Hostun, Marie Joseph d'

[Objets collectionnés] dessins, estampes, 24 tableaux dont Poussin, Valentin, La Hyre.

[Objets collectionnés] 301 porcelaines dont des porcelaines polychromes, bleu céleste et de céladons, des porcelaines du Japon, et des bleu et blanc.

[Objets collectionnés] 33 vases, 26 tables et une colonne de granit avec base et chapiteau de marbre griotte, surmontée d'un vase en porphyre.

Le catalogue de vente après décès du duc de Tallard décompte 184 tableaux, 9 sculptures et 24 bustes de marbre, 489 dessins, 232 estampes, 13 petits bronzes, 2 bustes et 2 vases de bronze, 301 porcelaines d’Orient, 33 vases, 26 tables et une colonne de granit avec base et chapiteau de marbre griotte, le tout surmonté d’un vase de porphyre (voir illustration en tête de notice). La réputation de la collection du duc de Tallard était flatteuse et Rémy et Glomy, les auteurs du catalogue n’hésitèrent pas à la placer immédiatement après celle du roi et du duc d’Orléans en raison de la qualité des œuvres réunies dans tous les domaines. Le duc privilégia les peintres italiens (122 tableaux) avec les écoles les plus prestigieuses telles celles de Venise (4 tableaux) avec Bellini, Giorgione, Titien, Véronèse, Rosalba Carriera ; de Bologne (31 tableaux), avec Carrache, le Guide, Albane, Dominicain, Guerchin ; de Rome (29 tableaux), dont Pérugin, Raphaël, Jules Romain, Cortone ; de Parme (8 tableaux), avec Corrège, Parmesan, Lanfranco ; de Florence (7 tableaux), avec Léonard de Vinci, Michel Ange, Del Sarto ; auxquels s’ajoutaient trois de celle de Milan et deux de celle de Sienne. Plus originale était la présence de neuf œuvres de maîtres de Gênes, de Naples, mais surtout d’Espagne avec un Ribera et sept Murillo. Les plus grands noms représentaient les écoles du Nord (29 tableaux), avec Dürer, Rubens (5 œuvres), Van Dick (4 œuvres) et Rembrandt (2 œuvres). L’école française, la moins importante en nombre (24 tableaux), n’était représentée que par des peintres du XVII^e siècle avec Poussin, Valentin et La Hire. Ces mêmes écoles se retrouvaient dans des proportions identiques dans les ensembles de dessins et d’estampes. Les écoles et les sujets des tableaux, dessins et estampes étaient caractéristiques du goût des grands amateurs de la fin du xvii^e siècle (Michel P., 2007 ; Guichard C., 2008).

Appartenant à la haute noblesse de Cour, le duc de Tallard avait réuni les peintres les plus prestigieux, soit les Italiens des XVI^e et XVII^e siècles, les plus grands noms des écoles du Nord et de l’école française du XVII^e siècle. Les grandes écoles considérées comme les références en matière de goût par les amateurs et l’Académie de peinture, avec la bolonaise, la romaine et la florentine, dominent. Cependant, le grand nombre de tableaux de l’école vénitienne témoigne de l’évolution du goût des amateurs de la fin du XVII^e siècle et de leur intérêt nouveau pour la couleur (Michel P., 2007 ; Guichard C., 2008). À l’exception de Rosalba Carriera, le duc de Tallard ne possédait pas d’œuvres de peintres contemporains, comme La Fosse ou Boucher. Ce grand goût aristocratique apparaît également dans les sujets, avec une majorité de sujets d’histoire. Pour l’école du Nord, Tallard ne retint que des thèmes historiques ou religieux, une nature morte et deux paysages, mais aucune scène de taverne et autres bambochades. Le plus intéressant est la présence d’œuvres de peintres espagnols, à l’esthétique pourtant assez éloignée des canons académiques. Si quatre tableaux représentaient des sujets religieux, les trois autres montraient un homme buvant et des enfants, sujets estimés peu nobles. Le duc a-t-il été touché par l’atmosphère et l’esthétique différentes de Murillo ? La présence des bronzes et des porcelaines orientales était classique en raison du goût pour une présentation dense et pour les jeux de contraste entre les matières et les couleurs.

La composition de la collection de porcelaines reflétait l’évolution des sensibilités qui eut lieu dans la première moitié du XVIII^e siècle avec un tiers de porcelaines polychromes, bleu céleste et de céladons, un tiers de porcelaines du Japon, les plus estimées, mais seulement un cinquième de bleu et blanc, si appréciées au siècle précédent. La présence de nombreux vases et tables de marbre et de granit témoignait du goût nouveau apparu au milieu du XVIII^e siècle pour de telles productions en référence aux créations lapidaires antiques (Castelluccio S., 2013, p. 135-146).

Le duc de Tallard n’échappa pas au goût de son temps, comme en témoignaient la domination des écoles italiennes et l’importance de celle de Venise, ainsi que les nombreuses porcelaines d’Orient autres que les bleu et blanc. Cependant, il sut affirmer son goût propre en réunissant des œuvres de maîtres espagnols et en résistant à la vogue des scènes de genre des écoles du Nord. Collectionneur avant tout, il ne fut pas un mécène comme l’indique l’absence de peintres contemporains. En revanche, le duc fit œuvre de précurseur en collectionnant tables et vases de marbre et de granit avant la grande vogue du goût néo-classique vivifié par les découvertes des fouilles archéologiques de Pompeï et d’Herculanum dans la seconde moitié du XVIII^e siècle. Pour la première fois dans un catalogue de vente, un des lots proposés à la vente fit l’objet d’une illustration avec la colonne de granit surmontée d’un vase de porphyre. Si la qualité de la gravure reste médiocre, sa présence témoigne de la nouveauté et du prestige de ces objets, dont le succès ne fera que croître dans les décennies suivantes. La composition des collections du duc de Tallard reflétait son éducation artistique acquise dans la seconde moitié du XVII^e siècle avec cependant une indépendance vis-à-vis des normes esthétiques, ainsi que sa sensibilité aux modes nouvelles, preuve de son ouverture d’esprit.

Commentaire rédigé par Stéphane Castelluccio

The catalogue of the post-death sale of the Duc de Tallard’s collection included 184 pictures, nine sculptures, twenty-four marble busts, 489 drawings, 232 prints, thirteen small bronzes, two busts, two bronze vases, 301 Oriental porcelains, thirty-three vases, twenty-six tables, and a granite column with a base and capital made of griotte marble, surmounted by a porphyry vase. The Duc de Tallard’s collection was known for its high quality and Rémy and Glomy, the catalogue’s authors, rated it immediately after that of the king and of the Duc d’Orléans, due to the splendid nature of the works collected in every field. The Duc focused on Italian painters (122 pictures) and the most prestigious schools such as those of Venice (four pictures), with works by Bellini, Giorgione, Titian, Veronese, and Rosalba Carriera; the Bolognese school (thirty-one pictures), with Carraccio, Guido, Albani, Domenichino, and Guercio; the Roman school (twenty-nine pictures), including Perugino, Raphael, Julius Romanus, and Cortone; the Parmese school (eight pictures), with Correggio, Parmigiano, and Lanfranco; and the Florentine school (seven pictures), with Leonardo da Vinci, Michelangelo, and Del Sarto; these were complemented by three from the Milanese school and two from the school of Sienna. More authentically, there were nine works by masters from Genoa, Naples, and, above all, Spain, with a Ribera and seven works by Murillo. the Northern Schools (twenty-nine pictures) were represented by the most famous artists, such as Dürer, Rubens (five works), van Dyck (four works), and Rembrandt (two works). The French school was the least represented (twenty-four pictures in total), with works by seventeenth-century painters such as Poussin, Valentin, and de la Hire. The same schools were present in identical proportions in the ensembles of drawings and prints. The schools and subjects of the pictures, drawings, and prints were typical of the taste of the major connoisseurs at the end of the seventeenth century (Michel, P., 2007; Guichard, C., 2008).

As he belonged to the high nobility of the Court, the Duc de Tallard collected the works of the most prestigious painters: the sixteenth- and seventeenth-century Italian masters, the most famous names of the Northern Schools, and the seventeenth-century French School. These major schools were considered a benchmark of taste by collectors and the Académie de Peinture, with a preference for the Bolognese, Roman, and Florentine schools. However, the large number of  pictures from the Venetian School attest to the changing tastes of connoisseurs at the end of the seventeenth century and their renewed interest in colour (Michel, P., 2007; Guichard, C., 2008). Aside from Rosalba Carriera, the Duc de Tallard owned no works by contemporary painters, such as La Fosse or Boucher. This grand aristocratic taste was also evident in the subject matter, with a majority of historical subjects. With regard to the Northern School, Tallard only kept the historical or religious themes, a still life, and two landscapes, but no tavern scenes and other bambocciate (genre scenes of everyday life). The most interesting aspect was the presence of works by Spanish painters, even though the aesthetics were quite removed from academic canons. Although four pictures represented religious themes, the other three depicted a man drinking and children, subjects considered not particularly noble. Was the Duc drawn to the different atmosphere and aesthetics in Murillo’s works? The presence of bronzes and eastern porcelains was standard due to the taste for dense presentation and contrasts between materials and colours.

The composition of the collection of porcelains reflected the changing sensibilities in the first half of the eighteenth century, consisting of one third of polychrome, celestial blue, and celadon porcelains, a third of Japanese porcelains, but only one fifth of blue and white porcelains, which had been so popular in the preceding century. The presence of many vases and marble and granite tables attests to the new fashion that emerged in the middle of the eighteenth century for such pieces, inspired by ancient lapidary works (Castelluccio, S., 2013, pp. 135–146). The Duc de Tallard’s collection was in keeping with the fashions of his times, as attested by the predominance of the Italian schools and the focus on the Venetian school, as well as the many Eastern porcelains, aside from the blue and white wares. However, he did impose his own taste by collecting the works of the Spanish masters rather than going along with the fashion for the genre scenes of the Northern schools. A collector first and foremost, he was not a patron, as indicated by the absence of works by contemporary painters. However, the Duc was also a pioneering collector, as he collected marble and granite tables and vases before the vogue for neo-classicism revitalised by the discoveries made in the archaeological excavations at the sites of Pompeii and Herculaneum in the second half of the eighteenth century. For the first time in a sale catalogue, one of the lots offered for sale was illustrated by a granite column surmounted with a porphyry vase. Although the quality of the engraving was mediocre, its presence attested to the novelty and prestige of these objects, whose success only increased over the ensuing decades. The composition of the Duc de Tallard’s collections reflected his artistic education acquired in the second half of the seventeenth century, with however a certain independence with regard to contemporary aesthetic standards, as well as his willingness to adopt new approaches to collecting, attesting to his open-mindedness.

Article by Stéphane Castelluccio (translated by Jonathan & David Michaelson)