Jullienne, Jean de
Grande maison des Gobelins
16 faubourg Saint-Marcel.
Aujourd’hui 3 bis rue des Gobelins
Jean de Jullienne naît à Paris le 29 novembre 1686, fils de Claude Jullienne de Francœur, marchand de draps (décédé avant 1720), et d’Anne Daniel (dates non connues). Son parrain est Jean Glucq (?-1718), qui a épousé en 1674 la sœur du père de Jullienne, Marie-Charlotte Jullienne (?-1723). Né à Amsterdam, Jean Glucq s’est installé à Paris en 1667, appelé par Colbert (1619-1683) pour fonder aux Gobelins une manufacture de teinture, grâce à un privilège pour le blanchiment des étoffes de laine et pour la teinture écarlate, rouge, cramoisie, pourpre, verte..., à la mode de Hollande. François Jullienne (1654-1733), le frère de son épouse, le suit peu après aux Gobelins, et obtient un privilège destiné à la Manufacture royale de draps fins façon d’Espagne, d’Angleterre et de Hollande. Les deux manufactures abritent deux industries complémentaires et leur prospérité permet à Jean Glucq de se retirer du négoce. Lorsqu’il s’éteint en 1718, ses deux fils, Claude Glucq (?-1742) et Jean-Baptiste Glucq (1674-1748) de Saint-Port, transportent à François Jullienne les privilèges qu’ils ont reçus par donation.
L’histoire de la parentèle de Jullienne est celle d’une exceptionnelle mobilité sociale au XVIIIe siècle. Les deux fils de Jean Glucq atteignent des fonctions très hautes dans l’appareil d’État, et son gendre Montullé, le service du prince. En allant vivre chez son oncle Jean Glucq, probablement vers 1700, Jean de Jullienne entre dans le monde des Gobelins, qu’il ne quitta plus. Il obtient son brevet de compagnon teinturier le 6 avril 1712 et ses lettres de maîtrise lui sont délivrées le 9 août 1719, soit au moment du système de Law lors qu’il était possible d’obtenir ce type de brevet par voie monétaire, sans que l’on en suive pour autant la formation. Il est aussi difficile d’imaginer Jean Glucq ne réservant pas une instruction générale à son neveu. Les quelque sept cents volumes prisés dans son inventaire après décès permettent de nuancer l’image d’un négociant collectionneur et de récuser toute présupposition d’une collection composée en dehors d’une culture livresque (AN, MC/ET/XXIX/529).
En 1721, son oncle François Jullienne l’associe aux privilèges qui lui ont été accordés et se retire des affaires en 1729, le laissant seul diriger les manufactures. En 1738, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port, qui a racheté comptant la part de l’héritage de son frère Claude Glucq, revend à Jean de Jullienne les deux manufactures, les maisons et les héritages, lequel renonce alors, le 22 octobre suivant, à l’effet de ses lettres de maîtrise et se réserve le droit et l’effet des privilèges accordés par le roi. L’épanouissement des manufactures est tel que Jean de Jullienne est anobli en septembre 1736 (AN, Z 1A.597 ; BNF. Cabinet des Titres, Nouveau d’Hozier, 196). L’octroi de lettres patentes, parce qu’elles assurent un statut légal et imprescriptible, constitue la plus haute marque d’honneur, le couronnement d’une carrière et d’une réputation de négociant. Seize ans auparavant, Jullienne épouse le 22 juillet 1720, Marie-Louise de Brecey (1697-1778) (AN, MC/ET/XXIX/349).
Si cette alliance lui procure du crédit, il ne s’agit pas d’un mariage noble. Quatre enfants naissent de cette union, dont trois meurent en bas âge. Les signatures de Louis de Bourbon, comte de Clermont, et de Victor Amédée de Savoie, prince de Carignan, princes du sang, lors du mariage de son fils François de Jullienne (1722-1754) avec Marie-Élisabeth de Séré de Rieux (1724-1799), confirment l’ascension sociale de Jullienne. François de Jullienne meurt sans postérité le 21 juin 1754, sa veuve en 1799 et, avec elle, la descendance directe de Jean de Jullienne, qui s’éteint donc avec le siècle. Si Jean de Jullienne tient sa carrière de négociant aux Gobelins de ses oncles Jean Glucq et François Jullienne, il doit son entrée dans les milieux de la noblesse à ses cousins, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port, Claude Glucq et, par alliance, Jean-Baptiste de Montullé (?-1750), qui a épousé en 1714 la dernière fille de Jean Glucq, Françoise Glucq (?-1730). C’est à leur premier fils, Jean-Baptiste François de Montullé (1721-1787), soit son neveu, que Jean de Jullienne cède en 1764 la propriété, la direction et l’exploitation des manufactures, ainsi que ses biens immobiliers.
Les Gobelins constituent un centre de recherche, d’enseignement, de rencontre et d’émulation très actif, rassemblant les peintres et dessinateurs des Gobelins, ainsi que les artistes et les graveurs membres de l’Académie et travaillant pour le roi qui y sont logés. Une grande partie des peintres que Jullienne a sollicités, collectionnés et associés à ses projets, y travaillaient. En les côtoyant, il accède ainsi à une connaissance très particulière pour un collectionneur du XVIIIe siècle. Dans le même temps, il fait connaissance, grâce à ses cousins Claude Glucq, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port et Jean-Baptiste de Montullé, avec le cercle d’amateurs et de collectionneurs qui s’est formé autour de la comtesse de Verrue (1670-1736), son gendre, Victor Amédée de Savoie, prince de Carignan (1690-1741), et ses amis Armand Léon de Madaillan de Lesparre, marquis de Lassay (1652-1738), Louis Auguste Angran, vicomte de Fonspertuis (dates ? 1669-1747), Antoine de La Roque (1672-1744), Jean-François Leriget de La Faye (1674-1731), Germain Louis Chauvelin (1685-1762), et Charles Jean-Baptiste Fleuriau, comte de Morville (1686-1732). C’est dans ce cercle novateur qu’il apprend à connaître l’art hollandais et flamand, noue des liens privilégiés avec des artistes de l’Académie, et entreprend de faire graver l’œuvre dessiné, puis peint, d’Antoine Watteau. Le 31 décembre 1739, Jullienne remet les quatre volumes gravés d’après Watteau et est nommé amateur à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (Montaiglon A., 1875-1892, t. V, p. 264-265). Ce cheminement demeure relativement unique, dans la mesure où il opère le passage de la sphère privée à la sphère publique de l’art. Les fondements de la collection chez Jullienne sont donc multiples et complexes. Sa distinction tient toutefois à deux faits. Il est le premier collectionneur à désirer entrer à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, avant que cela ne devienne prestigieux ou social, et sa collection devient suffisamment célèbre pour qu’on lui ouvre les portes du salon Carré à l’occasion de sa vente en 1767. (Rémy P., Julliot C.-F., 1767.)
Article rédigé par Isabelle Tillerot
Jean de Jullienne was born in Paris on 29 November 1686, as the son of Claude Jullienne de Francœur, a linen merchant (died before 1720), and Anne Daniel (birth and death dates unknown). His godfather was Jean Glucq (?-1718), who in 1674 married Jullienne’s father’s sister, Marie-Charlotte Jullienne (?-1723). Born in Amsterdam, Jean Glucq moved to Paris in 1667, when Colbert (1619-1683) called on him to found a dyeing manufactory at the Gobelins, thanks to a privilege granted for the bleaching of woollen fabrics and dyeing cloth scarlet, red, crimson, purple, and green in the Dutch style. François Jullienne (1654-1733), his wife’s brother, joined him shortly afterwards at the Gobelins, and was granted the privilege of establishing the Manufacture Royale de Draps Fins, specialising in fine linen in the Spanish, English, and Dutch styles. The two manufactories specialised in two complementary métiers and their success enabled Jean Glucq to retire from the textile trade. When he died in 1718, his two sons, Claude Glucq (?-1742) and Jean-Baptiste Glucq (1674-1748) de Saint-Port, transferred the privileges endowed to them to François Jullienne.
The history of Jullienne’s relatives is that of exceptional social mobility in the eighteenth century. Jean Glucq’s two sons held high positions in public office, and his son-in-law, Montullé, became head of Prince Louis-François de Bourbon’s council. When he went to live with his uncle Jean Glucq, probably circa 1700, Jean de Jullienne entered the world of the Gobelins, where he remained for the rest of his life. He received his journeyman’s certificate in dyeing on 6 April 1712, and was received into the guild as a master dyer on 9 August 1719, at a time when the Law System made it possible to obtain this type of certificate by means of a payment, without going through any training. It is also difficult to imagine that Jean Glucq did not provide his nephew with any general training in the métier. The highly prised seven hundred volumes in the inventory made after his death provide a more nuanced image of the merchant and collector, and make it possible to refute any assumptions that the collection was assembled by someone who was not interested in literature (AN, MC/ET/XXIX/529).
In 1721, his uncle François Jullienne associated him in the privileges granted to him and retired from the business in 1729, leaving him to manage the manufactories. In 1738, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port, who acquired his brother Claude Glucq’s share of the inheritance for cash, sold the two manufactories, houses, and inheritance to Jean de Jullienne, who then renounced his right to work as a master dyer on 22 October and reserved the right to exercise the privileges granted by the king. The success of the manufactories was such that Jean de Jullienne was knighted in September 1736 (AN, Z 1A.597; BNF. Cabinet des Titres, Nouveau d’Hozier, 196). The granting of letters patent conferred an inalienable legal status on a person or corporation and was the highest form of honour, the crowning achievement of a career and reputation as a merchant. Sixteen years earlier, on 22 July 1720, Jullienne had married Marie-Louise de Brecey (1697-1778) (AN, MC/ET/XXIX/349).
Although the marriage was financially advantageous, it was not a noble marriage. They had four children, three of whom died at a young age. The signatures of Louis de Bourbon, the Comte de Clermont, and Victor Amédée de Savoie, Prince of Carignan—princes of royal blood—on documents relating to the marriage of his son François de Jullienne (1722-1754) with Marie-Élisabeth de Séré de Rieux (1724-1799), confirm Jullienne’s elevated social status. François de Jullienne passed away on 21 June 1754 without an heir; his widow died in 1799 and, with her passing, Jean de Jullienne’s direct line ended at the end of the century. Although Jean de Jullienne owed his career as a merchant at the Gobelins to his uncles Jean Glucq and François Jullienne, he owed his entry into the nobility to his cousins, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port and Claude Glucq, and, by marriage, Jean-Baptiste de Montullé (?-1750), who in 1714 married Jean Glucq’s last daughter, Françoise Glucq (?-1730). In 1764, Jean de Jullienne transferred the ownership, management, and running of the manufactories, as well as his property, to their eldest son and his nephew, Jean-Baptiste François de Montullé (1721-1787).
The Gobelins was a bustling centre for research and learning that inspired emulation, and a place where people met, bringing together the painters and draughtsmen who worked at the Gobelins, as well as the artists and engravers who worked for the king and who were members of the Académie, and who lived there. Most of the painters whom Jullienne commissioned, whose works he collected, and whom he involved in his projects, worked there. By working with them, he acquired knowledge that was unique for a collector in the eighteenth century. At the same time, he became acquainted—thanks to his cousins Claude Glucq, Jean-Baptiste Glucq de Saint-Port, and Jean-Baptiste de Montullé—with the circle of enthusiasts and collectors surrounding the Comtesse de Verrue (1670-1736), her son-in-law, Victor Amédée de Savoie, Prince of Carignan (1690-1741), and her friends Armand Léon de Madaillan de Lesparre, the Marquis of Lassay (1652-1738), Louis Auguste Angran, the Vicomte de Fonspertuis (1669-1747), Antoine de La Roque (1672-1744), Jean-François Leriget de La Faye (1674-1731), Germain Louis Chauvelin (1685-1762), and Charles Jean-Baptiste Fleuriau, the Comte de Morville (1686-1732). It was in this pioneering circle that he became acquainted with Dutch and Flemish art, forged close ties with the artists of the Académie, and proceeded to have engravings made of Antoine Watteau’s drawings and paintings. On 31 December 1739, Jullienne offered four books of prints made after Watteau’s drawings and paintings to the Académie Royale de Peinture et de Sculpture, which in turn appointed him Conseiller Honoraire et Amateur (Montaiglon A., 1875-1892, Vol. V, pp. 264-265). His career as a collector is relatively unique, because he moved from the private to the public sphere of art. The origins of Jullienne’s collection are thus multiple and complex. However, there are two reasons for the collection’s distinctiveness: he was the first collector who wished to enter the Académie Royale de Peinture et de Sculpture, before this was seen as prestigious or socially desirable, and his collection became famous enough for it to be sold at auction at the Salon Carré, between March and May 1767. (Rémy, P., Julliot, C.-F., 1767.)
Article by Isabelle Tillerot (translated by Jonathan Michaelson)
[Objets collectionnés]
[Objets collectionnés]
Boucher s’inscrit dans un cercle de curieux et d’amateurs, entretenant des liens notamment avec Jean de Jullienne, Blondel d’Azincourt (1695-1776) et Randon de Boisset (1708-1776) qu’il côtoie dans les ventes publiques. (Source : notice Agorha « François Boucher » rédigée par Lisa Mucciarelli)
En 1722, Boucher débute une collaboration avec Jean de Jullienne (1686-1766) qui se prolonge plusieurs années. (Source: Notice Agorha rédigée par Lisa Mucciarelli)
Claude-François Julliot rédige en 1767, le catalogue de la collection des porcelaines, ancien laque, et meubles de Boulle de Jean de Jullienne (1686-1766). (Source : Rémy, Pierre, Julliot, Claude-François. Catalogue raisonné des tableaux, desseins et estampes, et autres effets curieux, après le décès de M. de Jullienne, écuyer, chevalier de Saint-Michel, et honoraire de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. par Pierre Remy. On a joint à ce catalogue celui des Porcelaines... des laques... des riches meubles du célèbre ébéniste Boule, et autres effets, par C. F. Julliot, Paris : [s.n.], 1767).
Claude-François Julliot rédige en 1767, le catalogue de la collection des porcelaines, ancien laque, et meubles de Boulle de Jean de Jullienne (1686-1766). (Source : Rémy, Pierre, Julliot, Claude-François. Catalogue raisonné des tableaux, desseins et estampes, et autres effets curieux, après le décès de M. de Jullienne, écuyer, chevalier de Saint-Michel, et honoraire de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. par Pierre Remy. On a joint à ce catalogue celui des Porcelaines... des laques... des riches meubles du célèbre ébéniste Boule, et autres effets, par C. F. Julliot, Paris : [s.n.], 1767).