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13/12/2021 Répertoire des acteurs du marché de l'art en France sous l'Occupation, 1940-1945, RAMA (FR)

De nationalité allemande, Friedrich Göttler était un artiste qui travailla sous le nom de Godefroy. Il vécut à proximité de Paris, à partir de 1937. Au début de la guerre, il fut tout d’abord interné en France, en tant qu’Allemand, mais put cependant retourner à Montrouge près de Paris à partir de 1941. De là, il se mit à travailler comme agent artistique pour la « mission spéciale Linz » [Sonderauftrag Linz] et à faire également des acquisitions d’œuvres d’art sur le marché de l’art français pour le compte de musées d’Allemagne du nord.

Un peintre allemand en France

Georg Friedrich Göttler est né le 24 ou le 26 janvier 1899 à Würzburg. Il commence ses études en 1915 à l’académie des Beaux-Arts de Karlsruhe auprès de Friedrich Fehr (classe de peinture) et Walter Georgi (classe de dessin). À dater de 1930 et jusqu’à sa mort, il a vécu en concubinage avec sa compagne hollandaise Xenia Gaarlandt (1902-1982). À partir de 1933, il séjourne en Espagne et, en 1937, en France, où il s’installe dans un atelier à Montrouge, dans la banlieue parisienne. C’est là qu’il adopte son nom d’artiste Godefroy, pseudonyme qu’il conservera après la guerre également. En 1939, il est interné en tant qu’ennemi étranger ; après son internement, il se rend en Provence et entre dans la clandestinité. Fuite, internement et nécessité d’entrer dans la clandestinité l’empêchent de travailler à son œuvre d’artiste pendant toute cette période1. C’est pourquoi, sans doute par manque d’argent, il se met à faire des transactions d’œuvres d’art. Il est possible de prouver qu’il exerce cette activité durant les années 1941-1945, à Montrouge, près de Paris, à l’adresse 44 place Jules Ferry2. Dans l’après-guerre, il recommence à exposer ses propres travaux dans des galeries parisiennes. À partir de 1956, Göttler, qui conserva toute sa vie sa nationalité allemande, reçoit une rente de réparation de la part de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et, l’année suivante, il s’installe avec sa compagne à Limours, où il loue un appartement avec atelier. En 1962, le couple s’installe à Joucas, en Provence où Göttler meurt le 26 août 19733.

Activité de marchand d’art durant l’Occupation

Le rôle de Friedrich Göttler sur le marché de l’art français fut jusqu’ici étudié dans le cadre de son activité d’agent pour le compte de la « mission spéciale Linz » ainsi que de la transaction d’œuvres d’art pour les musées d’Allemagne du Nord. Des extraits des journaux de voyage de Hans Posse laissent supposer que Göttler était aussi entre autres l’intermédiaire entre Posse et le marchand d’art germano-américain Rudolf Melander Holzapfel installé à Paris1. Après qu’Hermann Voss eut repris le poste de « chargé de mission spéciale pour Linz » en 1943, il délivra à Göttler un certificat attestant qu’il était légitimé à effectuer de fréquents voyages à Dresde destinés à l’acheminement d’œuvres d’art2. Outre son activité pour la « mission spéciale Linz », il est prouvé qu’il a proposé en 1943 et en 1944 des tableaux du peintre animalier August Schenck (1821-1901) à trois musées (à la Kunsthalle de Hambourg, à la Kunsthalle de Kiel,  et au Grenzlandmuseum de Flensburg). Heinrich Brauer (1900-1981), docteur en histoire de l’art puis « guide spécial » [Sonderführer], qui travailla par la suite au Central Collecting Point (CCP) Celle, attira en outre, depuis Paris, l’attention d’Ernst Sauermann (1880-1956), directeur du musée Thaulow à Kiel, sur les tableaux de Schenck retrouvés par Göttler3. Schenck était originaire de Glückstadt et il s’était acquis en tant qu’artiste une certaine notoriété en France, à partir de la moitié du xixe siècle, c’est pourquoi un certain intérêt pour ses tableaux persistait de la part des musées de son pays natal. En 1943 et en 1944, le directeur du musée de Flensbourg acheta les tableaux Schafherde [Troupeau de moutons] (Inv. no 16361) et Ziegenherde in der Auvergne [Troupeau de chèvres en Auvergne] (Inv. no 16362) pour respectivement 5 550 et 7 300 RM. Ce dernier tableau connu des difficultés de livraison en raison de la perte des papiers d’autorisation à l’exportation, le tableau pu néanmoins atteindre l’Allemagne en mai 1944, enroulé dans un emballage papier et placé dans le bagage d’un diplomate, grâce à l’aide d’Hildebrand Gurlitt4. Au même moment, la Kunsthalle de Kiel fit l’acquisition pour 6 500 RM de Schafherde im Schneesturm [Troupeau de moutons dans une tempête de neige], qui cependant n’arriva jamais jusqu’à Kiel5. Des preuves établissent que Göttler a négocié ces trois tableaux pour le compte de Maria Vincent, une citoyenne suisse résidant à Paris et, à partir du mois de mars 1944, à Zurich6. En 1943, Göttler proposa en outre un autre tableau de Schenck qui avait pour titre Truthähne [Dindons]7. Des échanges de lettres de la Kunsthalle de Hambourg attestent en outre qu’en 1943, son directeur de l’époque, Carl Schellenberg, apprit par l’intermédiaire de l’antiquaire Kurt Köster (1912-1986) (Alsterstraße 1, Hambourg 36) que Göttler avait aussi proposé un tableau de Van de Velde8. Deux lettres adressées Göttler à Paris datées des années 1943 et 1944 prouvent de surcroît que Schellenberg l’a rencontré personnellement à Paris et des salutations adressées à Maria Vincent laissent présumer d’une relation bien plus intime. Il ressort de ces lettres qu’à cette époque, Göttler était à la recherche de personnes intéressées par deux tableaux de Breughel et que Schellenberg lui supposait au moins des relations professionnelles avec les marchands d’art Hildebrand Gurlitt et Gustav Rochlitz9.

Est-ce que Göttler aurait par ailleurs négocié d’autres œuvres pour d’autres musées ? Nul ne le sait. De même que l’on ne sait pas à quel point il fut impliqué dans l’approvisionnement en œuvres d’art pour le compte de la « mission spéciale Linz ». Les contacts qu’il eut avec Gurlitt, Rochlitz, Holzapfel, le Sonderführer Brauer à Paris et les amis communs qu’il avait avec Maria Vincent, laquelle, à partir de 1946, devint officiellement marchande d’art à Zurich, laissent supposer l’existence d’un réseau plus important et une implication plus forte dans le trafic d’œuvres d’art en France à cette époque.