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Cohérence significative entre texte et image ? Diverses pistes de recherche envisagées par la « Recherche avancée »

30/01/2024 Medieval Kāshi Online

A travers quelques chiffres-clés

Le projet Medieval Kāshi Online consiste en la création d’une base de données recensant une liste internationale non exhaustive de kāshi, carreaux de céramique provenant de palais iraniens. Cette éditorialisation s’est faite sur un logiciel utilisé par l’Institut National d’Histoire de l’Art, Agorha, dont l’un des atouts est sa "Recherche avancée". A l’aide de cet outil, le chercheur ou la chercheuse peuvent ainsi effectuer des recherches d’une grande précision. Ce billet a pour objectif d’illustrer par quelques exemples les données que l’utilisateur de la base de données pourrait obtenir. Ici, les données recueillies en exemple se sont limitées au regard d’un lien possible entre les décor textuels et iconographiques des kāshi.

En premier lieu, il est aisé de distinguer que ces carreaux sont revêtus d’inscriptions religieuses et/ou poétiques. Par l’outil "Recherche avancée", il est possible de déterminer les proportions de chaque groupe. L’exemple présenté propose d’énumérer les inscriptions religieuses et poétiques reconnues en fonction de divers critères : l’utilisation de l’arabe et du persan ainsi que la présence ou non d’iconographie humaine ou animale sur le carreau. Le tableau ci-dessous présente les résultats obtenus ainsi que les proportions en pourcentage arrondi à l’unité de chaque catégorie au sein du panel choisi.

Clarification des catégories :

  • religieuse : inscription religieuse uniquement (Coran/Hadith/formule d’eulogie)
  • poétique : inscription poétique uniquement
  • religieuse + poétique : inscription religieuse et poétique simultanée
  • arabe : inscription en langue arabe uniquement
  • persan : inscription en langue persane uniquement
  • arabe + persan : inscription en langue arabe et persane simultanée
  • personnage : iconographie avec présence de figure humaine (avec ou sans figure animalière)
  • ø personnage + animal : iconographie avec présence animalière exceptant toute figure humaine
  • ø personnage + ø animal : iconographie aniconique (exceptant toute figure humaine et animalière)

Comment obtenir ces résultats à travers l’outil « Recherche avancée » ?

Afin de maîtriser la "Recherche avancée", il faut en premier lieu comprendre les classifications caractérisant les notices. Les notices ont été saisies en remplissant des zones/blocs/champs prédéfinis par l’équipe du programme Medieval Kāshi. Chaque information est saisie dans un intitulé qui lui est dédié. Afin d’éclairer de nouveau ce point, voici un exemple de recherche effectué de façon à constituer le tableau ci-dessus, encadré en rouge.  

Tout d’abord une première recherche inventorie le nombre de carreau comportant une inscription religieuse uniquement, en arabe uniquement et avec une iconographie aniconique :

Dans le but d’obtenir les carreaux avec une iconographie aniconique, il faut signaler au moteur de recherche que les carreaux avec personnage mais aussi avec animal ne sont pas souhaités en remplaçant l’indication "ET" par "SAUF". Ainsi, 145 carreaux avec inscription religieuse sont aniconiques.

Il est intéressant de relever quelques chiffres-clés surlignés en vert dans le tableau présenté plus haut. Parmi les inscriptions reconnues dans le corpus, les inscriptions exclusivement religieuses sont majoritairement présentes à 60%. Et ces 60 % sont toutes en langue arabe. A contrario, les inscriptions purement poétiques sont présentes à environ 40 %. Si la majorité sont inscrites exclusivement en persan, 16 notices présentent une association de l’arabe et du persan et 2 sont exclusivement en arabe. Une nouvelle "recherche avancée" permet de notifier que de ces 18 notices avec inscription poétique arabe, 15 comportent seulement l’indication de la date en arabe. Il semble donc que le choix de langue des inscriptions soit corrélé à leur signification : les inscriptions religieuses et les dates en arabe, les poèmes essentiellement en persan.

Dans un second temps, il est pertinent d’associer ces recherches avec l’iconographie présente sur les carreaux. Concernant les carreaux avec inscriptions religieuses, 54% d’entre eux sont aniconiques, c’est-à-dire dénuées de représentation humaine ou animale, 6% sont inscrites avec des figures animalières et il n’existe aucun carreau inscrit exclusivement religieusement qui ne soit revêtu de figure humaine.  En effet, l’ensemble des représentations humaines est lié à des inscriptions poétiques. Seul le carreau OA+.1123 présente deux figure humaines assises bordées d’une inscription poétique persane et d’une inscription religieuse arabe. Il s’avère que cette inscription n’est ni un Hadith ni une inscription coranique mais une formule d’eulogie à valeur apotropaïque, possiblement soumise à des normes iconographiques différentes. Exempt de cette exception, il semble qu’un soin ait été porté à ne pas intégrer de représentation humaine dans les carreaux avec inscription religieuse, ce qui répond aux normes généralement établies dans un contexte religieux islamique. Le carreau pourrait alors être considéré dans son ensemble : comme un objet dont le texte et l’image correspondent.   

Ainsi, le récolement de données par l’outil « Recherche avancée » est une réelle source à manier pour la recherche menée sur les kāshi, dans sa complémentarité avec d’autres sources et méthodes, enquêtes archéologiques, études littéraires, architecturales ou encore iconographiques. Il ne s’agit pas ici de tirer des conclusions uniquement à partir du croisement des données, mais bien de mettre en évidence le potentiel de la « Recherche avancée » pour pointer les pistes de recherche ainsi affinées.

Il faut en outre faire preuve de prudence au vu de la non-représentativité de la base. Le corpus présenté se limite aux carreaux inscrits en forme d’étoile ou de croix provenant de collections prospectées par des musées principalement européens et états-uniens. Les résultats obtenus dans la base ne sont pas uniquement soumis à des pratiques de production mais aussi à des sélections effectuées par les diverses institutions en contact avec ces objets. Il est donc nécessaire de replacer cet ensemble dans un corpus plus vaste de kāshi non-inscrits à forme multiple (octogonal, rectangulaire), dans des contextes de collection et de conservation différents. La base ne se prête donc que peu à une analyse quantitative, mais ouvre la possibilité de cerner des interactions de données et des échanges fructueux entre analyses matérielle, iconographique et textuelle qui ont été à la source du programme de recherche.