Tarn, Pauline

[Objets collectionnés] vielle en bois.

[Objets collectionnés] mobilier en bois doré et laqué.

[Objets collectionnés] Bouddhas en bois laqué.

[Objets collectionnés] ex-voto bouddhiques et accessoires religieux.

[Objets collectionnés] Bouddha en bronze doré.

[Objets collectionnés] sculpture de moine en bois peint.

[Objets collectionnés] masques de Gigaku.

[Objets collectionnés] éléments de décor.

Une collection au service d’un monde intérieur

Le testament de Pauline Tarn n’a pas été retrouvé et son nom est absent du fichier nominatif des successions déclarées des Archives de Paris (AP, DQ7 13168). Aucun document n’a été retrouvé concernant l’arrivée en 1909 des soixante-et-un instruments de musique de Pauline au sein des collections du musée instrumental du Conservatoire national supérieur de musique (Getreau F., 1996, p. 301). Les soixante-dix-sept pièces acceptées en 1909 par le musée Cernuschi bénéficient quant à elles de documentation plus importante. Dans une lettre d’Eugène Ledrain - proche de Pauline Tarn et conservateur au département des Antiquités orientales du musée du Louvre - adressée à Henri d’Ardenne de Tizac, alors conservateur du musée Cernuschi, il est mentionné que Pauline Tarn laisse « de beaux bouddhas aux musées sans préciser à quels musées». Compte tenu de l’origine extrême-orientale de la plupart des objets que souhaite léguer celle-ci, le musée Cernuschi semble être le plus adapté à accepter ce legs (note 129 p.23). Le 20 décembre 1909, l’inspecteur en chef de la Ville de Paris autorise le déplacement des œuvres léguées par Pauline Tarn dans les réserves du musée Cernuschi (Musée Cernuschi, Don Tarn, lettre de l’Inspecteur en chef des Beaux-Arts de la ville de Paris datée du 20 décembre 1909). L’entrée des collections a exceptionnellement lieu avant les formalités administratives relatives au don car l’appartement doit être loué à nouveau. De plus, « les visiteurs viennent et se font remettre à titre de souvenir ce qui peut leur plaire » (Musée Cernuschi, Don Tarn, brouillon d’une lettre d’Henri d’Ardenne de Tizac à Monsieur Verrat daté du 18 décembre 1909), rendant la chose d’autant plus urgente. L’acceptation officielle de ces œuvres a lieu lors du Conseil Municipal du 18 mars 1910. Elle est établie sous la forme d’un don de la part de son exécutrice testamentaire Madame Antoinette Alston, la sœur de Pauline (AP, 3115 W2, Don Tarn). Du reste, il semblerait que la famille de Pauline ait également récupéré quelques objets d’origine orientale tels des jades chinois, des bronzes, des estampes japonaises mais également des objets de toilette et des bijoux. Hélène de Zuylen, elle, a probablement récupéré toute la correspondance ainsi que les papiers personnels et littéraires de Pauline, la famille ne semblant pas en avoir recueillis.

Les soixante-et-un instruments conservés à la Philharmonie portent les numéros d’inventaire E.1744 à E. 1805. L’arrivée de ces derniers au sein de la collection du Musée Instrumental participe au développement de l’aspect ethnologique de ses collections, très peu pris en compte depuis l’ouverture du musée d’Ethnographie du Trocadéro en 1878 qui récupère en priorité ce genre de collection. L’étude de cette collection d’instruments démontre le goût de Pauline pour les instruments d’origine asiatique, qui représentent plus de la moitié de la totalité du legs. Parmi ceux-ci, les instruments japonais semblent les plus appréciés par leur ancienne propriétaire, représentant en effet 40 % des instruments asiatiques du legs.

Les œuvres conservées au musée Cernuschi sont inventoriées selon les soixante-dix-sept numéros allant de M.C. 5169 à M.C. 5245138. Dans une lettre adressée à l’Inspecteur en Chef des Beaux-Arts de la Ville de Paris, d’Ardenne de Tizac explique que ces oeuvres viennent enrichir les collections du musée Cernuschi en dotant celui-ci de belles pièces de bois sculpté et en développant la collection d’art religieux du musée, face à l’intérêt grandissant en Occident pour les religions orientales (Musée Cernuschi, Don Tarn). L'état sommaire des collections, rédigé par Henri d’Ardenne de Tizac avant leur entrée au sein du musée divise les œuvres en six catégories : « Pagodes, Vitrine, Cabinets », « statues religieuses », « ex-voto bouddhiques », « accessoires religieux », « pièces diverses » et « art musulman » (Musée Cernuschi, Don Tarn) . Il témoigne de la prédominance des objets à caractère religieux, en particulier ceux liés au bouddhisme japonais. Les pièces maîtresses de la collection de Pauline semblent être les bouddhas et les instruments de musique, seules œuvres à demeurer en place dans le décor changeant de son appartement. Colette affirme : « Hormis quelques bouddhas et les instruments de la salle de musique, tous les meubles bougeaient et changeaient mystérieusement chez Renée Vivien. Une collection de monnaies d’or persanes, cédait la place à des jades, auxquels se substituait une collection de papillons et d’insectes rares » (Colette, 1991, p. 598). Si certaines pièces de la collection de Pauline ont pu être seulement de passage dans son appartement, elles reflètent toutes son goût pour l’Orient, en particulier pour le Japon. Il est cependant intéressant de noter la présence de pièces issues de l’art islamique, telles des éléments de décor, l’intérêt pour cet art étant commun à de nombreux collectionneurs d’art asiatique de l’époque, en témoigne par exemple les collections et intérieurs de Pierre Loti. Malgré l’absence de sources certaines quant à la constitution de cette collection, le goût japonisant de Pauline peut s’expliquer au regard du contexte de l’époque. Le japonisme se diffuse peu à peu au sein des différentes strates de la société parisienne après l’ouverture du Japon au reste du monde en 1868 et au développement simultané des expositions universelles en Occident, qui permettent à l’Europe de découvrir la culture japonaise. Le Bodhisattva en bronze doré daté du règne de Yongle (Musée Cernuschi ; numéro d’inventaire M.C 5173) demeure la pièce maîtresse de sa collection. Il s’agit également de la seule pièce dont l’origine est connue à ce jour. Elle figure dans le catalogue d’une vente qui s’est déroulée à Drouot en 1904 (Deshayes E. et Deniker J., 1904, non paginé). Pauline Tarn a pu commencer la constitution de sa collection dès son aménagement au 23, Avenue du Bois de Boulogne. Il est cependant intéressant de remarquer que le moment où Pauline se retrouve de plus en plus seule, vers 1906, coïncide avec celui où elle s’intéresse de plus en plus à l’Orient (Vivien R. présenté par Goujon J-P., 1986, p. 15) et que Colette la décrit animée par une frénésie d’achat, décidée à acheter un bouddha par jour (Colette, 1991, p. 605). Pauline envisage en effet l’Orient et le Japon comme un idéal. Certains détails, comme une lettre adressée à Colette de Yokohama en 1907, semblent attester d’un voyage de Pauline au Japon, entrepris au cours d’un voyage plus long vers Hawaii en compagnie de sa mère. Plusieurs sources affirment également que Pauline a ramené des œuvres tout droit du Japon. D’Ardenne de Tizac adresse un brouillon de lettre à Antoinette Alston, l’exécutrice testamentaire de Pauline Tarn, dans lequel il lui suggère d’écrire au Préfet de la Seine et au Président du Conseil Municipal, qu’elle offre à la Ville de Paris la collection que sa sœur avait « formée au cours de ses voyages en Extrême-Orient » (Musée Cernuschi, Don Tarn) et Louise Faure-Favier affirme que Pauline ramène de « pittoresques souvenirs » de ses voyages. Cependant, l’emploi du temps fort chargé de Pauline et le temps nécessaire pour entreprendre un tel voyage - au minimum trois mois - ne semblent pas laisser la possibilité à celui-ci d’avoir été bel et bien réel, les tendances mythomanes de Pauline à la fin de sa vie venant renforcer cette hypothèse (Maucuer M., 2003, p. 267). Malgré tout, il est certain qu’elle s’inspire de ce qu’ils évoquent en elle plus que de leur réalité pour recréer un univers unique dans lequel elle peut trouver la quiétude dont elle est à la recherche, loin du monde et de la réalité qui l’entoure. Elle instaure une atmosphère sombre dans son appartement, éclairé seulement à la bougie, permettant ainsi une mise en scène particulière de sa collection. Ses contemporains décrivent son intérieur comme un lieu funèbre (Willy, 1909, non paginé). Celui-ci est intimement lié à sa personnalité et lui permet de s’adonner à un culte, inspiré du bouddhisme, dans lequel elle dépose des offrandes devant ses bouddhas, mais en réalité opéré autour d’un panthéon unique et personnel, élaboré par elle-même et pour elle-même.

C’est dans L'Être Double et Netsuke - parus tous les deux en 1904 et écrits avec Hélène de Zuylen sous le pseudonyme de Paule Riversdale - que Pauline s’inspire le plus du Japon imaginaire qu’elle crée. Dans Netsuke, le Japon à proprement parler n’apparaît pas, Pauline s’inspire bien plus de son panthéon personnel que du Japon lui-même, plaçant son récit au sein du monde imaginaire qu’elle crée. Dans L’Etre double, Pauline s'octroie également toutes libertés quant à la tradition bouddhique, créant une mythologie et une symbolique encore totalement fantastique et personnelle (Maucuer M., 2003, p. 265-273).

Article rédigé par Lisa Delmas

A collection at the service of an inner world

Pauline Tarn’s last will and testament was never found and her name is not present in the Nominative file of estates declared to the Archives de Paris (AP, DQ7 13168). No document was found concerning the arrival in 1909 of sixty-one musical instruments belonging to Pauline which are in the collections of the Musée instrumental du Conservatoire national supérieur de musique (Getreau F., 1996, p. 301). However, the seventy-seven pieces accepted in 1909 by the Musée Cernuschi benefit from better documentation. In a letter by Eugène Ledrain – a friend of Pauline Tarn and curator of the department of Oriental Antiquities orientales in the Musée du Louvre – addressed to Henri d’Ardenne de Tizac, then curator of the Musée Cernuschi, it is mentioned that Pauline Tarn left “two beautiful Buddhas to museums without specifying which museums”. Given the Far-eastern origin of most of the objects she wished to bequeath, the Musée Cernuschi seems the best adapted to accept such a bequest (note 129 p.23). On 20 December 1909, the head inspector of the city of Paris authorised the transfer of the works bequeathed by Pauline Tarn to the reserves of the Musée Cernuschi (Musée Cernuschi, Tarn Donation, letter of the chief Inspector of Beaux-Arts of the city of Paris dated 20 December 1909). The entry into the collections of the museum, occurred exceptionally before the administrative formalities relating to the donation were completed because the flat had to be rented again. In addition, “visitors were coming and taking possession of whatever pleased them as souvenir” (Musée Cernuschi, Tarn Donation, rough draft of a letter from Henri d’Ardenne de Tizac to Monsieur Verrat dated 18 December 1909), rendering the situation even more urgent. The official acceptance of these works took place during the Conseil Municipal of 18 March 1910. It was drawn up inn the form of a donation on the part of the executor of her will, Madame Antoinette Alston, Pauline’s sister (AP, 3115 W2, Don Tarn). As for the remainder, it seems that Pauline’s family may have also taken a few objects of oriental origin such as Chinese jades, bronzes, Japanese etchings but also toiletry items and jewellery. Hélène de Zuylen, a probably picked up all the correspondence as well as Pauline’s personal and literary papers, as evidently the family never collected them.

The sixty-one instruments now held by the Philharmonic bear the inventory numbers of E.1744 to E. 1805. The arrival of these instruments in the collection of the Musée Instrumental was a significant addition to towards the development of the ethnological aspect of its collections, which were hardly taken into account since the opening of the Musée d’Ethnographie du Trocadéro in 1878, which is first in line to receive this sort of collection. The study of this collection of instruments demonstrates Pauline’s taste for instruments of Asian origin, which represent half of the entire bequest. Among these, the Japanese instruments seemed to be the most appreciate by their former owner, representant 40% of the Asian instruments in the bequest.

The works kept in the Musée Cernuschi are inventoried according to the seventy-seven numbers running from M.C. 5169 to M.C. 5245138. In a letter addressed to the Chief Inspector of the Beaux-Arts of the city of Paris, from Ardenne de Tizac explains that these works came to enrich the collections of the Musée Cernuschi by endowing it with beautiful pieces of sculpted wood and by expanding the museum’s collection of religious art, facing the growing interest in oriental religions in the West (Musée Cernuschi, Tarn Donation). The summary statement of the collections, written by Henri d’Ardenne de Tizac prior to their entry into the museum, divides the works into six categories: “Pagodas, Vitrine, Cabinets”, “religious statues”, “Buddhist ex-voto”, “religious accessories”, “diverse pieces” and “Muslim art” (Musée Cernuschi, Tarn Donation). It attests to the predominantly religious character of the collection, in particular those pieces linked to Japanese Buddhism. The centrepieces of the Pauline’s collection seem to have been the Buddhas and the musical instruments, the only pieces that stayed in place in the changing décor of her appartement. Colette affirms: “Except for a few Buddhas and the instruments in the music room, all the furnishings at Renée Vivien’s place were constantly being mysteriously moved about. A collection of gold Persian coins yielded its place to jades, to which were substituted a collection of rare butterflies and insects” (Colette, 1991, p. 598). If some pieces in Pauline’s collection were only passing through her flat, they reflected her taste for the Orient, and Japan in particular. It is also interesting to note the presence of pieces of Islamic art, like elements of the décor, the interest in this art was shared by a number of collectors of Asian art in that period, as attest for example Pierre Loti’s collections and interiors. Despite the lack of certain sources with regard to the constitution of the collection, Pauline’s taste for all things Japanese may be explained by the context of the period. Japonism was gradually spreading through the various strata of Parisian society following the opening of Japan to the rest of the world in 1868 and to the simultaneous development of universal exhibitions in the West, which enabled Europeans to discover Japanese culture. The gilt bronze Bodhisattva dated to the reign of Yongle (Musée Cernuschi; inventory number M.C 5173) remains the centrepiece of her collection. It is also the only piece for which the origin is known thus far. It figures in the catalogue of a sale that took place at Drouot in 1904 (Deshayes E. et Deniker J., 1904, not paginated). Pauline Tarn had been able to start building her collection as soon as she settled into the flat at 23, Avenue du Bois de Boulogne. However, it is interesting to note that the moment Pauline found herself increasingly alone, towards 1906, coincided with the moment she became increasingly interested in the Orient (Vivien R. presented by Goujon J-P., 1986, p. 15) and that Colette described her as driven by a purchasing frensy, intent on buying another Buddha every day (Colette, 1991, p. 605). Indeed, Pauline envisaged Japan as an ideal. Certain details, like a letter addressed to Colette from Yokohama in 1907, seem to attest to a voyage of Pauline’s to Japan, undertaken during another longer voyage to Hawaii in the company of her mother. Several sources also affirm that Pauline brought back works directly from Japan. D’Ardenne de Tizac addressed a rough draft of a letter to Antoinette Alston, the executor of Pauline’s will Pauline Tarn, in which he suggested that she write to the Prefect of the Seine and to the President of the Municipal Council, to offer to the city of Paris the collection her sister had “formed over the course of her voyages to the Far east” (Musée Cernuschi, Tarn Donation). Furthermore, Louise Faure-Favier affirms that Pauline brought back “picturesque souvenirs” from her trips. However, Pauline’s very busy schedule and the time required for undertaking such a trip – a minimum of three months – does not seem to leave open the possibility that she ever actually went there. Paulin’s mythomaniac tendencies towards the end of her life only serve to further this hypothesis (Maucuer M., 2003, p. 267). Despite everything, it is certain that she drew inspiration from what they evoked in her more than their reality, to create a unique universe in which she could find the tranquillity she was seeking, far from the world and from the reality surrounding her. She created a dark atmosphere in her flat, illuminated only by candles, thereby enabling her to create a very particular staging of her collection. Her contemporaries describe her interior as funerial (Willy, 1909, not paginated). It was intimately linked to her personality and allowed her to give herself up to a cult, inspired by Buddhism, in which she made offerings to her Buddhas, but in reality, was operating around a unique and personal pantheon, put together by herself for herself.

It is in the L'Être Double (The Double Being) and Netsuke - both published 1904 and written with Hélène de Zuylen under the pseudonym Paule Riversdale - that Pauline drew the most inspiration from the imaginary Japan she created. In Netsuke, Japan strictly speaking does not appear. Pauline is inspired much more by her personal pantheon than by the actual Japan, placing her story at the heart of the imaginary world she created. In L’Etre double, Pauline also allows herself complete liberty with regard to Buddhist tradition, creating a mythology and a symbolism here again totally fantastic and personal (Maucuer M., 2003, p. 265-273).

Article by Lisa Delmas (translated by Gammon Sharpley)