Retable provenant du maître-autel de l’église de Sankt Georgen an der Ahr (Tyrol du Sud) : caisse et sculptures conservées, prédelle en partie remaniée (remploi de sculptures et de panneaux peints), volets et couronnement disparus.
- Identification du bois, Centre technique du bois, Paris, et Roger Dechamps, Service d’anatomie des bois du musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren (Belgique), 1991.
- Dendrochronologie, Laboratoire de chrono-écologie, Besançon, 1991.
- Analyses de la polychromie, Laboratoire de recherche des musées de France, Sylvie Colinart, Myriam Eveno, 1991.
- Étude et restauration, Anne Gérard-Bendelé, Aubert Gérard, Pascale Klein, Juliette Levy-Hinstin, Marie-Emmanuelle Méyohas, 1990-1991.
- Étude et restauration des panneaux peints de la prédelle, Christine Mouterde, 1990-1991.
- Observation, Sophie Guillot de Suduiraut, Juliette Levy-Hinstin, Laurence Brosse, 2021.
Caisse du retable divisée en trois compartiments, abritant sous des dais des sculptures disposées sur de hauts soubassements : dans le compartiment central, saint Georges terrassant le dragon (avec reliefs complémentaires appliqués sur le fond : château, rochers et princesse), dans les compartiments latéraux, saint André à dextre et saint Sébastien (?) à senestre) ; sur les deux pilastres entre les compartiments, statuettes de sainte Marguerite à dextre et d’une sainte à senestre, provenant d’un autre retable.
Prédelle du retable avec un compartiment central abritant trois sculptures (le Christ de douleur et deux apôtres) et deux panneaux peints latéraux (saint Henri à dextre, sainte Cunégonde à senestre) ; les sculptures et les panneaux, anciens volets de prédelle peints sur leurs deux faces (faces non visibles : saint Jérôme à dextre, un saint évêque à senestre), proviennent d’autres retables.
Polychromie d’origine sur la face et le revers de la caisse et de la prédelle du retable. Polychromie d’origine sur les bustes de la prédelle, polychromie d’origine et polychromie postérieure sur les sculptures de la caisse.
parmi les nombreux graffiti (noms, initiales, dates, croix, cercles), on peut notamment lire : 15 M : 99h. /Gott geb Gnad. /[...] Pachler.» ; « PIETER/MANESCO [...] /X GNAD [...] / 1655» ; « Caspar ( ?) Englberger /1617 » ; «hains (?) Dietterug (?)» ; « 16 [...] /EVA» ; « Wisner » ; [...] «Töpsl».
Que Dieu nous accorde sa grâce [« Gott geb Gnad »]
Les graffiti inscrits par les fidèles au revers de la prédelle ont révélé des dates (des 15e, 16e et 17e siècles) et plusieurs noms couramment portés dans le Tyrol du Sud, pour certains originaires des environs de Bruneck. Les noms ont permis de déterminer le lieu d'origine du retable, l'église de Sankt Georgenan der Ahr, localité proche de Bruneck, et les dates ont aidé à préciser son histoire.
M3. Brüssel
Inscription à la peinture noire indiquant que le retable a été transporté à Bruxelles.
L’iconographie de la caisse est centrée sur la figure de saint Georges, auquel fut consacré, en 1483, le maitre-autel de l’église de l’église Sankt Georgen dont provient le retable. Le saint chevalier légendaire, mis à l’honneur dans le grand compartiment central de la caisse, combat à cheval le dragon qui s’apprête à dévorer la fille du roi d’une ville de Cappadoce. La princesse agenouillée et ses parents accoudés au balcon de leur château sont représentés sur les reliefs appliqués contre le fond de la caisse. Selon un type usuel, saint Georges a un visage juvénile, une abondante chevelure bouclée ceinte d’un bourrelet, il porte une armure et brandit une lance (disparue) pour tuer le dragon.
Deux saints sont figurés dans les compartiments latéraux de la caisse. À dextre, l’apôtre saint André est reconnaissable à son attribut, la croix en forme de X, instrument de son martyre. A senestre, le jeune saint en costume civil, coiffé d’un gros turban, a perdu ses mains et son attribut, mais il est peut-être identifiable à saint Sébastien. Dans cette hypothèse, il pourrait suivre un type iconographique particulier, qui montre le saint en jeune homme élégant tenant en main les flèches de son martyre. Ce type est fréquent en Allemagne à la fin du Moyen Âge, en parallèle aux images du martyr chrétien attaché à un arbre, le corps dénudé criblé de flèches.
Deux statuettes provenant d’un autre retable ont été mises à la place de sculptures disparues, fixées sur des consoles sur les pilastres entre les compartiments de la caisse. À dextre, sainte Marguerite est identifiable au dragon représenté à ses pieds, qui rappelle un épisode célèbre de la légende de la jeune martyre d’Antioche. Emprisonnée par le préfet Olibrius qu’elle refusait d’épouser, Marguerite eut la vision d’un dragon qui menaçait de l’engloutir. Elle le mit en fuite en traçant le signe de la croix. À senestre, la sainte couronnée a perdu son attribut qu’elle tenait dans la main gauche. Les doigts repliés pouvaient enserrer un objet tel que l’épée de sainte Catherine, qui fait référence à la décapitation de la sainte martyre d’Alexandrie.
Le remaniement de la prédelle du retable ne permet pas de restituer son iconographie d’origine, qui devait s’accorder au programme d’ensemble. Les trois sculptures du compartiment central, conçues dès l’origine comme des figures à mi-corps, proviennent d’un autre retable. Le Christ de douleur (en allemand Schmerzensmann), couronné d’épines et montrant les plaies de la crucifixion, est entouré de deux apôtres, chacun portant un livre et dépourvu d’attribut distinctif (mains brisées). Il est difficile de savoir si ces apôtres faisaient partie d’un ensemble représentant le Christ et ses disciples à la prédelle d’un retable. Habituellement, le Christ est dans ce cas figuré non pas souffrant, comme ici, mais bénissant et portant le globe terrestre. Les panneaux peints de la prédelle étaient à l’origine les volets de la prédelle d’un autre retable, dont les faces externes représentent saint Jérôme et un saint évêque, et les faces internes saint Henri et sainte Cunégonde.
Autriche, Tyrol, Tyrol du Sud (Südtirol)
sculptures de la caisse attribuées à un sculpteur travaillant pour l’atelier du peintre Simon von Taisten (Guillot de Suduiraut, 1991).
sculptures de la prédelle attribuées à un sculpteur de Brixen dans l’entourage de Hans Klocker (Guillot de Suduiraut, 1991).
Retable provenant de l'église Sankt Georgen an der Ahr, (Tyrol du Sud, actuellement Italie, région du Trentin-Haut-Adige), où il était placé sur le maître-autel consacré en 1483. Retiré de l’église vers la fin du 17e siècle. Lors de son démontage, ou par la suite, perte du couronnement et des volets de la caisse, et remaniement de la prédelle. Transport à Bruxelles au 19e siècle. Collection César Fontaine. Acquisition à Lille auprès de l’antiquaire Hourez, 1891.
tome IV, p. 70-78, n° 94 (p. 70 : « Grand Rétable en bois sculpté, polychromé et doré Allemagne XVIe siècle […]. Acquisition [acheté à Hourez antiq. à Lille]. Proviendrait d’une église de Bamberg ou des environs […]. » ; p. 75 : « Cet important monument de la sculpture allemande au déclin de l’influence gothique est d’autant plus digne d’intérêt qu’il a conservé sa polychromie du temps d’une façon quasi intégrale […]. » ; p. 76-77 : « […] Ce retable possédait autrefois des volets peints […]. Le marchand qui s’était rendu acquéreur du tout, ayant vendu séparément les volets, céda le retable sculpté au Musée de Lille pour la somme de 1700 francs environ […]. »).
p. 20, n° 343 (« […] le grand retable de la fin du XVe siècle serait la pièce centrale d’un autel de l’église de Bamberg (Bavière) ; au centre, grande figure équestre de Saint Georges encadrée de deux saints, dans un décor d’architecture polychromée et dorée. De caractère allemand également […] »).
p. 37-38, 442 (Tyrol du Sud, caisse : saint Georges, saint André, saint Sébastien [?], vers 1490-1500 ; prédelle : le Christ de douleur entre deux apôtres, vers 1490-1500 ; volets de la prédelle : saint Henri, sainte Cunégonde, vers 1520).