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SCHMIDT Justus et FELLNER Anton (FR)

13/12/2021 Répertoire des acteurs du marché de l'art en France sous l'Occupation, 1940-1945, RAMA (FR)

Le directeur du département d’histoire de l’art du musée régional de Haute-Autriche à Linz, Justus Schmidt, et le directeur du département de la culture et du patrimoine auprès du Reichsstatthalter Oberdonau [gouverneur du Haut-Danube], Anton Fellner, ont acquis en France occupée un grand nombre d’œuvres d’art, aussi bien pour le Reichsgau Oberdonau que pour le Reichsführer SS Heinrich Himmler et très probablement aussi pour eux-mêmes.

Acquisitions du Reichsgau Oberdonau

Cette contribution est consacrée aux acquisitions d’œuvres d’art réalisées à Paris, en 1941, par le Reichsgau de l’Oberdonau1 [district du Haut-Danube] ainsi qu’aux acteurs impliqués dans cette entreprise. Lors de deux premiers voyages à Paris, furent achetés, pour le Gau du Haut-Danube, des Gobelins décoratifs, des tapis ainsi que des peintures à l’huile du XVIIIe jusqu’au XXe siècle ; lors d’un troisième voyage, les achats consistèrent essentiellement en des tapisseries et des tapis qui étaient destinés au Reichsführer SS, Heinrich Himmler2. Une commission ad hoc fut créée pour les acquisitions en France, placée sous les ordres du Gauleiter [chef de district] du Haut-Danube, August Eigruber. Elle était composée d’un historien de l’art, Justus Schmidt, de l’attaché culturel du Gau du Haut-Danube, Anton Fellner, et du suppléant du Gauleiter du Haut-Danube, Christian Opdenhoff. Lors de ces trois voyages, l’intermédiaire à Paris placé au service de la commission d’achats du Reichsgau du Haut-Danube était le marchand d’art autrichien résident à Paris depuis 1938, Alfred Antonin Juritzky-Warberg.

À Paris, ce fut essentiellement l’historien de l’art, docteur en la matière, Heinrich Justus Schmidt (1903-1970), le plus souvent simplement appelé Justus Schmidt, qui fut nommé responsable de la sélection des acquisitions en tant qu’expert doté d’excellentes connaissances en français. À partir de 1937, Schmidt fut nommé directeur du département d’histoire de l’art l’Oberösterreichisches Landesmuseum [musée régional de Haute-Autriche]. C’est de l’année 1938, au moment où des œuvres extorquées aux Juifs et Juives de Haute-Autriche par la Gestapo de Linz furent affectées à l’Oberösterreichisches Landesmuseum, que l’on peut dater l’implication de Justus Schmidt dans la spoliation d’œuvres d’art. Pour ce musée, Schmidt dressa une « liste de vœux » établie à partir des fonds des collections viennoises réquisitionnées, après s’être, au préalable, rendu personnellement et de façon réitérée au « dépôt central d’art réquisitionné » dans le nouveau Hofburg [palais impérial], à Vienne et avoir fait sa sélection sur place. Issus du « dépôt central d’art réquisitionné » à Vienne, en tout 344 objets d’art furent ensuite affectés à l’Oberösterreichisches Landesmuseum. À partir de 1943, Schmidt fut « responsable du dépôt » des réserves du « Führermuseum à Linz3 » entreposées dans les cloîtres réquisitionnés de Kremsmünster et de Hohenfurth.

Le deuxième membre de la « Commission d’acquisitions d’œuvres d’art » à Paris était le juriste Anton Fellner (1908-1967), un membre occulte du NSDAP et de la SS depuis septembre 19334. À partir de 1938, Fellner fut le directeur du département du Développement de la communauté et de la culture auprès du Reichsstatthalters [gouverneur] de l’Oberdonau, occupant le rang d’un haut conseiller d’État ou d’un directeur de bureau de presse du Gau. Il était, en outre, chargé des affaires culturelles auprès du Gauleiter et du Reichsstatthalter de l’Oberdonau, August Eigruber (1907-1947), et, en tant que tel, il assumait aussi la responsabilité de l’organisation des voyages à Paris5. Dans les actes des archives nationales américaines portant sur la spoliation des œuvres d’art en France, Anton Fellner est introduit de manière erronée sous l’intitulé « Galerie Fellner, Linz ». Il y est décrit de la manière suivante : « actif en France, envoyé par le truchement de Schenker & Co, en contact avec Friedrich Welz, c’est-à-dire avec la “galerie Welz (Salzbourg) & galerie Fellner (Linz)6 » c’est à dire « Ces deux entreprises, toutes deux autrichiennes, sont souvent traitées ensemble dans le dossier Schenker, parce que les biens issus de ces deux galeries étaient expédiés par le même transporteur7. »

Ce qui est juste ici, c’est que le transport vers l’Autriche des achats pour la province du Haut-Danubeet celui des achats parisiens effectués par Friedrich Welz pour la province de Salzbourg se faisaient ensemble, par le transporteur Schenker. Il n’existait en réalité aucune galerie du nom de Fellner à Linz, il s’agit ici plutôt des acquisitions par Fellner pour la province du Haut-Danube. Le négociant en cadres, le Viennois Hans Stiassny, qui avait acquis des cadres à Paris en 1941 pour un montant de 86 650 francs français, était également en contact avec Schmidt et Fellner pour le transport vers l’Autriche des objets d’art provenant de Paris8. Le troisième membre de ladite commission était Christian Opdenhoff (1902-1975) qui, entre 1940 et 1944, assuma les fonctions de Gauleiter-suppléant de la province du Haut-Danube. Dans la procédure engagée à l’encontre de Fellner par le Volksgericht [Tribunal spécial], des déclarations de témoins ont indiqué qu’Opdenhoff se trouvait en 1940 à La Haye avec Schmidt et Fellner et qu’il était présent en France, lors du premier voyage à Paris, en 1941.

De ce qui fut conservé de la correspondance de Justus Schmidt concernant sa fonction de directeur historien de l’art de l’Oberösterreichisches Landesmuseum, il ressort que Schmidt avait entrepris trois voyages à Paris en 1941. Lors de son premier séjour à Paris de la mi-janvier au début du mois de février, il était accompagné de Fellner et Opdenhoff, avec qui, auparavant déjà, en juin 1940, Schmidt s’était rendu à La Haye, dans les Pays-Bas occupés, où ils avaient passé un mois environ pour y acheter de l’art. Le second voyage en France dura de la fin du mois d’avril jusqu’à la mi-mai 1941. Aucune information ne renseigne de façon assurée sur l’identité de ses compagnons de voyage, mais il est possible que Fellner fût aussi de la partie à Paris. Lors de son troisième séjour à Paris, du 12 juin 1941 au 6 juillet 1941, Schmidt acquit non seulement des objets d’art pour le Reichsgau de l’Oberdonau, mais aussi des tapis, et des Gobelins pour le Reichsführer SS Himmler9. Dans une lettre à l’historien de l’art viennois Karl Ginhart écrite peu après son retour de son troisième voyage à Paris, Schmidt résumait son séjour en ces termes : « C’est déjà la troisième fois que j’y suis allé cette année, pour acheter à très bas prix de belles choses pour le musée. […] J’ai passé en tout plus de deux mois à Paris10. »

Dans la procédure judiciaire initiée après la guerre, des poursuites contre Fellner furent engagées sur la base du soupçon de l’infraction des articles 2 (« incitation à la guerre ») et 3 (« torture et mauvais traitements ») de la « loi sur les criminels de guerre » et des articles 10 et 11 de la « loi d’interdiction ». En lien avec les voyages à Paris pour la province du Haut-Danube et dans le cadre des acquisitions faites en France, Fellner fut aussi accusé de détournement de biens publics. Durant la guerre déjà, des bruits couraient selon lesquels de l’argent aurait été détourné à l’occasion de ces achats d’œuvres d’art. Le 25 juin 1947, Fellner s’exprima devant le tribunal régional de Linz au sujet des voyages en Hollande et en France. Selon sa déclaration, il reçut l’ordre du Gauleiter Eigruber de

« se rendre en Hollande et à Paris, accompagné d’une commission, pour y acheter des Gobelins aux prix les plus avantageux possibles pour le Gau. Il [Eigruber] l’avait appris par l’intermédiaire de Seyss-Inquart (sic), qui se déclarait également prêt à apporter son aide pour établir le change en reichsmarks. Pour la commission, il désigna le Dr Justus Schmidt, directeur du musée des Beaux-Arts de Linz et l’un des meilleurs connaisseurs en matière d’art en Autriche, et Opdenhof, à l’époque Gauleiter-suppléant et lui aussi très intéressé par la question de l’art, et moi au titre d’attaché culturel du Gau11. »

Durant le procès, la secrétaire de Fellner confirma que ce dernier, missionné par le Gauleiter Eigruber, avait acheté des objets d’art à Paris12. Schmidt fut également entendu à deux reprises comme témoin dans le cadre du procès à l’encontre de Fellner. S’il ne fit pas mention du voyage en Hollande, il évoqua toutefois un voyage à Paris fait avec Fellner. La synthèse des différents actes fait clairement apparaître que Fellner et Schmidt voyagèrent ensemble en Hollande, en 1940, et à Paris, en 1941. Mais il est plus intéressant encore de noter que Schmidt, lors de son premier interrogatoire au tribunal de Linz, le 18 avril 1947, indiqua qu’une somme d’un million de reichsmarks avait été mise à sa disposition à Paris pour acheter des Gobelins et des tableaux. Lors de sa seconde déposition, le 15 septembre 1947, Schmidt déclara qu’il s’agissait de 100 000 reichsmarks et « en aucun cas d’un million de reichsmarks13 ». Notons ici que le juge ne prit pas la peine d’entrer dans le détail de cette contradiction patente. L’accusation selon laquelle Fellner aurait détourné de l’argent à l’occasion d’achats d’œuvres d’art en 1941 ne put doc être élucidée au cours de cette procédure judiciaire. Même les enquêtes menées par la police nationale à Linz après 1945 n’aboutirent à rien dans cette affaire. La procédure concernant l’infraction de la « loi sur les criminels de guerre » fut suspendue en 1950, et, en 1951, Fellner bénéficia d’une grâce du président fédéral et fut lavé de ses inculpations d’infractions de la « loi d’interdiction ».

Des recherches de Friedrich Buchmayr, on peut de déduire que, pour ce qui est des deux premiers voyages, l’argent mis à disposition pour les achats destinés au Reichsgau de l’Oberdonau ne s’élevait ni à 100 000 de Reichsmarks ni, non plus, à un million de Reichsmarks, mais à 200 000 Reichsmarks. 100 000 autres Reichsmarks doivent être ajoutés, lesquels devaient servir aux achats de tapis et de décorations murales destinés au Reichsführer SS Himmler14.

Les achats du premier des deux voyages furent transférés dans le dépôt de l’abbaye réquisitionnée de Saint Florian où ils furent inventoriés. À l’automne 1941, Justus Schmidt dressa une liste d’inventaire qui compte 122 objets d’art issus des acquisitions faites à Paris15. Les achats du troisième voyage à Paris, n’arrivèrent à Linz que le 25 octobre 1941 et ne figurent pas sur la liste d’inventaire. Lors des visites de l’abbaye de Saint Florian en 1941, on expliquait à propos des objets d’art venus de Paris qu’il s’agissait « de nouvelles acquisitions du Gau issues du marché libre de l’art à Paris ». D’après un compte rendu paru dans le journal Volksstimme à propos de Gobelins parisiens et d’un buste de Rodin à Saint Florian, Anton Fellner exigea que l’on évite de mentionner leur origine française, « parce que, selon le Gauleiter et le trésorier du Gau, cela pourrait aisément donner l’impression que l’on aurait profité du moment de la défaite française pour piller les trésors de l’art16. » Jusqu’en 1945, le Gauleiter Eigruber put disposer des acquisitions d’objets d’art parisiens à sa guise, il les utilisa pour ses bureaux de fonction et en offrit plusieurs à des personnes privées, dont Anton Fellner et Christian Opdenhoff, ainsi qu’à des institutions publiques. L’Oberösterreichische Landesmuseum reçut la majeure partie des achats parisiens.

Après la fin de la guerre, les acquisitions parisiennes furent ressorties des lieux sûrs où elles avaient été transférées pour être replacées dans l’abbaye de Saint Florian et, de là, être livrées aux autorités militaires françaises. Après 1945, Justus Schmidt fut le directeur intérimaire de l’Oberösterreichischen Landesmuseum. En juillet 1946, le gouvernement du Land de Haute-Autriche exigea qu’il fasse la liste de tous les biens transférés en Autriche. Schmidt ne donna pas suite à cette exigence et expliqua : « Les objets d’art achetés en France par l’ancien Reichsgau de l’Oberdonau furent remis au gouvernement militaire français selon l’ordre du gouvernement militaire américain17. » En réalité, le 14 juin 1946, Justus Schmidt signa une liste répertoriant les œuvres d’art qui allaient être restituées à la France quelques jours plus tard. La majeure partie des acquisitions parisiennes, qui furent saisies par la Commission française des restitutions en Haute-Autriche sous le commandement de Boris Lossky, retourna à Paris le 20 juin 1946 par le premier transport parti de Linz. Dans les documents des National Archives Records, on trouve aussi la première liste d’inventaire établie en 1941 que cette dernière établie en 1946 et qui concernait les objets restitués à la France18. Jusqu’à l’année 1951, on restituait encore à la France de nouveaux objets d’art qui, en juin 1946, étaient encore introuvables pour diverses raisons. Des enquêtes menées par les autorités françaises dans les années 1947-1948 à propos des acquisitions de tapis persans auprès d’Avakian en février 1941 conduisirent à inculper Schmidt, Fellner et Opdenhoff d’avoir acquis de manière illégale des douzaines de tapis persans auprès d’Avakian et d’avoir transféré ces derniers de Paris à Linz. En 1948, un tapis fut restitué à la France, tel fut le résultat de ces enquêtes19.

En 2007, dans le cadre du projet de recherche « Art spolié dans l’Oberdonau », 11 objets20, qui n’ont toujours pas été restitués à ce jour, furent identifiés dans les collections de l’Oberösterreichisches Landesmuseum comme étant des achats parisiens.

Acquisitions pour le Reichsführer SS Heinrich Himmler

Lors de son troisième voyage à Paris, du 12 juin au 6 juillet, Justus Schmidt se concentra sur les acquisitions destinées au Reichsführer SS Heinrich Himmler. On ne dispose d’aucune information sur la manière dont le contact fut établi entre le Gau de l’Oberdonau et Heinrich Himmler. Il se peut que la rencontre entre Himmler, son aide de camp, Karl Wolff, et Eigruber dans le cadre d’une inspection du camp de concentration Mauthausen en avril 1941 ait joué un rôle dans cette prise de contact1. Pour le Reichsführer SS Himmler, Schmidt acquit à Paris 16 Gobelins, 6 tapis ainsi qu’un violoncelle d’une valeur de 100 100 RM. Pour l’Oberösterreichisches Landesmuseum, il acheta, lors de ce même voyage, 12 marionnettes, un vase égyptien sculpté dans la pierre ainsi qu’une statue2. Pour ce voyage, la Gestapo de Cologne mit à la disposition de Schmidt une voiture de service ainsi qu’un chauffeur. Immédiatement à son retour de Paris, le 8 juillet 1941, Schmidt adressa, en outre, une note écrite au Gruppenführer Wolff3 au siège de la Geheime Staatspolizei [Gestapo] à Berlin :

« J’ai étudié avec la plus grande minutie l’ensemble du marché parisien de la tapisserie et n’ai réalisé mes achats avec soin qu’après avoir acquis la connaissance la plus précise possible de la situation du marché aujourd’hui. Toutes les pièces sont largement au-dessus de la moyenne des offres actuelles et sont, en ce qui concerne leur prix, relativement bon marché. Pour presque l’ensemble des pièces, j’ai pu obtenir une baisse considérable du prix exigé. L’achat a eu lieu, comme pour les acquisitions destinées à l’Oberdonau, par l’intermédiaire du prince Antonin Juritzky-Warberg alias Juva (1887-1961) à Paris, qui a touché la commission d’usage de 10 %4. »

Les tapis et les Gobelins furent acheminés par un transport spécial depuis le poste de contrôle de la Gestapo à Paris, le 18 août 1941 jusqu’à Berlin. Le document reproduit ci-après montre les prix en francs français et la provenance des acquisitions sans livrer aucune information sur leur localisation ultérieure.

Acquisitions faites par Justus Schmidt et Anton Fellner à titre privé

Schmidt comme Fellner sont soupçonnés d’avoir acquis à Paris, en 1941, des œuvres non seulement pour le Gau de l’Oberdonau et par suite également pour le Reichsführer SS Himmler, mais aussi pour leur usage privé. Il n’a pas été possible à ce jour d’établir si ces acquisitions privées peuvent être mises en rapport avec les accusations de détournement d’argent.

En 1971, le musée municipal de Linz, le Nordico, reçut en tout 668 œuvres graphiques issues de la succession de Schmidt. La collection de Schmidt figura à partir de ce moment-là dans le musée sous la dénomination « collection S ». Sur la majeure partie des folios figure au verso ou au recto le cachet de collectionneur de Justus Schmidt1. Une correspondance avec le marchand d’art viennois Vita Maria Künsler atteste que des pans entiers de cette collection proviennent possiblement de ses acquisitions parisiennes. À une question sur son éventuel intérêt pour le dessin, peu après son retour de Paris, Schmidt lui répondit le 28 février 1941, peu après son retour de Paris, en ces termes :

« Envoyez-moi d’abord, s’il vous plaît, une liste des offres de dessins que vous avez. Parce que, par ailleurs, de bons dessins pas trop chers de n’importe quelle époque pourraient m’intéresser à titre privé, notamment des impressionnistes français et des expressionnistes venus du Reich allemand. J’ai été récemment à Paris et j’ai malheureusement commencé à faire collection de dessins là-bas2. »

La recherche de provenance entreprise en 2019 à propos de la collection de Justus Schmidt par l’auteur de ce texte ne permit pas d’établir de manière certaine un pillage d’art nazi, pour certains folios cependant le soupçon de pillage nazi ne peut être exclu. Il serait souhaitable de procéder à des recherches de provenance supplémentaires en collaboration avec des chercheuses et chercheurs françaises et français. Pour Fellner aussi, il y a des indices forts d’achats d’art à titre privé à Paris. Le 27 août 1960, Fellner fit passer dans le Frankfurter Allgemeinen Zeitung l’annonce suivante :

« Sont à vendre, pour des raisons circonstancielles, 90 antiques dessins à la main (collection d’art graphique) de première qualité et de maîtres italiens, hollandais, français entre 1600 et 1900, parmi ceux-ci entre autres Paolo Véronèse, Degas, Callot, La Tentation de saint Antoine, etc. issus d’une collection privée. Écrire à Dr Anton Fellner, Linz (Danube), Bürgerstr. 51. »

À la lecture de cette annonce, on réfléchit du côté de la direction nationale autrichienne des Monuments historiques pour savoir s’il n’y aurait pas quelque recherche à entreprendre sur les sorties du territoire autrichien ou encore si l’on pouvait établir dans quelle mesure Anton Fellner était entré en possession de ces œuvres de manière régulière. Pour finir, aucune démarche ne fut entreprise ni de la part des services des monuments historiques, ni de celle de la direction de la sécurité de Haute-Autriche3. Quant à l’endroit où se trouvent les œuvres d’art issues de la collection d’Anton Fellner, il demeure inconnu.

Conclusion

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Reichsgau Oberdonau [district du Haut-Danube] et ses dirigeants, à l’instar du Gauleiter August Eigruber, firent l’acquisition d’œuvres d’art dans le Paris occupé. Les responsables des trois voyages à Paris, tous entrepris au cours l’année 1941, étaient Justus Schmidt, directeur du département d’Histoire de l’art au musée du Gau de l’Oberdonau ; Anton Fellner, attaché culturel du Gau de l’Oberdonau ainsi que Christian Opdenhoff, Gauleiter suppléant. De forts indices laissent présumer que ces trois personnes nommées ici ont acquis des œuvres d’art à Paris aussi pour eux personnellement, tirant profit de conditions extraordinairement avantageuses pour eux. Lors du troisième voyage au mois de juin 1941, les objets d’art qu’acquit Justus Schmidt étaient essentiellement destinés au Reichsführer SS Heinrich Himmler, ce voyage fut financé par le bureau général de la police secrète d’État (Gestapo) à Berlin. En vertu de la « Déclaration de Londres » en 1946, la majeure partie des « acquisitions parisiennes » fut restituée au gouvernement français. En 2002, le land de la Haute-Autriche adopta une loi sur la restitution qui vise les biens artistiques « aryanisés ». Dans le cadre du projet de recherche « Art spolié dans le Haut-Danube » qui s’en est suivi, fut étudié pour la première fois scientifiquement quels acteurs ont agi et aussi quelles les œuvres furent achetées à Paris en l’an 1941 ; cette recherche permit de découvrir dans l’Oberösterreichisches Landesmuseum 11 objets d’art provenant de ces acquisitions et qui attendent depuis d’être restitués. Le musée municipal Nordico initia en 2019 une recherche de provenance concernant la collection d’art graphique de Justus Schmidt.