendre des études de médecine (la même année, Augusta Dejerine-Kumpke [1859-1927] est la première femme admise à l’internat des hôpitaux de Paris), s’est inscrite aux cours de langue italienne, de déclamation, de solfège, de chant, de maintien et de mimique du Conservatoire qu’elle quitte en remportant un premier prix de chant en 1889. C’est l’année de sa majorité : comme en témoigne une note dans son carnet personnel, c’est pour elle une étape qu’elle place immédiatement sous le signe de l’émancipation (David-Neel A., 1986, p. 28). Commence alors une intense recherche de sens à donner à sa vie. Sans doute encore soutenue financièrement par ses parents chez qui elle a toujours son domicile, elle gagne un peu d’argent par quelques concerts donnés irrégulièrement en Belgique et dans le Nord de la France. Parallèlement, elle fréquente, à Bruxelles mais aussi lors de brefs voyages en Suisse notamment, les milieux protestants issus du mouvement baptiste orientés vers les œuvres de charité comme l’Armée du Salut puis les courants à tendance syncrétiste comme le protestantisme libéral et l’unitarisme (David-Neel A., 1986 et MADN, Archives, CADN 18). Lectrice passionnée et curieuse, encline à l'introspection, volontiers solitaire, voire misanthrope, la jeune Alexandra aiguise son esprit critique en lisant abondamment les philosophes antiques, la littérature religieuse et les grandes œuvres des religions orientales, au sens large que le terme avait alors. Par une amie, elle entend parler en 1892 de la Société de théosophie pour la première fois. Elle se rend cette même année à Londres, séjourne au quartier général de la Société, rencontre ses dirigeants les plus importants, George R. S. Mead (1863-1933) et Annie Besant (1847-1933) et, sans doute quelques-uns des membres des branches françaises et belgo-hollandaises présents durant la Convention annuelle européenne de la Société qui se tient à Londres cet été-là. Devenue membre elle-même, elle rompt brièvement ses relations avec ses parents et prend officiellement domicile au 3, boulevard Saint-Michel à Paris, nouveau siège de la branche française. La Société de théosophie ouvre à Alexandra David les portes de l’Asie et s’offre d’abord à elle comme un vivier intellectuel local et international (David-Neel A., 1986 et MADN, Archives, CADN 18).

Tout en acceptant des contrats de chant au pied levé, vivant d’expédient, Alexandra David, partiellement insatisfaite de l’approche théosophique des religions d’Asie et du bouddhisme en particulier, s’inscrit à l’École pratique des hautes études. Elle fréquente, dans la mesure de ses disponibilités, les cours de japonais, de religions d’Extrême-Orient et les leçons sur le bouddhisme donnés par Léon de Rosny (1837-1914), savant éclectique, pionnier des études asiatiques et ethnographiques en France avec qui, par l’entremise de Jacques Tasset (1868-1945) rencontré à la Société, elle établit une relation intellectuelle tumultueuse mais durable (MADN, Archives, n.c.). Elle suit aussi le cours de Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894) au Collège de France sur le Lalitavistara Sūtra, le premier récit étendu de la vie du Bouddha à avoir retenu l’attention des savants européens. Le voyage qu’effectue Alexandra David en Inde en 1894 s’explique ainsi par son désir de confronter la réalité du terrain à ses conceptions personnelles et aux savoirs et représentations circulant en Europe. L’année précédant son voyage, quittant Paris pour Bruxelles, elle a rencontré Jean Hautstont (1867-entre 1939 et 1941) par ses contacts avec la branche belge de la Société de théosophie. Leurs affinités artistiques se sont d’abord associées à un intérêt commun pour l’ésotérisme, avant que Jean n’initie Alexandra à l’anarchisme. Ils vivent en union libre, même si elle le présentera plus tard comme son premier mari (MDH, SAP, 2/AM/1/K30e). Ils prennent un pied-à-terre à Passy sous leur patronyme d’élection. Mais ils vivent tous deux entre Paris et Bruxelles et Jean introduit Alexandra dans les milieux artistiques, ésotériques et libertaires bruxellois, cercles bohèmes autant que bourgeois. C’est ainsi qu’elle fréquente le salon d’Élise Soyer et Raymond Nyst (1864-1948) et se lie d’étroite amitié avec Élisée Reclus (1830-1905) et sa famille. Les quelques articles qu’Alexandra David publie à cette période sous les noms de Mitra et de Myrial témoignent de son évolution : d’un débat d’idées « en interne » sur les valeurs et les croyances des théosophes, elle s’oriente, suite à son voyage en Asie, vers les milieux socialistes et anarchistes à l’intention desquels elle compose une version libertaire du Bouddha et de son enseignement (Mitra, 1895). La tournée d’Indochine ne lui a pas ouvert les portes de l’Opéra-Comique de Paris, comme le lui laissait espérer le soutien de personnalités comme Jules Massenet (1842-1912) ; mais cette expérience lui assure des engagements comme première chanteuse de drame lyrique dans les saisons des théâtres de province ; en Belgique, à Athènes et finalement à Tunis en 1900. Alexandra Myrial, dont on parle désormais dans la presse locale et musicale, fait ainsi par la scène ses premiers pas dans l’espace public (Thévoz S. dans David-Neel A., 2018, p. 342-345).

De la femme de lettres à l’écrivaine (1901-1936)

Son arrivée à Tunis représente une période de rupture importante, puisque Alexandra David met là un terme définitif à sa carrière lyrique (mais ce n’est pas littéralement un adieu au théâtre) et s’installe chez Philippe Néel (1861-1941) avec qui elle a eu une liaison à la suite d’une représentation. Après avoir vécu avec lui en union libre, elle l’épouse en 1904. Cette période de crise, caractérisée par un changement de mode de vie, en apparence antithétique avec ses idéaux de jeunesse, traversée de tendances neurasthéniques et compliquée pour plusieurs raisons sur le plan affectif (sa relation avec Philippe, la mort de son père, puis celle de son père spirituel, Élisée Reclus), est simultanément une période d’intense activité littéraire. L’actrice devenue femme de lettres signe encore Alexandra Myrial jusqu’en 1906. De 1907 à 1924, son nom d’autrice est Alexandra David. Elle considère sa maison arabe, la Mousmé, achetée par Philippe à la Goulette, comme son matham : le maṭha est le nom donné aux monastères hindous ; c’est aussi le titre d’une de ses nouvelles en 1903 (Neel-David A., 1903). L’œuvre qu’elle produit dans cette première maison d’écrivain prend de multiples formes et se déploie tous azimuts : débats d’idée, pamphlets militants, nouvelles, romans, vulgarisation scientifique. L’autrice en herbe rédige plusieurs études sur l’Asie qui portent tour à tour sur le Japon, la Corée, l’Inde, la Chine, le Tibet. Si les sujets sont des plus divers, bon nombre de ses contributions ont en commun de porter sur les liens entre religion et politique. À l’heure de la loi sur la séparation des Églises et de l’État, elle entend contribuer par la présentation de modèles venus d’Asie au débat autour du « solidarisme » de Léon Bourgeois (1851-1925) par exemple. Concurremment, elle milite en faveur d’un « féminisme rationnel », s’engage pour la défense de l’enseignement et de la morale laïques, de la prise en charge des orphelinats par l’État, de la réforme du mariage, d’une réflexion sur l’instruction des filles ou des indigènes dans les colonies ; toutes ces causes expliquant son entrée en franc-maçonnerie dans ces mêmes années. Elle devient également membre de plusieurs sociétés savantes, principalement dans les domaines de l’anthropologie et de la géographie. Publiées dans la grande presse parisienne, belge, tunisienne, dans des journaux comme La Fronde et dans des revues comme le Mercure de France, ses publications reflètent moins l’écrivaine isolée dans sa retraite lointaine, s’adonnant aux sports nautiques et à des excursions dans le Sahara (dernière expérience qui sera toutefois de premier ordre pour l’écrivaine), qu’une femme sans cesse en correspondance et en déplacement entre Tunis et Paris, Londres, Rome, travaillant d’arrache-pied à consolider son réseau de relations, fréquentant salons mondains et littéraires (notamment celui de Rachilde (1860-1953), milieux intellectuels et académiques (MADN, Archives, ADN-G2-AG3-16).

Sur le plan intellectuel, le croisement de son intérêt pour l’Asie, de son combat pour la laïcité et de ses ambitions internationales culminera dans les années 1910 par sa collaboration aux Documents du progrès, revue diffusée en plusieurs langues et dirigée par le sociologue pacifiste et internationaliste Rudolf Broda (1880-1932), et à plusieurs revues connexes. C’est le moment où elle redonne au bouddhisme une place de premier rang dans sa vie (elle présente son matham tunisien comme le siège d’un « Comité de propagande » bouddhiste [The Maha-Bodhi and the United Buddhist World, 1910, p. 448] et développe activement ses relations avec les réseaux bouddhistes mondiaux) comme dans son œuvre (son Bouddhisme du Bouddha et le Modernisme bouddhiste paru en 1911 peut être considéré comme son premier livre d’autrice). C’est aussi le moment où prend forme son projet d’un grand voyage en Asie, encouragé par son mari. Avec l’appui du ministre des Affaires étrangères, Stephen Pichon (1857-1933), et celui, mitigé, de l’archéologue et sinologue Édouard Chavannes (1865-1918) , elle obtient une modeste subvention du Ministère pour une mission scientifique d’une année en vue d’« étudier, sur place, les manifestations modernes des grandes écoles philosophiques et religieuses d’origine hindoue : le bouddhisme réformiste ou moderniste et le néo-védantisme. » (AN, F/17/17281) Pareille mission devait intéresser moins les philologues orientalistes que les ethnographes et anthropologues dont Alexandra David était proche. Complété par « quelques études sur le yoguisme [sic] moderne » et « une enquête sur l’enseignement indigène, spécialement en ce qui concerne l’instruction des filles », le voyage prévu principalement en Inde devait la mener ensuite en Birmanie, en Indochine et au Japon. Rien ne laissait présager qu’Alexandra David deviendrait une autorité sur le Tibet, ni moins encore sur le bouddhisme tantrique tibétain. Cette spécialisation est donc entièrement le fruit d’une rencontre de terrain. Intriguée par le néo-tantrisme bengali lors de son séjour à Calcutta, notamment auprès de John Woodroffe (1865-1936), elle apprend la fuite du Dalai lama à Kalimpong, à la frontière de l’Inde et du Sikkim, où elle se rend sans tarder (David-Neel A., 2000, p. 108-140).

Alexandra David découvre au Sikkim les pratiques tantriques, auxquelles l’initie le troisième sgom chen (« grand yogi ») de Lachen, Kunzang Ngawang Rinchen (1867-1947), dans une caverne aux confins du Tibet qu’elle baptise « De-chen Ashram » (l’ermitage de la « Grande Paix », selon sa propre traduction). L’univers religieux tibétain qu’elle observe et dont elle étudie les textes s’offre à elle comme un terrain d’enquête jusqu’ici inexploré, en marge des formes ritualistes et ecclésiales de ce qu’on appelait alors le « lamaïsme » et auquel on réduisait le fait religieux tibétain. En 1913, dans son rapport intermédiaire de mission (AN, F/17/17281), elle avance ainsi : « Le Bouddhisme thibétain est très peu, et, surtout, très mal connu. Les écrivains qui ont publié des livres à son sujet n’ont parlé que des pratiques extérieures du culte populaire, faute d’avoir pu pénétrer au-delà, la réserve des lamas lettrés étant extrême envers les étrangers. » Naît dès lors un programme d’écriture alimentant l’œuvre future et prolongé par un long séjour au monastère de Kumbum (sKu ’bum byams pa gling) dans la province du Qinghai en 1920 : « J’apporte du nouveau, du complètement inédit dans lequel il y en a pour tous les goûts : histoire, légendes, philosophie, mysticisme, occultisme, géographie et même littérature égrillarde. » (David-Neel A., 2000, p. 753) Cette liste embrasse précisément les différents genres et registres littéraires qui se mêleront dans l’œuvre de l’écrivaine en devenir et indique le réservoir narratif, s’ajoutant à l’expérience viatique, dans lequel elle puisera pour l’alimenter.

Les péripéties viatiques de cette période, en compagnie de son fils adoptif, Aphur « Albert » Yongden (1899-1955), en marge du cahier des charges initial qu’elle s’était donné, sont bien connues par les récits qu’elle publiera à son retour et par les nombreuses biographies consacrées à l’autrice (parmi celles-ci, lire Désiré-Marchand J., 1996). L’exploit de son voyage à Lhassa en 1924 est, selon le mot de l’indianiste Sylvain Lévi (1863-1935), un « magnifique record d’énergie, de volonté, d’endurance » (AN, F/17/17281). Surtout, en bravant obstacles et interdits, la « Parisienne » démontre au monde, par l’exemple, la ténacité de ses aspirations libertaires et de sa philosophie individualiste. Désormais, l’expérience du voyage et l’importante collecte de textes alimenteront quasi exclusivement la double production littéraire de l’écrivaine : ouvrages populaires d’un côté et ouvrages à caractère orientaliste de l’autre, répondant ainsi aux encouragements de Désirée Lévi qui ajoutait en post-scriptum à une lettre de Sylvain Lévi en 1911 (MADN, archives, CODN 441) : « Revenez-nous […] avec une belle moisson d’impressions et de documents, les premières pour moi, les secondes pour mon mari. » C’est certainement dans la zone franche entre ces deux orientations qu’il faut chercher la voix originale de l’écrivaine. Ses publications, souvent réalisées avec l’aide et parfois même avec la plume complice d’Aphur Yongden, auteur de plusieurs ouvrages lui aussi, se partagent entre récits de voyage ou romans d’aventures destinés au grand public et ouvrages plus pointus sur des sujets d’orientalisme, mais toujours orientés vers un public situé aux franges du lectorat spécialisé (je renvoie pour l’œuvre de l’auteur à la bibliographie chronologique disponible sur le site de la MADN : https://www.alexandra-david-neel.fr/bibliographie).

Simultanément, la femme de lettre est devenue, par une formidable campagne médiatique, femme-aventurière héroïque et figure d’autorité : Alexandra David-Neel est désormais pleinement reconnue dans l’espace public. Depuis Lhassa, elle proclame à son mari : « Je crois bien qu’à l’heure actuelle, je suis, parmi tous les voyageurs blancs, celui qui connaît le mieux le Tibet. » (David-Neel, 2000, p. 736) Se mettant rapidement au courant des dernières publications sur le bouddhisme et le Tibet, l’exploratrice réalise sur le chemin du retour combien les territoires qui lui paraissaient déserts et inconnus pendant les quatorze années qu’elle les arpentait font désormais l’objet d’une concurrence serrée dans le monde de la librairie. Alexandra David-Neel place son œuvre sous le signe de l’aventure et de la découverte d’un monde jusqu’alors insoupçonné. Volontiers ouverts au merveilleux, au rêve, à la magie, à la féerie, ses livres comportent une dimension dramaturgique et spectaculaire unique. Par les sortilèges assumés de l’écriture, l’autrice nourrit l’ambition positive d’apporter un souffle spirituel nouveau à ses contemporains meurtris par la guerre : à ses yeux, la littérature a alors pour mission d’aider à se relever et à s’élever (voir Thévoz S., 2016). Le sujet de prédilection de nombreux de ses ouvrages, celui du moins qui a le plus durablement retenu l’attention du lectorat, est l’initié tantrique, le lama-yogi qui, « sportsman de l’esprit », est entre autres capable de produire un « feu intérieur » (tumo, tib. gtun mo). Attirant un public familier de l’Asie occulte des théosophes, dans la lignée de quelques ouvrages de vulgarisation et de fiction encore récents sur le tantrisme indien et tibétain, cette figure héroïque est jugée comme quelque peu romanesque par les orientalistes comme Sylvain Lévi qui la somme de produire une traduction conforme aux normes académiques. Ce conflit ne doit pas cacher que c’est au contact d’autres cercles savants, qui lui apportent une caution et une légitimité scientifique, que l’écrivaine développe le personnage du tantrika récurrent dans son œuvre : elle fréquente ainsi Jacques Arsène d’Arsonval (1851-1940), physicien, inventeur de l’électrothérapie médicale et président de l’Institut psychologique de Paris, dont plusieurs chercheurs associés s’intéressent au phénomène de la thermogenèse animale et humaine. Les Tibétains deviennent détenteurs d’un savoir ignoré des savants européens et tout juste fantasmé par les occultistes occidentaux.

En 1928, après une intense campagne de conférences publiques et universitaires, David-Neel finit par faire l’acquisition d’une propriété à Digne (MADN, Archives, Acte notarié, CODN 1580 et n.c.). En 1929, elle envisage d’en faire un centre de retraite pour méditants (Buddhist Annual of Ceylon, 1929, p. 252). Elle baptise celle-ci d’un nom sanskrit, « Dhyāna Vihāra » (monastère de la méditation), dont l’équivalent tibétain, « Samten Dzong » (bsam gtan rdzong, Fort de la Concentration ou, selon sa propre traduction, Forteresse de la Concentration), deviendra l’identité de la maison de l’écrivaine. C’est depuis ce nouvel et définitif matham (après la Mousmé à Tunis et l’ermitage de Dechen-Ashram au Sikkim) qu’elle diffuse son œuvre la plus importante, entourée de ses manuscrits tibétains et des nombreux objets qui l’ont suivie tout au long de ses voyages. Comme jadis à Tunis, elle quitte fréquemment sa thébaïde pour sillonner l’Europe, notamment à l’occasion de tournées de conférences, et continue à développer le vaste réseau de relations déjà établi en France et à l’étranger auquel elle restera remarquablement fidèle sa vie durant. Rentrée à contrecœur en Europe, le désir de repartir en Asie ne l’a pas quittée. En 1929, elle conçoit une nouvelle mission ambitieuse intéressant les « sciences psychiques et religieuses », motivée par une récolte ethnographique, photographique, cinématographique et livresque inédite (AN, F/17/17281). Cette seconde mission, pour laquelle l’Institut psychologique de Paris et son illustre président, Arsène d’Arsonval, se portent garants (Lévi, de son côté, ne la tient « ni pour une orientaliste ni pour une sanskritiste » et adopte la même posture ambiguë que Chavannes précédemment), doit la mener vers la Sibérie, la Mongolie, la Chine du Nord-Ouest, aux confins du Tibet. Elle part à la recherche de la mythique cité de Shambhala et d’informations sur les doctrines et pratiques relatives à ce qu’elle appelle une « énergie sans causes perceptible et perpétuellement active en tout » (David-Neel A., 1994, p. 552).

L’écrivaine accomplie (1937-1969)

Le conflit sino-soviétique lui impose de reporter son départ. Elle monte dans le Transsibérien en 1937 pour revenir neuf ans plus tard, à l’âge de 78 ans. C’est donc en Asie qu’elle se trouve durant les deux Guerres mondiales. En Asie, la situation n’est guère paisible : la guerre sino-japonaise (1937-1945) puis la longue guerre civile chinoise (1927-1950) entravent ses projets initiaux et la confinent principalement dans la province du Sichuan. Ces conflits généralisés (« la guerre est l’état normal des êtres, l’univers est un champ de bataille », écrit-elle dans son agenda de 1956 [David-Neel A., 1986, p. 229] affectent directement sa production littéraire, ainsi que le ton de ses nombreuses lettres présentes dans les archives de la maison de Digne (MADN, archives, CODN, varia). Si la période précédente apportait au sentiment de désillusion philosophique et existentielle une manière d’élan allègre et volontariste (« les bouddhistes sont des pessimistes du genre calmement gai », David-Neel A., 2000, p. 761), la résignation et la nostalgie, que viennent amplifier la mort de Philippe Néel en 1941 et celle d’Aphur Yongden en 1955, caractérisent ses écrits de la dernière période, progressivement marquée par le sentiment de la « vanité, l’inutilité de toute activité littéraire » (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/79). Auparavant, le Tibet était le cœur même du projet littéraire ; durant cette troisième période, l’œuvre s’étend, comme en écho à ses premières années de femme de lettres, à d’autres aires géographiques (l’Inde, la Chine) et porte plus fortement sur le monde contemporain. Ou, plus exactement, par le détour de l’Asie, l’autrice entend apporter un point de vue faisant autorité sur le monde contemporain, centré sur son expérience individuelle et ses connaissances acquises : après son dernier voyage, la mémoire de l’exploratrice devient le réservoir de prédilection dans lequel puise la production littéraire. Si l’œuvre publiée et continuée jusqu’à sa mort concrétise parfois des projets conçus longtemps auparavant (parfois même dès son séjour en Inde en 1911, comme sa traduction de l’Aṣṭāvakragītā en 1951 (d’autres ne seront jamais achevés), le matériau nouveau montre une évidente tendance à la rétrospection autobiographique et à l’évocation de souvenirs ressuscités du passé, sans souci de chronologie, par un narrateur omniprésent, simultanément démiurge et acteur principal. Comme par symétrie, David-Neel multiplie les réflexions sur la mort (ou sa réciproque : la quête d’immortalité). Les principes de son écriture ne changent pas fondamentalement, mais les pôles qui en assurent l’équilibre se renversent : la comédie tourne à la tragédie.

L’un des projets d’écriture tardifs et inachevés de David-Neel porte le titre Rencontre de Désincarnés (MADN, Archives, Manuscrits autographes, enveloppes 92-94) : dans cette manière de sotie, l’autrice imagine non sans humour qu’elle s’entretient avec des grandes figures du passé, parmi lesquelles Mao Zedong. Désormais, l’univers littéraire de David-Neel renvoie à un monde fini, à un monde figé dans ses frontières, le temps des vrais voyages étant irrévocablement révolu, voire à un monde à la dérive, à l’instar de la « Nef des fous », référence littéraire et artistique qui revient fréquemment sous sa plume, à un monde qui plus est menacé par une troisième guerre mondiale. Depuis son retour d’Asie, l’écrivaine ne quitte sa maison, dont elle traduit désormais le nom tibétain par « résidence de la réflexion », qu’à de plus en plus rares exceptions. Dans une lettre à Ella Maillart (1903-1997), une voyageuse écrivaine de la génération suivante qu’elle tenait en profonde estime, David-Neel conçoit malicieusement le projet de fonder, sur le modèle de la Société des explorateurs, un « club […] qui grouperait des Himâlayens : ceux qui ont vécu dans les Himâlayas, ceux qui en ont approché et, comme adjoints, ceux qui ont approché les Himâlayas spirituels, la pensée des Rishis [sic], qui y ont médité les Upanishads et la philosophie bouddhiste. » (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/80) Quelques mois auparavant, l’exploratrice livrait à sa cadette la parfaite image de l’état d’esprit (on relèvera ici une manifestation tardive de l’anarchisme professé dans sa jeunesse) et de la vision du monde désabusée qui marquent le crépuscule de son existence à Samten Dzong : « Je regrette mon ermitage himâlayen, mais l’Asie a tellement changé qu’on n’y retrouverait plus rien de ce qui m’y retenait autrefois, l’Inde des Oupanishads [sic], des richis [sic] de la forêt, l’Inde du Bouddha. La parole y est maintenant aux politiciens et, des politiciens, on peut en trouver à foison en Europe. Il faut se refaire des Himâlayas et des ermitages en soi-même. C’est là la sagesse… Y êtes-vous entièrement parvenue ? » (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/79).

Article rédigé par Samuel Thévoz

Commentaire biographique : 

The study and practice of Buddhism (resulting from intense youthful reflections on religions and ancient philosophy) and an early taste for the theatre and the performing arts are two personal interests that intersected in multiple ways throughout the life of Alexandra David-Neel. Without always being the explicit theme, these two interests formed the fabric of this author’s life and work. While Buddhism was inseparable from her public persona, the theatre played a more subtle role.

Her early practice of writing was associated with these two major interests: first in a private capacity (as evidenced by the notebooks and diaries kept since 1882 [MADN, Archives, ADN-G2-AG1-6 and CADN 18], and a diary covering the years 1889-1892 [MADN, Archives, CADN, s.n., reproduced in David-Neel A., 1986], kept in her house in Digne, the oldest of which however she destroyed at different times [notably in 1910 when it was necessary for her to "destroy all the material vestiges of ties and to leave, having buried the past", David-Neel, 2000, p. 266]) then, from 1893, occasional publications in reviews [Le Lotus bleu, L’Étoile socialiste]. Without any real break in the trajectory, we can distinguish three successive phases, of about 33 years each, in the author’s long existence: the phase of childhood and early activity (1868-1900); that of the orientalist woman of letters (1901-1936); and finally, that of the accomplished author (1937-1969). Each of these three periods corresponds to a journey in Asia: the first with two first trips to India and Indochina in 1894 and 1895-1896; the second to the long stay which lasted from 1911 to 1925 and during which she lived mainly in Sri Lanka, India, Sikkim, Nepal, Japan, China, and Tibet; the third to the last of her great Asian crossings, from 1937 to 1946: from Paris to Beijing (Beijing) by the Trans-Siberian and, from there, to the Tibetan border by the Wutaishan, Hankeou, Chengdu, and Dartsedo (Kangding), then repatriated by plane after visiting Kunming and seeing Darjeeling and Calcutta again.

The Student and the Lyrical Actress (1868-1900)

For the first period, biographical criticism has long been dependent on David-Neel's retrospective presentations of her own youth and family, on rare occasions her published work, and more abundantly her rich and fascinating correspondence with her husband, revealed to the public posthumously (David-Neel A., 2000). Recent archival research (see the permanent exhibition of the museum of the writer's house, MADN; Mascolo de Filippis J., 2018; Éprendre N., 2019) has revealed new data illuminating David-Neel's childhood, youth, and operatic career, mostly under the pseudonym Alexandra Myrial (David-Neel A., 2018). The author would continue to be drawn to pseudonyms and multiple identities throughout her trajectory. Declared in the civil registry under the first names Louise Eugénie Alexandrine Marie (MADN, Archives, CODN 1578), she was called Louise by her godfather, but Nini (presumed diminutive of Eugénie) by her father and Alexandrine by her mother (MADN, Archives, CODN 364); this last name was probably the most frequently used, as evidenced by piano scores and annotated works in her library. Louis Pierre David (1815-1904), a teacher in Touraine and journalist for the republican daily Progrès d'Indre-et-Loire, a political, agricultural, commercial and literary newspaper, was anticlerical. Proscribed in December 1851, he went into exile in Belgium where in 1853 he met and married Alexandrine Panquin, née Borgmans (1832-1917), who ran a fashion boutique, came from a Catholic background, and had been adopted by an Assize worker in Louvain (Van Grasdorff G., 2011, p. 53). Together, they ran a textile shop that seems to have flourished. After 1865, this somewhat disparate couple moved to France, to Saint-Mandé, where Alexandra was born. In 1874, the David family moved to Brussels. It was undoubtedly Alexandra herself who chose the first name by which she would be called all her life, perhaps when she came of age, likely because in this way she subtly distinguished herself from her mother and her name at birth. Perhaps she also modelled her first name on that of a close friend, Alexandra de Kozoubsky (1868-n.c) whose Russian origin and place of birth (Jerusalem) sparked her imagination. Barely a month older than her, the latter entered the Conservatoire royal de Bruxelles at the same time as her (CRB, Archives, Demandes d’admission). At the very least, we can assume that through this onomastic game she endorsed the exotic imagination, both rebellious and noble, which her first name then carried. In 1895, she indeed claimed imaginary Russian origins in a portrait published in Le Courrier d’Haiphong (December 24, 1895, p. 23). We do not have any more certainty about the choice of surname she took that same year, when leaving for the lyric opera season of the troupe of a certain Madame Debry in Tonkin (Thévoz S., 2019). Her companion at the time, the musician and composer Jean Hautstont, appears as the double bass player of the troupe under the same name (ANOM, GGI, R.62, 1896).

In 1886, having just left her second boarding school (the first Protestant, the second Catholic), Alexandra David, who was prevented by her mother from studying medicine (the same year, Augusta Dejerine-Kumpke [1859-1927] was the first woman admitted to the Paris hospital boarding school), enrolled in Italian language, declamation, music theory, singing, deportment, and mimicry classes at the Conservatoire, which she left after winning a first prize in singing in 1889. This was the year she came of age: as evidenced by a note in her personal notebook, she directly associated this moment with emancipation (David-Neel A., 1986, p. 28). Thus began an intense search to give meaning to her life. Undoubtedly still financially supported by her parents, with whom she still lived, she earned a little money from a few concerts given irregularly in Belgium and in northern France. At the same time, she frequented Protestant circles linked with the Baptist movement and oriented towards charitable works, such as the Salvation Army, then groups with a syncretist tendency, such as liberal Protestantism and unitarianism, in Brussels and during brief trips to Switzerland. (David-Neel A., 1986 and MADN, Archives, CADN 18). Willingly solitary, even misanthropic, she sharpened her critical mind by extensively reading ancient philosophers, religious literature, and the major works of Eastern religions, in the broad sense that term had at the time. Through a friend, she first heard about the Theosophical Society in 1892. She went to London that same year, stayed at the Society's headquarters, met its most important leaders, George R. S. Mead (1863-1933) and Annie Besant (1847-1933) and, no doubt, some of the members of the French and Belgian-Dutch branches present during the Society's European Annual Convention held that summer in London. Having become a member herself, she briefly broke off relations with her parents and officially took up residence at 3 Boulevard Saint-Michel in Paris, the headquarters of the French branch. The Theosophical Society opened the doors of Asia to Alexandra David and offered her a local and international breeding ground for her intellect (David-Neel A., 1986 and MADN, Archives, CADN 18).

While accepting singing contracts at short notice and essentially living by her wits, Alexandra David, dissatisfied with the theosophical approach to the religions of Asia and Buddhism in particular, enrolled in the École Pratique des Hautes Etudes. She attended, to the extent of her availability, Japanese courses, Far Eastern religions and lessons on Buddhism given by Léon de Rosny (1837-1914) who was an eclectic scholar and a pioneer of Asian and ethnographic studies in France. Through Jacques Tasset (18??-19??), whom she met at the Society, she established a tumultuous but lasting relationship with L Ar de Rosny (MADN, Archives, n.c.). She also took the course of Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894) at the Collège de France on the Lalitavistarara Sūtra, the first extended account of the life of the Buddha to have caught the attention of European scholars. Alexandra David's trip to India in 1894 is thus explained by her desire to compare the reality on the ground with her personal ideas and with the knowledge and representations circulating in Europe. The year before her trip, leaving Paris for Brussels, she met Jean Hautstont (1867-between 1939 and 1941) through his contacts with the Belgian branch of the Theosophical Society. Their artistic affinities were first associated with a common interest in esotericism, before Jean introduced Alexandra to anarchism. They lived in a free union, even if she would later introduce him as her first husband (MDH, SAP, 2/AM/1/K30e). They took up residence in Passy under their chosen surname, but they both lived between Paris and Brussels and Jean introduced Alexandra into the artistic, esoteric and libertarian circles of Brussels, bohemian as well as bourgeois. This is how she frequented the salon of Élise Soyer and Raymond Nyst (1864-1948) and became close friends with Élisée Reclus (1830-1905) and her family. The few articles that Alexandra David published during this period under the names of Mitra and Myrial testify to her evolution: from an "internal" debate of ideas on the values ​​and beliefs of theosophists, she turned, following her trip to Asia, towards socialist and anarchist circles for which she composed a libertarian version of the Buddha and his teaching (Mitra, 1895). The Indochina tour did not open the doors of the Opéra-Comique in Paris to her, as the support of personalities such as Jules Massenet (1842-1912) led her to hope; but this experience assured her of engagements as the first singer of lyrical drama in the seasons of provincial theatres; in Belgium, Athens, and finally Tunis in 1900. Alexandra Myrial, who was now discussed in the local and musical press, thus took her first steps in the public space on stage (Thévoz S. in David-Neel A., 2018, pp. 342-345).

From Woman of Letters to Writer (1901-1936)

Her arrival in Tunis represented a period of significant rupture, as there Alexandra David put a definitive end to her lyrical career (while not literally a farewell to the theatre) and settled with Philippe Néel (1861-1941) with whom she had an affair following a performance. After living with him in a common-law union, she married him in 1904. This period of crisis, characterised by a change in lifestyle, apparently antithetical to her youthful ideals, crossed by neurasthenic tendencies and complicated for several reasons on the affective level (her relationship with Philippe, the death of her father, then of her spiritual father, Élisée Reclus), was simultaneously a period of intense literary activity. The actress who became a woman of letters continued to sign her writings Alexandra Myrial until 1906. From 1907 to 1924, her pen name was Alexandra David. She considered her Arab house, the Mousmé, bought by Philippe at La Goulette, as her matham: maṭha is the name given to Hindu monasteries; it is also the title of one of her short stories in 1903 (Neel-David A., 1903). The work she produced in this house took many forms and unfolded in various directions: debates, militant pamphlets, short stories, novels, popular science. The budding author wrote several studies on Asia focusing on Japan, Korea, India, China, and Tibet. While the subjects are very diverse, many of her contributions share a link between religion and politics. At the time of the law on the separation of Church and State, they sought to make a contribution by presenting models from Asia to the debate around the "solidarism" of Léon Bourgeois,for example (1851-1925). Concurrently, she militated in favour of a "rational feminism” and was committed to the defence of secular education and morals, the management of orphanages by the State, marriage reform, and a reflection on the education of girls or natives in the colonies; all these causes explain her entry into Freemasonry in the same years. She also became a member of several learned societies, mainly in the fields of anthropology and geography. Published in the major Parisian, Belgian and Tunisian press, in newspapers such as La Fronde and in magazines such as the Mercure de France, her publications reflect less the writer isolated in her distant retirement, devoting herself to water sports and excursions in the Sahara (which was however of first order importance for the writer), than a woman constantly in correspondence and traveling between Tunis and Paris, London, Rome, working hard to consolidate her network of relations, and frequenting worldly and literary salons (notably that of Rachilde (1860-1953) and intellectual and academic circles (MADN, Archives, ADN-G2-AG3-16).

On the intellectual level, the intersection of her interest in Asia, her fight for secularism, and her international ambitions culminated in the 1910s with her collaboration with Documents du progress, a journal distributed in several languages ​​and directed by the pacifist sociologist and internationalist Rudolf Broda (1880-1932), and several related journals. This was the moment that she restores Buddhism to a prominent place in her life (she presents her Tunisian matham as the seat of a Buddhist "Propaganda Committee" [TThe Maha-Bodhi and the United Buddhist World, 1910, p . 448] and actively developing her relationships with global Buddhist networks) as well as in her work (her Bouddhisme du Bouddha et le Modernisme bouddhiste published in 1911 can be considered her first author's book). It was also the moment when her plan of a great trip to Asia took shape, encouraged by her husband. With the support of the Minister of Foreign Affairs, Stephen Pichon (1857-1933), and also, to a lesser extent, of the archaeologist and sinologist Édouard Chavannes (1865-1918), she obtained a modest subsidy from the Ministry for a scientific mission of one year to “study, on the spot, the modern manifestations of the great philosophical and religious schools of Hindu origin: reformist or modernist Buddhism and neo-Vedantism.” (AN, F/17/17281) Such a mission would interest Orientalist philologists less than the ethnographers and anthropologists who were close to Alexandra David. Supplemented by "some studies of modern yoguism [sic]" and "a survey of native teaching, especially with regard to the education of girls", the trip planned mainly to India would take her next to Burma, Indochina, and Japan. Nothing suggested that Alexandra David would become an authority on Tibet, much less on Tibetan Tantric Buddhism. This specialisation was entirely the result of an encounter in the field. Intrigued by Bengali neo-tantrism during her stay in Calcutta, notably with John Woodroffe (1865-1936), she learned of the flight of the Dalai Lama to Kalimpong, on the border of India and Sikkim, where she went without delay (David-Neel A., 2000, p. 108-140).

Alexandra David discovered tantric practices in Sikkim, into which she was initiated by the third sgom chen ("great yogi") of Lachen, Kunzang Ngawang Rinchen (1867-1947), in a cave on the borders of Tibet which she baptised "De-chen Ashram" (the hermitage of the "Great Peace", according to its own translation). The Tibetan religious universe that she observed and whose texts she studied appeared to her as a hitherto unexplored field of investigation, on the margins of the ritualistic and ecclesial forms of what was then called "Lamaism" and to which the Tibetan religious fact was reduced. In 1913, in her interim mission report (AN, F/17/17281), she stated: “Tibetan Buddhism is understood very little, or rather, very poorly. The writers who have published books about it have spoken only of the external practices of popular worship, for lack of having been able to penetrate beyond them, the reserve of the learned lamas being extreme towards foreigners.” From this was born a writing program, feeding into future work and extended by a long stay at the monastery of Kumbum (sKu 'bum byams pa gling) in the province of Qinghai in 1920: “I bring something new, something completely new in which there is something for everyone: history, legends, philosophy, mysticism, occultism, geography, even ribald literature.” (David-Neel A., 2000, p. 753) This list encapsulates exactly the different genres and literary registers that would mingle in the writer’s work in the making and indicates the narrative reservoir, added to the sacramental experience, from which she drew to feed it.

The adventures of this phase, in the company of her adopted son Aphur "Albert" Yongden (1899-1955), outside the initial parameters that she had set for herself, are well known by the stories that she published upon her return and the numerous biographies devoted to her (among these, see Désiré-Marchand J., 1996). The feat of her trip to Lhasa in 1924 was, in the words of the Indianist scholar Sylvain Lévi (1863-1935), a "magnificent record of energy, will, endurance" (AN, F/17/17281). Above all, by braving obstacles and prohibitions, the "Parisienne" showed the world by example the tenacity of her libertarian aspirations and her individualistic philosophy. From that time on, the experience of the trip and the important collection of texts fed almost exclusively the double literary production of the writer: popular works on the one hand and works of an orientalist nature on the other, thus responding to the encouragement of Désirée Lévi who added as a postscript to a letter from Sylvain Lévi in ​​1911 (MADN, archives, CODN 441): “Come back to us […] with a fine harvest of impressions and documents, the first for me, the second for my husband. It is certainly in the free zone between these two directions that we must seek the original voice of the writer.” Her publications, often produced with the help and sometimes even with the complicit pen of Aphur Yongden, were divided between travelogues or adventure novels intended for the general public and more specialised works on subjects of orientalism, but always oriented towards an audience at the edges of specialised readership (for reference see the author's work on the chronological bibliography available on the MADN website: https://www.alexandra-david-neel.fr/bibliographie).

Simultaneously, the woman of letters had become, through a formidable media campaign, a heroic woman-adventurer and figure of authority: Alexandra David-Neel was now fully recognized in the public space. From Lhasa, she proclaimed to her husband: “I believe that at the present time, among all the white travellers, I am know Tibet best” (David-Neel, 2000, p. 736). Quickly acquainting herself with the latest publications on Buddhism and Tibet, the explorer realised on the way back how much the territories that seemed deserted and unknown to her during the 14 years that she surveyed them were now the subject of fierce competition in the realm of bookstores. Alexandra David-Neel positioned her work within the parameters of adventure and the discovery of a hitherto unsuspected world. Willingly open to the marvellous, dreams, magic, and enchantment, her books have a unique dramaturgical and spectacular dimension. Through the enchantment of writing, the author nourished the positive ambition of bringing a new spiritual breath to her contemporaries who were bruised by war: in her eyes, the mission of literature was to help them find themselves and rise up (see Thévoz S., 2016). The preferred subject of many of her works, at least the one that has most lastingly retained the attention of is readership, is the tantric initiate, the lama-yogi who, "sportsman of the spirit", was among other things capable of produce "inner fire" (tumo, tib. gtun mo). Attracting a public familiar with the occult Asia of the theosophists, in line with some still recent popularising and fictive works on Indian and Tibetan tantrism, this heroic figure was considered somewhat romantic by orientalists such as Sylvain Lévi who would have preferred a version meeting academic standards. This conflict should not hide the fact that it was through contact with other scholarly circles, which provided her with support and scientific legitimacy, that the writer developed the character of the tantrika recurring in her work: she frequented Jacques Arsène d'Arsonval (1851-1940), physicist, inventor of medical electrotherapy, and president of the Paris Psychological Institute, whose several associate researchers were interested in the phenomenon of animal thermogenesis. The Tibetans became keepers of a knowledge that was ignored by European scholars and that was fantisised about by Western occultists.

In 1928, after an intense campaign of public and university lectures, David-Neel ended up acquiring a property in Digne (MADN, Archives, Notarial act, CODN 1580 and n.c.). In 1929, she planned to make it a retreat centre for meditaion (Buddhist Annual of Ceylon, 1929, p. 252). She gave it a Sanskrit name, "Dhyāna Vihāra" (Monastery of Meditation), whose Tibetan equivalent, "Samten Dzong" (bsam gtan rdzong, Fort of Concentration), would become the identity of the writer’s house. It was from this new and definitive matham (after the Mousmé in Tunis and the hermitage of Dechen-Ashram in Sikkim) that she dispatched her most important work, surrounded by her Tibetan manuscripts and the many objects that had followed her throughout her travels. As in the past in Tunis, she frequently left her solitary retreat to travel across Europe, notably for conference tours, and continued to develop the vast network of relations already established in France and abroad to which she remained remarkably faithful during her lifetime. She reluctantly returned to Europe, and the desire to go back to Asia never left her. In 1929, she conceived an ambitious new mission concerning the "psychic and religious sciences", motivated by an unprecedented ethnographic, photographic, cinematographic and book collection (AN, F/17/17281). This second mission, for which the Psychological Institute of Paris and its illustrious president, Arsène d'Arsonval, stand as guarantors (Lévi, for his part, took it "neither for an orientalist nor for a Sanskritist" and adopted the same ambiguous posture as Chavannes previously), led her to Siberia, Mongolia, North-West China, and the borders of Tibet. She went in search of the mythical city of Shambhala and information about the doctrines and practices relating to what she calls "an energy without causes perceptible and perpetually active in all things" (David-Neel A., 1994, p. 552).

The Accomplished Writer (1937-1969)

The Sino-Soviet conflict forced her to postpone her departure. She boarded the Trans-Siberian in 1937 to return nine years later, at the age of 78. Thus she spent the two World Wars in Asia. The situation was hardly peaceful there: the Sino-Japanese war (1937-1945) then the long Chinese civil war (1927-1950) hampered her initial projects and confined them mainly to the province of Sichuan. These widespread conflicts ("war is the normal state of beings, the universe is a battlefield," she wrote in her 1956 diary [David-Neel A., 1986, p. 229] directly affected her production of literature, as well as the tone of her many letters present in the archives of the house of Digne (MADN, archives, CODN, varia). If the previous period brought to the feeling of philosophical and existential disillusion a kind of cheerful and voluntarist momentum (“Buddhists are pessimists of the calmly cheerful kind”, David-Neel A., 2000, p. 761), resignation and nostalgia, amplified by the death of Philippe Néel in 1941 and that of Aphur Yongden in 1955, characterise the writings of her last period, progressively marked by feelings of “vanity, the uselessness of any literary activity” (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/79). Previously, Tibet had been the heart of her literary project; during this third period, her work extended to other geographical areas (India, China), echoing her first years as a woman of letters, and focused more strongly on the contemporary world. More precisely, by way of Asia, the author sought to bring an authoritative point of view on the contemporary world, centred on her individual experience and her acquired knowledge: after her last voyage, the memory of the explorer became the preferred reservoir from which her literary production drew. While the work published and pursued until her death sometimes realised projects conceived long before (sometimes even from her stay in India in 1911, such as her translation of the Aṣṭāvakragītā in 1951 (others would never be completed), the newer material displayed a clear tendency towards autobiographical retrospection and the evocation of resuscitated memories of the past, without concern for chronology, recounted by an omnipresent narrator, simultaneously demiurge and main actor. As if by symmetry, David-Neel increases her reflections on death (or its converse: the quest for immortality). The principles of her writing did not fundamentally change, but the poles that ensured its balance reversed: comedy turned into tragedy.

One of David-Neel's late, unfinished writing projects bears the title Rencontre de Désincarné (MADN, Archives, Autograph Manuscripts, Envelopes 92-94): in the manner of sotie, the author humorously imagines talking with great figures of the past, including Mao Zedong. From then on, David-Neel's literary universe referred to a finite world, a world frozen within its borders, the time of real travel being irrevocably over, even a world adrift, like the "ship of fools", a literary and artistic reference to which she returned frequently in her writing, a world moreover threatened by a third World War. After her return from Asia, the writer only had her house, whose Tibetan name she now translated as "residence of reflection", with increasingly rare exceptions. In a letter to Ella Maillart (1903-1997), a travel writer of the next generation whom she deeply esteemed, David-Neel mischievously conceived the project of founding, on the model of the Société des explorateurs, a "club […] that would bring together the Himalayians: those who have lived in the Himalayas, those who have gone there and, like deputies, have approached the spiritual Himalayas, the thought of the Rishis [sic], who thought up the Upanishads and Buddhist philosophy.” (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/80) A few months earlier, the explorer had given her protégé the perfect image of the state of mind (here we can note a belated manifestation of the anarchism professed in her youth) and the disillusioned vision of the world that marked the twilight of her existence in Samten Dzong: "I miss my Himalayan hermitage, but Asia has changed so much that I would no longer find anything that once held me there, the India of the Oupanishads [sic], of the richis [sic] of the forest, the India of the Buddha. Politicians now have the floor and politicians can be found in abundance in Europe. You have to remake Himalayas and hermitages in yourself. That's the wisdom... Have you fully achieved it?” (BDG, CH/BGE/Ms. fr./7088/79).

Article by Samuel Thévoz (Translated by Jennifer Donnelly)

Evénements
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1894
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Alexandra David voyage en Inde en 1894.

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Date de l'événement : 
1910 - 1925
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En 1911, Alexandra David part en Asie pour une mission qui doit durer un an. Celle-ci s'achève en 1925.

Type d'événement : 
Date de l'événement : 
1937 - 1946
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Partie en 1937, Alexandra David-Neel revient en France neuf ans plus tard, en 1946.

Thèmes d'étude
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Jacques Bacot et Alexandra David-Neel se rendent visite et s'échangent des lettres. Ils ont également participé à la même exposition, "Le Tibet ethnographique. Exposition des missions Jacques Bacot" en 1933 au Palais du Trocadéro. (Source : notice Agorha "Alexandra David-Neel" rédigée par Samuel Thévoz)

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Alexandra David-Neel et Sylvain Lévi se rendent visite et échangent des lettres. (Source : notice Agorha "Alexandra David-Neel" rédigée par Samuel Thévoz)

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Alexandra David-Neel et Édouard Chavannes se rendent visite et échangent des lettres. (Source : notice Agorha "Alexandra David-Neel" rédigée par Samuel Thévoz)

Bibliographies / archives
Sources en ligne
Date de consultation : 
25/05/2021
Référence de notice : 
0000 0001 2124 4010
Date de consultation : 
25/05/2021
Url document source : 
Date de consultation : 
25/05/2021
Source
Institut national d'histoire de l'art (France)
Licence
Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
Samuel Thévoz