Burnouf, Eugène
13 place de l'École de Médecine
38 rue de l'Odéon
Professeur de langue et littérature sanskrites.
Né le 8 avril 1801 à Paris, Eugène Burnouf est le fils du philologue antiquisant Jean-Louis Burnouf (1775-1844), originaire d’Urville en Normandie, alors commis négociant, puis professeur d’éloquence latine au Collège de France de 1817 à 1826, et de Marie Chavarin (1776-1841), originaire de Maffliers et fille de Joseph, scieur de long (AD 75, 5Mil 114). Formé très tôt par son père à la grammaire du latin et du grec (Wailly N. de, 1852, p. 327), ce dernier fit ses études au Collège royal de Louis-le-Grand. Élève pensionnaire de la section des Archives du royaume à l’École royale des Chartes, en 1822, puis de l’École de droit de Paris (Burnouf-Delisle L., 1891, p. 477), il soutint une thèse de droit romain (Burnouf E., De Re judicata et de rei judiciariae apud Romanos disciplina exercitationem, 1824) sous la direction de Hyacinthe Blondeau (1784-1854) le 6 août 1824. Avocat à la Cour royale de Paris, résident au 13, place de l’École-de-médecine, il se maria le 25 septembre 1826 avec Angélique Poiret (1804-1886), fille de Nicolas, cultivateur (AD 95, p. 143). De leur union naquirent quatre filles : Louise (1828-1905), qui épousa, en 1857, l’historien Léopold Delisle (1826-1910), originaire de Valognes, Amélie (1831-1907), Pauline (1834-1902) et Claire (1842-1894) [AD 75, V3E/N361]. De santé fragile, à l’égal de celle de son grand-père paternel, qui le retint à jamais de voyager en Inde, il épuisa progressivement son corps par un travail intense et continu dans le domaine des langues indo-iraniennes (Wailly N. de, 1852, p. 326). Aussi, malgré des cures aux thermes de Vichy, la lithiase qui le faisait horriblement souffrir dès les années trente (Burnouf-Delisle L., 1891, p. 281 et 302), finit-elle par l’affaiblir complètement. Il mourut le 28 mai 1852 au 21, rue de l’Odéon à Paris et fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise (59e division), aux côtés de son père.
La formation à la grammaire comparée que son père lui inculqua très tôt (Wailly N. de, 1852, p. 327 ; Naudet J., 1854, p. 39), dans la droite ligne des travaux de Franz Bopp (1791-1867) et de Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788-1832), les lectures paléographiques à l’École royale des Chartes, les cours de sanskrit professés par Antoine-Léonard Chézy (1776-1832) [Naudet J., 1854, p. 43], qu’il suivit à partir de 1822, l’influence scientifique du linguiste arabisant Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838) [Wailly N. de, 1852, p. 326] finirent par éloigner Eugène Burnouf du Barreau de Paris et l’amener à la science grammaticale des langues orientales pour laquelle les manuscrits qui avaient été déposés à la Bibliothèque royale (Ducœur G., 2021), pour certains depuis le premier quart du XVIIIe siècle, offraient la plus belle des opportunités. Celle-ci fut également rendue possible grâce notamment au travail préliminaire d’Alexander Hamilton (1762-1824), membre de la Société asiatique de Calcutta, qui, de retour des Indes orientales et de passage à Paris, y enseigna le sanskrit et y publia, en 1807, le Catalogue des manuscrits sanskrits de la Bibliothèque impériale.
Présent lors de la fondation de la Société asiatique de Paris, en 1822, Eugène Burnouf fut très vite l’un des pionniers européens dans plusieurs domaines de recherche : le déchiffrement des langues iraniennes préislamiques et de la langue bouddhique pālie permettant des avancées dans la grammaire comparée indo-européenne, l’étude du Veda et de la littérature sanskrite postvédique ainsi que la restitution de l’histoire du bouddhisme indien à partir de la lecture de manuscrits sanskrits népalais (Barthélémy Saint-Hilaire J., 1852). Secrétaire adjoint, en 1826, puis, secrétaire, en 1829, de la Société asiatique de Paris, professeur de grammaire à l’École normale de Paris de 1830 à 1833 (Mohl J., 1852), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1832 (Gazette des écoles, 1832, p. 4), il devint professeur de « langue et littérature sanskrites » au Collège de France en 1833. Inspecteur de la typographie orientale à l’Imprimerie royale après S. de Sacy, en 1838 (Mohl J., 1852), il fut élu, quelques jours avant sa mort, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et des belles-lettres (Naudet J., 1854, p. 39-61). Tout au long de sa carrière, il acheta, sur ses deniers personnels, un grand nombre de copies de manuscrits parsis et indiens en provenance de Calcutta, Bombay et Madras et recopia lui-même certains textes avestiques et sanskrits lors d’un séjour à Oxford et à Londres d’avril à août 1835 (Burnouf-Delisle L., 1891, p. 190-274).
Le premier travail notable qu’il publia, en collaboration avec l’indianiste norvégien Christian Lassen (1800-1876), fut l’Essai sur le pali ou langue sacrée de la presqu’île au-delà du Gange en 1826 (Burnouf E., Lassen C., 1826). À partir des quelques travaux fort succincts de ses prédécesseurs, de la lecture de cinq manuscrits palis siamois et birmans, conservés à la Bibliothèque royale de Paris, il put déchiffrer les différentes graphies et comparer la langue pālie au sanskrit afin d’en comprendre le sens et d’exposer ainsi les particularismes grammaticaux de cette ancienne langue bouddhique.
La deuxième recherche dans laquelle il s’illustra fut l’édition du Vendidad Sadé, de 1829 à 1843, d’après un manuscrit de la Bibliothèque royale et surtout l’analyse sémantique de la langue avestique dans son Commentaire sur le Yaçna, à partir de quatre manuscrits conservés à ladite bibliothèque et d’une version sanskrite publiée en 1833. Dès 1836, Burnouf entretint une correspondance régulière avec le Parsi Manockjee Cursetjee (1808-1887) à qui il demanda de lui faire copier et de lui envoyer à ses frais personnels un grand nombre de textes mazdéens accompagnés d’une traduction sanskrite (Feer L., 1899, p. 128).
Outre ses cours au Collège de France sur le Ṛgveda et plusieurs traductions d’extraits de l’Hitopadeśa (1823), du Mārkaṇḍeya Purāṇa (1824) ou du Padma Purāṇa (1825), Burnouf entreprit la traduction du Bhāgavata Purāṇa (BhP I-IX, 1840-1847), à partir de trois manuscrits de la Bibliothèque royale et du manuscrit de Duvaucel de la Société asiatique de Paris (Burnouf E., 1840, p. CLIX-CLXI), traduction qu’il ne put malheureusement achever, mais qui le fut par ses élèves (BhP X-XII, 1881). Enfin, fort de ses connaissances des sources pālies et de l’arrivée, à partir de 1836, de copies de manuscrits sanskrits bouddhiques en provenance du Népal (Filliozat J., 1941, p. X), envoyées par Brian Houghton Hodgson (1801-1894), Burnouf tenta de restituer l’histoire des origines indiennes du bouddhisme (Introduction à l’histoire du buddhisme indien, 1844) et traduisit le Saddharmapuṇḍarīka (Le Lotus de la bonne loi) accompagné de commentaires ; œuvre qui, alors mise sous presse, fut imprimée cinq mois seulement après sa mort, sous l’œil vigilant de son collègue et ami iranologue Jules Mohl (1800-1876).
Continuateur de l’œuvre d’Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731-1805) sur le déchiffrement des textes mazdéens, Eugène Burnouf, dont la rigueur philologique et la méthode historico-critique assurèrent à la science quelques-unes de ses plus belles avancées dans le domaine de l’histoire des religions au cours de la première moitié du XIXe siècle, peut aujourd’hui être considéré, en Europe, comme le fondateur de la bouddhologie et l’initiateur de l’histoire comparée des religions dont son élève, Max Müller (1823-1900), qui poursuivit ses travaux sur le Ṛgveda à sa demande, deviendra le fondateur (Ducœur G., 2013).
Commentaire rédigé par Guillaume Ducœur.
Born on 8 April 1801 in Paris, Eugène Burnouf was the son of the philologist and specialist in ancient languages, Jean-Louis Burnouf (1775–1844)—who came from Urville in Normandy, and who at the time of his birth was a clerk and dealer, and was subsequently professor of Latin eloquence in the Collège de France from 1817 to 1826—and Marie Chavarin (1776–1841), who came from Maffliers and was the daughter of Joseph, a pit-sawyer (AD 75, 5Mil 114). He was taught Latin and Greek grammar at an early age by his father (Wailly, N. de, 1852, p. 327), who had studied in the Collège Royal de Louis-le-Grand. A resident student in the archives section of the Archives du Royaume at the École Royale des Chartes, in 1822, then at the École de Droit in Paris (Burnouf-Delisle, L., 1891, p. 477), he defended a thesis in Roman law (Burnouf, E., De Re judicata et de rei judiciariae apud Romanos disciplina exercitationem, 1824) under the supervision of Hyacinthe Blondeau (1784–1854) on 6 August 1824. Working as a lawyer at the Cour Royale de Paris, and residing at 13, Place de l’École-de-Médecine, he married Angélique Poiret (1804–1886) on 25 September 1826, the daughter of Nicolas, a farmer (AD 95, p. 143). They had four daughters: Louise (1828–1905), who, in 1857, married the historian Léopold Delisle (1826–1910), who came from Valognes, and Amélie (1831–1907), Pauline (1834–1902), and Claire (1842–1894) (AD 75, V3E/N361). His fragile health, like that of his paternal grandfather, prevented him from ever travelling to India, and he gradually exhausted himself though his intense and continuous studies in the field of Indo-Iranian languages (Wailly, N. de, 1852, p. 326). Hence, despite thermal cures in Vichy, the lithiasis that caused him terrible suffering in the 1830s (Burnouf-Delisle, L., 1891, p. 281 and 302) eventually weakened his health. He died on 28 May 1852 at 21, Rue de l’Odéon in Paris and was buried in the Père-Lachaise Cemetery (59th division), alongside his father.
As a consequence of his training in comparative grammar that he had learned from his father in his youth (Wailly, N. de, 1852, p. 327; Naudet, J., 1854, p. 39), the palaeographic lectures at the École Royale des Chartes, the Sanskrit lessons taught by Antoine-Léonard Chézy (1776–1832) (Naudet, J., 1854, p. 43), which he attended as of 1822, and the scientific influence of the linguist and Arabic specialist Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758–1838) (Wailly, N. de, 1852, p. 326), Eugène Burnouf gradually shifted away from the Barreau de Paris to focus on the grammatical science of Oriental languages; the manuscripts held in the Bibliothèque Royale (Ducœur, G., 2021), some of which had been placed there in the first quarter of the eighteenth century, were excellent sources. This was also made possible thanks, in particular, to the preliminary work of Alexander Hamilton (1762–1824), a member of the Asiatic Society of Calcutta, who, upon his return from the East Indies and stopping over in Paris, taught Sanskrit in the city and published the Catalogue des manuscrits Sanskrits de la Bibliothèque impériale in 1807.
Present during the foundation of the Société Asiatique de Paris in 1822, Eugène Burnouf very soon became one of the European pioneers in several fields of research: deciphering pre-Islamic Iranian languages and the Buddhist Pāli language, which enabled progress to be made in Indo-European comparative grammar; and the study of Veda and post-Vedic Sanskrit literature, as well as the reconstitution of the history of Indian Buddhism based on the reading of Nepalese Sanskrit manuscripts (Barthélémy Saint-Hilaire, J., 1852). Assistant secretary in 1826, then secretary, in 1829, of the Société Asiatique de Paris, Professor of Grammar at the École Normale de Paris from 1830 to 1833 (Mohl, J., 1852), and a member of the Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres in 1832 (Gazette des écoles, 1832, p. 4), he became professor of the ‘Sanskrit language and literature’ at the Collège de France in 1833. Inspector of Oriental typography at the Imprimerie Royale after S. de Sacy, in 1838 (Mohl, J., 1852), he was appointed, several days before his death, perpetual secretary of the Académie des Inscriptions et des Belles-Letters (Naudet, J., 1854, pp. 39–61). Throughout his career, he bought, from his own funds, a large number of copies of Parsi and Indian manuscripts that came from Calcutta, Bombay, and Madras, and copied out certain Avestan and Sanskrit texts during a stay in Oxford and London from April to August 1835 (Burnouf-Delisle, L., 1891, pp. 190–274).
The first major work he published, in collaboration with the Norwegian India specialist Christian Lassen (1800–1876), was the Essai sur le pali ou langue sacrée de la presqu’île au-delà du Gange (‘Essay on Pāli, or the Sacred Language of the Peninsula beyond the Ganges’) in 1826 (Burnouf, E., Lassen, C., 1826). Based on several very succinct studies by his predecessors, and on the reading of five Pāli, Siamese, and Burmese manuscripts held in the Bibliothèque Royale de Paris, he managed to decipher the various scripts and compared the Pāli language to Sanskrit in order to understand its meaning and thereby highlight the grammatical particularities of the ancient Buddhist language.
The second research field in which he distinguished himself was the publication of the Vendidád Sádé, from 1829 to 1843, based on a manuscript in the Bibliothèque Royale and, above all, the semantic analysis of the Avestan language in his Commentaire sur le Yaçna (‘Commentary on the Yaçna’), based on four manuscripts held in the library and a Sanskrit version published in 1833. In 1836, Burnouf regularly corresponded with the Parsi businessman Manockjee Cursetjee (1808–1887), whom he asked to copy and send to him at his own expense a large number of Mazdean texts accompanied by a Sanskrit translation (Feer, L., 1899, p. 128).
Aside from his courses at the Collège de France on the Ṛig-Veda and several translations of extracts from the Hitopadeśa (1823), the Mārkaṇḍeya Purāṇa (1824), and the Padma Purāṇa (1825), Burnouf undertook the translation of the Bhāgavata Purāṇa (BhP I-IX, 1840–1847), based on three manuscripts from the Bibliothèque Royale and Duvaucel’s manuscript from the Société Asiatique de Paris (Burnouf, E., 1840, p. CLIX-CLXI), a translation he never finished, but which was eventually completed by his pupils (BhP X-XII, 1881). Lastly, thanks to his knowledge of Pāli sources and the arrival, in 1836, of copies of Buddhist Sanskrit manuscripts from Nepal (Filliozat, J., 1941, p. X), sent by Brian Houghton Hodgson (1801–1894), Burnouf attempted to reconstitute the history of Indian Buddhism (Introduction à l’histoire du buddhisme indien, 1844) and translated the Saddharmapuṇḍarīka (Le Lotus de la bonne loi (‘The Lotus of the True Law’)), accompanied by commentaries; this work, which went to press at the time, was printed only five months after his death, under the watchful eye of his colleague and friend, the Iran specialist Jules Mohl (1800–1876).
As the continuer of the work of Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731–1805) on the deciphering of Mazdean texts, Eugène Burnouf’s philological rigour and historical-critical approach provided science with some of the greatest progress in the field of the history of religions during the first half of the nineteenth century; today, he may be considered in Europe as the founder of Buddhology and the pioneer of the comparative history of religions, and his pupil, Max Müller (1823–1900), who continued his work on the Ṛig-Veda upon his request, became the founder of this comparative approach (Ducœur, G., 2013).
Article by Guillaume Ducœur (translated by Jonathan and David Michaelson).
[objets collectionnés]
Après la mort d’Eugène Burnouf, la collection des manuscrits qu’il avait achetés ou reçus en don fut acquise par la Bibliothèque impériale et forma le « Fonds Burnouf » en 1854 (Filliozat J., 1941, p. XII). Cette collection est donc toujours actuellement conservée à la Bibliothèque nationale de France. Néanmoins, au cours de son histoire, les cotes ont été modifiées lors d’inventaires successifs comme en témoignent les différents catalogues du département des Manuscrits orientaux (Blochet E., 1900 ; Cabaton A., 1907 et 1908 ; Filliozat J., 1941 et 1970).
Les difficultés que Burnouf rencontra lorsqu’il commença à travailler sur les manuscrits indiens, pour certains conservés à la Bibliothèque royale depuis la première moitié du XVIIIe siècle, souvent en écritures de l’Inde du Sud où œuvraient les missionnaires chrétiens, l’amenèrent rapidement à entreprendre l’acquisition de nouvelles copies en écriture devanāgarī aussi bien pour la Société asiatique de Paris que pour lui-même (Ducoeur G., 2021). À sa mort, sa collection personnelle comptait un peu plus de deux cents manuscrits, pour beaucoup sur papier indien et datant des XVIIIe et XIXe siècles, en provenance soit d’Asie du Sud soit de collections d’orientalistes européens. Elle était composée de textes en avestique et en pehlvi (7), en sanskrit (123) et en pāli (22) ainsi qu’en dialectes indiens (42), voire en birman (3), siamois (3) ou singhalais (10). Pour l’essentiel, il s’agit de textes religieux – mazdéens, védiques et bouddhiques –, de leurs commentaires, ainsi que de quelques traités de grammaire, d’astronomie et de médecine. Ceci induit que la littérature épique (Mahābhārata et Rāmāyaṇa) en est quasiment absente et que le seul manuscrit purāṇique complet est celui du Bhāgavata et du commentaire de Śrīdhara Svāmin (BnF, sanscrit 463-475). Cette copie de 3 139 pages, réalisée sur papier indien à Bénarès entre 1839 et 1840, lui fut offerte par Saint-Hubert Theroulde de retour des Indes. D’excellente facture, Burnouf la prit en considération pour sa traduction du Bhāgavata Purāṇa à partir du livre IV (Burnouf E., 1844b, p. II-III). L’ensemble de cette collection reflète donc les domaines d’étude dans lesquels s’illustra Burnouf, à savoir les études avestiques fondées sur la comparaison avec le Veda et surtout l’histoire du bouddhisme indien, aussi bien des écoles anciennes (sthaviravāda et mahāsāṃghika) que du Mahāyāṇa. L’ensemble de cette importante collection personnelle datant de la première moitié du XIXe siècle a été inventorié dans plusieurs catalogues (Anonyme, 1854 ; Blochet E., 1900 ; Cabaton A., 1907 et 1908 ; Filliozat J., 1941 et 1970).
Après l’édition de son Commentaire sur le Yaçna en 1833, réalisé à partir des manuscrits de la Bibliothèque royale, Burnouf obtint par l’intermédiaire de Manockjee Cursetjee (1808-1887) plusieurs manuscrits des textes avestiques (Feer L., 1899, p. 125-147). Néanmoins, afin d’en faciliter la lecture, il lui demanda soit une transcription en devanāgarī, soit une traduction en sanskrit, notamment pour le Vidēvdāt. En 1838, Manockjee Cursetjee lui envoya un manuscrit contenant les Yast (Blochet E., 1900, p. 57) en avestique et en sanskrit et, en 1841, le Mīnōkhired (Blochet E., 1900, p. 73) en pehlvi accompagné de sa traduction sanskrite réalisée par Nairiūsaṅgha (XVe siècle). Après avoir déterminé la parenté linguistique entre les langues avestique et ṛgvédique, Burnouf saisit que le déchiffrement de la langue avestique ne pouvait se faire sans un travail de comparaison avec le lexique védique. C’est pourquoi, il chercha également à obtenir des manuscrits du Veda, notamment par l’intermédiaire de John Stevenson (1798-1858) et de James Prinsep (1799-1840) (Feer L., 1899, p. 140 et 151 ; Burnouf-Delisle L., 1891, p. 312 et 316). Ainsi s’était-il procuré, d’une part, une version du Ṛgveda sous sa forme padapāṭha en huit volumes, datant de 1794 (BnF sanscrit 199-206), et, d’autre part, le commentaire de Sāyaṇa (XIVe siècle) ou Ṛgvedabhāṣya qui fut copié à Bombay en 1838 pour lui (BnF, sanscrit 216-218). À l’aide de ces matériaux de lecture plus aisée que celle de l’écriture telinga sur ôle (Burnouf E., 1833, p. 161), il put poursuivre ses Études sur la langue et les textes zends et préparer, dans de meilleures conditions, ses cours au Collège de France sur la littérature védique.
Quant aux manuscrits bouddhiques en pāli et en sanskrit, ils furent acquis par Burnouf après l’intérêt qu’il porta à déchiffrer le pāli avec Chr. Lassen. Le 2 juin 1833, par exemple, il acheta un manuscrit sur ôles du Dīghanikāya au libraire londonien William Straker (BnF, pali 46, verso de l’ais final). S’il s’était également procuré des textes du Vinayapiṭaka tel le Pātimokkha (BnF, pali 9), son intérêt se porta aussi sur les récits historiques comme le Commentaire du Mahāvaṃsa ou Mahāvaṃsaṭikā (BnF, pali 367), copie datant de 1837, ou encore l’histoire des stupa bouddhiques, Thūpavaṃsa (BnF, pali 368). Mais ce furent assurément les liens qu’il tissa avec Brian Houghton Hodgson (1800-1894), à partir de 1835, qui lui permirent d’acheter une magnifique collection de manuscrits bouddhiques en langue sanskrite, parfois teintée de prākṛtismes, tracée en caractères népalais (Feer L., 1899, 147-179). Parmi ces derniers, dont la lecture lui permit de rédiger son Introduction à l’histoire du buddhisme indien, notons le Lalitavistara (BnF, sanscrit 97-98) envoyé de Katmandou par Hodgson en 1836, l’Aṣṭasāhasrikāprajñāpāramitā (BnF, sanscrit 11-12), en 1837, le Mahāvastu (BnF, sanscrit 87-89), en 1841, et surtout deux manuscrits du Saddharmapuṇḍarīka (BnF,, sanscrit 138-139 et 140-141) à partir desquels, collationnés avec ceux de la Société asiatique de Paris et de la British Library, il entreprit sa traduction commentée, Le Lotus de la bonne loi, publiée en 1852.
Commentaire rédigé par Guillaume Ducœur.
After the death of Eugène Burnouf, the collection of manuscripts that he had bought or been given was acquired by the Bibliothèque Impériale and formed the ‘Fonds Burnouf’ in 1854 (Filliozat, J., 1941, p. XII). Hence, this collection is still held in the Bibliothèque Nationale de France. Nevertheless, during its history, the reference numbers have been modified during successive inventories, as attested in the various catalogues in the Département des Manuscrits Orientaux (Blochet, E., 1900; Cabaton, A., 1907 and 1908; and Filliozat, J., 1941 and 1970).
The difficulties encountered by Burnouf when he started work on the Indian manuscripts¾some of which had been held in the Bibliothèque Royale since the first half of the eighteenth century, often in Southern Indian writing, where the Christian missionaries worked¾, led him to quickly acquire new copies in Devanāgarī script, both for the Société Asiatique de Paris and himself (Ducoeur, G., 2021). Upon his death, his personal collection included more than two hundred manuscripts, most of which were on Indian paper and dating from the eighteenth and nineteenth centuries, either from South Asia or from the collections of European Orientalists. It comprised texts written in Avestan and Pahlavi (7), Sanskrit (123), and Pāli (22) as well as in Indian dialects (42), and even in Burmese (3), Siamese (3) and Sinhalese (10). These were mainly religious texts—Mazdean, Vedic, and Buddhist—, their commentaries, and several treatises of grammar, astronomy, and medicine. This suggests that epic literature (Mahābhārata and Rāmāyaṇa) was completely absent and that the only entire Puranic manuscript was that of the Bhāgavata, with Śrīdhara Svāmin’s commentary (BnF, Sanskrit 463-475). This 3,139-page copy, made on Indian paper in Benares between 1839 and 1840, was given to him by Saint-Hubert Theroulde upon his return from the Indies. Beautifully made, Burnouf took it into consideration for his translation of the Bhāgavata Purāṇa, based on Book IV (Burnouf, E., 1844b, p. II-III). Hence, the entire collection reflects the fields of study Burnouf excelled in, that is the Avestan studies based on the comparison with the Veda and, above all, the history of Indian Buddhism, both the ancient schools (Sthaviravāda (Elders) and Mahāsāṃghika (Majority)) and the Mahāyāṇa. This major personal collection dating from the first half of the nineteenth century was inventoried in its entirety in several catalogues (Anonymous, 1854; Blochet, E., 1900; Cabaton, A., 1907 and 1908; and Filliozat, J., 1941 and 1970).
After the publication of his Commentaire sur le Yaçna (‘Commentary on the Yaçna’) in 1833, based on manuscripts in the Bibliothèque Royale, Burnouf obtained¾through the intermediary of Manockjee Cursetjee (1808–1887)¾several manuscripts of Avestan texts (Feer, L., 1899, pp. 125–147). Nevertheless, to facilitate the reading of it, he asked him either for a transcription in Devanagari or a translation in Sanskrit, in particular for the Vidēvdāt. In 1838, Manockjee Cursetjee sent him a manuscript that contained the Yašt (Blochet, E., 1900, p. 57) in Avestan and Sanskrit and, in 1841, the Mīnōkhired (Blochet, E., 1900, p. 73) in Pahlavi, accompanied by its Sanskrit translation completed by Neryosongh(in the 15th century). After identifying the linguistic link between the Avestan and Rgvedic languages, Burnouf realised that it was not possible to decipher the Avestan language without a comparison with the Vedic lexicon. This is why he also sought to obtain manuscripts of the Veda, in particular through the intermediary of John Stevenson (1798–1858) and James Prinsep (1799–1840) (Feer, L., 1899, p. 140 and 151; Burnouf-Delisle, L., 1891, pp. 312 and 316). Hence, he obtained, on the one hand, a version of the Ṛgveda in its Padapāṭha form in eight volumes, dating from 1794 (BnF Sanskrit 199–206), and, on the other hand, Sāyaṇa’s commentary (fourteenth century) or Ṛgvedabhāṣya, which was copied for him in Bombay in 1838 (BnF, Sanskrit 216–218). With the help of this material that was easier to read than Telinga script on talipot palm leaf (Burnouf, E., 1833, p. 161), he was able to pursue his Études sur la langue et les textes zends (‘A study of the Zend language and texts’) and prepare his lessons at the Collège de France about Vedic literature in the best conditions.
As for Buddhist manuscripts written in Pāli and Sanskrit, they were acquired by Burnouf after his work on deciphering Pāli with Christian Lassen. On 2 June 1833, for example, he bought a palm-leaf manuscript of the Dīghanikāya in William Straker’s London bookshop (BnF, Pali 46, verso of the last plank). Although he acquired the texts of the Vinayapiṭaka, such as the Pātimokkha (BnF, Pali 9), he was also interested in historical accounts, such as the Commentaire du Mahāvaṃsa (‘Commentary on the Mahāvaṃsa’) or Mahāvaṃsaṭīkā (BnF, Pali 367), a copy dating from 1837, and the history of the Buddhist stūpa (dome-shaped Buddhist shrine), the Thūpavaṃsa (BnF, Pali 368). But it was the links he forged with Brian Houghton Hodgson (1800–1894) in 1835 that enabled him to buy a magnificent collection of Buddhist manuscripts written in Sanskrit, sometimes including prākṛtisms, traced out in Nepalese characters (Feer, L., 1899, 147–179). Amongst the latter manuscripts, the reading of which enabled him to draft his Introduction à l’histoire du buddhisme indien (‘Introduction to the history of Indian Buddhism’), worthy of note is the Lalitavistara (BnF, Sanskrit 97–98), sent from Kathmandu by Hodgson in 1836; the Aṣṭasāhasrikāprajñāparamitā (‘Perfection of Wisdom’) (BnF, Sanskrit 11–12), in 1837; the Mahāvastu (‘The Great Story’) (BnF, Sanskrit 87-89) in 1841; and, above all, two manuscripts of the Saddharmapuṇḍarīka (BnF, Sanskrit 138–139 and 140–141), on the basis of which, collated with those of the Société Asiatique de Paris and the British Library, he started work on his annotated translation, Le Lotus de la bonne loi (‘The Lotus of the True Law’), which was published in 1852.
Article by Guillaume Ducœur (translated by Jonathan and David Michaelson).
Léon de Rosny a été l'élève d'Eugène Burnouf au Collège de France. (Source : notice Agorha "Léon de Rosny" rédigée par Samuel Thévoz)
Jules Mohl et Eugène Burnouf étaient collègues et amis. (Source : Notice Agorha "Eugène Burnouf" rédigée par Guillaume Ducœur)
Philippe-Édouard Foucaux fut l'étudiant d'Eugène Burnouf. (Source : notice Data BnF "Foucaux, Philippe-Édouard (1811-1894)")