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La galerie Cambacérès tenue par Georges Terrisse est fréquentée par des clients allemands et autrichiens, tandis que l’expert évite parallèlement le pillage de collections.

La protection et la sauvegarde de collections

Né le 16 décembre 1885, Georges Terrisse est expert et marchand de tableaux. Artiste peintre, il se spécialise dans la restauration, travaillant à Munich sous la direction de Petenhoffen, et la reproduction de tableaux anciens et modernes. Depuis 1933, il a une fille adoptive, Yvonne Paulette Marguerite Clert-Terrisse, née le 12 juillet 1911 ou 1912 de René Louis et Louise Samson, avec qui il vit au 73 rue Legendre dans le XVIIe arrondissement de Paris en 1942 et qui exerce également la profession d’expert en objets d’art1.

Pendant l’Occupation, Terrisse exploite la galerie Cambacérès, au 30 de la rue du même nom et donnant également sur le 15 rue La Boétie. Cette boutique appartient à son ex-épouse, née Lejeune, avec qui il était marié depuis le 20 mars 19192. Cette dernière étant malade, elle lui donne le pouvoir de gérer la galerie à partir du 10 septembre 1940. Il figure sur la liste des experts du Tribunal de la Seine pour les tableaux de 1923 à 1939, puis il en est radié suite à une affaire de fausses estimations ayant permis aux propriétaires concernés d’assurer leurs biens pour une valeur bien supérieure à la réalité3.

Il participe à la préparation d’une exposition sur Greuze qui a lieu à partir du 11 juin 1943. Elle est organisée par Louis Hautecœur (1884-1973), secrétaire général des Beaux-Arts, Louis Hourticq (1875-1944) et le Dr Victor Simon4. Sa participation est jugée épisodique et n’engage donc pas sa responsabilité5. Il y donne son avis quant aux tableaux exposés, et en prête lui-même trois appartenant à sa fille. Par ailleurs, il fait partie du « Groupe Autonome de la Résistance des Arts », constitué en 1942 par ses sept membres fondateurs : Louis Hourticq, Victor Simon, Maurice Delfieu, le Dr Villard, Pierre Cataliotti, Marguerite Oster et Marie-Rose Cataliotti, au sein de l’Association des collectionneurs français d’œuvres d’art. La vocation de ce groupe est de mettre en lieu sûr des tableaux et objets d’art de grande valeur appartenant à des collectionneurs français, et de surveiller les ventes publiques d’œuvres d’art6.

Dans ce cadre, 16 œuvres sont placées sous la responsabilité de Georges Terrisse du 7 janvier 1942 au 29 septembre 1944 afin qu’elles échappent aux Allemands, pour une valeur totale estimée à 18 ou 20 millions de francs. Ces œuvres sont la propriété d’Edmond Dreyfus, de Clairette Hirsch, Pierre et Jean Cataliotti, Maurice Delfieu, Marguerite Oster et Victor Simon7. Il soutient également divers individus, qui attestent de l’aide qu’il a pu leur apporter pendant l’Occupation, qu’elle ait été morale ou matérielle, ou qu’il ait dissimulé leurs biens8.

Les ventes aux clients allemands et autrichiens

Pour autant, il fait des acquisitions lors de différentes ventes du Comité ouvrier de secours immédiat (COSI), une organisation créée pour remeubler et indemniser les victimes de bombardements, notamment à partir des stocks rassemblés en vidant les appartements juifs, et qui vend les surplus aux enchères. Terrisse apparaît sur au moins cinq registres de vente entre janvier et avril 1943, pour un total de plus d’une dizaine d’objets acquis, représentant de façon cumulée entre 20 000 F et 30 000 F1. Il vend à Walter Andreas Hofer un Bon Samaritain pour 1 000 RM le 6 janvier 19412. En novembre 1941, il vend L’Arrestation du Christ avec saint Pierre et Malchus pour 220 000 F (11 000 RM) à Hans Posse, et Karl Haberstock se charge de l’expédition de cette toile3.

Walter Bornheim, Friedrich Welz, Ernst Holzinger, Alexander Spengler, Alexander von Frey et Walter Weber viennent également dans sa galerie, chacun individuellement4. Mais le nombre des ventes à des clients allemands et leur montant demeurent minimes. Comme en témoigne le rapport de Michel Martin, produit pour la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, « démunie des capitaux nécessaires pour traiter de grandes tractations, la maison Terrisse a végété et semble même actuellement dans une situation difficile5 ».

Terrisse fait l’objet d’une citation devant le Comité de confiscation des profits illicites le 21 mai 1947 au motif de « vente de tableaux à l’ennemi »6. Le montant passible de confiscation ne justifiant pas cette procédure, puisqu’il ne s’élève qu’à la somme de 93 800 F7, le comité transmet le dossier à l’administration des Contributions directes afin qu’elle procède à une simple taxation des profits effectués pendant la période de l’Occupation8. Georges Terrisse fait également l’objet d’une citation devant la chambre civique de la Cour de justice du fait de son adhésion au Rassemblement national populaire, mais il est acquitté9. La Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, elle aussi saisie de son dossier, propose lors de la séance du 28 juillet 1947 un classement du dossier, justifié par les nombreux services qu’il a rendus à ses confrères pendant l’Occupation10.