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Juif d’origine hongroise, Étienne Donath ouvre un fonds de commerce d’antiquités à Paris en 1934. Au début de l’Occupation, il réalise des ventes à des clients allemands – tels que Maria Almas-Dietrich, Josef Mühlmann, Walter Bornheim ou Adolf Wüster – dans le but d’obtenir l’argent nécessaire à sa fuite en zone libre.


Étienne Donath, Juif émigré né le 26 août 1897 à Budapest, ouvre un fonds de commerce d’antiquités dans son appartement de quatre pièces du 14 rue Milton à Paris autour de 1934. Il est installé à cette adresse avec sa femme Renée (22 juin 1903 – 14 décembre 1972)1, docteure en médecine originaire de Roumanie, et sa fille Véronique née dans ce pays le 9 novembre 19302. Étienne Donath et Renée Tapfer s’étaient unis en la mairie du Ve arrondissement de Paris le 4 janvier 1930. L’homme, alors domicilié 18 rue du Cardinal-Lemoine, était à cette époque représentant de commerce3. La famille émigrée reste attachée à ses racines est-européennes puisque, entre 1936 et 1937, Mme Donath fait paraître trois annonces afin d’engager une jeune fille au pair autrichienne ou germanophone4.

Au début de l’Occupation, Étienne Donath est sollicité par les acheteurs allemands avec lesquels il traitait déjà en tant qu’intermédiaire. Il réalise des ventes à des marchands allemands, dans le but d’obtenir l’argent nécessaire à sa fuite en zone libre. Dans une déclaration écrite adressée à la Cour de justice du département de la Seine, devant laquelle il comparaît en 1946, il s’exprime en ces termes : « Toujours en danger en tant qu’israélite, je n’avais qu’une hâte, celle de réunir assez d’argent pour m’enfuir à mon tour, afin de placer ma femme et ma fille de dix ans en sécurité5. » Les œuvres vendues proviennent alors à la fois de son stock, de sa collection personnelle, ou d’un ensemble d’objets déposés par son père et par des amis émigrés.

Maria Almas-Dietrich, Josef Mühlmann, Walter Bornheim ou Adolf Wüster sont au nombre de ses clients. À la première, il vend une aquarelle le 21 février 19416, puis trois œuvres, dont une nature morte de Jan Brueghel pour la somme de 326 000 F en avril 19417, ainsi que d’autres aquarelles, dessins et peintures pour la somme de 107 000 F le même mois8. Étienne Donath figure également dans la liste des marchands ayant vendu des œuvres d’art aux musées allemands9. Le directeur du Kunstgewerbemuseum de Düsseldorf, Hans Wilhelm Hupp, confirme à Nadine Wüster avoir effectué un virement pour des objets en possession de Donath10. Josef Mühlmann acquiert chez lui des faïences et verreries destinées au musée tchécoslovaque de Troppau. La liste des œuvres vendues à Walter Bornheim figure dans l’interrogatoire réalisé par les Américains11. Donath nie cependant avoir vendu certaines des œuvres figurant sur cette liste, notamment une pendule du XVIe siècle vendue en 1943, date à laquelle il avait déjà quitté Paris12.

Donath parvient en effet à fuir Paris au début du mois de mai 1942, en franchissant la Saône du côté de Chalon13. Il se réfugie d’abord à Nice, au 20 rue du Congrès, ville dans laquelle sa femme, arrêtée, échappe de peu à la déportation, avant de s’installer à Monaco, 21 boulevard du Jardin-Exotique à partir de septembre 194314. En son absence, son appartement parisien est pillé par les nazis, qui emportent les meubles, du matériel de travail dont des factures ainsi qu’une bibliothèque de près de 1 000 volumes15. Sa tante, restée dans l’appartement après sa fuite, est déportée. Le 20 juin 1943, en application des lois raciales, son fonds de commerce est liquidé par le commissaire gérant qui avait été nommé le 15 mai 1941, M. Revillon16. Une partie de ses biens est vendue à l’hôtel Drouot17.

Après la guerre, Étienne Donath fait l’objet d’enquêtes du Comité de confiscation des profits illicites et de la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration. Il est également inculpé d’atteinte à la sécurité extérieure de l’État devant la Cour de justice du département de la Seine. Ses origines israélites permettent de le disculper aisément. Dans une note datée du 19 octobre 1946, Michel Martin explique que les attaches israélites de Donath le mettaient dans l’impossibilité de garder sa liberté d’action vis-à-vis des occupants18. Le Comité de confiscation des profits illicites cesse de même les poursuites engagées à son encontre.