HOSTUN Marie Joseph d' (FR)
Commentaire biographique
Le duc de Tallard appartenait à la haute noblesse de cour. Son père avait été fait maréchal de France en 1703. Il devint membre du conseil de Régence en 1717, puis ministre d’État en 1726. Marie Joseph devint gouverneur de Franche-Comté en 1728. Le 13 mars 1713, il avait épousé, à Versailles, Marie Isabelle Gabrielle Angélique de Rohan-Soubise (1699-1754). Ils eurent un fils en 1716, Charles Louis Joseph, duc d’Hostun (1716-1739), mort sans postérité. La duchesse de Tallard devint dame du palais de la reine Marie Leszczynska (1703-1768) en 1725, puis gouvernante des enfants de France en 1732. Le duc présentait ses collections dans son hôtel de la rue des Enfants-rouges, à Paris, que visita Jean Nicolas Dufort de Cheverny (1731-1802) à la fin de la vie du duc, dont il dresse le portrait suivant : « Amateur de tableaux et de belles choses, il prit de l’intérêt pour ma jeunesse. Goutteux, il se faisait traîner dans une chaise roulante et jouissait en connaisseur de tout ce qu’il possédait de précieux » (Dufort de Cheverny J.-N., 1990, p. 61). Le duc de Tallard mourut à Paris, dans son hôtel parisien où se déroula la vente de ses biens meubles et collections à partir du 22 mars 1756 jusqu’en juin suivant (Annonces, affiches et avis divers, 18 mars 1756, p. 181 ; 5 avril 1756, p. 220 ; 8 avril 1756, p. 228 ; 26 avril 1756, p. 260 ; 10 mai 1756, p. 293 ; 24 mai 1756, p. 324 ; 10 juin 1756, p. 356).
Constitution de la collection
Le catalogue de vente après décès du duc de Tallard décompte 184 tableaux, 9 sculptures et 24 bustes de marbre, 489 dessins, 232 estampes, 13 petits bronzes, 2 bustes et 2 vases de bronze, 301 porcelaines d’Orient, 33 vases, 26 tables et une colonne de granit avec base et chapiteau de marbre griotte, le tout surmonté d’un vase de porphyre. La réputation de la collection du duc de Tallard était flatteuse et Rémy et Glomy, les auteurs du catalogue n’hésitèrent pas à la placer immédiatement après celle du roi et du duc d’Orléans en raison de la qualité des œuvres réunies dans tous les domaines. Le duc privilégia les peintres italiens (122 tableaux) avec les écoles les plus prestigieuses telles celles de Venise (4 tableaux) avec Bellini, Giorgione, Titien, Véronèse, Rosalba Carriera ; de Bologne (31 tableaux), avec Carrache, le Guide, Albane, Dominicain, Guerchin ; de Rome (29 tableaux), dont Pérugin, Raphaël, Jules Romain, Cortone ; de Parme (8 tableaux), avec Corrège, Parmesan, Lanfranco ; de Florence (7 tableaux), avec Léonard de Vinci, Michel Ange, Del Sarto ; auxquels s’ajoutaient trois de celle de Milan et deux de celle de Sienne. Plus originale était la présence de neuf œuvres de maîtres de Gênes, de Naples, mais surtout d’Espagne avec un Ribera et sept Murillo. Les plus grands noms représentaient les écoles du Nord (29 tableaux), avec Dürer, Rubens (5 œuvres), Van Dick (4 œuvres) et Rembrandt (2 œuvres). L’école française, la moins importante en nombre (24 tableaux), n’était représentée que par des peintres du XVIIe siècle avec Poussin, Valentin, La Hire. Ces mêmes écoles se retrouvaient dans des proportions identiques dans les ensembles de dessins et d’estampes. Les écoles et les sujets des tableaux, dessins et estampes étaient caractéristiques du goût des grands amateurs de la fin du XVIIe siècle (Michel P., 2007 ; Guichard C., 2008).
Appartenant à la haute noblesse de Cour, le duc de Tallard avait réuni les peintres les plus prestigieux, soit les Italiens des XVIe et XVIIe siècles, les plus grands noms des écoles du Nord et de l’école française du XVIIe siècle. Les grandes écoles considérées comme les références en matière de goût par les amateurs et l’Académie de peinture, avec la bolonaise, la romaine et la florentine, dominent. Cependant, le grand nombre de tableaux de l’école vénitienne témoigne de l’évolution du goût des amateurs de la fin du xviie siècle et de leur intérêt nouveau pour la couleur (Michel P., 2007 ; Guichard C., 2008). À l’exception de Rosalba Carriera, le duc de Tallard ne possédait pas d’œuvres de peintres contemporains, comme La Fosse ou Boucher. Ce grand goût aristocratique apparaît également dans les sujets, avec une majorité de sujets d’histoire. Pour l’école du Nord, Tallard ne retint que des thèmes historiques ou religieux, une nature morte et deux paysages, mais aucune scène de taverne et autres bambochades. Le plus intéressant est la présence d’œuvres de peintres espagnols, à l’esthétique pourtant assez éloignée des canons académiques. Si quatre tableaux représentaient des sujets religieux, les trois autres montraient un homme buvant et des enfants, sujets estimés peu nobles. Le duc a-t-il été touché par l’atmosphère et l’esthétique différentes de Murillo ? La présence des bronzes et des porcelaines orientales était classique en raison du goût pour une présentation dense et pour les jeux de contraste entre les matières et les couleurs.
La composition de la collection de porcelaines reflétait l’évolution des sensibilités qui eut lieu dans la première moitié du XVIIIe siècle avec un tiers de porcelaines polychromes, bleu céleste et de céladons, un tiers de porcelaines du Japon, les plus estimées, mais seulement un cinquième de bleu et blanc, si appréciées au siècle précédent. La présence de nombreux vases et tables de marbre et de granit témoignait du goût nouveau apparu au milieu du XVIIIe siècle pour de telles productions en référence aux créations lapidaires antiques (Castelluccio S., 2013, p. 135-146).
Le duc de Tallard n’échappa pas au goût de son temps, comme en témoignaient la domination des écoles italiennes et l’importance de celle de Venise, ainsi que les nombreuses porcelaines d’Orient autres que les bleu et blanc. Cependant, il sut affirmer son goût propre en réunissant des œuvres de maîtres espagnols et en résistant à la vogue des scènes de genre des écoles du Nord. Collectionneur avant tout, il ne fut pas un mécène comme l’indique l’absence de peintres contemporains. En revanche, le duc fit œuvre de précurseur en collectionnant tables et vases de marbre et de granit avant la grande vogue du goût néo-classique vivifié par les découvertes des fouilles archéologiques de Pompeï et d’Herculanum dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Pour la première fois dans un catalogue de vente, un des lots proposés à la vente fit l’objet d’une illustration avec la colonne de granit surmontée d’un vase de porphyre. Si la qualité de la gravure reste médiocre, sa présence témoigne de la nouveauté et du prestige de ces objets, dont le succès ne fera que croître dans les décennies suivantes. La composition des collections du duc de Tallard reflétait son éducation artistique acquise dans la seconde moitié du XVIIe siècle avec cependant une indépendance vis-à-vis des normes esthétiques, ainsi que sa sensibilité aux modes nouvelles, preuve de son ouverture d’esprit.
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