Denon, Dominique Vivant
51 rue Jean-Jacques Rousseau
Hôtel de Bullion
7 quai Voltaire
Palais du Louvre
Directeur du musée Napoléon (au Louvre) et directeur des arts
Dominique-Vivant Denon est un diplomate, homme de lettres, dessinateur, graveur et collectionneur français (voir Marie-Anne Dupuy-Vachey, notice Dominique-Vivant Denon, Dictionnaire des historiens de l’art, base Agorha, Inha, mise à jour 5 novembre 2008).
Né à Chalon-sur-Saône le 4 janvier 1747, il monte à Paris en 1764 et entame une carrière de peintre et dessinateur avant d’entrer à la Cour de Louis XV (1710-1774), où il obtient le titre de gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi en 1768 (Lelièvre P.,1993, p. 16). Puis, devenu gentilhomme d’ambassade, il fait de fréquents voyages en Russie, en Suisse et en Italie, où il demeure de 1778 à 1785 résidant à Naples en tant que conseiller d’ambassade (Lelièvre P., 1993, p. 27-48). Il se familiarise avec les collections qu’il visite et les amateurs qu’il rencontre. Il s’intéresse notamment aux objets antiques, aux vases grecs et italiques alors considérés comme « étrusques », qui deviennent objets de convoitise de la part de nombreux amateurs du Grand Tour.
Mais c’est aussi dans cette ville qu’il se remet avec assiduité au dessin d’après les maîtres et à la gravure, sollicitant dès son retour à Paris en 1785 son entrée à l’Académie de peinture et de sculpture. Le directeur des bâtiments du roi, le comte d’Angiviller (1730-1809) avec lequel Denon était en pourparlers pour l’acquisition de sa collection de vases « étrusques » par le roi, lui accorde son agrément en tant qu’« artiste de divers talents » le 28 juillet 1787 (Van de Sandt U., 1999, p. 76). Néanmoins, ayant abandonné la carrière diplomatique il décide de repartir en Italie et d’y vivre de son talent tout en développant sa connaissance des grandes collections locales. Il se fixe à Venise où il dispose d’un atelier. Ses finances lui permettent de poursuivre ses achats d’œuvres d’art essentiellement dessins et estampes qu’il acquiert en grand nombre à la vente d’Anton Maria Zanetti (1680-1767), artiste vénitien et grand connaisseur dans le domaine de la gravure. Toutefois, il est expulsé de Venise en 1793, accusé de conspiration au service de la Convention, et rentre en France en pleine tourmente révolutionnaire.
Ses revenus s’étant amoindris, il se fixe à Paris, à quelques pas du Louvre, rue Jean-Jacques-Rousseau (ancienne rue Plâtrière, 1er arrondissement), au troisième étage de l’hôtel Bullion, célèbre hôtel des ventes ouvert en 1778 par le marchand Alexandre-Joseph Paillet (1743-1814) (Michel P., 2007, p. 249-251). Il y exerce selon toute vraisemblance une activité marchande lui permettant de survivre, mais aussi de continuer à acheter des pièces pour son cabinet (Dupuy M.-A., 1999 ou 2016). La chute de Maximilien de Robespierre (1758-1794) en 1794 l’oblige à abandonner les projets engagés avec le Comité de salut public (Van de Sandt U., 1999, p. 77). Sous le Directoire il se trouve engagé comme dessinateur dans l’aventure de la campagne d’Égypte auprès de Napoléon Bonaparte (1769-1821). Il en rapporte force croquis pris sur le vif ainsi que des témoignages inédits de l’ancienne civilisation pharaonique, alors connue de rares antiquaires. Il en tirera une vaste entreprise éditoriale qui paraîtra en 1802 sous le titre Voyage dans la Basse et la Haute-Égypte.
Le tournant décisif de sa carrière a lieu le 19 novembre1802. Le citoyen Denon est nommé par le premier consul Bonaparte directeur général du Muséum central des Arts. Il se voit confier non seulement l’administration du musée, auquel le jeune consul attache un soin particulier, mais aussi la direction des arts, réunissant entre ses mains outre le Louvre, le musée des Monuments français, le musée spécial de l’École française au château de Versailles, la supervision des manufactures de Sèvres, de Beauvais et des Gobelins, les palais du gouvernement, la Monnaie, les ateliers de la chalcographie, les travaux architecturaux ainsi que le transport des œuvres d’art lié aux saisies de l’étranger (Mardrus F., 2017, p. 311-312). Denon a cinquante-cinq ans lorsqu’il accède à cette charge officielle convoitée par le peintre Jacques-Louis David 1748-1825), le sculpteur Antonio Canova (1757-1822) et l’architecte Léon Dufourny (1754-1818). Peu au fait des affaires de l’administration d’État, il a sans doute le profil le plus consensuel pour répondre aux exigences du pouvoir et asseoir sa politique artistique de développement du musée.
La proclamation de l’Empire le 18 mai 1804 impose une nouvelle hiérarchie au musée, rebaptisé par Denon Musée Napoléon. Il dépend de la liste civile impériale ; non plus du ministère de l’Intérieur et, donc, de l’intendant général de la maison de l’Empereur pour ce qui est de son budget. Le directorat de Denon est marqué par une seule ambition, faire du Louvre « le plus beau musée de l’univers » (Dupuy M.-A., 2016, I, p. 694-704). À l’occasion du mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche (1791-1847) en 1810, la Grande Galerie est réaménagée par les architectes Pierre-François Fontaine (1762-1853) et Charles Percier (1764-1838) pour l’exposition des peintures prévue par Denon, qui fit de ce nouvel accrochage un enjeu décisif pour la renommée du musée. Il met en valeur une histoire de l’art de la peinture par écoles, par artistes à l’intérieur de chacune d’entre elles. Pour la première fois, il offre à la vue des visiteurs une réunion inégalée de chefs-d’œuvre provenant du fonds royal nationalisé sous la Révolution, de celui des émigrés, mais aussi des nombreuses saisies effectuées par l’armée française à l’étranger dès 1794.
De 1805 à 1811, Denon effectue de nombreuses missions dans les pays conquis par l’empereur afin de prélever les œuvres nécessaires au musée et à ce titre il est surnommé l’« huissier –priseur » de l’Europe par un de ses nombreux biographes, Jean Chatelain (Chatelain J., 1999, p. 161-187). L’inventaire Napoléon des collections du musée en plusieurs volumes (AN, 20150162/14-20150162/52) constitue un travail scientifique exemplaire sur ce que fut cette institution entre 1804 et 1815. Il fut d’autant plus précieux que la chute de l’Empire en 1815 allait entraîner la restitution de la majeure partie des œuvres spoliées aux nations coalisées contre la France. Au mois d’octobre 1815, Denon remet sa démission au roi Louis XVIII (1755-1824).
Désormais à la retraite, Denon quitte son logement de fonction du Louvre pour se retirer au 5, quai Voltaire (aujourd’hui no 7) dans l’appartement qu’il louait depuis 1813 au premier étage, face au Louvre. Les dix années qu’il lui reste à vivre jusqu’à sa mort, survenue le 28 avril 1825 (AN, MC/RS//249), sont consacrées à la présentation de ses collections dans son appartement et à leur enrichissement constant, relayés par les visites ininterrompues de ses amis et connaissances, curieux de découvrir son cabinet et de l’entendre discourir dessus.
Article rédigé par Françoise Mardrus
Dominique-Vivant Denon was a French diplomat, a literary man, draughtsman, engraver, and collector (see Marie-Anne Dupuy-Vachey’s article on Dominique-Vivant Denon, ‘Dictionnaire des Historiens de l’Art’, Agorha database, INHA, updated 5 November 2008).
Born in Chalon-sur-Saône on 4 January 1747, he went to Paris in 1764 and began a career as a painter and draughtsman before joining the Court of Louis XV (1710–1774), where he was appointed Gentilhomme Ordinaire de la Chambre du Roi (Ordinary Gentleman of the King’s Bedchamber) in 1768 (Lelièvre, P., 1993, p. 16). Then, having become a Gentilhomme d’Ambassade (ambassador gentleman), he made frequent voyages to Russia, Switzerland, and Italy, where he lived from 1778 to 1785, staying in Naples as an Embassy counsellor (Lelièvre, P., 1993, pp. 27–48). He familiarised himself with the collections he visited and the collectors he met. He was particularly interested in antique objects and Greek and Italic vases, considered at the time as ‘Etruscan’, which were much sought after by many connoisseurs on the Grand Tour.
But it was also in this city that he devoted himself to drawing after the masters and engraving, and as soon as he returned to Paris in 1785 he applied to be admitted to the Académie de Peinture et de Sculpture. The director of the Bâtiments du Roi, the Comte d’Angiviller (1730–1809), with whom Denon was negotiating for the King’s acquisition of his collection of ‘Etruscan’ vases, accredited him as an ‘artist of various talents’ on 28 July 1787 (Van de Sandt, U., 1999, p. 76). Nevertheless, having abandoned a diplomatic career, he decided to go back to Italy and live there from his art, while familiarising himself with the major local collections. He settled in Venice, where he had a studio at his disposal. His financial resources enabled him to pursue his acquisitions of works of art, mainly drawings and prints, a large number of which he purchased at the sale of Anton Maria Zanetti (1680–1767), a Venetian artist and major connoisseur in the field of engraving. Nevertheless, accused of being a spy of the Convention, he was expelled from Venice in 1793, and returned to France in the midst of the revolutionary upheavals.
As his income had dropped, he moved to Paris, not far from the Louvre, on the Rue Jean-Jacques-Rousseau (formerly Rue Plâtrière in the 1st arrondissement), on the third floor of the Hôtel Bullion, the famous auction house opened in 1778 by the dealer Alexandre-Joseph Paillet (1743–1814) (Michel, P., 2007, pp. 249–251). Here, it seems very likely that his work as a dealer enabled him to get by, while continuing to acquire objects for his cabinet (Dupuy, M.-A., 1999 or 2016, p. XX). The downfall of Maximilien de Robespierre (1758–1794) in 1794 obliged him to abandon the projects he had committed himself to with the Comité de Salut Public (Van de Sandt, U., 1999, p. 77). During the Directoire he was enlisted as a draughtsman and participated in the Egyptian expedition with Napoléon Bonaparte (1769–1821). He returned with many sketches executed on the spot as well as unique accounts of the ancient pharaonic civilisation, which was only known to a few antique dealers at the time. This led to a vast editorial project, entitled Voyage en la Basse et la Haute-Égypte , which was published in 1802.
The decisive turning point in his career occurred on 19 November 1802. Citizen Denon was appointed Director of the Muséum Central des Arts by the First Consul Bonaparte. He was entrusted not only with the administration of the museum—which was of particular interest to the young Consul—, but also with directing the arts and managing, in addition to the Louvre, the Musée des Monuments Français, the Musée Spécial de l’École Française (The Special Museum of the French School) in the Château of Versailles, the supervision of the Manufactories of Sèvres, Beauvais, and the Gobelins, the government palaces, the Monnaie, the chalcography workshops, architectural works, and the transport of works of art linked to confiscations abroad (Mardrus, F., 2017, pp. 311–312). Denon was fifty-five when he took up this official post, which was coveted by the painter Jacques-Louis David 1748–1825), the sculptor Antonio Canova (1757–1822), and the architect Léon Dufourny (1754–1818). Unfamiliar with the affairs of State administration, he probably had the most suitable profile that matched the authorities’ requirements to implement the artistic polices related to the museum’s development.
The proclamation of the Empire on 18 May 1804 imposed a new hierarchy on the museum, renamed by Denon the Musée Napoléon. It now depended on the imperial civil list, rather than the French Ministry of the Interior, and hence on the Intendant General of the Emperor’s household for its budget. Denon’s directorship was distinguished by one ambition—to turn the Louvre into ‘the finest museum in the world’ (Dupuy, M.-A., 2016, I, pp. 694–704). On the occasion of Napoleon’s marriage with Marie-Louise of Austria (1791–1847) in 1810, the Grande Galerie was refurbished by the architects Pierre-François Fontaine (1762–1853) and Charles Percier (1764–1838) for the exhibition of paintings planned by Denon, who turned this event into a decisive point in establishing the museum’s reputation. He highlighted the history of the art of painting according to Schools, and the artists who belonged to them. For the first time, he provided visitors with an unparalleled collection of masterpieces that came from the royal collection—which had been nationalised during the Revolution—, the works of the émigrés, and the many confiscations made by the French army abroad from 1794 onwards.
From 1805 to 1811, Denon went on many missions to the countries conquered by the Emperor to collect the necessary works for the museum and, as a result, he was nicknamed the ‘huissier–priseur’ (‘auctioneer’) of Europe by one of his many biographers, Jean Chatelain (Chatelain, J., 1999, pp. 161–187). The Napoleonic inventory of the museum’s collections in several volumes (AN (French national archives), 20150162/14-20150162/52) constitutes an exemplary scientific work about this institution between 1804 and 1815. It was even more valuable when the fall of the Empire in 1815 led to the restitution of most of the confiscated works to the nations allied against France. In October 1815, Denon presented his resignation to King Louis XVIII (1755–1824).
Now retired, Denon left his official accommodation in the Louvre and moved to 5, Quai Voltaire (now no. 7) in the apartment he had rented since 1813 on the first floor, opposite the Louvre. During the ten years leading up to his death, on 28 April 1825 (AN (French national archives), MC/RS//249), he devoted himself to presenting his collections in his apartment and their constant enrichment, supported by continual visits from friends and acquaintances who were eager to see his cabinet and listen to what he had to say.
Article by Françoise Mardrus (translated by Jonathan & David Michaelson)
[Objets collectionnés]
[Objets collectionnés]
[Objets collectionnés]
Denon et Mazois sont amis.
Denon est l'élève de Noël Hallé.
Madame de Genlis visite la collection de Dominique-Vivant Denon. (Source : notice Agorha "Dominique-Vivant Denon" rédigée par Françoise Mardrus).
Dictionnaire critique des historiens de l’art |
notice rédigée par Marie-Anne Dupuy-Vachey
« Champs Répertoire des historiens d’art déplacés suite à mise en ligne de février 2011 »
Commentaire biographique :
1764-1768 : études de droit à Paris ; formation au dessin dans l'atelier de Noël Hallé ; 1768 : obtient la charge de Gentilhomme ordinaire du Roi ; 1769 : nommé conservateur des médailles et pierres dures de la Madame de Pompadour ; 1771-1775 : nommé gentilhomme d'ambassade, effectue à ce titre deux missions en Russie (1773-1774) et en Suisse (1775), où il rencontre Voltaire ; 1777 : départ pour l'Italie à la demande de l'abbé de Saint-Non et de Laborde. Denon doit rédiger les textes de leurs 'Voyage pittoresque ou Description des royaumes de Naples et de Sicile' et encadrer le travail des artistes (C.-L. Châtelet, J. Desprez, J.-A. Renard) chargés de son illustration ; 1778-1785 : grand tour dans l'Italie du Sud et en Sicile, nommé conseiller d'ambassade à Naples, il y rencontre probablement David en 1779. Il rapportera en France une collection de plus de 500 vases étrusques ; 1787 : retour à Paris, reçu à l'Académie en tant que graveur ; 1788-1793: séjour à Venise, d'où il est expulsé en 1793, soupçonné d'espionnage pour la Convention ; revenu à Paris sous la Terreur, il est protégé par David ; 1798-1799 : participe à l'expédition d'Egypte conduite par Bonaparte ; 1802-1815 : directeur général du Musée central des Arts, bientôt dénommé musée Napoléon, ses fonctions sont en fait celles d'un ministre des Beaux-Arts ; 1803 : nommé membre de l'Institut ; 1805-1806: mission en Italie et retour par l'Allemagne ; 1806-1807 : nouvelle mission en Allemagne ; 1808-1809 : mission en Espagne ; 1809 : mission en Autriche et en Allemagne, initiation à la lithographie ; 1811 : mission en Italie ; 1815 : après la chute de l'Empire, Denon présente sa démission à Louis XVIII. Il intègre la nouvelle et éphémère section (6e) de la classe des Beaux-Arts (IVe) de l'Institut consacrée aux "théoriciens et historiens de l'art" ; 1815-1825 : se consacre à la lithographie et à un grand ouvrage d'histoire des arts illustré par sa propre collection.
Collections : Collection de vases antiques vendue au roi.
Plus de 200 peintures : écoles italienne, flamande, hollandaise. Près de de 1000 dessins.
Importante collection d'estampes dispersées en vente publique en 1826 et 1827
Sujet d'étude précis voyage en Egypte ; voyage en Sicile
Documentation personne :
CAEN, musée des Beaux-Arts, INV 276 : portrait, à mi-corps, peinture à l'huile, par Robert Lefèvre, v. 1808 ; id. INV 169 : portrait collectif, peinture à l'huile, par le Baron Guerin (dit), 1806 ; PARIS, cimetière du Père Lachaise, tombe de Dominique-Vivant Denon : portrait, assis, de face, sculpture.
Bibliothèque de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts : Ph 16331 : portrait, photographie, anonyme, d'après une peinture de Prud'hon (dit).
Bibliothèque nationale de France : N2 : portrait, en buste, de 3/4, dessin, gravé par Denon (dit) lui-même ; N2 Denon : portrait, en buste, tête de face, gravure ; id. : portrait, en buste, de 3/4, gravure, par Denon (dit), d'après l'oeuvre d' Isabey (dit) ; N2 Denon T420 D 125854 : portrait, assis, de 3/4, gravure ; N2 Denon T420 D 125843 : portrait, assis, de 3/4, gravure ; N2 Denon D 125860 : portrait, en buste, de 3/4, gravure ; N3 Denon : portrait, debout, gravure ; Na 75 Rés. p. 12 ; N4 ; Aa 25 i (13) fol. ; Na 137 Rés. Boîte I.
Réunion des Musées Nationaux : Paris, musée du LOUVRE, dpt des Peintures, MI 723 : portrait, en buste, de 3/4, peinture à l'huile, par Pierre Paul Prud'hon ; id. dpt des Sculptures, CC 179 : portrait, en buste, de face, sculpture en marbre, par Joseph Charles Marin, 1827 ; VERSAILLES, musée du château et des Trianons, MV 6347 / RF 739 : portrait collectif, peinture à l'huile, par le Baron Gros (dit) ; id. MV 1692 / INV 4430 / LP 6629 : portrait, assis, de 3/4, peinture à l'huile, par Robert Lefèvre, 1808.