Durfort, Louise-Jeanne de

[Objets collectionnés]

[Objets collectionnés]

Dès 1760, au vu des importantes dettes et de la vie dissolue de Louis-Marie-Guy d’Aumont, la duchesse de Mazarin demande la séparation de biens avec son époux (AN, MC, ET/XXIII/778). Il s’ensuit plusieurs ventes du mobilier contenu dans leurs résidences de Paris, Versailles, Compiègne et Fontainebleau, mais la duchesse se porte adjudicataire de tout l’ensemble pour 160 356 livres (AN, MC, ET/XXIII/778). Suite à cette séparation, la duchesse de Mazarin a un train de vie dispendieux afin de posséder les plus novateurs et esthétiques décors d’intérieurs, meubles, pierres dures, porcelaines, laques, bijoux et pièces d’orfèvrerie. Le 19 juillet 1767 (AN, MC, ET/XXIII/690), elle achète pour 400 000 livres à Louis-François de Bourbon, prince de Conti, l’hôtel de La Roche-sur-Yon, appelé hôtel de Lauzun, sis à Paris au 11-13 du quai Malaquais, qui devient avec le château familial de la ville de Chilly-Mazarin (Essonne) deux véritables écrins pour ses collections. L’hôtel parisien, construit en 1630 par Clément Métezeau (1581-1652), comporte un corps de logis principal et une seule aile en retour ; cette demeure n’est pas habitable en l’état en 1767. C’est pourquoi la duchesse fait entreprendre, entre 1767 et 1774, une première campagne de travaux qui est menée par l’architecte Pierre-Louis Moreau-Desproux (1727-1794) : il s’agit de remettre en état le bâtiment, dont la toiture, la cour et le chauffage sont à rénover et les décors intérieurs à refaire. Ces derniers sont tout d’abord réalisés par Pierre-François Maurisan, puis, à partir de 1769, par Gilles-Paul Cauvet (1731-1788) ; tous deux sculptent les lambris de l’hôtel (Faraggi C., 1995). Les peintres doreurs, comme la veuve Bardou et Huet, réalisent les peintures. Puis, à partir de 1774, l’architecte François-Joseph Bélanger (1744-1818), secondé à partir de 1777 par Jean-François-Thérèse Chalgrin (1739-1811), effectuent la seconde campagne d’aménagement jusqu’en 1781. En prévision du mariage de sa fille, en 1777 avec le prince de Monaco, les appartements de la future duchesse de Valentinois sont rénovés avec un décor arabesque à la dernière mode effectué par le sculpteur Nicolas-François Lhuillier (1736-1793) et le peintre Jean-Marie Dussaux. Les menuisiers, Saint-Georges (1723-1790), Pluvinet (?-1793), Jean-Baptiste Boulard (1725-1789) et Louis-Charles Carpentier (vers 1730-1788), fournissent la plupart des sièges de l’hôtel (Faraggi C., 1995). Pour son mobilier, la duchesse fait appel à de célèbres marchands-merciers qui se fournissent auprès des meilleurs ébénistes comme Pierre Garnier (1726-1800), Jean-François Leleu (1729-1807), Martin Carlin (1730-1785) ou encore Joseph Baumhauer (?-1772). C’est dans le grand salon, ou grande galerie, à partir de 1778, que le marbrier Adam, le sculpteur Jean-Joseph Foucou (1739-1821) et le fameux doreur-ciseleur Pierre Gouthière (1732-1813) ont un rôle des plus importants (Vignon C. et Baulez C., 2016). En effet, ils réalisent pour ce salon un ensemble en marbre bleu turquin garni de bronzes dorés faits par Gouthière, comportant deux piédestaux (collection particulière), une cheminée aux faunesses (anciennement au château de Ferrière) et une console inachevée à la mort de la duchesse (New York, Frick Collection, 15.5.59). Gouthière fournit également pour ce salon une paire de bras de lumière à cinq branches à fleurs de pavot (Paris, musée du Louvre, OA 11995-11996) (Duclos C., 2009) et un feu aux aigles (Paris, Mobilier national, GML 3600).

Louise-Jeanne, suivant la mode du Siècle des lumières, se passionne pour les laques et les porcelaines d’Extrême-Orient. Son cabinet comporte plus de quarante-cinq objets en laque de Chine ou du Japon et pas moins de deux cent cinquante porcelaines orientales, tant japonaises, à décor Kakiemon ou en grès, que chinoises en céladon, en bleu et blanc, en flammée, en aubergine ou turquoise, en blanc de Chine. Toutes les porcelaines orientales trouvent grâce à ses yeux. Ainsi, des vases, urnes, pots-pourris, cornets, fontaines, magots et animaux de toutes sortes, le plus souvent enrichis de bronze doré, ornent les appartements de ses différentes résidences. Sa chambre à coucher de l’hôtel du quai Malaquais est entièrement décorée des plus riches meubles en laque, notamment une commode à panneaux de laque et porcelaine de Sèvres (collections royales anglaises, la plaque en porcelaine a été depuis retirée, RCIN 35826) accompagnée de deux encoignures (collections royales anglaises, RCIN 29) faites par Joseph Baumhauer et livrées par le marchand Darnault (vers 1718-1790). Cette commode supporte divers objets en porcelaine de Chine d’époque Kangxi à couverte turquoise, notamment deux grands lions en porcelaine qui provenaient de l’ancienne collection Gaignat (1697-1768) (vente Gaignat, 1768-1769, lot 101) et une paire de vases à décor gaufré d’écailles de carpe et anses en serpent (collection particulière), que la duchesse a acquis chez le marchand-mercier Claude-François Julliot (1727-1794) en 1773 (Vriz S., 2011). La pièce dénommée « cabinet chinois » expose la plus grande quantité de porcelaines d’Extrême-Orient avec quatre-vingt-quatre œuvres, presque toutes ornées de montures en bronze doré d’or moulu, comme une paire de vases en céladon d’époque Ming (1368-1644), datant du XV^e siècle et ornée d’une monture parisienne en bronze doré vers 1775 (collection particulière), qu’elle achète à la vente Julliot en 1777 par l’intermédiaire du marchand Jean-Baptiste-Pierre Le Brun (1748-1813) (Vriz S., 2018, p. 72-79). La duchesse possède également des grès de Kyoto, comme le pot-pourri orné d’une monture à têtes de satyre et provenant de l’ancienne collection du peintre François Boucher (1703-1770) (collection particulière) (Vriz S., 2019, p. 101).

L’enrichissement progressif de ses collections est relativement bien connu. En effet, de nombreux mémoires conservés permettent d’affirmer que la duchesse se fournissait chez les plus importants marchands-merciers parisiens et lors des ventes aux enchères des grands cabinets. On sait ainsi qu’elle est une cliente régulière de Simon-Philippe Poirier (vers 1720-1785) dès 1764, puis de Dominique Daguerre (vers 1740-1796), de Claude-François Julliot (1727-1794) dès 1768, mais aussi de François Charles Darnault (vers 1718-1790) (Farragi C., 1995). Ces factures montrent très clairement que la duchesse n’hésite pas à troquer des objets, à faire changer des anciennes montures en bronze doré contre d’autres plus modernes et même à fournir elle-même certaines porcelaines aux marchands-merciers pour qu’ils réalisent des objets selon ses propres souhaits. Elle choisit également d’acquérir une partie de sa collection par l’intermédiaire de Jean-Baptiste-Pierre Le Brun, marchand et expert, particulièrement des laques et des porcelaines orientales lors des ventes de Pierre-Louise-Paul Randon de Boisset (1708-1776) en février 1777, de Julliot en novembre 1777 et de l’abbé Jean-Bernard Le Blanc (1707-1781) le 14 février 1781.

Le cabinet oriental de la duchesse de Mazarin est très renommé au XVIII^e siècle. Lors de sa vente après décès, qui a lieu en son hôtel du quai Malaquais à partir du 10 décembre 1781, les célèbres marchands et les grands amateurs, à l’instar de la reine Marie-Antoinette, se disputent sa collection d’objets les plus rares. La reine y fait notamment l’acquisition du kiosque avec sa boîte à encens en laque du Japon (Paris, musée du Louvre, MR380-86 ; MR380-87) et d’une boîte hexagonale également en laque du Japon de type inrō-buta-zukuri (Paris, musée Guimet, MR380-70).

Article rédigé par Sylvia Vriz

In 1760, as a result of Louis-Marie-Guy d’Aumont’s large debts and dissolute life, the Duchesse de Mazarin requested the separation of property with her husband (AN, MC, AND/XXIII/778). Subsequently, several sales were held of the furniture from their residences in Paris, Versailles, Compiègne, and Fontainebleau, but the Duchesse made a bid for the ensemble for 160,356 livres (AN, MC, AND/XXIII/778). Following this separation, the Duchesse de Mazarin led the life of a spendthrift in order to gain possession of the most innovative and aesthetic interior decors, furniture, hard stone articles, porcelain objects, lacquer objects, jewellery, and gold and silver wares. On 19 July 1767 (AN, MC, AND/XXIII/690), she acquired from Louis-François de Bourbon, Prince de Conti, for the sum of 400,000 livres, the Hôtel de La Roche-sur-Yon, called the Hôtel de Lauzun, located in Paris at nos. 11–13 on the Quai Malaquais, which became, along with the family château in the city of Chilly-Mazarin (Essonne) two veritable showcases for her collections. The Parisian mansion, built in 1630 by Clément Métezeau (1581–1652), comprised a main building and a single wing; this residence was not habitable in 1767. This explains why the Duchesse began, between 1767 and 1774, an initial campaign of work that was directed by the architect Pierre-Louis Moreau-Desproux (1727–1794): the idea was to renovate the building, including the roof, courtyard, and heating system and renew the interior decor. The latter was initially carried out by Pierre-François Maurisan, then, as of 1769, by Gilles-Paul Cauvet (1731–1788); both worked on the carvings of the mansion’s panelling (Faraggi, C., 1995). Painters and gilders, such as the widow Bardou, and Huet, worked on the paintings. Then, as of 1774, the architect François-Joseph Bélanger (1744–1818), aided in 1777 by Jean-François-Thérèse Chalgrin (1739–1811), carried out the second campaign of refurbishment until 1781. In preparation for her daughter’s wedding with the Prince of Monaco in 1777, the apartments of the future Duchesse de Valentinois were renovated with the latest arabesque decorations executed by the sculptor Nicolas-François Lhuillier (1736–1793) and the painter Jean-Marie Dussaux. The carpenters, Saint-Georges (1723–1790), Pluvinet (?–1793), Jean-Baptiste Boulard (1725–1789), and Louis-Charles Carpentier (circa 1730–1788), provided most of the mansion’s seating (Faraggi, C., 1995). For her furniture, the Duchess solicited the help of famous marchands-merciers (dealers) who were supplied by the finest cabinetmakers, such as Pierre Garnier (1726–1800), Jean-François Leleu (1729–1807), Martin Carlin (1730–1785), and Joseph Baumhauer (?–1772). It was in the grand salon, or grand gallery, as of 1778, that the marble artisan Adam, the sculptor Jean-Joseph Foucou (1739–1821), and the famous bronze chaser and gilder Pierre Gouthière (1732–1813) played the most important roles (Vignon, C., and Baulez, C., 2016). Indeed, they created for the salon an ensemble in turquin blue marble adorned with gilt bronzes made by Gouthière, comprising two pedestals (private collection), a fireplace decorated with female fauns (formerly in the Château de Ferrière), and a console that remained unfinished upon the death of the Duchesse (Frick Collection, New York, 15.5.59). Gouthière also fitted the salon with a pair of bras de lumière with five poppy flower branches (the Musée du Louvre, Paris, OA 11995–11996) (Duclos, C., 2009) and fire dogs decorated with eagles (the Mobilier National, Paris, GML 3600).

Louise-Jeanne, following the fashion for the Enlightenment, was fascinated by Far-Eastern lacquer and porcelain objects. Her cabinet contained more than forty-five Chinese or Japanese lacquer objects and no less than two hundred and fifty oriental porcelain wares—Japanese with Kakiemon decorations or in stoneware, and Chinese celadon wares, in blue and white, with flame motifs, in aubergine or turquoise, and in China white. She loved every kind of Oriental porcelain object. Hence, her different residences were adorned with vases, urns, potpourri vases, cornet vases, fountains, magots, and all kinds of animals, most often decorated with gilded bronze. Her bedroom in the mansion on the Quai Malaquais was entirely decorated with the most luxurious lacquered furniture, in particular a commode with lacquer panels and Sèvres porcelain (English Royal Collections, the porcelain plaque has since been removed, RCIN 35826) complemented by two corner cupboards (English Royal Collections, RCIN 29) made by Joseph Baumhauer and supplied by the dealer Darnault (circa 1718–1790). On this commode are various Chinese porcelain objects from the Kangxi era with a turquoise glaze, notably two large porcelain lions that used to be in the Gaignat Collection (1697–1768) (Gaignat sale, 1768–1769, lot 101) and a pair of vases with embossed carp scale decorations and snake-shaped handles (private collection), which the Duchesse acquired from the marchand-mercier (dealer) Claude-François Julliot (1727–1794) in 1773 (Vriz, S., 2011). The item called the ‘cabinet chinois’ exhibited the largest quantity of Far-Eastern porcelain wares, with eighty-four works, almost all of which were decorated with moulded gilt bronze mounts, such as a pair of celadon vases from the Ming era (1368–1644) dating from the fifteenth century adorned with a Parisian gilded bronze mount dating from circa 1775 (private collection), which she purchased at the Julliot sale in 1777 via the dealer Jean-Baptiste-Pierre Le Brun (1748–1813) (Vriz, S., 2018, pp. 72–79). The Duchess also owned Kyoto stoneware, like the potpourri vase adorned with a mount with satyr heads, which came from the former collection of the painter François Boucher (1703–1770) (private collection) (Vriz, S., 2019, p. 101).

The gradual enrichment of her collections is relatively well known. Indeed, the many records conserved confirm that the Duchesse acquired her objects from the most important Parisian marchands-merciers and during the auctions of major cabinets. Hence, she was a regular customer of Simon-Philippe Poirier (circa 1720–1785) as of 1764, and subsequently of Dominique Daguerre (circa 1740–1796), Claude-François Julliot (1727–1794) as of 1768, and François Charles Darnault (circa 1718–1790) (Farragi, C., 1995). These invoices clearly attest to the fact that the Duchesse readily exchanged objects, had the old gilt-bronze mounts changed for other more modern versions, and even supplied the marchands-merciers with certain porcelain items so that they could create objects that matched her tastes. She also decided to acquire part of her collection through the intermediary of Jean-Baptiste-Pierre Le Brun, a dealer and expert, in particular in lacquer objects and Oriental porcelain wares during the sales of Pierre-Louise-Paul Randon de Boisset (1708–1776) in February 1777, Julliot in November 1777, and the abbot Jean-Bernard Le Blanc (1707–1781) on 14 February 1781.

The Duchesse de Mazarin’s Oriental cabinet was very famous in the eighteenth century. During the post-death sale, which was held in her mansion on the Quai Malaquais as of 10 December 1781, the famous dealers and major collectors, such as Queen Marie-Antoinette, fiercely competed with one another over her collection of extremely rare objects. At this sale, the Queen acquired in particular the small kiosk with its Japanese lacquer incense box (Musée du Louvre, Paris, MR380–86; MR380–87) and a hexagonal box also in Japanese lacquer of the inrō–buta–zukuri type (Musée Guimet, Paris, MR380–70).

Article by Sylvia Vriz (translated by Jonathan & David Michaelson)