Cordier, Palmyr

Mission en tant que médecin des colonies.

La collecte

Durant ses missions en Inde, entre 1898 et 1902, Palmyr Cordier réunit un riche ensemble de manuscrits, xylographes et imprimés, essentiellement dévolu aux textes médicaux en sanskrit, visant à nourrir son champ de recherches (Filliozat J., 1934). Il réalise quelques expéditions en Inde du Nord, dans la vallée du Gange de Calcutta à Bénarès, au Cachemire, au Pendjab et au Rajasthan, afin de visiter des bibliothèques et de prendre copies des textes qui lui seraient utiles (Filliozat P.-S., 2014). La collection qu’il a réunie est riche de plus de trois cents manuscrits, les deux tiers contenant des textes médicaux en sanskrit, l’autre tiers contenant des textes littéraires en sanskrit et en bengali, ainsi que des traductions de textes sanskrits en tibétain (Filliozat J., 1934). Si les textes médicaux sont pour l’essentiel des copies réalisées par des paṇḍit indiens à la demande de P. Cordier, souvent corrigées et annotées de sa main, il a pu aussi acquérir des manuscrits plus anciens, offrant à cette collection une certaine authenticité historique.

L’acquisition de la collection par la Bibliothèque nationale

La collection Cordier n’a pas été vendue tout de suite après sa mort en septembre 1914, dans les premiers moments de la Guerre. Elle fut mise en vente en 1932 et identifiée par Jean Filliozat (1906-1982) chez un antiquaire parisien (Filliozat P. S., 2014, p. 275). Jean Filliozat acquit les ouvrages imprimés pour ses propres travaux sur la médecine indienne, et proposa la collection de manuscrits à la Bibliothèque nationale. La Bibliothèque finit par acquérir la collection grâce à l’appui de Sylvain Lévi (1863-1935) auprès de son administrateur Julien Cain (1887-1974) et contre l’avis de Henri Omont (1857-1940) qui dirigeait alors le département des Manuscrits et pour qui le lot était trop onéreux (Lettre de S. Lévi à J. Filliozat, citée par Roçu A., 1990, p. 25, et Filliozat, P. S., 2014, p. 276). Le registre des acquisitions du département des Manuscrits la BnF (n^o 13651) indique que l’achat a été payé sur fonds Rockefeller pour une somme de 20 000 francs, pour un prix réel estimé à 30 000 francs, et qu’il a été mené directement auprès de Marie Louise Colas (1890-1967), sa veuve, résidant 3 rue Marie-Louise à Besançon, le 11 août 1932.

Imprimés et correspondance

Les soixante ouvrages imprimés, annotés par Palmyr Cordier puis par Jean Filliozat, furent légués par ce dernier à la bibliothèque de la Société asiatique où ils sont aujourd’hui conservés (Société asiatique, fonds Jean Filliozat). La collection de manuscrits est conservée à la Bibliothèque nationale de France dans le fonds « Sanscrit » (sous les numéros BnF Sanscrit 1147 à 1443). Les manuscrits bengalis sont conservés dans le fonds « Indien » (BNF Indien 965 à 970) et les xylographes tibétains, traductions de textes médicaux sanskrits ou dharanī acquis en Inde, sont conservés dans le fonds « Tibétain » (Tibétain 524 à 540). Il faut ajouter à cet ensemble les lettres de Palmyr Cordier adressées à Gustave Liétard, conservé au Wellcome Institute for the History of Medicine à Londres dans le fonds Liétard (voir Roçu A., 1990).

Manuscrits médicaux

La collection de manuscrits de Palmyr Cordier est composée pour l’essentiel de copies sur papier en écriture devanāgarī, corrigées et annotées par lui. On trouve aussi des copies originales sur papier, provenant notamment du Cachemire, et de rares copies sur feuilles de palmier, dont une copie ancienne de l’Aṣṭāṅgahṛdayasaṃhitā de Vāgbhaṭa en écriture malayalam (BnF Sanscrit 1280). Ce texte de base des médecins de l’āyurveda est largement représenté dans la collection, plusieurs copies sont d’ailleurs accompagnées de commentaires. On trouve aussi plusieurs copies du Yogaśataka de Nāgārjuna, recueil de compositions pharmaceutiques, dont une copiée sur un manuscrit de Bikaner accompagnée du commentaire sanskrit de Rūpanayana (BNF Sanscrit 1292). Ce même titre, attribué à une œuvre du médecin Vararūci, est aussi présent, dont une copie d’un manuscrit d’Alwar réalisée « par les soins du Paṇḍit Gośi Gangādhāra », selon une note de la main de Cordier (BNF Sanscrit 1196). Un autre ensemble présente de multiples copies, celui des traités sur le mercure (rasaśāstra), comme les Rasaratnākara de Nāgārjuna et de Nityanātha, ou le Rasaratnadīpa de Rāmarāja (BNF Sanscrit 1212). À titre de curiosité, on peut citer la présence d’un manuscrit du Rājamārttaṇḍa de Bhoja sur écorce de bouleau de l’Himalaya (Betula bhojpatra) (BNF Sanscrit 1225).

Manuscrits non médicaux

La centaine de manuscrits sanskrits de textes non médicaux est majoritairement consignée sur papier et en écriture bengalie. La poésie classique est bien représentée, de même qu’un certain nombre de grands purāṇa, de traités de poétique et de philosophie. Les copies datées sont généralement du XIX^e siècle, comme le manuscrit de la Kramadīpikā de Keśavācārya daté de 1845 (BnF Sanscrit 1365), ou un Gītagovinda de Jayadeva daté de 1803 (BNF Sanscrit 1364). Les ouvrages de grammaire sanskrite, acquis sans doute à des fins de perfectionnement dans l’apprentissage de cette langue, ont aussi une large place dans cet ensemble, comme une copie datée de 1804 du Mugdhabodhavyākaraṇa de Vopadeva (BNF Sanscrit 1377). La copie la plus ancienne est certainement celle du Yajñavalkyadharmaśāstra datée de 1789, en écriture devanāgarī (BnF Sanscrit 1409).

Manuscrits bengalis

L’ensemble de six manuscrits en langue bengalie compte des copies remarquables, comme celle du Gītā- ou Pada-kalpataru, anthologie de plus de 3000 poèmes vaiṣṇava en brajabuli et en moyen-bengali (BNF Indien 966), datée de 1776 selon le colophon, ou encore une copie de la version bengalie du Rāmāyaṇa composée par Kṛttivās au XV^e siècle (BnF Indien 969). La pertinence de ces acquisitions montre la très grande connaissance du monde indien que Palmyr Cordier n’a cessé de cultiver au fil de ses missions.

Article rédigé par Jérôme Petit

Assembling the collection

During his missions in India, between 1898 and 1902, Palmyr Cordier gathered a rich ensemble of manuscripts, woodblock prints, and prints, mainly relating to Sanskrit medical texts, with the aim of providing material for his research field (Filliozat, J., 1934). He went on several expeditions to Northern India, in the Valley of the Ganges from Calcutta to Benares, and to Cashmere, the Punjab, and Rajasthan, to visit libraries and make copies of any relevant texts (Filliozat, P.-S., 2014). The collection he assembled comprised more than three hundred manuscripts, two thirds of which include Sanskrit medical texts, and the other third Sanskrit and Bengali literary texts, along with translations of Sanskrit and Tibetan texts (Filliozat, J., 1934). While the medical texts were mainly copies made by Indian paṇḍits on the request of P. Cordier, which he often corrected and annotated, he also purchased older manuscripts, which give this collection a certain historical authenticity.

The acquisition of the collection by the Bibliothèque Nationale

The Cordier Collection was not immediately sold after his death in September 1914, right at the beginning of the War. It was put up for sale in 1932 and spotted by Jean Filliozat (1906–1982) in the stock of a Parisian antique dealer (Filliozat, P. S., 2014, p. 275). Jean Filliozat purchased printed works for his own studies of Indian medicine, and offered the collection of manuscripts to the Bibliothèque Nationale. The Bibliothèque eventually purchased the collection thanks to the request made by Sylvain Lévi (1863–1935) to its administrator Julien Cain (1887–1974) and against the advice of Henri Omont (1857–1940), who was the director at the time of the Département des Manuscrits and considered the lot too expensive to acquire (Letter from S. Lévi to J. Filliozat, quoted by Roçu A., 1990, p. 25, and Filliozat, P. S., 2014, p. 276). The register of acquisitions from the Département des Manuscrits in the BNF (no. 13651) indicates that the purchase was made by the Rockefeller Fund for the sum of 20,000 francs, for an actual estimated price of 30,000 francs, and that it was directly transferred to Marie Louise Colas (1890–1967), his widow, residing at 3 Rue Marie-Louise in Besançon, on 11 August 1932.

Printed works and correspondence

The sixty printed works, annotated by Palmyr Cordier and subsequently by Jean Filliozat, were bequeathed by the latter to the library of the Société Asiatique, where they are now held (the Société Asiatique’s Fonds Jean Filliozat). The collection of manuscripts is held in the Bibliothèque Nationale de France in the ‘Sanskrit’ Collection (attributed with the nos. BNF ‘Sanskrit’: 1147 to 1443). The Bengali manuscripts are held in the ‘Fonds Indien’ (BNF ‘Indien’: 965 to 970); Tibetan woodblock prints and translations of Sanskrit or Dharani medical texts acquired in India are held in the ‘Fonds Tibétain’ (‘Tibétain’: 524 to 540). This ensemble is complemented by Palmyr Cordier’s letters sent to Gustave Liétard, held in the Wellcome Institute for the History of Medicine in London in the Liétard Collection (see Roçu, A., 1990).

Medical Manuscripts

Palmyr Cordier’s collection of manuscripts mainly comprises copies on paper in Devanāgarī script which he corrected and annotated. There are also original copies on paper, which came, in particular, from Cashmere, and rare copies on palm tree leaves, including an ancient copy of Vāgbhaṭa’s Aṣṭāṅgahṛdayasaṃhitā in Malayalam script (BNF ‘Sanskrit’: 1280). This fundamental text used by āyurveda doctors is largely represented in the collection, and several copies are in fact accompanied by commentaries. There are also several copies of Nāgārjuna’s Yogaśataka, a volume of pharmaceutical compositions, including one copied on a Bikaner manuscript accompanied by Rūpanayana’s Sanskrit commentary (BNF ‘Sanskrit’: 1292). The same title, attributed to a work by the doctor Vararūci, is also present, including a copy of an Alwar manuscript produced ‘by the Paṇḍit Gośi Gangādhāra’, according to a handwritten note by Cordier (BNF ‘Sanskrit’: 1196). Another ensemble includes multiple copies, that of the treatises on the science of mercury (Rasaśāstra), such as the Rasaratnākara by Nāgārjuna and Nityanātha, and Rāmarāja’s Rasaratnadīpa (BNF ‘Sanskrit’: 1212). Also worthy of mention is the presence of a manuscript of Bhoja’s Rājamārttaṇḍa on Himalayan Silver Birch bark (Betula bhojpatra) (BNF ‘Sanskrit’ 1225).

Non-medical manuscripts

The hundred or so Sanskrit manuscripts of non-medical texts are mostly on paper and written in Bengali script. Classical poetry is well represented, as is a certain number of large purāṇa, and poetry and philosophical treatises. The dated copies are generally from the nineteenth  century, such as the manuscript of the Kramadīpikā by Keśavācārya, dating from 1845 (BNF ‘Sanskrit’: 1365), and the Gītagovinda of Jayadeva, dating from 1803 (BNF ‘Sanskrit’: 1364). Works of Sanskrit grammar, which he probably acquired to help him perfect his knowledge of the language, are also largely present in this ensemble, such as a copy dating from 1804 of the Mugdhabodhavyākaraṇa of Vopadeva (BNF ‘Sanskrit’: 1377). The oldest copy is certainly that of the Yajñavalkyadharmaśāstra, dating from 1789, in Devanāgarī script (BNF ‘Sanskrit’: 1409).

Bengali manuscripts

The ensemble of six manuscripts in the Bengali language includes remarkable copies, such as that of the Gītā-Kalpataru or Pada-Kalpataru, an anthology of more than 3,000 vaiṣṇava poems in Brajabuli and in Middle Bengali (BNF ‘Indien’: 966), dating from 1776 according to the colophon, and a copy of the Bengali version of the Rāmāyaṇa composed by the fifteenth-century Bengali poet Kṛttivās (BNF ‘Indien’: 969). The pertinence of these acquisitions attests to the great familiarity with the Indian world constantly cultivated by Palmyr Cordier during his missions.

Article by Jérôme Petit (Translated by Jonathan & David Michaelson)