LÉONARDI Édouard (FR)
Édouard Léonardi est propriétaire d’un magasin d’antiquités, géré sous l’Occupation par sa femme Madeleine Loyer et fréquenté par des clients allemands à l’instar de Bruno Lohse, Walter Andreas Hofer, Josef Mühlmann ou Walter Bornheim.
Édouard Léonardi est un antiquaire d’origine italienne, naturalisé français en 1928, exploitant une boutique au 8 avenue Friedland à Paris. Déjà sous l’Occupation, ce commerce n’est en vérité plus tenu que par sa seconde épouse, Madeleine Loyer1. La santé de Léonardi ne lui permet plus alors d’assumer ses fonctions2, il décède d’ailleurs le 23 juillet 1949 à Neauphle-le-Château (Seine-et-Oise).
Un rapport de la police judiciaire, toute première enquête le concernant, le présente comme un collaborateur, des témoignages de son voisinage à l’appui3. Mais un rapport plus tardif établit que « les déclarations de Mme Léonardi paraissent sincères, il n’a pas été établi au cours de l’enquête qu’elle ait recherché la clientèle allemande4 ».
Édouard Léonardi fait également l’objet d’une citation devant le Comité de confiscation des profits illicites pour trafic d’or : d’après un procès-verbal du 9 mars 1943 dressé par les services de la police judiciaire, il acquiert des pièces d’or pour un montant de 978 100 F5. Par ailleurs, il est accusé d’avoir entretenu des rapports commerciaux importants avec l’ennemi6. C’est un fait qu’il ne nie pas, affirmant même qu’« il est en effet établi que 87,5 % du montant des ventes effectuées dans [son] magasin au cours des années 1940 à 44 l’ont été avec des ressortissants allemands7 ».
Le rapport comptable fourni au Comité de confiscation souligne notamment l’importante augmentation du stock d’antiquités ainsi que la prospérité du ménage permise par l’Occupation8. Par ailleurs, les époux Léonardi vendent à Walter Bornheim pour un montant total supposé de 2 074 350 F9. Ces ventes ne figurent cependant pas dans leur comptabilité.
Une liste des ventes de Léonardi10 cite un certain nombre d’autres ressortissants allemands avec lesquels il commerce pendant la période de l’Occupation11. Un rapport de la Roberts Commission fait état de liens avec Bruno Lohse, Walter Hofer, Josef Mühlmann, Bornheim, et de travail à la commission notamment pour Léon Gruel12.
Dans le dossier ouvert par la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, on trouve un extrait du rapport « Collection Goering » dans lequel il est mentionné :
« [Il] travaillait avec Loebl, Joseph Muehlmann et Bornheim avec lequel il était en relation très étroite particulièrement à la fin de la guerre. Léonardi était un architecte et sa femme dirigeait la maison d’antiquités. Il s’était spécialisé dans l’art du moyen-âge et travaillait sur commissions pour Gruel et d’autres antiquaires. Hofer était aussi en relation avec eux. Achetèrent par l’intermédiaire de Bornheim13. »
Ces informations sont démenties par Madeleine Léonardi14, qui cite cependant le commissionnaire Zeermann ainsi que son associé Gourbaud, qui seraient venus dans son magasin avec des clients allemands. Il est possible que ces ventes s’apparentent en vérité plutôt à des commissions : l’expert-comptable chargé du dossier Léonardi relève le fait que nombre d’objets vendus aux Allemands sont acquis lors de ventes publiques, ainsi « beaucoup des objets vendus paraissent avoir simplement passé en magasin, si même ils y sont entrés15 ».
Les époux Léonardi invoquent le caractère obligatoire de ces ventes et l’absence de sollicitation de clients allemands de leur part. Ils se défendent d’avoir appauvri le patrimoine national puisqu’ils vendent principalement des « objets germaniques » à cette clientèle, à l’instar d’un bas-relief allemand du début du XVIe siècle16. Michel Martin en convient, dans le cadre d’un dossier ouvert à la Commission de récupération artistique, il indique que « la matière des ventes n’ayant pas le caractère d’objets d’art intéressant le patrimoine national, il […] semble possible, sous réserve de vérifier la décision du Comité de confiscation, de classer en l’état le dossier de M. Léonardi17 ». Il précise que la dissimulation du chiffre d’affaires et la fraude fiscale des époux Léonardi relèvent de la compétence du Comité de confiscation des profits illicites. Un autre argument soulevé par Édouard Léonardi pour sa défense est celui de la protection de biens juifs, restitués à leurs propriétaires à la Libération18.
À l’issue des différentes instructions dont il a fait l’objet, le couple Léonardi est sanctionné par une confiscation du Comité de confiscation des profits illicites, que le Conseil supérieur fixe le 10 janvier 1947 à 1 391 567 F, assortie d’une amende de 4 millions de francs (ramenée à 2 millions de francs)19, à la charge de Madeleine Léonardi à la suite du décès de son époux. Concernant la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, cela signifie la fin des poursuites et le dossier est donc classé en l’état20.
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