Jaurès, Benjamin

Nom employé avant son mariage, comprend le nom de sa mère (Got) et celui de son père (Jaurès)

[Objets collectionnés]

[Objets collectionnés] faïence hispano-arabe, faïence de Manisez, Talavera de la Reina, Alcora, Puente del Arzobispo, Tolède ; verrerie ; bois sculpté, clous de porte en fer forgé, textiles

[Objets collectionnés] Carreaux de revêtement (Azulejos), textiles

[Objets collectionnés] Grès, faïence (Kiel), émaux sur cuivre (Saxe), verrerie

[Objets collectionnés] Faïence (Rouen, Nevers, Marseille, Strasbourg), terres vernissées (Avignon), porcelaine tendre (Sèvres), bois sculpté ; soie brochée (Lyon),

[Objets collectionnés] Faïence (fabrique de Catherine II ; Delft ; Savone)

[Objets collectionnés]

[Objets collectionnés] émaux peints sur métal (Genève)

La collection de l’amiral Jaurès offre l’exemple peu commun d’une collection partiellement rassemblée lors de campagnes militaires. Ses lettres adressées au musée de la Céramique de Sèvres attestent effectivement qu’il fait l’acquisition d’œuvre d’art lors de sa présence en Chine, cependant la nature de ses collections de porcelaines chinoises, principalement constituées de céramiques d’exportation, montre qu’il devait aussi acheter lors de ses épisodiques séjours en France.

Benjamin Jaurès et le musée céramique de Sèvres

En 1864, Benjamin Jaurès alors capitaine de frégate propose au musée de céramique de Sèvres des objets dont il a fait l’acquisition à Pékin. Dans une lettre adressée au conservateur du musée, Denis Désiré Riocreux, il parle notamment d’un « pot très ancien » venant de la « grande Pagode Impériale de Pékin » où il logeait et qui lui aurait été offert par le supérieur du temple. Il fait aussi mention d’une « grande gourde bleue si remarquable par sa forme, par la beauté de son émail et par la pureté de ses dessins » achetée dans cette même pagode (SMMN, 4W26, lettre du 19 janvier 1864). À ces deux objets s’ajoutent un plat à décors polychrome un vase à couverte dite « céladonnée » de près de 50 cm de hauteur, orné d’une marque impériale de la dynastique Qing en écriture sigillaire, et une tasse « en forme de calice » décorée d’un dragon et portant la marque de l’empereur Yongzheng (SMMN, 4W388, 18/03/1864 ; inv. MNC 6286.1-MNC 6286.5). Ces œuvres sont proposées à l’administrateur de la manufacture en échange contre des porcelaines de la manufacture de Sèvres, pratique alors courante qui permit au Musée céramique de s’enrichir de pièces venant des quatre coins du monde. Après estimation des objets proposés, l’administrateur de la manufacture pouvait obtenir l’autorisation auprès du ministre de la Maison de l’empereur et des Beaux-Arts d’offrir une ou plusieurs pièces de valeur équivalente à l’intéressé. Les objets rassemblés par Jaurès sont estimés, après négociation, à 2 000 francs. Ceux-ci, peu nombreux mais d’une qualité rare pour l’époque souffriront beaucoup des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Stéphanie Brouillet signale que l’un des vases famille verte de cet ensemble comportait une étiquette rappelant les circonstances d’acquisition de ces pièces par Benjamin Jaurès. L'étiquette précise par ailleurs que, lors de la visite d’une ambassade chinoise en 1869, la pièce avait été attribuée à l’époque Song (Brouillet S., 2013, p. 6.).

L’exposition de sa collection au « Musée oriental » de 1869

Lors de l’exposition du Musée oriental organisée par l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, les deux frères Jaurès exposent conjointement les œuvres de leur collection parmi les nombreux collectionneurs parisiens. Le catalogue de cette exposition, dressé par le critique d’art Albert Jacquemart (1808-1875) et le futur conservateur du musée des Arts décoratifs Paul Gasnault (1828-1898) distingue bien les deux collections, celle de Charles sous le nom d’« amiral Jaurès » (celle-ci comprend 38 lots, essentiellement des grès de Satsuma, quelques céladons, blanc de Chine et famille roses – et celle de Benjamin (« M. le capitaine de vaisseau B. Jaurès », « M. B. Jaurès » dans le catalogue) beaucoup plus substantielle avec plus de 120 lots rien que pour la porcelaine extrême-orientale. Les porcelaines chinoises de type famille rose et les porcelaines de commande occupent une place prépondérante. Benjamin Jaurès prête également quelques figurines « trouvées dans l’île de Chypre » (n^o 1 et 2), quelques pierres précieuses sculptées principalement des jades chinois, des bronzes.

Ses collections furent suffisamment remarquées pour servir d’illustration à Octave Frémin du Sartel – lequel avait comme lui fait campagne dans le Pacifique dans le tournant des années 1840 (cf. D’Abrigeon P. notice Du Sartel) – dans son ouvrage La Porcelaine de Chine (1882).

Vente de la collection

La collection de Benjamin Jaurès telle qu’elle est vendue après sa mort en 1889 est hétéroclite : à côté d’un petit ensemble de tableaux des peintres les plus en vue de son temps (Corot, Fortuny, Jongkind), elle rassemble un grand nombre de faïences – françaises, orientales, espagnoles, hispano-mauresques, azulejos – des grès allemands, quelques porcelaine de Sèvres, de 128 lots de porcelaine de Chine, quelques lots de jades et de laque rouge chinois, une quinzaine de bronzes chinois et japonais, des émaux cloisonnés et peints la plupart pourvu d’un nianhao (年號) d’époque Qianlong (乾隆) (1735-1796, Lugt, 48367). Enfin, on peut lire à la section des « objets divers », la description de certaines œuvres provenant sans nul doute du Palais d’Été, telle qu’une : « Garniture de ceinture de femme chinoise, composée de trois plaques, dont deux pourvues d’anneaux ovales en métal ciselé et doré : la plaque centrale porte au centre un cadran de montre ; les deux autres, un émail européen représentant des enfants jouant au bord d’un bassin où sont des canards ; riche monture ornée de perles et de grenats – Travail européen du temps de Louis XVI » (lot 399). Ce genre d’objets hybrides témoigne des échanges culturels et diplomatiques entre la France et la cour impériale des Qing durant le XVIII^e siècle, par l’intermédiaire des jésuites (Zhao B., Simon F., 2019). Il n’est pas impossible non plus que le lot qui suit, une « boîte à musique du temps de Louis XVI en or émaillé, de forme ovale ; sur le couvercle sujet représentant l’Arrivée de Télémaque et de Mentor dans l’île de Calypso – Travail de Genève » (lot 400), ne fasse pas partie de ces cadeaux diplomatiques apportés par les jésuites à la cour impériale. Cette vente comprend encore les livres de sa bibliothèque, qui mêlent œuvres littéraires classiques (Racine, Molière, La Fontaine, Perrault, Boccace) et œuvres de ses contemporains (Les Chats de Champfleury, Notre-Dame de Paris et Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo, Les Contes drolatiques de Balzac, etc.), sans qu’aucun ne soit véritablement lié à son activité de collectionneur. Benjamin Jaurès semble par ailleurs avoir nourri une vraie passion pour les œuvres de l’illustrateur et caricaturiste Henry Monnier (1799-1877), qui composent les 100 derniers lots de son catalogue.

Dans cette collection où les céramiques (faïence, grès et porcelaine) occupent la place la plus importante, il semble que la présence d’armoiries dans les décors ait joué un rôle prépondérant dans les choix. On en retrouve autant sur les grès allemands que sur les porcelaines dites de la compagnie des Inde, ou porcelaine de commande, faite en Chine sur des modèles transmis par les Compagnies des Indes orientales. On retrouve ce goût pour la porcelaine à décors européen chez le conservateur du musée des Arts décoratifs Paul Gasnault, mais il était relativement peu partagé par d’autres contemporains : le critique d’art spécialiste de l’histoire de la céramique Albert Jacquemart (1808-1875) les considérait comme « bâtardes » et Édouard Garnier (1850-1903), conservateur au Musée céramique de Sèvres, comme une « aberration de goût » (Chabanne L., 2004, p. 12).

Article rédigée par Pauline d'Abrigeon

The collection of Admiral Jaurès offers an unusual example of a collection partially assembled during military campaigns. His letters addressed to the musée de la Céramique de Sèvres attest that he acquired works of art during his presence in China; however, the nature of his Chinese porcelain collections, mainly composed of exported ceramics, suggest that he also made purchases during his occasional stays in France.

Benjamin Jaurès and the musée céramique de Sèvres

In 1864, Benjamin Jaurès, then frigate captain, contacted the Sèvres museum to offer it objects he had acquired in Beijing. In a letter addressed to the museum’s curator, Denis Désiré Riocreux, he speaks in particular of a "very old pot" coming from the "great Imperial Pagoda of Beijing" where he was staying and which would have been offered to him by the superior of the temple. He also mentions a "large blue gourd so remarkable for its shape, for the beauty of its enamel and for the purity of its designs" that he bought in this same pagoda (SMMN, 4W26, letter of January 19, 1864). In addition to these two objects, Benjamin Jaurès added a dish with polychrome decorations, a so-called "celadon" covered vase nearly 50 cm high, decorated with an imperial mark of the Qing dynasty in sigil script, and a cup "in the shape of a chalice decorated with a dragon and bearing the mark of the Yongzheng Emperor (reign, 1723-1735) (SMMN, 4W388, 18/03/1864; inv. MNC 6286.1-MNC 6286.5). These works were offered to the administrator of the factory in exchange for porcelain from the Sèvres factory, a common practice at the time which allowed the ceramics museum to be enriched with pieces from all over the world. After estimating the objects offered, the administrator of the manufacture could obtain authorisation from the Minister of the Maison de l’empereur et des Beaux-Arts to offer one or more pieces of equivalent value to the interested party. The objects gathered by Jaurès are estimated to have cost 2,000 francs after negotiation. Few in number but of a quality rare for the time, these pieces suffered greatly in the bombings of the Second World War. Stéphanie Brouillet points out that one of the famille verte vases in this set had a label recalling the circumstances in which these pieces were acquired by Benjamin Jaurès (Brouillet S., 2013, p. 6). The label also adds that, during a visit to a Chinese embassy in 1869, the piece had been attributed to the Song period.

The exhibition of his collection at the "Oriental Museum" of 1869

During the exhibition of the Musée oriental organised by the Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, the two Jaurès brothers jointly exhibited the works of their collection among the many Parisian collectors there. The catalogue of this exhibition, drawn up by the art critic Albert Jacquemart (1808-1875) and the future curator of the musée des Arts décoratifs Paul Gasnault (1828-1898) clearly distinguishes the two collections, that of Charles under the name of “Admiral Jaurès” (this one includes 38 lots, mainly Satsuma sandstone, some pieces of celadon, blanc de Chine, and famille rose – and that of Benjamin (“M. le captain B. Jaurès”, “M. B. Jaurès" in the catalogue), which was much more substantial with more than 120 lots for Far Eastern porcelain alone. Chinese porcelains of the famille rose type and chine de commande occupied a prominent place. The latter also presented some figurines "found in the island of Cyprus" (no. 1 and 2) and sculpted precious stones, mainly Chinese jades, and bronzes.

His collections were sufficiently noted to serve as an illustration for Octave Frémin du Sartel who, like him, had campaigned in the Pacific at the turn of the 1840s (cf. D'Abrigeon P. notice Du Sartel) – in his work La Porcelaine de Chine (1882).

Sale of the Collection

The collection of Benjamin Jaurès as sold posthumously in 1889 was heterogeneous: alongside a small set of paintings by the most prominent painters of his time (Corot, Fortuny, Jongkind), the collection included a large number of earthenware objects – French, Oriental, Spanish, Hispano-Moorish, azulejos – German stoneware, some Sèvres porcelain, 128 batches of Chinese porcelain, a few batches of Chinese jade and red lacquer, about fifteen Chinese and Japanese bronzes, cloisonné and painted enamels, most with a nianhao (年號) from the Qianlong period (乾隆) (1735-1796, Lugt, 48367). Finally, in the section of "miscellaneous objects", we can read the description of certain works coming from the Summer Palace, such as "Ornaments for a Chinese woman's belt, composed of three plates, two of which are provided oval rings in engraved and gilded metal: the central plate bears a watch dial in the center; the other two, a European enamel representing children playing at the edge of a pond with ducks; rich setting adorned with pearls and garnets – European work from the time of Louis XVI” (lot 399). This kind of hybrid object testifies to the cultural and diplomatic exchanges between France and the Qing imperial court during the 18th century through the intermediary of the Jesuits (Zhao B., Simon F., 2019). It is also not impossible that the following lot, a “Music box from the time of Louis XVI in enamelled gold, oval in shape; on the subject cover depicting the Arrival of Telemachus and Mentor on the Island of Calypso – Work of Geneva” (lot 400), is not one of these diplomatic gifts brought by the Jesuits to the imperial court. This sale also included books from his library, which combined classic literary works (Racine, Molière, La Fontaine, Perrault, Boccacio) and works by his contemporaries (Les Chats de Champfleury, Notre-Dame de Paris, and Les Travailleurs de la mer by Victor Hugo, Les Contes drolatiques by Balzac, etc.), none of which is really linked to his activity as a collector. Benjamin Jaurès also seems to have nurtured a true passion for the works of the illustrator and caricaturist Henry Monnier (1799-1877), which make up the last 100 lots in his catalogue.

In this collection with its emphasis on ceramics (earthenware, stoneware, and porcelain), the presence of coats of arms seems to have played a preponderant role in the choices. Coats of arms are found as much on German stoneware as on so-called Indian Company porcelain or commissioned porcelain, made in China on models transmitted by the East India Companies. Paul Gasnault, the curator of the musée des Arts décoratifs displays this taste for porcelain with European decorations, but few of his other contemporaries shared this taste: these pieces were considered by an art critic specialising in the history of Albert Jacquemart (1808-1875) as "bastards" and by Édouard Garnier (1850-1903), curator at the Musée céramique de Sèvres, as an "aberration of taste" (Chabanne L., 2004, p. 12).

Article by Pauline d'Abrigeon (Translated by Jennifer Donnelly)