Calmann-Lévy, Michel
Michel Calmann est un collectionneur français né en 1880 et mort en 1974. Ses libéralités ont considérablement enrichi les collections publiques françaises. Il s’est également impliqué dans plusieurs expositions ayant permis de montrer en France l’art chinois ancien, encore peu connu du grand public dans la première moitié du XXe siècle. Son rôle auprès des musées nationaux est éminent pour tout ce qui touche à la céramique chinoise antérieure au XVIe siècle. Peu de travaux de recherche se sont intéressés à cette figure incontournable, à ses pratiques, à ses objets, et aux différents réseaux qu’il a constitués en France et à l’étranger.
Petit fils de l’éditeur Kalmus Lévy (1818-1891), Michel Calmann poursuit une carrière au sein de la maison d’édition familiale Calmann-Lévy. Élevé dans une famille juive fortunée, il pratique la chasse et est un sportsman avéré (« Menus Propos : chasseurs, sachons chasser ! », 1912, p. 1 et « L’acquéreur de l’établissement de Manton serait M. Michel Calmann », 1926, p. 1). Longtemps établi à Paris, il voyage souvent et s’installera à New York après la Seconde Guerre mondiale. Ses collections regroupent plusieurs centaines de pièces, principalement de la céramique chinoise antérieure à la dynastie Ming (1369-1644). On y trouve également d’autres objets chinois (bronzes, jade, sculpture, mobilier, etc.), coréens ou encore japonais.
La formation de la collection Calmann
La date exacte à laquelle Michel Calmann commence à collectionner la céramique chinoise ancienne n’est pas connue. Calmann lui-même évoque tantôt le début des années 1910 (Calmann M., 1937, p. 9), tantôt l’entre-deux-guerres (« Merveilles chinoises », 1970, p. 60). Dans un article qu’il publie dans la revue Arts asiatiques en 1937, il souligne le peu d’études auxquelles il a pu avoir accès alors qu’il commençait sa collection (Calmann M., 1937, p. 9). C’est peut-être de l’autre côté de la Manche qu’il faut chercher les éléments qui ont permis à Calmann de former son œil et de constituer une collection d’objets asiatiques principalement tournée vers la céramique de la dynastie Song (960-1279) (Calmann M. dans Auboyer J., 1969, p. 7). Calmann est très tôt en contact avec les collectionneurs britanniques qui s’intéressent, dans les premières décennies du XXe siècle, à la céramique chinoise ancienne (antérieure à la dynastie Ming). De nombreux liens se nouent, à cette période, entre les collections muséales et des collectionneurs parisiens et britanniques (Chopard L., 2022). On sait notamment que Calmann reçoit Robert L. Hobson (1872-1941), conservateur au British Museum à Paris (« Merveilles chinoises », 1970, p. 60). Il voyage également en Chine avec quelques-uns des plus éminents membres de l’Oriental Ceramic Society (fondée à Londres en 1921), parmi lesquels Sir Percival David (1892-1964), en 1935. La même année, il expose certains de ses objets à l’International Exhibition of Chinese Art de Londres organisée par Sir Percival (Chopard L., 2022).
Michel Calmann a vraisemblablement réalisé son premier voyage en Chine en 1911 (« Merveilles chinoises » 1970, p. 60). Il y retourne par la suite et rapporte plusieurs objets, notamment des jades (Paul-David M. dans Auboyer J., 1969, p. 26). Il acquiert néanmoins beaucoup d’objets sur le marché européen, principalement à Paris et à Londres. Ses carnets, aujourd’hui conservés dans les archives du musée Guimet, recensent ses pièces et leurs lieux d’achats. Il s’adresse notamment aux marchands parisiens C. T. Loo (1880-1957), Léon (1875-1931) Wannieck et Marie-Madeleine Wannieck (-1960) ou encore à la maison Worch. Il s'adresse notamment aux marchands parisiens C. T. Loo (1880-1957), Léon (1875-1931) Wannieck et Marie-Madeleine Wannieck (-1960) ou encore à la maison Worch pour constituer sa collection. À Londres, il fait notamment affaire chez Bluett & Sons et chez Tonying & Co.
Michel Calmann et les musées français
Michel Calmann effectue plusieurs libéralités au profit des musées français au cours de sa vie. Il s’implique également dans les deux grandes expositions parisiennes consacrées à l’art chinois dans les années 1930. Prêteur lors de l’exposition « Bronzes chinois des dynasties Tcheou, Ts’in et Han » organisée à l’Orangerie des Tuileries en 1934 (Salmon A., 1934, n. p.), son rôle est déterminant lors de l’exposition suivante, « Arts de la Chine ancienne ». Pour cette exposition qui s’est tenue à l’Orangerie en 1937, il prête à nouveau des pièces, mais se voit surtout confier l’organisation de la section céramique par Georges Salles (1889-1966), son « bon camarade » (Calmann M., dans Auboyer J., 1969, p. 9). Calmann obtient pour cette occasion des prêts des collections britanniques et hollandaises (Salles G. dans Arts de la Chine ancienne, p. 5). Ce rôle et l’importance des prêts qui lui sont accordés sont soulignés par la presse de l’époque (David M., 1937, p. 1, « Dix-huit siècles d’art chinois vont nous être révélés à l’Orangerie » 1937, p. 7, Lion-Goldschmidt D., 1937, p. 1-2, Sarradin E., 1937, p. 2, Finot J.-L., 1937, p. 2, Villeboeuf A., 1937, p. 9.).
À plusieurs reprises, Michel Calmann prête les objets de sa collection pour les expositions temporaires du musée Cernuschi, notamment celle de 1922 consacrée aux animaux dans l’art chinois (« Au musée Cernuschi : une exposition d’art chinois » 1922, p. 2 et « Au musée Cernuschi : la 7e exposition des arts de l’Asie », 1922, p. 1) ou encore celle de 1929 dédiée à « La fleur et l’oiseau dans l’art chinois » (« Pont des Arts », 1929, p. 2). Michel Calmann fait également preuve de générosité envers le musée des Arts décoratifs de Paris, auquel il donne, en 1936, un ensemble d’objets précieux en mémoire de sa mère. On y trouve notamment plusieurs bijoux français et italiens, ainsi que des tabatières du XVIIIe siècle ou encore un vase en cristal de roche. Il sera également membre du conseil des musées nationaux (Paul-David M., 1975, p. 117).
La collection Calmann au musée Guimet
En 1968, Calmann dépose la majeure partie de sa collection au musée Guimet où elle est présentée au public dès le mois de juillet 1969. C’est la première fois que ses collections sont ainsi montrées comme un ensemble. La même année, il fait don au musée d’un vase funéraire chinois néolithique (inv. MA 3183), de deux vases funéraires de la dynastie Tang (inv. MA 3184 et MA 3186) et d’un fauteuil chinois du XVIe siècle (inv. MA 3185) (« Activités du Musée Guimet » 1969, p. 221). Il avait déjà donné plusieurs objets au musée les années précédentes, offrant un vase en bronze de l’époque Shang (inv. MA 2549) en 1962 ou 1963 (« Activités du Musée Guimet » 1962, p. 117) et un pot à thé japonais (cha ire) (inv. MA 2774) en 1966 (« Activités du Musée Guimet », 1966, p. 153).
Michel Calmann explique ainsi les raisons qui l’ont poussé à décider du dépôt de sa collection au musée Guimet, puis de son legs en faveur des musées nationaux : « Lorsque la guerre parut imminente, Georges Salles me proposa de lui confier la plus grande partie de ma collection […]. Par la suite, mon appartement fut occupé par la Gestapo puis, à la Libération, par une administration française. Les Allemands volèrent presque tout ce que j’y avais laissé puis les Français le reste. » (« Merveilles chinoises » 1970, p. 60) Les archives de sa collection, conservées au musée Guimet, gardent la trace de ces spoliations. Madeleine Paul-David (1908-1989) a elle aussi évoqué le transfert des objets « des vitrines de l’avenue Foch », où réside alors Michel Calmann, au château de Valençay où ils trouvent refuge pendant la guerre (Paul-David M., 1975, p. 117). À la Libération, Calmann déplace ses collections dans sa propriété de Sologne, pour lesquelles il fit « construire un pavillon spécial ». Pour lui, ce déplacement de sa collection est un « exil » et la hausse des prix d’achat l’empêche désormais d’acquérir de nouvelles pièces. Il dépose alors sa collection au musée Guimet et envisage dès lors un legs : « Il est normal que ma collection, sauvée grâce aux dirigeants des musées, prenne place pour toujours dans un musée » (« Merveilles chinoises » 1970, p. 60 ; il évoque également ce problème de place dans J. Auboyer, 1969, p. 9). Après sa mort, les pièces déjà présentes au musée Guimet entrent dans les collections nationales, tout comme d’autres œuvres qui se trouvaient encore dans son appartement (Paul-David M., 1975, p. 117). L’ensemble est riche de plus de 500 pièces. Calmann lègue également au musée des ouvrages liés aux domaines couverts par ses collections et une somme d’argent qui permettra l’acquisition de plusieurs œuvres dans les décennies suivantes (« Activités du musée Guimet », 1982, p. 58 et « Activités du musée Guimet » 1981, p. 74).
Article rédigé par Claire Déléry et Lucie Chopard
Michel Calmann was a French collector, born in 1880 and deceased in 1974, whose generosity considerably enriched French public collections. He was also involved in several exhibitions which made it possible to show ancient Chinese art in France, although it was still little known to the general public in the first half of the 20th century. He played a preeminent role with everything related to pre-16th century Chinese ceramics in French national museums. However, little research has focused on this figure, his practices, his objects, and the various networks he formed in France and abroad.
Michel Calmann, grandson of the publisher Kalmus Lévy (1818-1891), pursued a career in the publishing house of the Calmann-Lévy family. Raised in a wealthy Jewish family, he hunted and was a proven sportsman ("Menus Propos : chasseurs, sachons chasser !", 1912, p. 1 and "L’acquéreur de l’établissement de Manton serait M. Michel Calmann", 1926, p. 1)). Long established in Paris, he travelled often and settled in New York after the Second World War. His collections included several hundred pieces, mainly Chinese ceramics prior to the Ming dynasty (1369-1644). There were also other objects from China (bronzes, jade, sculpture, furniture, etc.), Korea, and Japan.
The Formation of the Calmann Collection
The exact date on which Michel Calmann began to collect ancient Chinese ceramics is not known. Calmann himself sometimes evokes the beginning of the 1910s (Calmann M., 1937, p. 9), sometimes the interwar period (“Merveilles chinoises”, 1970, p. 60). In an article he published in the journal Arts asiatiques in 1937, he underscored the few studies to which he was able to have access when he was beginning his collection (Calmann M., 1937, p. 9). It is perhaps on the other side of the English Channel that we must look for the elements, which allowed Calmann to form his eye and to constitute a collection of Asian objects mainly oriented towards ceramics from the Song dynasty (960-1279) (Calmann M. in Auboyer J., 1969, p. 7). Calmann was in contact with British collectors very early who, in the first decades of the 20th century, were interested in ancient Chinese ceramics (before the Ming dynasty). Many links were forged during this period between museum collections and Parisian and British collectors (Chopard L., 2022). We know in particular that Calmann received Robert L. Hobson (1872-1941), curator at the British Museum in Paris (“Merveilles chinoises”, 1970, p. 60). He also traveled to China with some of the most eminent members of the Oriental Ceramic Society (founded in London in 1921), among them Sir Percival David (1892-1964), in 1935. The same year he exhibited some of his objects at the International Exhibition of Chinese Art in London organised by Sir Percival (Chopard L., 2022).
Michel Calmann probably made his first trip to China in 1911 (“Merveilles chinoises” 1970, p. 60). He then returned there and brought back several objects, notably jades (Paul-David M. in Auboyer J., 1969, p. 26). He also acquired many objects on the European market, mainly in Paris and London. His notebooks, now kept in the archives of the Musée Guimet, list his pieces and their places of purchase. He dealt in particular with the Parisian merchants C. T. Loo (1880-1957), Léon Wannieck (1875-1931) and Marie-Madeleine Wannieck (-1960), or even at the Worch house. In London, he conducted business with Bluett & Sons and Tonying & Co.
Michel Calmann and French museums
Michel Calmann made several donations to French museums during his lifetime. He was also involved in the two major Parisian exhibitions devoted to Chinese art in the 1930s. As a lender at the exhibition "Bronzes chinois des dynasties Tcheou, Ts’in et Han" organized at the Orangerie des Tuileries in 1934 (Salmon A., 1934, n. p.), his role in the subsequent exhibition, "Arts de la Chine ancienne", was decisive. For this exhibition, held at the Orangerie in 1937, he once again lent pieces, but was above all entrusted with the organisation of the ceramics section by Georges Salles (1889-1966), his "good comrade" (Calmann M., in Auboyer J., 1969, p. 9). For this occasion, Calmann obtained loans from British and Dutch collections (Salles G. in Arts de la Chine ancienne, p. 5). This role and the importance of the loans granted to the exhibition were highlighted by the press of the time (David M., 1937, p. 1, "Dix-huit siècles d’art chinois vont nous être révélés à l’Orangerie" 1937, p.7, Lion-Goldschmidt D., 1937, p.1-2, Sarradin E., 1937, p.2, Finot J.-L., 1937, p. 2, Villeboeuf A., 1937, p. 9).
On several occasions, Michel Calmann lent objects from his collection for temporary exhibitions of the Musée Cernuschi, notably that of 1922 devoted to animals in Chinese art ("Au musée Cernuschi : une exposition d’art chinois" 1922, p. 2 and "Au musée Cernuschi : la 7e exposition des arts de l’Asie", 1922, p. 1) or that of 1929 dedicated to "The flower and the bird in Chinese art" ("Pont des Arts", 1929, p. 2). Michel Calmann also showed generosity towards the musée des Arts décoratifs in Paris, to which he donated a set of precious objects in memory of his mother in 1936. In particular, there were several French and Italian jewels, as well as 18th century snuffboxes and a rock crystal vase. He was also a member of the council of national museums (Paul-David M., 1975, p. 117).
The Calmann Collection at the Musée Guimet
In 1968, Calmann deposited most of his collection at the Musée Guimet where it was presented to the public from July 1969. This was the first time that his collections were shown as a whole. The same year, he donated to the museum a Neolithic Chinese funerary vase (inv. MA 3183), two Tang dynasty funerary vases (inv. MA 3184 and MA 3186) and a Chinese armchair from the 16th century ( inv. MA 3185) (“Activités du Musée Guimet” 1969, p. 221). He had already given several objects to the museum in previous years, offering a bronze vase from the Shang period (inv. MA 2549) in 1962 or 1963 (“Activités du Musée Guimet” 1962, p. 117) and a tea pot Japanese (cha ire) (inv. MA 2774) in 1966 (“Activités du Musée Guimet”, 1966, p. 153).
Michel Calmann explained the reasons behind his decision to deposit his collection at the Musée Guimet, then his bequest in favour of national museums: "When war seemed imminent, Georges Salles suggested that I entrust him with most of my collection […]. Subsequently, my apartment was occupied by the Gestapo and then, at the Liberation, by French administration. The Germans stole almost everything I had left there and then the French the rest. ("Merveilles chinoises" 1970, p. 60) The archives of his collection, kept at the Musée Guimet, keep track of these spoliations. Madeleine Paul-David (1908-1989) also mentioned the transfer of objects "from the windows of Avenue Foch", where Michel Calmann then resided, to the Château de Valençay where they found refuge during the war (Paul-David M., 1975, p. 117). At the Liberation, Calmann moved his collections to his property in Sologne, for which he had "a special pavilion built". For him, this displacement of his collection was an "exile" and the increase in purchase prices prevented him from acquiring new pieces. He then deposited his collection at the Musée Guimet and therefore considered a bequest: "It is normal that my collection, saved thanks to the museum directors, finds its place forever in a museum" ("Merveilles chinoises" 1970, p. 60; he also mentions this problem of space in J. Auboyer, 1969, p. 9). After his death, the pieces already present in the Musée Guimet entered the national collections, as did other works that were still in his apartment (Paul-David M., 1975, p. 117). The set included more than 500 pieces. Calmann also bequeathed to the museum works related to the fields covered by its collections and a sum of money to facilitate the acquisition of several works in the following decades ("Activités du musée Guimet", 1982, p. 58 and "Activités du musée Guimet” 1981, p. 74).
Article by Claire Déléry and Lucie Chopard (Translated by Jennifer Donnelly)
[Objets collectionnés]
[Objets collectionnés]
[Objets collectionnés] Bois et laques, mobilier laqué
Michel Calmann-Lévy achète des objets dans le magasin de C. T. Loo à Paris. (Source : notice Agorha « Michel Calmann-Lévy » rédigée par Lucie Chopard et Claire Déléry)
Michel Calmann-Lévy achète des objets dans le magasin de Léon et Marie-Madeleine Wannieck. (Source : notice Agorha « Michel Calmann-Lévy » rédigée par Lucie Chopard et Claire Déléry)
Michel Calmann-Lévy achète des objets à la maison Worch. (Source : notice Agorha « Michel Calmann-Lévy » rédigée par Lucie Chopard et Claire Déléry)