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Commentaire biographique

Biographie

Palmyr Uldéric Alexis Cordier est né le 18 février 1871 à Amancey dans le Doubs, près de Besançon (AD 25, Amancey, 1871, acte de naissance no 3). Il est le fils de Palmyr Uldéric Cordier (1839- ?), directeur d’assurances, et de Marthe Herminie Maréchal (1847- ?), marchande. Le couple avait eu un enfant l’année précédente, décédé dans son deuxième mois, qui avait reçu les mêmes prénoms de Palmyr Uldéric Alexis, né le 1er janvier 1870 et mort le 23 février suivant (AD 25, Amancey, 1870, acte de naissance no 1, acte de décès no 6).

Formation

Palmyr Cordier fait ses études secondaires à Besançon et commence ses études de médecine à l’École de médecine navale de Toulon, engagé au 4e régiment d’infanterie de marine. En 1890, il intègre l’École principale du service de santé de la marine et des colonies à Bordeaux. Il soutient sa thèse de médecine le 26 janvier 1894 (Étude sur la médecine hindoue : temps védiques et héroïques) et intègre le Corps de santé des colonies (Héraut L.-A., 2007). En parallèle, il approfondit son étude des langues indo-iraniennes, le sanskrit, le pali et le vieux-perse, et se rapproche de Gustave Liétard (1833-1904), médecin et initiateur des études sur la médecine indienne en France, qui devient son maître et ami (Roşu A., 1990).

Médecin des colonies

Nommé médecin aide major de 2e classe des Colonies le 23 février 1894, il embarque à Toulon pour le Sénégal, pour un premier séjour outremer de 18 mois (Héraut L.-A., 2007). Sa deuxième mission le conduit à Madagascar pour un an, où il rencontre des Indiens et peut acquérir des ouvrages publiés en Inde. Il profite ensuite de son retour en France pour nouer des contacts avec le monde des études indiennes à Paris. Avec l’appui de Gustave Liétard, il lui est permis de bénéficier d’une mission en Inde où sa fonction de médecin des colonies peut servir son activité de chercheur (Roşu A., 1990). Au mois de décembre 1897, il est en poste à Chandernagor au Bengale et partage son temps entre les soins prodigués à la population, auprès de laquelle ses qualités sont reconnues, et l’étude du bengali et du sanskrit auprès des lettrés. Il entre à la Société asiatique du Bengale en 1898, avant d’entrer à la Société asiatique de Paris en 1900, parrainé par Gustave Liétard. En Inde, il entreprend un voyage dans la moitié nord du pays afin de collecter des manuscrits médicaux et de faire copier les manuscrits qu’il ne peut pas acquérir (Filliozat P.-S., 2014). À Bénarès, il travaille avec un médecin et un copiste envoyés par le Sanskrit College. Au Rajasthan, il dépouille les riches bibliothèques princières de Bikaner et de Jaipur pour prendre connaissance de plus de 300 textes médicaux. Son voyage le mène ensuite au Penjab et au Cachemire où il peut acquérir des manuscrits originaux (Filliozat P.-S., 2014). Il s’intéresse aussi aux traductions tibétaines de textes sanskrits perdus et atteint rapidement un excellent niveau de connaissance du tibétain.

Indianiste à Paris

De retour en France, il travaille sur les matériaux rapportés de l’Inde et publie des études qui font date dans le Journal asiatique ou les Annales d’hygiène et de médecine coloniale. Sa connaissance du tibétain lui permet de cataloguer une partie du vaste corpus du Tanjur tibétain (Catalogue du fonds tibétain de la Bibliothèque nationale, Paris, 1909) et de bâtir un Cours de tibétain classique (Hanoï, 1907). Il se marie à la mairie du 11e arrondissement de Paris le 24 août 1909 avec Marie Louise Colas, née à Anost en Saône-et-Loire le 20 février 1890, issue d’un milieu modeste, orpheline de père, vivant avec sa mère boulevard Voltaire à Paris (AP, État civil, acte de mariage). Après un second séjour en Inde, Cordier réalise plusieurs missions en Indochine où il est remarqué pour sa loyauté, sa discipline et sa bienveillance (Héraut L.-A., 2007). Il est fait Chevalier de la Légion d’honneur en avril 1912 (AN LH/589/60). Cependant, fragilisée par le paludisme et les voyages répétés, sa santé se détériore. Il souhaite pourtant accomplir son devoir lorsque l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. Il est fait rapidement prisonnier en Moselle et subit des mauvais traitements qui ne lui permettent pas de se rétablir (Finot L., 1914). Libéré en qualité de médecin, il meurt quelques jours plus tard, le 5 septembre 1914 à Besançon.

Constitution de la collection

La collecte

Durant ses missions en Inde, entre 1898 et 1902, Palmyr Cordier réunit un riche ensemble de manuscrits, xylographes et imprimés, essentiellement dévolu aux textes médicaux en sanskrit, visant à nourrir son champ de recherches (Filliozat J., 1934). Il réalise quelques expéditions en Inde du Nord, dans la vallée du Gange de Calcutta à Bénarès, au Cachemire, au Pendjab et au Rajasthan, afin de visiter des bibliothèques et de prendre copies des textes qui lui seraient utiles (Filliozat P.-S., 2014). La collection qu’il a réunie est riche de plus de trois cents manuscrits, les deux tiers contenant des textes médicaux en sanskrit, l’autre tiers contenant des textes littéraires en sanskrit et en bengali, ainsi que des traductions de textes sanskrits en tibétain (Filliozat J., 1934). Si les textes médicaux sont pour l’essentiel des copies réalisées par des paṇḍit indiens à la demande de P. Cordier, souvent corrigées et annotées de sa main, il a pu aussi acquérir des manuscrits plus anciens, offrant à cette collection une certaine authenticité historique.

L’acquisition de la collection par la Bibliothèque nationale

La collection Cordier n’a pas été vendue tout de suite après sa mort en septembre 1914, dans les premiers moments de la Guerre. Elle fut mise en vente en 1932 et identifiée par Jean Filliozat (1906-1982) chez un antiquaire parisien (Filliozat P. S., 2014, p. 275). Jean Filliozat acquit les ouvrages imprimés pour ses propres travaux sur la médecine indienne, et proposa la collection de manuscrits à la Bibliothèque nationale. La Bibliothèque finit par acquérir la collection grâce à l’appui de Sylvain Lévi (1863-1935) auprès de son administrateur Julien Cain (1887-1974) et contre l’avis de Henri Omont (1857-1940) qui dirigeait alors le département des Manuscrits et pour qui le lot était trop onéreux (Lettre de S. Lévi à J. Filliozat, citée par Roçu A., 1990, p. 25, et Filliozat, P. S., 2014, p. 276). Le registre des acquisitions du département des Manuscrits la BnF (no 13651) indique que l’achat a été payé sur fonds Rockefeller pour une somme de 20 000 francs, pour un prix réel estimé à 30 000 francs, et qu’il a été mené directement auprès de Marie Louise Colas (1890-1967), sa veuve, résidant 3 rue Marie-Louise à Besançon, le 11 août 1932.

Imprimés et correspondance

Les soixante ouvrages imprimés, annotés par Palmyr Cordier puis par Jean Filliozat, furent légués par ce dernier à la bibliothèque de la Société asiatique où ils sont aujourd’hui conservés (Société asiatique, fonds Jean Filliozat). La collection de manuscrits est conservée à la Bibliothèque nationale de France dans le fonds « Sanscrit » (sous les numéros BnF Sanscrit 1147 à 1443). Les manuscrits bengalis sont conservés dans le fonds « Indien » (BNF Indien 965 à 970) et les xylographes tibétains, traductions de textes médicaux sanskrits ou dharanī acquis en Inde, sont conservés dans le fonds « Tibétain » (Tibétain 524 à 540). Il faut ajouter à cet ensemble les lettres de Palmyr Cordier adressées à Gustave Liétard, conservé au Wellcome Institute for the History of Medicine à Londres dans le fonds Liétard (voir Roçu A., 1990).

Manuscrits médicaux

La collection de manuscrits de Palmyr Cordier est composée pour l’essentiel de copies sur papier en écriture devanāgarī, corrigées et annotées par lui. On trouve aussi des copies originales sur papier, provenant notamment du Cachemire, et de rares copies sur feuilles de palmier, dont une copie ancienne de l’Aṣṭāṅgahṛdayasaṃhitā de Vāgbhaṭa en écriture malayalam (BnF Sanscrit 1280). Ce texte de base des médecins de l’āyurveda est largement représenté dans la collection, plusieurs copies sont d’ailleurs accompagnées de commentaires. On trouve aussi plusieurs copies du Yogaśataka de Nāgārjuna, recueil de compositions pharmaceutiques, dont une copiée sur un manuscrit de Bikaner accompagnée du commentaire sanskrit de Rūpanayana (BNF Sanscrit 1292). Ce même titre, attribué à une œuvre du médecin Vararūci, est aussi présent, dont une copie d’un manuscrit d’Alwar réalisée « par les soins du Paṇḍit Gośi Gangādhāra », selon une note de la main de Cordier (BNF Sanscrit 1196). Un autre ensemble présente de multiples copies, celui des traités sur le mercure (rasaśāstra), comme les Rasaratnākara de Nāgārjuna et de Nityanātha, ou le Rasaratnadīpa de Rāmarāja (BNF Sanscrit 1212). À titre de curiosité, on peut citer la présence d’un manuscrit du Rājamārttaṇḍa de Bhoja sur écorce de bouleau de l’Himalaya (Betula bhojpatra) (BNF Sanscrit 1225).

Manuscrits non médicaux

La centaine de manuscrits sanskrits de textes non médicaux est majoritairement consignée sur papier et en écriture bengalie. La poésie classique est bien représentée, de même qu’un certain nombre de grands purāṇa, de traités de poétique et de philosophie. Les copies datées sont généralement du XIXe siècle, comme le manuscrit de la Kramadīpikā de Keśavācārya daté de 1845 (BnF Sanscrit 1365), ou un Gītagovinda de Jayadeva daté de 1803 (BNF Sanscrit 1364). Les ouvrages de grammaire sanskrite, acquis sans doute à des fins de perfectionnement dans l’apprentissage de cette langue, ont aussi une large place dans cet ensemble, comme une copie datée de 1804 du Mugdhabodhavyākaraṇa de Vopadeva (BNF Sanscrit 1377). La copie la plus ancienne est certainement celle du Yajñavalkyadharmaśāstra datée de 1789, en écriture devanāgarī (BnF Sanscrit 1409).

Manuscrits bengalis

L’ensemble de six manuscrits en langue bengalie compte des copies remarquables, comme celle du Gītā- ou Pada-kalpataru, anthologie de plus de 3000 poèmes vaiṣṇava en brajabuli et en moyen-bengali (BNF Indien 966), datée de 1776 selon le colophon, ou encore une copie de la version bengalie du Rāmāyaṇa composée par Kṛttivās au XVe siècle (BnF Indien 969). La pertinence de ces acquisitions montre la très grande connaissance du monde indien que Palmyr Cordier n’a cessé de cultiver au fil de ses missions.