La Vierge à l'Enfant du retable de sainte Anne trinitaire
dépôt du Conseil de Fabrique de la collégiale de Lautenbach au Musée Théodore Deck (Guebwiller)
Statue provenant de la caisse du retable de sainte Anne trinitaire.
Observation, Juliette Levy-Hinstin, Sophie Guillot de Suduiraut, Laurence Brosse, Silvia Marcheselli, 2021.
Sculpture taillée dans une demi-bille de bois (tilleul ?) : l’observation ne permet pas de déceler d’éléments assemblés. Les statues de la Vierge et de Sainte Anne ont sans doute été taillées dans la même bille de bois.
- Traces de fixation dans l’étau de l’établi : sur la tête, un élément cylindrique qui était en saillie et a été arasé après l’exécution de la polychromie (diamètre : 3,5 cm environ) ; sous la base, en partie centrale, deux entailles (L. 1,5 cm environ), espacées de 3,5 cm environ, et trois cavités de forme triangulaire (environ 1 cm de côté ; P. 2 cm environ), disposées en triangle et distantes de 3,5 cm environ ; latéralement, deux petites cavités de section carrée avec angles fourchus (environ 0,5 cm de côté).
- Revers plat redressé à la gouge, en laissant une surépaisseur à hauteur du buste de la Vierge ; petite pièce de bois collée à senestre à un endroit transpercé involontairement lors de la taille.
- Chevelure ajourée à dextre : deux mèches de cheveux sculptées en les détachant du volume principal.
- Attaque d'insectes xylophages (actuellement inactive).
- Manques : un fleuron de la couronne côté senestre ; trois fleurons incomplets à l’arrière et du côté dextre ; éclats sur la base et les bords du manteau.
- Extrémité en pointe du pan du manteau débordant au centre de la base : fente probablement provoquée par un choc.
Polychromie d’origine et polychromie postérieure.
1. Polychromie d’origine :
Préparation blanche (plus épaisse sur les parties dorées).
- Manteau et robe : bol, or ; or parti dans les creux des plis du bas de la robe.
- Bordures du bas de la robe, des manches, de l’encolure et de l’ouverture verticale du corsage : bol, argent (glacis jaune au bas de la robe) ; un filet noir souligne ces bordures.
- Cercle de tête : bol, argent (perles) et bol, or (ruban plat enroulé).
- Fleurons de la couronne : bol, or ; trois cabochons sur chaque fleuron : un cabochon bleu (azurite), un vert et un rouge (glacis).
- Cheveux de la Vierge et de l’Enfant : mixtion, or.
- Revers du manteau : sous-couche noire, bleu azurite (?).
- Revers de la robe : vert.
- Chaussures : noir.
- Voile : blanc.
- Base et banc : rose avec rehauts brun rose (probablement pour évoquer du grès rose).
- Coussin sur le banc : motif noir sur fond gris-ocré (?).
- Carnations : rose ; lèvres : rose plus soutenu.
2. Polychromie postérieure de qualité (18e-19e siècle ?) appliquée sur la sculpture, excepté sur les parties dorées et argentées.
- Revers du manteau : épaisse couche bleu foncé, recouvrant également la partie senestre du coussin.
- Cheveux de l’Enfant : couche noire.
- Banc et base : vert avec rehauts rouge sombre et vert foncé (pour imiter un marbre).
- Carnations : préparation, couche rose pâle ; joues : rose plus soutenu ; lèvres : rose ; yeux de la Vierge : iris brun et cerné de brun foncé ; yeux de l’Enfant : iris bleu avec demi-cercle blanc pour indiquer le reflet de la lumière ; paupières supérieures de l’Enfant et de la Vierge soulignées de brun ; sourcils : brun clair.
Dans la caisse du retable est représenté le thème, très populaire en Allemagne à la fin du Moyen Âge, de la sainte Anne dite trinitaire (en allemand Anna Selbdritt) car elle réunit trois personnes : Anne, sa fille la Vierge Marie et son petit-fils Jésus. D’importance égale, la mère et la fille sont assises côte à côte selon une formule iconographique fréquente. Le lien entre les deux personnages s’établit ici par le geste de sainte Anne, bras tendus vers l’Enfant debout sur le point de s’élancer vers elle. Ce type de composition prend souvent place dans la caisse d’un retable d’autel et peut être élargi par l’adjonction de différents membres de la parenté de sainte Anne. Les trois personnages suivent les conventions iconographiques en usage : Anne, l'aïeule, montre un visage marqué par l’âge et, telle une femme mariée, porte un voile dissimulant sa chevelure ; coiffée de la couronne de la reine du ciel, Marie a les cheveux dénoués et visibles sous son voile, allusion à sa jeunesse virginale ; l’Enfant Jésus apparaît nu en rappel de la nature humaine du Dieu incarné. Le drapé entrecroisé du manteau de la Vierge et l’attitude dynamique de l’Enfant évoquent lointainement des motifs voisins sur des gravures du Maître E.S.
Suisse, Bâle (Basel)
Sainte Anne et la Vierge et l’Enfant s’apparentent stylistiquement à des œuvres attribuées à l’atelier de Hoffmann telles que la Vierge des Vignerons de Thann et la Vierge à l’Enfant de Kingersheim (Sophie Guillot de Suduiraut, communication orale, 1993).
Le drapé entrecroisé du manteau de la Vierge et l’attitude dynamique de l’Enfant évoquent lointainement des motifs voisins sur les gravures du Maître E.S., la Vierge à l’Enfant au muguet (L. 79) et la Madone d’Einsielden (L.81).
Provient de l'ancienne collégiale Saint-Michel et Saint-Gangolphe de Lautenbach (Haut-Rhin), devenue l'église paroissiale Saint-Jean Baptiste après la Révolution. Retable placé avant 1950, par Charles Haaby curé de Lautenbach de 1925 à 1967, dans la chapelle haute (la salle des archives) située au-dessus de la sacristie, au nord du chœur de l'église : retable (caisse et sculptures) inséré en remploi dans un autel du 17e-18e siècle (d'après Charles Haaby, le retable proviendrait à l'origine de la chapelle Saint-Jacques ou St. Jacobskapelle am Berge). Classé au titre des Monuments historiques le 4 novembre 1971. Dépôt du Conseil de Fabrique de la collégiale de Lautenbach, 1986.
p. 410 (15e siècle ; Sainte Anne, et la Vierge et l’Enfant dans la salle des archives de la collégiale de Lautenbach).
p. 71 (Haute-Alsace ?, dans la lignée de Nicolas Gerhaert de Leyde ; œuvre rapprochée du Saint Thiébaud aux pèlerins de Thann et mise en relation, en raison du drapé du manteau de la Vierge, avec la Vierge à l’Enfant de Thyrnau et une Vierge à l’Enfant assise du musée de Fribourg-en-Brisgau, inv. S 25/1).
p. 53 (le drapé de la Vierge et l’attitude de l’Enfant évoquent des motifs voisins sur les gravures L. 79 et L.81 du Maître E.S.).