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Fils unique du céramiste André Metthey, Jean Metthey fonda la galerie de l’Élysée au 69 rue du Faubourg-Saint-Honoré en 1935. Sous l’Occupation, il participa en tant qu’expert à la vente de la collection Bernheim-Jeune, fut impliqué dans la vente en Suisse d’un tableau de la collection Rosenberg et effectua des transactions avec le Kaiser-Wilhelm Museum de Krefeld.

La galerie de l’Élysée

Né en 1904, Jean Metthey était le fils unique du céramiste André Metthey (1871-1920) et d’Emma Louise Meunier. Il passa ses premières années à Asnière-sur-Seine, où son père avait un atelier. À la même époque, ce dernier invitait à la demande d’Ambroise Vollard (1866-1939) de nombreux peintres, à l’instar d’Henri Matisse, de Maurice de Vlaminck ou de Georges Rouault, à venir décorer les céramiques en stannifère, qu’ils présentèrent en collaboration au Salon des Indépendants en 1907. Une exposition personnelle lui fut consacrée en 1909 au palais Galliera. L’atelier d’Asnières fut submergé en 1910 par la crue de la Seine et la guerre contraignit ensuite André Metthey à cesser toute activité. Le père de Jean meurt en 1920 de la tuberculose1.

Proche des artistes fauves avec qui son père était lié, Jean Metthey devint le marchand de Vlaminck et fréquentait aussi Paul Signac (1863-1935), qui lui dédicaça des tableaux. En 1935, Vlaminck l’aida à ouvrir la galerie de l’Élysée, située au 69 rue du Faubourg-Saint-Honoré. Il avait un contrat avec Maurice Utrillo qui avait des difficultés à vendre ses œuvres et qui le quitta pour Paul Pétridès2. Henri Manguin fit son portrait en costume turc en 19373.

L’adresse privée du galeriste est quant à elle mentionnée dans les archives américaines : 20 avenue de Messine4. Le galeriste y vivait avec sa femme Suzanne, née Duitz, qu’il avait épousée à Paris en 19215. Pour se rapprocher de Vlaminck, avec qui il entretint une amitié fidèle, Jean Metthey acheta une résidence secondaire à Rueil-la-Gadelière, à La Tournette en 1936, non loin de La Tourillière où résidait l’artiste6.

Expert à l’hôtel Drouot sous l’Occupation

Pendant l’Occupation, Metthey est suspecté par les Allemands d’être juif. Sollicitant l’intervention de Lucien Adrion, il obtint des autorisations d’exposition, malgré de « continuelles lettres anonymes accusant sa descendance juive1 ». Le marchand intervint comme expert dans différentes ventes à l’hôtel Drouot, notamment dans celles de biens confisqués à la galerie Bernheim-Jeune et à Paul Rosenberg.

Le 22 décembre 1941, sous l’autorité d’Alphonse Bellier et assisté d’André Schoeller, il fut chargé en tant qu’expert de la vente de tableaux, aquarelles, dessins et sculptures de la société Bernheim-Jeune à l’hôtel Drouot, l’administrateur des biens Édouard Gras ayant obtenu l’autorisation de vendre au détail le stock de la galerie. Maud van der Klip acheta pour 402 264 F 38 dessins, aquarelles, gouaches et tableaux2. Avec les mêmes collaborateurs, il organisa le 2 mars 1942 une seconde vente de tableaux modernes et de sculptures, provenant de la galerie Bernheim-Jeune, réquisitionnés par Gras et Camille Borione. Trois acheteurs principaux acquirent les œuvres, Jean Metthey et André Schoeller, experts de cette vente, et John van der Klip. Sa fille Maud acheta cette fois 18 dessins, aquarelles, gouaches et tableaux pour 320 367 F3.

Metthey fut aussi impliqué dans la vente d’un tableau de la collection Paul Rosenberg, La femme à l’ombrelle, de Matisse, mis en vente à l’hôtel Drouot, le 9 mars 1942. Le tableau est retiré de la vente par M. Berthet. Ravalé, il pourra désormais être mis à nouveau sur le marché sans porter la mention du propriétaire juif spolié. Berthet l’avait acquis auprès d’Ignacy Rosner, qui le tenait lui-même de Gustav Rochlitz, qui l’avait échangé avec l’ERR. L’œuvre fut proposée ensuite par Jean Metthey à Gustave Bornant en Suisse pour 400 000 F. Elle fut restituée à Paul Rosenberg4.

Les vols de tableaux pendant la guerre

Jean et Suzanne Metthey furent cambriolés pendant la guerre et signalèrent le vol de plusieurs tableaux. Le 16 mai 1944, ils mentionnaient le vol d’un tableau de Vlaminck représentant « un paysage de neige », commis à la galerie de l’Élysée, 69 rue du Faubourg-Saint-honoré à Paris, et le 12 mai 1945, la disparition de peintures et de dessins appartenant à M. Metthey, demeurant 20 avenue de Messine à Paris : un portrait d’homme par Cézanne avec un cadre ancien, deux dessins de Suzanne Valadon, « Nu debout » et « nu assis », une aquarelle de Paul Signac signée et dédicacée « à Jean pour ses étrennes », une peinture de Vlaminck, « Bouquet de fleurs », une lithographie en couleurs de Paul Signac, « Le port de St-Tropez », et un tableau de Maximilien Luce, « un paysage, signé »1.

Parmi les œuvres entreposées dans le grenier de leur maison de campagne se trouvaient entre autres un Renoir, Tête de jeune femme sous un chapeau de paille, et une esquisse de Seurat, Esquisse complète du dimanche à la Grande Jatte, confiés au couple Metthey par Berthe Signac, veuve du peintre, au début du conflit. L’œuvre de Seurat, réalisée sur un panneau de bois de 14 × 15 cm, est une étude de 1884, dont hérita Signac. Disparue pendant cette période, volée selon Metthey, elle fut déclarée au Répertoire des biens spoliés en France durant la guerre de 1939 à 1945 par Ginette Cachin-Signac, seule héritière et fille du peintre. Elle réapparaît plus tardivement sur le marché et fait l’objet d’une plainte contre X pour recel déposée en 2007 par Françoise Cachin, petite-fille du peintre Signac2.

Les poursuites fiscales après-guerre

Après-guerre, Jean Metthey fit l’objet d’une procédure fiscale pour avoir vendu sans licences d’exportation des toiles de Sisley (Le printemps), d’Utrillo (L’église blanche) et de Boudin (Le port de Dordrecht) à Maria Gillhausen et des tableaux de Greuze (accordeur de guitare) et de Chardin (Nature morte) au Kaiser-Wilhelm Museum de Krefeld pour 1 335 000 F. Il affirma que ces tableaux lui avaient été confiés par l’« israélite Gilbert Lévy » pour financer sa fuite. Metthey fut condamné le 3 avril 1947 à une confiscation et une amende d’un montant total de 1 814 839 F1.

Parmi ces tableaux exportés en Allemagne, le tableau attribué à Greuze fut ainsi cédé contre 30 000 RM ou 600 000 F par Metthey au Kaiser-Wilhelm Museum de Krefeld, alors dirigé par Friedrich Muthmann, le 15 décembre 19412. Il fut rapatrié en France après-guerre où il est à ce jour conservé au musée des Beaux-Arts de Nantes depuis 19533.

Après ce jugement, Metthey continua d’exercer en tant qu’expert à l’hôtel Drouot, ainsi que pour la galerie Beaux-Arts et la galerie Charpentier jusqu’à sa mort en 19554.