Curtis, Atherton
ou le 03/08/1863 ?
5, rue Boissonade
Mount Kisco, NY (USA)
17, rue Notre-Dame des Champs
Fils aîné de George N. Curtis et d’Eliza Meecham, Atherton Curtis voit le jour à Brooklyn le 3 août 1863 (selon son acte de mariage de 1915 (AP, 6M231, 01/07/1915), d’autres sources donnent le 3 avril) dans une riche famille new-yorkaise, qui a fait fortune, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, grâce à un sirop pour enfants, Mrs Winslow’s soothing syrup, finalement interdit vers 1930 car contenant de la morphine. Tout comme son frère cadet, George Warrington Curtis (1869-1927) qui s’adonnera à la sculpture, Atherton manifeste un vif intérêt pour l’art. Et c’est à l’art et à la philanthropie qu’il consacrera son existence, placée sous le signe de la simplicité et qu’il est possible de suivre grâce aux agendas, conservés au département des Estampes et de la photographie (BNF EST, Rés. YG-187-8). Végétarien, hostile à la souffrance animale, il est proche de l’Humanitarian League d’Henry Stevens Salt (1851-1939) et finance la publication, entre 1900 et 1910, de l’Humane review, trimestriel proche de la League (The Routledge history of food, 2014, p. 196).
Installé à Paris sans doute vers 1890, il y fréquente les milieux artistiques et épouse le 14 août 1894 Louise Burleigh (1869-1910). Le couple, qui demeure dans le quartier de Montparnasse, 5 rue Boissonade, est lié par une passion commune pour l’estampe qu’ils collectionnaient déjà l’un et l’autre avant leur mariage. Commencée dès ses années d’étudiant à l’université de Columbia, la collection de Curtis embrasse au fil des années de plus en plus de domaines : estampes anciennes, œuvres des graveurs des XIXe et XXe siècles, production japonaise et chinoise s’accumulent dans ses portefeuilles pour atteindre à sa mort quelque 8 000 pièces occidentales et 2 000 feuilles asiatiques (BNF, EST, Rés. YE-289-PET FOL).
En 1900, les Curtis quittent la France et acquièrent une maison à Mount Kisco à 70 km au nord de New York. Atherton y fait ajouter par l’architecte Robert D. Kohn (1870-1953) un bâtiment à l’épreuve des incendies pour abriter ses collections ainsi qu’une maison d’hôtes pour accueillir chercheurs et amateurs (BNF, EST, Rés. YE-289-PET FOL). Pendant plus de trois ans, tout en faisant profiter la petite ville de ses largesses (il la dote d’une bibliothèque municipale et réalise à ses frais des travaux de voirie), il reçoit des artistes et montre au public, au cours de deux expositions, son œuvre gravé de Rembrandt de juillet à octobre 1902 et de Francis Seymour Haden (1818-1910) de novembre 1902 à mars 1903. Il garde la trace de ces deux présentations en prenant en charge la publication de deux petits catalogues :Catalogue of prints & drawings by Rembrandt, belonging to the Curtis collection, New-York, Mount Kisco, 1902 ; Catalogue of etchings, dry-points and mezzotints by Francis Seymour Haden, belonging to the Curtis Collection, New York, Mount Kisco, 1902.
Déçus par l’accueil que leur réservent les habitants, Louise et Atherton Curtis rentrent à Paris en 1904. La maison de Mount Kisco est vendue et les collections, qui commencent à s’enrichir d’objets d’art et d’objets archéologiques, installées au 17 rue Notre-Dame des Champs, adresse que Curtis ne quittera plus jusqu’à sa mort. Malade, Louise meurt en décembre 1910. Atherton attendra cinq ans pour se remarier, le 1er juillet 1915, avec Ingeborg Flinch (1870-1943) (AP, 6M231). Dès lors, Curtis partage sa vie entre sa demeure parisienne et sa résidence de Bourron-Marlotte en bordure de la forêt de Fontainebleau, où il accueille famille, amis, amateurs et artistes. Fidèle à ses principes de philanthrope, il finance à Bourron la création d’une bibliothèque municipale et, en 1930, un jardin d’enfants (Roesch-Lalanne, 1986, p. 17-18). S’appuyant sur sa vaste collection et sur les fonds du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, il publie plusieurs ouvrages, en particulier sur la lithographie, son sujet de prédilection.
Curtis ne se contente pas d’accumuler des pièces exceptionnelles. Il aime à aider les artistes. C’est ainsi qu’il se lie d’une longue amitié avec le peintre afro-américain Henry Ossawa Tanner (1859-1937), rencontré à Paris en 1897 (Woods N.F., p. 152). La correspondance fournie entre les deux hommes atteste de leur lien solide et de l’indéfectible soutien du mécène. Le peintre-graveur Amédée Joyau (1872-1913), très influencé par le japonisme, retient aussi toute son attention ; Curtis publie en 1938 le catalogue raisonné de son œuvre, qu’il possède complet, et s’assure en 1938 que les matrices sur bois de l’artiste sont en sécurité dans les murs de la Bibliothèque nationale. Il encourage, par ailleurs, grâce à de nombreux achats, le céramiste Émile Decoeur (1876-1953), dont les modèles, influencés par la Chine, rencontrent le goût du collectionneur pour les arts d’Extrême-Orient. Les portraits de Curtis par le graveur Andres Zorn (1860-1920), le peintre William Nicholson (1872-1949) et, bien entendu, Tanner témoignent de son importance dans le monde des arts de la première moitié du XXe siècle.
À partir de 1938, les époux Curtis commencent à envisager le devenir de leurs collections. S’ils ont déjà fait bénéficier de leurs dons plusieurs musées américains et européens, c’est à la France qu’ils choisissent de transmettre la plus grande partie de leurs trésors. Le 2 avril 1938, le Conseil des Musées nationaux accepte la donation Curtis, faite, pour certaines pièces, sous réserve d’usufruit et mêlant œuvres occidentales et extrême-orientales à plus d’un millier d’objets archéologiques égyptiens (AN., 20150044/79, 12 avril 1939 avec liste des objets du don). Puis, par testament du 10 juillet 1939, Curtis et sa femme lèguent, également sous réserve d’usufruit, plusieurs milliers d’estampes au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, dont la totalité de leurs 2 000 pièces chinoises et japonaises (BNF, EST, Rés. YE-289-PET FOL).
Curtis décède le 8 octobre 1943, son épouse Ingeborg le 11 du même mois. C’est le grand marchand d’estampes parisien, Paul Prouté (1887-1981), proche du couple et son exécuteur testamentaire (P. Prouté, 1981, p. 38-41), qui déclare les deux décès (AP, 6D252 ; BNF, EST, Rés. YE-289-PET FOL).
Mises à l’abri pendant la Seconde Guerre mondiale, avec certaines collections du Louvre, au château de Courtalain (Eure-et-Loir), les 92 caisses des dons et legs Curtis rejoignent peu à peu, après 1945, les institutions parisiennes, auxquelles elles étaient destinées (BNF, EST, Rés. YE-289-PET FOL). Aujourd’hui, le Louvre, le Musée de Cluny, le Musée Guimet, le Musée national d’art moderne, le Musée de l’Orangerie et la Bibliothèque nationale de France abritent ce qui fut une des belles collections de la première moitié du XXe siècle.
Née dans une importante et ancienne famille du Maine, Louise est la fille de Daniel Coffin Burleigh (1834-1884), médecin militaire installé en Europe à partir de 1880 (Burleigh, 1880, p. 105). Elle perd son père à Dresde en 1884 (Holloway, 1981). Installée à Paris avec sa mère Anne Curtis, elle suit les cours du peintre Luc-Olivier Merson (1846-1920) et du graveur Evert van Muyden (1853-1922). Le 14 août 1894, elle épouse Atherton Curtis à Genève. Elle s’éteint à Paris le 17 décembre 1910 (AP, 6D169).
Fille aînée de l’acteur et écrivain danois Alfred Carl Johannes Flinch (1840-1910), Ingeborg est aquarelliste et a figuré parmi les exposants du salon de la Société nationale des Beaux-arts. Elle entre en 1903 dans l’entourage d’Atherton Curtis et de sa première femme comme secrétaire (BNF, Estampes et photographie, Journal d’Atherton Curtis), avant d’épouser Curtis à Paris le 1er juillet 1915 (AP, 6M231). Elle meurt, deux jours après son mari, le 11 octobre 1943 (AP, 6D252).
Article rédigé par Corinne Le Bitouzé
Eldest son of George N. Curtis and Eliza Meecham, Atherton Curtis was born in Brooklyn, New York to a wealthy family on August 3, 1863 (according to his 1915 marriage certificate (AP, 6M231, 07/01/1915), other sources state April 3). They amassed their wealth during the second half of the 19th century, producing Mrs Winslow's soothing syrup for children. It was banned from the market around 1930 because it contained morphine. Like his younger brother, George Warrington Curtis (1869-1927), who would devote himself to sculpture, Atherton showed a keen interest in art. He would devote his life to art and philanthropy which is possible to follow thanks to the diaries, kept in the Département des Estampes et de la Photographie (BNF EST , Res. YG-187-8). A vegetarian and very adverse to the suffering of animals, he was a patron of the Humanitarian League of Henry Stevens Salt (1851-1939) and financed the publication, between 1900 and 1910, of the Humane Review, a quarterly of the League (The Routledge history of food, 2014, p. 196).
He lived in Paris around 1890 and frequented artistic circles. He married Louise Burleigh (1869-1910) on August 14, 1894. The couple lived in the Montparnasse arrondissment, 5 rue Boissonade and shared a common passion for prints, having both collected prior to their marriage. Started during his years as a student at Columbia University, Curtis' collection diversified over the years to include antique prints, works by engravers of the 19th and 20th centuries, Japanese and Chinese production accumulated in his catalogue to reach some 8,000 Western coins and 2,000 Asian sheets upon his death (BNF, EST, Res. YE-289-PET FOL).
In 1900, the Curtis’ left France and purchased a house in Mount Kisco, 70 km north of New York City. Atherton commissioned architect Robert D. Kohn (1870-1953) to add a fireproof building to house his collections as well as a guest house to accommodate researchers and connoisseurs (BNF, EST, Res. YE -289-PET FOL). He allowed the small town to benefit from his generosity having endowed it with a municipal library and having funded road works at his own expense. He also received artists for more than three years and opened two exhibitions to the public of his Rembrandt engravings from July to October 1902 and those by Francis Seymour Haden (1818-1910) from November 1902 to March 1903. He recorded these two presentations in the publication of two small catalogues: Catalogue of Prints & Drawings by Rembrandt, and the Catalog of Etchings, Dry-Points and Mezzotints by Francis Seymour Haden, both belonging to the Curtis Collection, New York, Mount Kisco, 1902.
Disappointed by the town’s lack of enthusiasm, Louise and Atherton Curtis returned to Paris in 1904. The Mount Kisco house was sold.The collections, which now included works of art and archaeological objects, were then housed at 17 rue Notre-Dame des Champs, an address where Curtis would live until his death. Louise died in December 1910 after an illness. He would wait five years to remarry Ingeborg Flinch (1870-1943) on July 1, 1915 (AP, 6M231).
From then on, Curtis lived between his Parisian home and his residence in Bourron-Marlotte on the edge of the forest of Fontainebleau, where he welcomed family, friends, connoisseurs and artists. Faithful to his principles as a philanthropist, he financed the creation of a municipal library in Bourron and, in 1930, a kindergarten (Roesch-Lalanne, 1986, p. 17-18). Based on his vast collection and on the funds of the Cabinet des Estampes of the National Library, he published several works, in particular on his favorite subject; lithography.
Curtis didn’t just amass exceptional pieces. He also liked to support artists. This is how he formed a long-lasting friendship with the African-American painter Henry Ossawa Tanner (1859-1937), whom he met in Paris in 1897 (Woods N.F., p. 152). The correspondence between the two men attests to their solid bond and the unfailing support from Curtis. The painter-engraver Amédée Joyau (1872-1913), heavily influenced by Japonisme, was also supported by Curtis. In 1938, Curtis published the catalogue raisonné of the artist’s works and in 1938 ensured that the artist's wood matrices were safe within the walls of the Bibliotèque Nationale. He also encouraged the ceramist Émile Decoeur (1876-1953) through his numerous purchases, whose models were influenced by China and matched Curtis’ taste for the Far Eastern. Portraits of Curtis by the engraver Andres Zorn (1860-1920), the painter William Nicholson (1872-1949) and, of course, Tanner testify to his importance in the art world for the first half of the 20th century.
From 1938, the Curtis’ began to consider the future of their collections. Since several American and European museums already had benefitted from their donations, they chose to donate the majority of their collection to France. On April 2, 1938, the Conseil des Musées nationaux accepted the Curtis donation, of certain pieces and subject to usufruct, that combinded Western and Far Eastern works with more than a thousand Egyptian archaeological objects (AN., 20150044 /79, April 12, 1939 with list of donated objects). Then, in a will dated July 10, 1939, Curtis and his wife bequeathed, also subject to usufruct, several thousand prints to the Cabinet des Estampes de la Bibliotèque Nationale, including all of their 2,000 Chinese and Japanese pieces (BNF, IS, Res. YE-289-PET FOL).
Curtis died on October 8, 1943 followed by Ingeborg on the 11th. The great Parisian print dealer, Paul Prouté (1887-1981), a close associate of the couple and also the executor of their willl (P. Prouté, 1981, p. 38-41), declared the two deaths (AP, 6D252; BNF, EST, Res. YE-289-PET FOL).
A lot of 92 boxes of the Curtis’ donations were sheltered during the Second World War, with certain of the Louvre collections, at the Château de Courtalain (Eure-et-Loir), and then gradually distributed to the Parisian institutions where they were intended after 1945 (BNF, EST, Res. YE-289-PET FOL). Today, the Louvre, the Musée de Cluny, the Musée Guimet, the le Musée national d’art moderne, the Musée de l’Orangerie and the Bibliothèque Nationale de France house what was once of the finest collections of the first half of the 20th century.
Born into an old, established family in Maine, Louise was the daughter of Daniel Coffin Burleigh (1834-1884), a military doctor who settled in Europe from 1880 (Burleigh, 1880, p. 105). She lost her father in Dresden in 1884 (Holloway, 1981). She studied with the painter Luc-Olivier Merson (1846-1920) and the engraver Evert van Muyden (1853-1922) while living in Paris with her mother Anne Curtis. She died in Paris on December 17, 1910 (AP, 6D169).
Eldest daughter of the Danish actor and writer Alfred Carl Johannes Flinch (1840-1910), Ingeborg was a watercolorist and was among the exhibitors at the Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. In 1903, she worked for Atherton Curtis and his first wife as their secretary (BNF, Prints and photography, Journal of Atherton Curtis), before marrying Curtis in Paris on July 1, 1915 (AP, 6M231). She died, two days after her husband, on October 11, 1943 (AP, 6D252).
Article by Corinne Le Bitouzé (Translated by Benjamin West)
[Objets Collectionnés]
[Objets Collectionnés]
[Objets Collectionnés]
Louise Burleigh épouse Atherton Curtis le 14 août 1894. (Source : Notice Agorha "Atherton Curtis" rédigée par Corinne Le Bitouzé)
Ingeborg Flinch épouse Atherton Curtis le 1er juillet 1915. (Source : Notice Agorha "Atherton Curtis" rédigée par Corinne Le Bitouzé)
Le grand marchand d’estampes parisien, Paul Prouté (1887-1981) est l'exécuteur testamentaire du couple Curtis, dont il était proche. (Source : Notice Agorha "Atherton Curtis" rédigée par Corinne Le Bitouzé)