Duval, Marc
rue de Grenelle, Saint-Germain-des-Prés
Alors en dehors des limites des murailles de la ville.
Peintre et graveur, fils de Bertin Du Val, « peintre et sculpteur de François Ier », Marc Duval était surtout connu pour ses portraits gravés (La Croix du Maine, d’Espaulart, p. 34). Adhémar (1970) écrit qu’« il est le premier à graver les crayons, au lieu de les recopier sous forme de dessins ». Dans le dictionnaire des artistes de Bérard, il est cité comme peintre d’ornements.
Il serait né au faubourg Saint-Vincent du Mans v. 1530 (Guiffrey 1879). Sourd et possiblement protestant, rien n’est connu de sa formation qu’il aurait sans doute effectué dans l’atelier de son père. Il aurait par la suite effectué un voyage à Rome, autour de 1533 : c'est probablement à lui que van Mander (1604, ed. Miedema,1994) fait allusion lorsqu'il décrit le passage de Bartholomeus Spranger à Paris en 1565 dans l'atelier d'un « peintre de la Reine-Mère, un miniaturiste [verlichter] appelé Marcus », qu'il qualifie de bon miniaturiste et dont il précise qu'il avait travaillé à Rome auprès de Giulio Clovio. Aucune œuvre signée ne semble confirmer à ce jour sa compétence dans le domaine de la miniature ; nous ne connaissons que deux portraits en miniature représentant Sébastien de Luxembourg insérées dans le Livre d'Heures de Catherine de Médicis ( Bnf, NAL 82), attribuées au "Peintre de Luxembourg -Martigues " que l'on tend désormais à identifier précisément avec Marc Duval. Louis Dimier (1924), associe cette indication de van Mander à la mention d'un « Maestro Marcho Francese » qui aurait participé au décor du Palazzo Sacchetti en mai 1553 pendant 14 jours (Hewett 1928) et lui suppose donc un séjour en Italie dans les années 1550, auquel il rattache sa production de gravures de grotesques. Plus récemment Zvereva a considéré ces sources comme contradictoires, indiquant que si Marc Duval avait été actif au palais de Sacchetti, il n’aurait pu être dans l’atelier de Giulio Clovio. Il est en réalité possible que lors de son voyage à Rome, il ait travaillé aux deux endroits, puisqu’actif à Rome au service du cardinal Farnèse à partir du début des années 1540. D’autre part, les informations sont sans doute assez véridiques puisque van Mander et Spranger se connaissaient bien. Le nom de Duval n’apparait cependant pas dans les listes d’officiers conservées de Catherine de Médicis.
De retour en France, il rentre sans doute au Mans : plusieurs documents des archives le signalent comme peintre dans cette ville en 1561-62 (d'Espaulart, 1862). Il y épouse Catherine le Jolly avec qui il aura au moins quatre enfants : Robert, Jacques, Marc et une fille, Elisabeth, également douée pour le dessin et le portrait (La Croix du Maine 1584, Scailliérez 2002). Le couple s’installe rapidement à Saint-Germain des Prés, rue de Grenelle, paroisse idéale pour un artiste non parisien et non catholique. Si on tient compte de la formation de Spranger, il se serait installé entre 1562 et 1565.
Selon Paul Raymond (1873-74), il a été employé au service de Jeanne d’Albret avec 100l.t de gages à partir de 1567, puis au service d’Henri de Navarre, futur Henri IV. Entre 1576 et 1578, il reçoit ainsi des gages au titre de peintre et valet de chambre du roi (Archives départementales des Pyrénées Atlantiques (AdPA), B/2243, 2317, 2321, détruites en 1908 ; Raymond 1874). En 1578 il est également payé 66 écus (soit 198 l.t.) pour quatre tableaux de petites dimensions pour le roi et 36 l.t. pour un petit portrait de Henri IV destiné à Philippe de Duplessis-Mornay (AdPA B/2321 (détruit) ; Fillon 1879, p. 224, Guiffrey 1879, p. 221-222, Moreau-Nélaton 1924, p. 166). En 1584, il recevrait une dernière pension en qualité de « peintre et valet de chambre de Jeanne d’Albret », sans doute un arriéré d’une pension non payée, cette dernière étant morte en 1572 (AdPA B/2723 (détruit), Raymond 1874). Celle-ci dut être versée à sa famille puisque ce dernier est mort à cette date, ou s’agit-il d’une erreur e transcription ? Raymond suppose plutôt que Marc Duval aurait eu des difficultés à être payé et a régulièrement été payé en retard. Malheureusement, l’auteur ne transcrit qu’une seule de ces quittances. Duval semble avoir travaillé pour la cour de Navarre tout en résidant à Paris car la plupart des quittances citées par Raymond ont été rédigées depuis Paris.
Plusieurs documents d'état civil collectés par Laborde le montrent par ailleurs "peintre du roi" à Paris en 1576-1578. S’agit-il d’Henri de Navarre ou d’Henri III ? Aucune source ne confirme un possible paiement par le roi de France. A cette même période, il est en contact avec Benjamin Foulon et Monsieur de Saint André (Paris, Bnf, Fichier Laborde, documents 25601 à 25605). En 1577, Marc Duval est témoin du mariage de Jean Rabel, qualifié de « maître peintre » et en 1579, lors d'une affaire juridique au Chatelet, il est plutôt qualifié de « marchand peintre » (Guiffrey 1915). Ceci suggèrerait que Duval ne faisait pas étalage de sa position au service du roi de Navarre alors en relation conflictuelle avec le roi de France.
À partir de 1579, des portraits signés de sa main sont gravés, entre autres chez Jean Rabel, notamment celui de Catherine de Médicis et une remarquable gravure anonyme portant son invenit (M. du Val F.1579) figurant les Trois frères Coligny en pied. Compte tenu de la rude compétition entre les différents portraitistes de la cour, et l’irrégularité de ses paiements par la cour de Navarre, Duval aurait alors diversifié ses activités en se mettant à la gravure : il a ainsi signé plusieurs gravures d'interprétation ( un Saint Jérôme anonyme, Le Christ et la femme adultère d'après Lorenzo Lotto, et des pièces de grotesques. Se serait-il associé avec son ami Jean Rabel ? Ce dernier a par la suite copié un certain nombre de ses gravures.
L’assimilation du "Peintre de Luxembourg-Martigues", nom de convention créé par Louis Dimier (1924-1926, t. II p. 133-147), à la figure artistique de Duval a été proposée par Jean Adhémar lors de l’exposition des crayons de la BNF en 1970. Seule Alexandra Zvereva (2011) juge cette assimilation infondée et considère les œuvres du groupe du Peintre de Luxembourg Martigues comme de la main de François Clouet. Les dessins qui lui étaient attribués par Dimier sont aujourd’hui plutôt donnés à l’atelier de Clouet. Marc Duval aurait-il intégré un temps cet atelier lors de son arrivée à Paris ? Ceci pourrait expliquer la veine réaliste que son œuvre tend à offrir.
Marc Duval meurt le 13 septembre 1581 (Guiffrey 1879). Outre la probable formation de sa fille Élisabeth, Hessel Miedema suppose donc qu’il a eu Bartholomeus Spranger en apprentissage lors de son séjour parisien vers 1565-1566. Étant incapable de le faire travailler sur des peintures d’histoire, il lui faisait copier des crayons (Mander 1994). Ceci confirme donc que Duval était polyvalent : dessinateur, miniaturiste, peintre, graveur, un véritable artiste de la Renaissance.
p. 306-307
p. 225-226
Article sur Bertin Duval, père de Marc Duval.