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Historien d’art d’origine autrichienne, Antonin Juritzky effectue plusieurs expertises pour le Kunstschutz sous l’Occupation. Il est connu sous le pseudonyme de Juva en tant qu’artiste et auteur, spécialiste et collectionneur d’art préhistorique.


Alfred Antonin Juritzky-Wardberg est un historien d’art et un expert d’origine autrichienne, né en 1887 à Weissenbach-Neuhaus. Issu d’une famille noble, il passe sa jeunesse à Gablitz, aux alentours de Vienne, dans la villa Mon Repos, dont il était propriétaire depuis 1913 jusqu’à 19581.

Il entreprend des études2 à la faculté des lettres de l’université de Vienne, qu’il termine en 19103. Il travaille pour la maison de ventes aux enchères viennoise Dorotheum4. Dans cette dernière, il crée en 1922 les éditions Krystall-Verlag, où paraît Belvedere5, une revue illustrée pour les collectionneurs d’art, dont Juritzky est également le rédacteur en chef6. En 1930, il publie une petite brochure sur les arts anciens dans la décoration des intérieurs modernes7.

Muni d’un passeport tchécoslovaque, visé par le consul de France à Berne, il émigre en 1938 en France avec sa deuxième épouse, Wilhelmine, née Klima, refusant de vivre sous le régime nazi8. Il s’installe à Paris, 21 rue Washington et se fait remarquer dans les milieux artistiques sous le nom de « Prince Juritzky » et le pseudonyme Juva en tant qu’expert et collectionneur d’art préhistorique.

Pendant l’Occupation, il est très actif sur le marché d’art. Durant l’hiver 1940-1941, il est le fournisseur principal parisien pour les acquisitions de la province du Haut-Danube, notamment pour l’abbaye de Saint-Florian9. Il reçoit dix pour cent de commission sur les acquisitions, en tant qu’intermédiaire de Justus Schmidt pendant ses voyages à Paris10. Il utilise également ces contacts pour vendre en décembre 1941 à H. Himmler onze objets d’ornement de l’époque des grandes invasions11, ainsi que plusieurs objets en 1944 à Heinrich Glasmeier, nouveau directeur de l’abbaye de Saint-Florian12.

Selon le rapport d’exécution de la commission rogatoire du 22 février 1945, Juritzky reconnaît que, après l’exode de 1940, il a été contacté par deux Autrichiens de Vienne. L’un d’eux, le « Dr. Kiesslinger », le prenant pour un Allemand, lui a proposé des expertises. Juritzky fut alors convoqué à l’hôtel Majestic, auprès de Felix Kuetgens, qui l’a chargé d’évaluer les dégâts causés sur les monuments français par les bombardements : « Mon service a duré du début de l’année 1941 jusqu’à la libération. Je dépendais de Kunstschutz dirigé par le docteur Kuetgens et j’étais payé selon les heures de travail et le nombre de certificats d’expertises que je fournissais13. » Dans la déposition datant du printemps 1945, il précise qu’il a travaillé pour le Kunstschutz, en tant qu’étranger, « sans uniforme, sans rang, sans salaire fixe et sans tickets d’alimentation allemands » et considère avoir rempli ses fonctions « proprement dit à titre gracieux »14.

Dans l’enquête de police datant du 11 avril 1946, Juritzky affirme que sa mission n’était pas de chercher des objets d’art, mais uniquement de les expertiser15. Il se justifie en expliquant qu’il ne connaît pas les antiquaires parisiens, ni les particuliers, et qu’en plus il ne parle pas suffisamment bien français. C’était d’ailleurs souvent sa femme qui lui servait d’interprète16.

Le 12 septembre 1944, Juritzky et sa femme ont été arrêtés par le Mouvement de Libération nationale et envoyés au dépôt, puis au camp de Noisy-le-Sec. Ils sont libérés le 22 novembre 1944 par ordre du service de la Sécurité militaire17. D’après l’enquête de la Préfecture de police, ils ont été remis à l’autorité militaire le 10 novembre 1944 et en décembre ils se trouvent encore au camp de Drancy18.

Le médecin de Juritzky, Janos Plesch, plaide en sa faveur dans une lettre au préfet de police, pour qu’il soit libéré : « Diabétique, il n’est pas suffisamment fort pour lutter pour une opinion et a plutôt tendance à obéir aux ordres afin de ne pas être ennuyé et de pouvoir continuer ses recherches19. »

Après sa libération, Juritzky vit à Paris et s’intéresse aux nombreux silex qu’il trouve dans la région parisienne, dont les formes évoquent des animaux ou des personnages. Il les taille et les rehausse de peintures, signant toutes ses créations de son pseudonyme Juva20. Ces œuvres font partie aujourd’hui de la Collection de l’art brut à Lausanne. En 1953, il publie un ouvrage sur l’art préhistorique, intitulé Prehistoric Man as an Artist21. Il décède à Paris en 1961.