Lamairesse, Pierre-Eugène
« Ingénieur et Orientaliste », Pierre-Eugène Lamairesse (né le 14 juillet 1817 à Châlons-sur-Marne (actuellement Châlons-en-Champagne), mort à Marengo (actuelle Hadjout), Algérie, le 17 avril 1898) poursuivra toute sa vie une double carrière, scientifique et littéraire. Entré à l’École polytechnique en 1837, et intégré au corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées en 1842, Pierre-Eugène Lamairesse assure des missions successivement en Haute-Saône en 1841, puis aux Sables-d’Olonne et à Guéret en 1842. Il devient aspirant le 26 août 1843, puis ingénieur de 2e classe le 20 octobre 1845. Placé à Aubusson le premier juillet 1846, il passe à la ligne de Châteauroux et Limoges à Argenton le 1er août de cette même année, puis par Nantua le 1er avril 1847 avant d’être envoyé à l’irrigation de l’Ain le 1er janvier 1849, où il retourne en 1852 afin d’étudier le problème de l’assèchement d’étangs de la Dombes. Attaché au service hydraulique du Jura le 1er avril 1854, il travaillera à Lons-le-Saunier. Devenu ingénieur de 1re classe le 1er décembre 1857, il est chargé le 1er février 1858 des inondations du Doubs en Saône-et-Loire, puis dans le Jura le 16 octobre 1858. Sa carrière prendra un tournant international, car il sera envoyé dans différents pays comme l’Inde ou l’Algérie. De 1860 à 1866, il travaille comme ingénieur en chef aux « Établissements français dans l’Inde ». Passé aux Ponts et Chaussées à Pondichéry (Tamilnadu, sud de l’Inde) le 1er avril 1860, il prend le titre de « faisant fonction de » ingénieur en chef le 1er janvier 1862, obtient la Légion d’honneur le 13 août 1863, puis devient Ingénieur en chef de 2e classe le 26 août 1865. Il s’occupe principalement l’irrigation et les barrages : édification du pont d’Ariancoupom (construit de nombreuses fois suite à des inondations), acheminement de l’eau potable de Moutrapaléom à Pondichéry et direction des travaux publics à Karikal. Après un bref retour en France le 27 janvier 1867 (il fut chargé des études sur le bassin des Monts du Jura le 26 mars 1867), il demande très vite de repartir, cette fois en Algérie (à Tenez) le 1er septembre 1867. Devenu ingénieur en chef de 1re classe le 12 janvier 1874, il passa à Philippeville le 1er août 1874, avant de prendre sa retraite le 16 août 1878 (dossier administratif EE 1193/2 Archives d’outre-mer).
Fonctionnaire zélé et assidu, il est considéré par ses supérieurs comme doux, timide, susceptible et parfois fantasque, mais tous concordent à dire qu’il avait une très grande culture et une grande connaissance des langues (AN F/14/2254/2). Il connaissait plusieurs langues vivantes européennes ainsi que le grec et le latin. Lors de son séjour dans le sud de l’Inde, Lamairesse se lance dans l’apprentissage de la langue tamoule et, à son retour en France, il se consacre à l’écriture d’ouvrages littéraires et scientifiques, sur la poésie, les chants populaires et les religions orientales. Il porta un intérêt tout particulier au Kamasutra, mais publia également des ouvrages sur le Bouddha et sa vie. D’après des spécialistes de l’époque (Vinson J., 1885, p. 50-51), il est peu probable que Lamairesse ait réellement traduit ces textes, les traductions seraient très probablement de seconde main et, par conséquent défectueuses. L’ensemble de l’œuvre de son œuvre témoigne néanmoins d’un vif intérêt pour la civilisation indienne. Parallèlement à cette littérature, il publie également des ouvrages scientifiques, sur le thème de l’irrigation, des procédés de construction spéciaux à Pondichéry et des études hydrauliques sur l’Inde. Le fait qu’il ait travaillé sur les canaux et les barrages lui a permis d’obtenir en don plusieurs statues, car les habitants de la campagne croyaient avoir tout intérêt à se concilier sa bienveillance. Il en a donc profité pour obtenir d’eux de fermer les yeux sur l’enlèvement de ces statues. Il dit avoir ramené uniquement des statues qui avaient fait l’objet d’une profanation par les musulmans au moment de la conquête musulmane et qui avaient été transportées par les villageois dans la campagne afin d’y être enterrées. D’autres statues proviendraient de temples situés à Karikal, dans des villages convertis au christianisme et qui n’ont fait aucune opposition à leur enlèvement. Ce sont ces statues qu’il ramène en France et, qu’il tente de vendre sans succès lors de l’Exposition coloniale de 1867 (puis une seconde fois l’Exposition universelle de 1878, au pavillon colonial), puis qu’il décide d’offrir au musée de la Ville de Châlons-en-Champagne, sa ville natale. Sauf une pièce : un « Bouddha monumental » qu’il propose à l’armateur en échange du transport, qui voulait le donner à la Ville de Bordeaux pour qu’elle l’expose dans le jardin public. Le Bouddha n’a probablement jamais été donné, en échange il aurait offert une statue représentant Vishnou dont il avait un autre exemplaire. Cette œuvre se trouve dans les collections du musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux, qu’elle a réintégré en 2019 après plus de 60 ans passés en dépôt au musée Guimet. Malheureusement, il ne s’agit ici que d’une hypothèse, car les maigres détails mentionnés dans les inventaires du madd à propos de l’arrivée de la statue de Vishnou dans leurs collections ne nous permettent pas d’affirmer avec certitude qu’il s’agit bien d’une statue ramenée par Pierre-Eugène Lamairesse. La similitude très frappante entre celle de Bordeaux et celle du Surya de Châlons-en-Champagne fait cependant proposer une contemporanéité des deux œuvres, une même provenance, voire une même main de sculpteur, ce qui appuierait notre supposition. L’intérêt que porte Pierre-Eugène Lamairesse à l’Inde n’est pas exclusif et, peu après son retour, il repart, cette fois-ci en Algérie où il restera jusqu’à la fin de ses jours. Il publiera plusieurs textes sur la théologie islamique et son intérêt pour l’histoire des religions le conduira à étudier également le Japon, la Chine et le Tibet, sans jamais avoir été sur place.
Article rédigé par Virginia Verardi
"Engineer and Orientalist," Pierre-Eugène Lamairesse led a dual career, both scientific and literary, throughout his life. Born July 14, 1817 in Châlons-sur-Marne (currently Châlons-en-Champagne), he died in Marengo (present-day Hadjout), Algeria on April 17, 1898. After entering the École polytechnique in 1837 and joining the Corps of Engineers of the Ponts et Chaussées in 1842, Pierre-Eugène Lamairesse carried out successive missions in Haute-Saône in 184,1 then in the Sables-d’Olonne and Guéret in 1842. On August 26, 1843, he became a private (aspirant), then on October 20, 1845, a second class engineer. Assigned to Aubusson on July 1, 1846, he moved from Châteauroux and Limoges to Argenton on August 1 of the same year, then Nantua on the 1 April 1847 before being sent to work on the irrigation of the river Ain on January 1, 1849, where he returned in 1852 to study the problem of the draining of the Dombes ponds. Joining the hydraulic service of the Jura on April 1, 1854, he then worked in Lons-le-Saunier. After being named first class engineer on December 1, 1857, he was put in charge of the Doubs floods in Saône-et-Loire on February 1, 1858, then the Jura on October 16, 1858. After that, his career took an international turn as he was deployed to various countries including India and Algeria. From 1860 to 1866, he worked as chief engineer at the “French Establishments in India” (“Établissements français dans l’Inde"). Transferred to the Ponts et Chaussées direction in Pondicherry (Tamilnadu, southern India) on April 1, 1860, he assumed the title of acting chief engineer on January 1, 1862, obtained the Legion d’honneur on August 13, 1863, then became second class chief engineer on August 26, 1865. He dealt primarily with irrigation and dams: the construction of the Ariancoupom bridge (rebuilt numerous times following floods), transport of drinking water from Moutrapaléom in Pondicherry, and the direction of public works in Karikal. After a brief return to France on January 27, 1867 (where he directed studies on the Monts du Jura basin on March 26, 1867), he soon asked to leave, this time to Algeria (Tenez) on September 1, 1867. Named chief engineer first class on January 12, 1874, he moved to Philippeville on August 1, 1874, before retiring on August 16, 1878 (administrative file EE 1193/2 Archives d’outre-mer).
An enthusiastic and diligent civil servant, he was considered by his superiors as gentle, shy, sensitive and sometimes whimsical, but all agreed that he had a strong sense of culture and a great knowledge of languages (AN F/14/2254/2). He knew several living European languages as well as Greek and Latin. During his stay in southern India, Lamairesse embarked on learning the Tamil language and, on his return to France, devoted himself to writing literary and scientific works on poetry, popular songs and oriental religions. He took a particular interest in the Kamasutra, but also published works on the Buddha and his life. According to specialists of the time (Vinson J., 1885, p. 50-51), it is unlikely that Lamairesse actually translated these texts; the translations would most likely be second-hand and therefore defective. However, the body of his work as a whole testifies to a keen interest in Indian civilization. Alongside this literature, he also published scientific works on the subject of irrigation, special construction processes in Pondicherry, and hydraulic studies on India. His work on the canals and dams allowed him to obtain several statues as donations, the inhabitants of the countryside believing that it was in their interest to conciliate him. He could therefore take advantage of their turning a blind eye to these statues’ removal. He claimed to have only brought back statues that had been desecrated by the Muslims at the time of the Muslim conquest and which the villagers had transported to the countryside in order to bury them. Other statues would come from temples located in Karikal, in villages converted to Christianity that made no opposition to their removal. It was these statues that he brought back to France and tried to sell, without success, during the Colonial Exhibition of 1867 (then a second time at the Universal Exhibition of 1878, at the colonial pavilion), before offering them to the museum of the City of Châlons-en-Champagne, his place of birth. All but one piece, a “monumental Buddha,” that he offered in exchange for transport to a shipowner who wanted to give it to the City of Bordeaux to display in the public garden. This Buddha was probably never given; in exchange he would have offered a statue representing Vishnu of which he had another version. This work is in the collections of the Musée des Arts décoratifs et du Design (madd) of Bordeaux, where it returned to in 2019 after more than 60 years on display at the Musée Guimet. Unfortunately, this is only a hypothesis, because the meagre details mentioned in the inventories of the madd about the arrival of the statue of Vishnu in their collections do not allow certain verification that it is indeed the statue brought back by Pierre-Eugène Lamairesse. However, the striking similarity between the statue in Bordeaux and the Surya of Châlons-en-Champagne doe suggest the two works’ contemporaneity, a shared provenance, and perhaps even the same sculptor's hand, which would support our suggestion. Pierre-Eugène Lamairesse's interest in India was not exclusive and, shortly after his return, he set off again, this time to Algeria where he remained until the end of his days. He went on to publish several texts on Islamic theology and his interest in the history of religions also led him to study Japan, China and Tibet, without ever traveling there.
Article by Virginia Verardi (translated by Jennifer Donnelly)
Envoyé comme ingénieur à Pondichéry entre 1860 et 1866, Pierre-Eugène Lamairesse profite de sa position pour constituer une collection, en collectant notamment des statues religieuses.
[Objets collectionnés] une statue monumentale représentant Bouddha en méditation, venant de la source de Montrapaléom près de Pondichéry.
[Objets collectionnés] 21 statues et bas-reliefs de Pondichéry ou Karikal représentant différentes divinités hindoues.
La collection indienne donnée par Pierre-Eugène Lamairesse à sa ville natale, Châlons-sur-Marne (actuellement Châlons-en-Champagne) est composée de 22 statues et bas-reliefs. Parmi elles se trouvent une sculpture monumentale en ronde-bosse représentant le Bouddha assis en méditation (granit-XIIIe siècle), 17 statues en ronde-bosse et 4 hauts-reliefs (granit-XIVe-XVIIe siècles) représentant différentes divinités hindoues.
Article rédigé par Virginia Verardi