Morice, Albert
15 rue des Trois-Maries
adresse parentale
adresse d’étudiant
5 rue Montparnasse
adresse d'étudiant
Médecin de marine
Enfance et formation
Albert Morice est un médecin, voyageur, zoologiste et ethnographe français. Son père, Jean Ansbert Morice (1810-1892) est capitaine et sa mère, Marie Louise Noëmie Mélina Mouline (1824-1880), a brièvement été directrice des postes en 1843 avant de démissionner pour cause de lassitude (Arch. privées Michel Morice). Albert naît à Saint-Étienne, quelques mois après la Révolution française de 1848 ; il est l’ainé de cinq enfants. Célibataire, il passera une partie de sa vie en Cochinchine. Son frère, Constant Joseph Michel (1849-1918), le rejoint vers 1879. Un autre de ses frères, Charles Morice (1861-1919), sera un écrivain et un poète reconnu.
Albert Morice a passé une partie de son enfance à Saint-Étienne, Verdun, Angoulême et Lyon. Il fait ses études au collège de Verdun (Morice A., 1877, p. 311) puis au lycée impérial de Saint-Étienne et de celui de Lyon où il choisit les Lettres : passionné par la linguistique et la poésie, il compose des dictionnaires, rédige des poèmes et des nouvelles fort appréciées (Jullien L., 1877). C’est un élève très brillant qui n’a que l’embarras du choix pour poursuivre ses études. C’est vers les sciences naturelles que son cœur le porte : depuis son plus jeune âge, il s’intéresse aux insectes (Société de géographie, 1879) et à la botanique (Magnin A., 1911). Bachelier ès lettres (1866) puis ès sciences (1867), il entreprend des études médicales à l’École préparatoire de Lyon en novembre 1866, devient interne des hôpitaux de cette ville (1869), et achève ses études à Strasbourg en juillet 1870. Il est reçu à son examen le jour même de la déclaration de guerre de l’Empire français au royaume prussien (AN AJ/16/6839). Ses études sont alors interrompues : il s’engage un temps dans une unité d’ambulances avant de rejoindre l’armée de l’Est et se retrouvera en Suisse (Société de géographie, 1879).
En 1871, il s’engage dans la Marine et part en Cochinchine en 1872, en tant que médecin (Morice M., 2018). Basé à Saigon, il rayonne dans tout le pays pour effectuer ses missions médicales, ce qui lui donne tout le loisir d’étudier la faune, mais aussi les peuples et leur langue. Au gré des expéditions le long du Donaï ou du Mékong et jusqu’à l’île de Phú Quốc où il a été médecin vaccinateur, il rassemble des collections qui sont partagées entre les muséums de Lyon et de Paris, réservant la plus grosse part au premier, du fait de son vif attachement à sa ville. C’est un collectionneur « acharné » qui fait passer les sciences naturelles avant son devoir professionnel, ce qui lui vaut quelques remarques de sa hiérarchie : « les médecins de la marine ne viennent pas en Cochinchine pour faire des collections » (Morice M., 2018).
À son retour, en décembre 1874 (congé de six mois qui sera prolongé), il s’inscrit en doctorat en janvier 1875 et soutient sa thèse (25 juin), consacrée à la dengue (Morice M., 1875d ; AN/AJ/16 6839), qu’il a pu suivre dès son apparition en octobre 1873, fait une série de conférences et publie des articles dans différents domaines. La Faculté de médecine de Paris lui remet une médaille de bronze pour son travail sur la dengue (Faculté de médecine de Paris, 1875 ; Le Progrès médical, 1876). Il s’inscrit au Laboratoire d’anthropologie de l’École des hautes études, en suit les cours et les exercices pratiques ; il entame même une étude anthropométrique (Pozzi S., 1878). Mais il est nommé médecin de seconde classe par concours et doit repartir ; très bien classé, il a le choix de la destination et c’est de nouveau la Cochinchine qui a sa préférence ; c’est à cette occasion qu’il se retrouve à Qhi-Nhon [Quy Nhơn] et découvre l’archéologie « Khmer », en réalité relative à l’ancien royaume de Champa. Il rapporte une quarantaine de sculptures en grès provenant des ruines de Hu’ng Thanh [Hưng Thành]. Le naufrage du Meï-kong (voir plus loin), qui lui fait perdre la plus grande partie de ses précieuses collections, lui porte un coup très dur, alors que son état de santé décline ; il est rapatrié en 1877 à Marseille puis à l’hôpital maritime de Saint-Mandrier, à Toulon, où il meurt, âgé d’à peine 29 ans, loin de sa famille et avant même d’avoir pu regagner Lyon (Guerraz, P., 1877 ; Jacquet H., 1878). Il avait la tuberculose et avait contracté diverses maladies durant ses séjours prolongés dans l’Indochine dont une dysenterie et une infection pulmonaire. Ironie du sort, il avait écrit un opuscule prodiguant des conseils pour survivre au climat de la Cochinchine (Morice A., 1875e).
Membre de la Société des Amis des sciences naturelles de Lyon et étant l’un des plus zélés donateurs du muséum de Lyon, Louis Lortet (1836-1909), son directeur, lui rend un vibrant hommage avec ces mots : « il est mort victime de son dévouement et de son amour pour la patrie et pour la science » (Lortet L., 1878, p. 12-13). Son nom est gravé sur la table des donateurs du muséum de Lyon. Il est enterré au cimetière d’Écully, près de Lyon.
Malgré sa vie très courte, il a rassemblé de vastes collections (plusieurs dizaines de milliers d’objets ou spécimens) et a publié douze articles en l’espace de quelques mois seulement, dont plusieurs sont d’un grand intérêt. Il a l’écriture facile et rédige pour le Tour du Monde un récit de son voyage en Cochinchine bien documenté, agréable à lire et richement illustré (Morice A., 1875g). Parmi ses projets non réalisés, on relève la création, à la Société de géographie, d’un musée zoologique classé selon la géographie des espèces et non selon leurs affinités taxinomiques (Morice A., 1877, p. 74) ; il a également laissé un manuscrit inédit sur les reptiles, avec notes et croquis (Arch. MDC, 1/MHN/158).
La faune de la Cochinchine
Une dizaine d’années après la colonisation, en 1862, de cette région située dans l’actuel Vietnam, la « Basse-Cochinchine », l’Annam et le Tonkin ont suscité un attrait nouveau pour les naturalistes français qui y découvrent une faune exceptionnelle et une flore luxuriante. Morice a contribué à jeter les bases d’une description étendue de la faune cochinchinoise. Il est aussi un pionnier de l’ethnozoologie en colligeant les noms annamites, cham et stieng pour les animaux connus (Morice A., 1875c).
Il publie un catalogue des animaux de la Cochinchine (Morice A., 1875f), intitulé Coup d’œil sur la faune de la Cochinchine française, par analogie à Coup d’œil sur la flore de la Basse-Cochinchine (Jouan H., 1866) et Coup d’œil sur l’archéologie du Cambodge (Hamy T.-E., 1871). Ce travail fait état de 81 mammifères, 89 oiseaux, 114 reptiles, 13 batraciens, 89 poissons, 321 insectes, 29 arachnides, 11 myriapodes, 63 crustacés, 234 mollusques, 24 vers et 83 invertébrés divers (échinodermes, coraux, etc.), obtenus en grande partie grâce à ses matériaux collectés sur place. Pour plusieurs groupes, notamment les reptiles, qu’il affectionnait particulièrement, il est le premier à en avoir établi un catalogue pour l’Indochine (Saint-Girons H., 1972) ; il a décrit plusieurs espèces nouvelles et a fait découvrir la biologie d’un serpent peu connu, Herpeton tentaculatum, qu’il a pensé herbivore, travail présenté à l’Académie des Sciences (Morice M., 1875a). En reconnaissance de ses travaux herpétologiques, le serpent Oligodon moricei porte son nom.
Morice présente de nombreux traits communs avec Gilbert Tirant (1848-1899) : né la même année que Morice, il étudie la médecine à Lyon et obtient sa thèse à la faculté de médecine de Paris. Il part en Cochinchine en 1874 et se passionne pour la zoologie (serpents, oiseaux…) dont il envoie lui aussi les matériaux au muséum de Lyon. Ils sont souvent cités conjointement dans les travaux relatifs à leurs collections.
L’ethnographie, l’anthropologie et l’ethnolinguistique
Durant ses études, il s’était épris des langues, la Cochinchine lui offre un terrain idéal pour s’adonner à ce plaisir : il établit un dictionnaire pour les dialectes cham et stieng avec des principes généraux et des listes de vocabulaire. Les études « linguistiques » de Morice sont surtout d’ordre lexicologique, la grammaire et la phonologie ne sont pas étudiées. Il effectue des comparaisons lexicologiques avec d’autres langues (malais, cambodgien, annamite) et s’interroge sur l’origine de certains mots ; il observe ainsi qu’un tiers du vocabulaire cham est d’origine malaise ; ce qui n’est pas démenti aujourd’hui, les langues chams étant liées aux langues malaïques. Toutefois, il n’a guère le temps de pousser plus loin ses investigations. Pour faire son lexique, Morice a recueilli les mots directement auprès des populations : « Ceux que j’ai interrogés à tour de rôle étaient rapidement fatigués de mes questions » (Morice A., 1875c, p. 13).
L’anthropologie est un autre domaine dans lequel Morice s’est avancé. Membre de la Société anthropologique de Paris et ayant suivi les cours de l’École dirigée par Broca (qui était également l’un de ses examinateurs pour sa thèse), ne néglige pas cette discipline en plein essor dans ses études indochinoises. Se fondant sur une conception raciste et ethnique, il décrit les différents « types » rencontrés : chinois, annamite, cambodgien, cham et stieng, avec une description physique, leurs vêtements, leurs habitudes, leur religion, leur langue, etc. (Morice A., 1875b). Son Voyage en Cochinchine est un récit pittoresque au cours duquel il décrit ses rencontres avec force détails et les comportements des hommes, des femmes et des enfants qu’il a pu observer, l’ensemble étant illustré de dessins inédits réalisés d’après des photographies (Morice A., 1875f).
Il découvre l’archéologie dans cette région, autour de la ville de Qui Nhon, où les traces architecturales de l’ancien champa restent abondantes. Découvrant un ensemble de statues complètes ou brisées, ayant décoré les temples cham et qui, tombées de leurs structures en briques, s’enfonçaient progressivement dans le sol, il décide de les collecter, dans le même esprit que ses collectes de sciences naturelles, et de les envoyer à Lyon. Habituellement, ces pierres étaient laissées intactes par les locaux, qui craignaient les esprits vengeurs des dieux cham (Hubert J.-F., 2012, p. 13).
Commentaire rédigé par Deirdre Emmons et Cédric Audibert.
Childhood and Education
Albert Morice was a French doctor, traveller, zoologist, and ethnographer. His father, Jean Ansbert Morice (1810-1892) was a captain and his mother, Marie Louise Noëmie Mélina Mouline (1824-1880), was briefly postmaster in 1843 before resigning due to lassitude (Arch. Privé Michel Morice). Albert was born in Saint-Étienne, a few months after the Revolution of 1848, the eldest of five children. A bachelor throughout his life, he would spend part of his life in Cochinchina. His brother, Constant Joseph Michel (1849-1918), joined him around 1879. Another brother, Charles Morice (1861-1919), became a recognised writer and poet.
Albert Morice spent his childhood in Saint-Étienne, Verdun, Angoulême, and Lyon. He studied at the collège of Verdun (Morice A., 1877, p. 311) then at the imperial high schools of Saint-Étienne and Lyon, where he chose letters. Passionate about linguistics and poetry, he composed dictionaries, wrote poems, and highly appreciated short stories (Jullien L., 1877). He was a very bright student who was spoiled for choice in continuing his studies. It was towards the natural sciences that his heart tended: from an early age, he was interested in insects (Société de géographie, 1879) and botany (Magnin A., 1911). After earning a bachelor degree in arts (1866) then in sciences (1867), he began medical studies at the preparatory school of Lyon in November 1866, became an intern in the city’s hospitals (1869), then completed his studies in Strasbourg in July 1870. He passed his exam the same day the French Empire declared war on the Prussian kingdom (AN AJ/16/6839). His studies were consequently interrupted: he joined an ambulance unit for a time before joining the Army of the East and ended up in Switzerland (Société de géographie, 1879).
In 1871, he enlisted in the Navy and left for Cochinchina in 1872, as a doctor (Morice M., 2018). Based in Saigon, he moved throughout the country carrying out his medical missions, which gave him plenty of time to study the fauna, as well as the peoples and their language. During expeditions along the Donaï or the Mekong and as far as the island of Phú Quốc where he was a vaccinating doctor, he gathered collections which were shared between the museums of Lyon and Paris, reserving the largest part for first, because of his strong attachment to his city. He was a "relentless" collector who put the natural sciences before his professional duty, which earned him some remarks from his superiors: "Naval doctors do not come to Cochinchina to make collections" (Morice M., 2018).
On his return in December 1874 (a six-month leave which would be extended), he registered for a doctorate in January 1875 and defended his thesis (June 25), devoted to dengue fever (Morice M., 1875d; AN/AJ/ 16 6839). As soon as it appeared in October 1873 he followed up with a series of lectures and published articles in various fields. The Faculty of Medicine of Paris awarded him a bronze medal for his work on dengue (Faculté de médecine de Paris, 1875 ; Le Progrès médical, 1876). He enrolled in the Anthropology Laboratory of the École des Hautes Etudes, followed its courses and practical exercises; he even began an anthropometric study (Pozzi S., 1878). But he was made a second-class doctor by competition and had to leave; very highly ranked, had his choice of destination and his preference was again Cochinchina. It was on this occasion that he found himself in Qhi-Nhon [Quy Nhơn] and discovered “Khmer” archeology, in reality relating to the ancient kingdom of Champa. He reported on about forty sandstone sculptures from the ruins of Hu'ng Thanh [Hưng Thành]. The sinking of the Mei-kong (see below), which caused him to lose most of his precious collections, dealt him a very hard blow, while his state of health declined; he was repatriated in 1877 to Marseilles then to the maritime hospital of Saint-Mandrier, in Toulon, where he died, barely 29 years old, far from his family and even before having been able to return to Lyon (Guerraz, P., 1877; Jacquet H., 1878). He had tuberculosis and had contracted various illnesses during his prolonged stays in Indochina, including dysentery and a lung infection. Ironically, he had written a pamphlet providing advice on how to survive the climate of Cochinchina (Morice A., 1875e).
A member of the Société des Amis des sciences naturelles of Lyon and one of the most zealous donors of the Lyon Museum, he was paid a vibrant tribute by the museum’s director, Louis Lortet (1836-1909): "he died a victim of his devotion and love for his country and for science" (Lortet L., 1878, p. 12-13). His name is engraved on the donor plaque of the muséum de Lyon. He is buried in the Écully cemetery, near Lyon.
Despite the brevity of his life, he managed to build extensive collections (several tens of thousands of objects or specimens) and publish twelve articles in the space of only a few months, several of which are of great interest. Writing came to him easily and he wrote for the Tour du Monde a well-documented account of his trip to Cochinchina, pleasant to read and richly illustrated (Morice A., 1875g). Among his unrealised projects, we note the creation at the Geographical Society of a zoological museum classified according to species’ geography rather than their taxonomy (Morice A., 1877, p. 74). He also left behind an unpublished manuscript on reptiles, containing notes and sketches (Arch. MDC, 1/MHN/158).
The Fauna of Cochinchina
About ten years after the colonisation, in 1862, of the region located in what is now Vietnam, "Basse-Cochinchine", Annam and Tonkin aroused a new attraction for French naturalists who discovered there an exceptional fauna and lush flora. Morice helped lay the foundations for an extensive description of the animal life of Cochinchina. He was also a pioneer of ethnozoology by collating the Annamese, Cham, and Stieng names for known animals (Morice A., 1875c).
He published a catalog of the animals of Cochinchina (Morice A., 1875f), entitled Coup d’œil sur la faune de la Cochinchine française, by analogy with Coup d’œil sur la flore de la Basse-Cochinchine (Jouan H., 1866), and Coup d’œil sur l’archéologie du Cambodge (Hamy T.-E., 1871). This work reports 81 mammals, 89 birds, 114 reptiles, 13 batrachians, 89 fish, 321 insects, 29 arachnids, 11 myriapods, 63 crustaceans, 234 molluscs, 24 worm, and 83 various invertebrates (echinoderms, corals, etc.), obtained largely thanks to materials collected on site. For several groups, in particular reptiles, of which he was particularly fond, he was the first to have established a catalogue for Indochina (Saint-Girons H., 1972); he described several new species and discovered the biology of a little-known snake, Herpeton tentaculatum, which he thought to be herbivorous, work presented to the Academy of Sciences (Morice M., 1875a). In recognition of his herpetological work, the snake Oligodon moricei bears his name.
Morice shared many traits with Gilbert Tirant (1848-1899): born the same year as Morice, he also studied medicine in Lyon and completed his thesis at the Faculty of Medicine of Paris. He left for Cochinchina in 1874 and became passionate about zoology (snakes, birds, etc.), the materials for which he also sent to the Lyon Museum. They are often quoted jointly in works relating to their collections.
Ethnography, Anthropology and Ethnolinguistics
During his studies, he fell in love with languages. Cochinchina offered him an ideal place to indulge in this pleasure: he compiled a dictionary for the Cham and Stieng dialects with general principles and vocabulary lists. Morice's "linguistic" studies are mainly lexicological; grammar and phonology are not studied. He makes lexicological comparisons with other languages (Malay, Cambodian, Annamese) and wonders about the origin of certain words; he thus observed that a third of the Cham vocabulary is of Malay origin, an observation which has not been contradicted, the link between Cham and Malay languages since having been demonstrated. However, he had little time to push his investigations further. To make his lexicon, Morice collected the words directly from the populations: “Those whom I questioned in turn grew quickly tired of my questions” (Morice A., 1875c, p. 13).
Anthropology was another field in which Morice made advances. As a member of the Société anthropologique de Paris, and having followed the courses at the École des hautes études directed by Broca (who was also an examiner for his thesis), he did not neglect this booming discipline in his Indochinese studies. Based on a racist and ethnic conception, it described the different "types" encountered: Chinese, Annamese, Cambodian, Cham and Stieng, with a physical description, their clothes, their habits, their religion, their language, etc. (Morice A., 1875b). His Voyage en Cochinchin is a picturesque story in which he describes in great detail his encounters and the behaviour of the men, women, and children he observed, all illustrated with new drawings made from photographs. (Morice A., 1875f).
He discovered archeology in the region around the city of Qui Nhon, where architectural traces of the old champa remained abundant. Upon discovering a set of complete or broken statues,that had decorated the Cham temples and, having fallen from their brick structures, were gradually sinking into the ground, he decided to collect them, in the same spirit as his collections of natural science, and to send them to Lyon. Usually these stones were left untouched by the locals, who feared the vengeful spirits of the Cham gods (Hubert J.-F., 2012, p. 13).
Article by Deirdre Emmons and Cédric Audibert (translated by Jennifer Donnelly).
Albert Morice est envoyé comme médecin auxiliaire en Cochinchine pour diverses missions liées à des épidémies (variole, choléra, dengue) ; il embarque sur le Creuse, arrive à Saigon le 7 juillet 1872 ; effectue plusieurs missions à Gò Công, Chợ Lớn, Hà Tiên puis comme vaccinateur à l’île de Phú Quốc. En février 1874, il est affecté à Tây Ninh. Il réembarque le 20 septembre sur le Sarthe.
Morice est envoyé comme médecin de 2nde classe, il est affecté à l’hôpital de Saigon comme prévôt de salle ; puis il est envoyé à Quy Nhơn, puis rattaché au nouveau consulat de Thị Nại. Très malade, il est rapatrié sanitaire.
[Objets collectionnés] 10 caisses de statues et ornements des monuments de Qui-nhong
[Objets collectionnés] Naturalisations, collections en alcool, ossements et mises en peaux (vertébrés, invertébrés) ; armes, objets ethnographiques (pipes à eau, chapeaux, tambour, parasols, casques), rouleaux et cahiers de dessins
Les collections d’histoire naturelle ont été envoyées au muséum d’histoire naturelle de Lyon et au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Elles couvrent l’ensemble de la systématique des invertébrés « inférieurs » aux mammifères. Les vertébrés ont été envoyés « en peau », les animaux les plus intéressants ont été taxidermisés après leur arrivée en métropole, notamment à Lyon. De nombreuses collections ont été envoyées en fluide pour les études scientifiques. Deux espèces nouvelles de serpents, Simotes ocellatus et Hypsirhina innominata, ont été décrites par Morice (1875f) et des syntypes (spécimens de référence) sont présents dans les collections de Lyon et de Paris. Le matériel qu’il a rassemblé continue d’être étudié aujourd’hui et des espèces nouvelles y sont encore parfois décrites.
Notre naturaliste a acquis un intérêt secondaire pour l’ethnologie, l’histoire et l’archéologie en Cochinchine. Ainsi, le muséum de Lyon enregistre cinq envois de collections archéologiques et ethnographiques entre le 14 juillet 1876 et le 6 octobre 1877, parmi lesquelles une série de haches et pioches en bronze d’origine stieng ou bahnar (groupes ethniques du Vietnam), des pipes à eau, des flèches, des chapeaux et casques d’acteurs, un bouclier, une poterie ornementale, un tambour, des parasols, des armes, etc. (Arch. MDC, 1/MHN/53). Leur localisation en collection n’est pas évidente et environ trois-quatre des objets ont pu être retrouvés. Une brouette de belle dimension, avec une roue centrale, aujourd’hui en réserve, aurait également été envoyée par Morice. Il faut également noter une série de crânes et d’objets ethnographiques destinés à l’Exposition des sciences anthropologiques de 1878, non identifiée aujourd’hui.
Mais la série la plus remarquable est un ensemble de sculptures d’art cham dont l’histoire est pleine de rebondissements.
Dans les environs des sanctuaires chams en ruine, avec leurs tours de briques massives et décorées appelées askalans, il a rassemblé une quarantaine de statues. Son ami, le Dr Jullien, en donne le détail : « A quelques lieues de Qhi-nhon, il reconnut huit monuments fort anciens, uniques dans leur genre, couverts de sculptures allégoriques d’un grand intérêt ; cinq étaient debout, les trois autres renversées ; il résolut d’envoyer en France ces ruines si intéressantes. » (Jullien L., 1877, p. 6). Il s’agissait en fait principalement de pierres sculptées destinées à l’ornementation architecturale des ruines de Hưng Thành, dont le site se trouve aujourd’hui dans le quartier de Đống Đa de la ville de Quy Nhơn (Riblet I., 1877, p. 8). Il fit emballer et expédier en France une partie des pièces dans 32 caisses en bois fabriquées sur mesure. Les circonstances — en particulier les possibilités d’expédition gratuite — ont fait que la collection a été divisée en trois parties. Malheureusement pour Morice, sa tentative de réduire les frais d’expédition s’est retournée contre lui de la pire des façons. Le premier envoi, composé de 22 caisses contenant au moins 21 statues ou fragments destinés au muséum d’histoire naturelle de Lyon, des échantillons de bois et de teintures végétales locales, ainsi qu’un article qu’il avait rédigé sur l’ethnologie locale, est perdu sur le paquebot Meï-kong, de la Compagnie des Messageries Maritimes (Sténuit R., 2005, p. 35). Il a fait naufrage à minuit le 17 juin 1877 au large de la Somalie, entre le cap Schénarif et le cap Guardafui, à la pointe extrême de la corne d’Afrique (Beurdeley J.-M., 1997, p. 4). La cargaison sera pillée par les populations locales, excepté l’alcool et les statues de pierre certainement trop lourdes à déplacer (Morice M., 2018).
Un second envoi de dix statues, emballées dans dix caisses (pesant 2,14 tonnes), quitte Thị Nại pour Saigon le 5 mai 1877 sur le navire de la Marine française Indus. Après transbordement, cette collection quitte Saigon le 14 juin à bord du vapeur Awa des Messageries Maritimes et arrive sans encombre à Marseille. De là, les dix caisses furent acheminées à Lyon, où elles furent entreposées au muséum situé alors au Palais des Arts, dans le même bâtiment que le musée des Beaux-Arts. Une troisième série de sculptures auraient été laissées au jardin du consulat français de Thị Nại et a probablement rejoint le parc des Kiams de Tourane à Da-Nang où un important musée d’art cham a été inauguré en 1916 (Sténuit R., 2005, p. 35).
À l’époque, cette forme d’art est inconnue en Occident et le directeur du muséum, Louis Lortet, sollicite, auprès de la ville, l’aménagement d’une salle pour pouvoir présenter ces échantillons qu’il attribue alors à l’art khmer (AM Lyon, 465/WP/10).
Ce n’est que le 31 décembre 1933, que les dix sculptures sont enregistrées en détail dans le journal d’entrée du musée Guimet de Lyon (Arch. MDC, 1/MGL/8) lors de leur transfert du musée des Beaux-Arts, où elles avaient été oubliées. Cette collection va ainsi doublement rentrer à l’inventaire du muséum et du musée Guimet de Lyon créant ainsi, et pour longtemps, une confusion sur l’origine de la collection.
En octobre 1995, l’histoire mouvementée de cette collection connaît un rebondissement lorsqu’une équipe de cinq plongeurs, dirigée par l’historien et archéologue belge Robert Sténuit, fondateur du GRASP (Groupe de recherche archéologique sous-marine postmédiévale), sonde les eaux de la mer de Somalie à la recherche de la cargaison perdue du Meikong. Sous l’égide de l’Autorité du Nord-Est de la République de Somalie, et financé par l’International Marine Salvage Ltd de Pennsylvanie, ils prospectent deux mois dans une mer agitée et finissent par remonter dix-huit sculptures très érodées (Stenuit R., 2005, p. 36). Sorties des eaux, ces pièces seront nettoyées des concrétions calcaires et des taches superficielles dans un laboratoire de conservation britannique. Sténuit contacte, à plusieurs reprises, le muséum de Lyon pour vendre sa collection mais sans accord du département (Arch. MDC, AMus-2748 ; fonds Mourer), il finit par la mettre en vente chez Christie’s à Amsterdam le 8 novembre 2000. Deux éléments d’architecture, datant du 12e siècle furent achetés par Richard Beleson et donnés à l’Asian Art Museum de San Francisco. Le reste de la collection est aujourd’hui dispersée et seule l’étude de Stenuit en 2005 permet de pouvoir comparer l’ensemble des sculptures (Stenuit R. 2005, p. 37-41).
La collection du musée des Confluences compte parmi les rares collections muséales d’art cham en dehors du Vietnam. L’art du Champa, ou l’art cham, désigne un art ancien né en Asie du Sud-Est dans une région allant du centre au sud du Vietnam. Il tire son nom de la population Cham, d’origine austronésienne, qui s’implante sur ce territoire dans le courant du premier millénaire avant notre ère et par extension du terme Champa qui désigne un royaume indianisé, aujourd’hui disparu. Cet ensemble daterait de la fin du 12e à la première moitié du 13e siècle, période où une occupation khmère est attestée (Guillon E., 1997, p. 7). Ces œuvres — deux têtes de lion d’angle, deux tympans au buste d’orant, un orant à tenon, un fragment de nâga polycéphale, un élément de décor floral, une tête de dragon, un décor représentant un sanglier et une chimère, un Garuda terrassant le serpent — proviennent probablement de temples en ruine de la région de Bình Định, à savoir les tours Tháp Đôi de Hưng Tâ (12e siècle) et les tours dites d’ivoire de Dương Long (vers le 13e siècle) (Sténuit R., 2005). Elles appartiennent aux styles de Thap Mam ou de Bin Dinh tardif (Guillon E., 1997, p. 4-7).
Commentaire rédigé par Deirdre Emmons et Cédric Audibert.
Charles Morice (1861-1919), un des frères de Albert Morice, sera un écrivain et un poète reconnu. (Source : notice Agorha "Albert Morice" rédigée par Deirdre Emmons & Cédric Audibert)
L’anthropologie est un autre domaine dans lequel Morice s’est avancé. Membre de la Société anthropologique de Paris et ayant suivi les cours de l’École dirigée par Broca (qui était également l’un de ses examinateurs pour sa thèse), ne néglige pas cette discipline en plein essor dans ses études indochinoises. (Source : notice Agorha "Albert Morice" rédigée par Deirdre Emmons & Cédric Audibert)
Membre de la Société des Amis des sciences naturelles de Lyon et étant l’un des plus zélés donateurs du muséum de Lyon, Louis Lortet (1836-1909), son directeur, rend un vibrant hommage [à Morice] avec ces mots : « il est mort victime de son dévouement et de son amour pour la patrie et pour la science » (Source : notice Agorha "Albert Morice" rédigée par Deirdre Emmons & Cédric Audibert)