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Gallois, Eugène

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nvoleon
Dernière modification
25/10/2023 19:30 (il y a environ 1 an)
Type de personne
Type de personne : 
Noms
Nom : 
Gallois
Prénom : 
Eugène
Sexe : 
Nationalité : 
Nom : 
Gallois
Prénom : 
Marie Eugène
Qualificatif : 
Naissance et mort
Date de naissance : 
11 mai 1856
Lieu de naissance : 
Date de mort : 
29 juin 1916
Professions / activités
Commentaire Type de profession / activité : 

Auteur et illustrateur de récits de voyages

Biographie
Commentaire biographique : 

La biographie d’Eugène Gallois s’avère lacunaire. On sait qu’il est né le 11 mai 1856, au 41, rue Meslay, dans le 3e arrondissement de Paris. Il est le fils d’un architecte, Marie Paul Gallois, et de Marie Gabrielle Amélie Bresson, sans profession, mariés depuis près de deux ans (AP, 5Mi1 896).

Après des études menées au collège Stanislas, il aurait commencé à parcourir le monde (Curinier Ch.-E., 1899, p. 86). Ses ouvrages et ses articles permettent seuls de reconstituer sa vie, et représentent autant de voyages et d’aventures vécus par l’auteur. Les sources le décrivent avant tout comme un publiciste (terme archaïque, désignant la profession de journaliste), un écrivain prolifique et un conférencier pédagogue, un explorateur et un artiste-peintre confirmé. Ses contemporains sont dithyrambiques à son sujet, faisant l’éloge de cet orateur, volontiers spirituel. Eugène Gallois pourrait s’apparenter en ce sens à un reporter avant l’heure.

La passion des voyages

Eugène Gallois exprime une véritable passion pour les voyages, qui constituent, à le lire, un véritable mode de vie. En 1895, il traverse le Caucase, par la route de Géorgie, qui le conduit de Tiflis à Vladikavkaz, en passant par Erivan et le mont Ararat. Il fait une excursion dans les Gorges du Tarn et aux Causses en 1896. L’hiver 1896-1897, il s’aventure dans les volcans de Java. Un tour du monde le rapproche de l’Extrême-Orient, le conduisant aux Indes, en Birmanie et en Indochine. En 1899, Eugène Gallois obtient du gouverneur général d’Indochine, Paul Doumer (1857-1932 ; gouverneur de 1897 à 1902), une mission gratuite pour réaliser une étude économique de la colonie. L’Asie est considérée comme le « berceau du monde », « foyer des civilisations antérieures à la nôtre » (Gallois E., 1903, p. V). Après l’Asie centrale, et passant par le royaume de Tamerlan, il se rend en Asie Mineure et au Levant. L’Afrique attire également son attention, et il fait une excursion au royaume de la reine de Saba (actuel Yémen) en 1898. Il s’intéresse aussi à la péninsule ibérique en 1899. Une autre mission, délivrée par le ministère des Colonies, lui permet de rendre visite en 1901 aux établissements français situés en Océanie, et plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie, ce qui lui vaut d’entrer dans la confrérie des Pionniers de l’Océanie, une association créée en 1909, dont il devient le vice-président. La Société de géographie commerciale de Paris lui décerne en 1902 la Médaille La Pérouse pour ce dernier voyage. En 1904, il explore la Chine et donne ses « impressions » sur le Japon (Gallois E., 1904e). Le ministère de l’Instruction publique lui confie en 1908 une autre mission à Madagascar.

Les formes du voyage

Grâce à une « fortune considérable », placée judicieusement, comme il est rapporté dans les Annales coloniales (1916), Eugène Gallois peut se permettre de financer ses propres expéditions, partant de son propre fait ou sous couvert d’une mission officielle, gratuite. Sa liberté d’action n’en est que plus grande : il peut concilier le voyage d’agrément aux besoins de l’impérialisme français. Le voyage peut être envisagé à plusieurs niveaux : le divertissement, la curiosité touristique, la connaissance scientifique et l’intérêt économique.

Son engagement dans diverses associations sportives confirme l’aspect physique et ludique qu’il leur attribue également. Le voyageur expérimenté est notamment membre fondateur du Touring-Club de France (1898) et du Club alpin français (1899). Par ailleurs, il apprécie le sport de haut niveau, figurant au jury du IVe Concours international de ski à Eaux-Bonnes, dans les Basses-Pyrénées, où il préside la section du « Saut international, Amateurs ».

Le voyage est aussi créatif et donne lieu à de nombreuses réalisations artistiques. Au cours de ses excursions, Eugène Gallois se livre à l’exercice du dessin et de la photographie, qu’il relie à un devoir citoyen, une nécessité d’information et de documentation, opposé à un pur amusement. Alors qu’il se trouve en Grèce en 1899, il décrit ainsi ses occupations à l’explorateur et géographe Joseph Eysséric (1860-1932) : « On dessine, on croque, on peinturlure, mais sans excès, car il fait bon de se laisser vivre simplement » (bibliothèque Inguimbertine, Ms. 2495).

Eugène Gallois n’est pas un simple « globe-trotteur », se contentant de rapporter des souvenirs de voyage, comme semble le penser le géographe Numa Broc (2003). Au contraire, pour Gallois, le voyage favorise l’expansion française (1899c, p. 5-6) et l’argumentaire qu’il développe doit inviter le futur lecteur à lui succéder.

Un géographe reconnu sur le tas

Eugène Gallois acquiert une aura de géographe, par l’expérience vécue, et, par-là même, une légitimité de parole, qu’il revendique à maintes reprises. Il se rapproche ainsi des Sociétés de géographie, aux séances desquelles il fait part de ses voyages. Les Sociétés de géographie de Paris, Lille, Dunkerque (1904-1908), Bordeaux et de Marseille le comptent parmi leurs membres. Il adhère également à la Société de géographie commerciale de Paris et fait partie de son Conseil d’administration en 1913.

Ses écrits ne se veulent pas pour autant « scientifiques », mais plutôt pédagogiques. Il s’agit d’« instruire en distrayant » (Gallois E., 1899b, p. 12). Telle est sa devise ; il vise à toucher un large public. Ses monographies apparaissent comme des compendiums de savoirs acquis, à la manière des guides de voyage. Ce ne sont pas non plus des carnets de route, mais des « étude[s] sérieuse[s], documentée[s] avec soin », des pays visités (Gallois E., 1899b, p. 9). Ses articles publiés dans le Bulletin de la Société de géographie, destinés à un public plus averti, présentent toujours ses conclusions sur les « choses vues ». Les images servent le plus souvent le discours. S’agissant des Indes britanniques, Eugène Gallois exprime le « désir de fixer [ses] souvenirs », de « faire une œuvre durable », et par là même de relativiser ces « visions fantastiques [conçues] à la suite de nombreuses lectures concernant ce pays merveilleux » (1899b, p. 7). D’autres moyens de valoriser cette production iconographique sont également mobilisés, reposant sur des dispositifs éphémères : expositions et projections lumineuses lors de conférences. La correspondance entre l’image et le texte répond à un impératif social pour l’explorateur, qui conçoit une géographie utilitaire.

La conception d’une géographie utilitaire

L’idée d’une géographie utile à son pays, fructueuse en termes de retombées économiques et de recherche de débouchés, semble motiver les voyages et les investissements d’Eugène Gallois. Mieux connaître un pays, ou une région, et transmettre ce savoir, acquis in situ, traduit une volonté d’étendre l’influence française dans le monde et de stimuler les forces vives de la nation, de les encourager à voyager et à investir à l’étranger. Eugène Gallois s’inscrit dans cet élan impérialiste français, particulièrement prégnant au début du XXe siècle, et enrichit de ses ouvrages, de ses conférences et de ses expositions les sciences coloniales. Le 14 novembre 1900, ce « cicerone », comme on l’appelle, donne ainsi une conférence « au nom de la France coloniale moderne », au « Grand Amphithéâtre de la Sorbonne », au 28, rue Serpente, sous la présidence du géographe et professeur Marcel Dubois (1856-1916), qui inaugure l’exposition sur la France d’Asie.

Eugène Gallois participe aussi au lancement de la revue L’Expansion française coloniale, en mars 1900, et devient membre du Comité de direction et de la Société d’études industrielles, commerciales, maritimes et financières qui suit. Il collabore également aux Annales coloniales. En janvier 1914, il est élu assesseur à l’assemblée présidant à la Revue des questions coloniales et maritimes, organe de la Société des études coloniales et maritimes. Il figure dans la liste des membres de la Ligue de la patrie française, publiée dans Le Gaulois, le 8 janvier 1899. Il devient membre fondateur à vie du Comité des colonies françaises en 1910. Son investissement est grand dans la construction de l’empire colonial français, ses contributions nombreuses. Son adhésion à la Société des études coloniales et maritimes montre une volonté de valoriser et faciliter les échanges entre les colonies et la métropole. Il propose ainsi avec le vice-amiral Besson : « Que le gouvernement français favorise la création de services directs de navigation à vapeur entre nos ports et ceux de la côte sud-américaine du Pacifique par le canal de Panama. Qu’il favorise en outre la création d’un service postal direct par paquebots français entre la France et Tahiti, service actuellement assuré par une Compagnie américaine via San Francisco » (Paris J., 1914, p. 4).

Soucieux de diffuser son savoir et ses connaissances à un large public, son investissement dans les sciences coloniales se voit confirmé par le legs de ses multiples dessins, aquarelles, photographies et archives à la Bibliothèque nationale et à la Société de géographie de Paris, enregistré en 1928. Il lègue également 5 000 francs pour la fondation d’un prix annuel à l’Académie française. Ainsi, les Annales coloniales saluent à sa mort, l’œuvre d’un mécène généreux (1906).

Article rédigé par Florence Adrover

Commentaire biographique : 

The biography of Eugène Gallois is incomplete. We know that he was born on May 11, 1856, at 41, rue Meslay, in the 3rd arrondissement of Paris. He was the son of an architect, Marie Paul Gallois, and of Marie Gabrielle Amélie Bresson, without profession, who had been married for almost two years (AP, 5Mi1 896).

After studying at the collège Stanislas, he began to travel the world (Curinier Ch.-E., 1899, p. 86). His works and articles make it possible to reconstruct his life, and depict his many travels and adventures. Sources describe him above all as a publiciste (an archaic term, designating the profession of journalist), a prolific writer, and an educational speaker, an explorer and an established painter. His contemporaries raved about him, praising the orator’s wit. Eugène Gallois could be likened in this sense to an early reporter.

Passion for Travel

Eugène Gallois showed a distinct passion for travel, which reading him, seemed to constitute a real way of life. In 1895, he crossed the Caucasus, by the route of Georgia, leading him from Tiflis to Vladikavkaz, passing through Erivan and Mount Ararat. He made an excursion to the Gorges du Tarn and the Causses in 1896. In the winter of 1896-1897, he ventured into the volcanoes of Java. A world tour brought him closer to the Far East, taking him to India, Burma, and Indochina. In 1899, Eugène Gallois obtained from the Governor General of Indochina, Paul Doumer (1857-1932; governor from 1897 to 1902) a free mission to carry out an economic study of the colony. Asia was considered the "cradle of the world" and "home to civilisations prior to our own" (Gallois E., 1903, p. V). After Central Asia, and passing through the kingdom of Tamerlane, he went to Asia Minor and the Levant. Africa also attracted his attention, and he made an excursion to the kingdom of the Queen of Sheba (current Yemen) in 1898. He was also interested in the Iberian Peninsula in 1899. Another mission, issued by the Ministry of Colonies, allowed him in 1901 to visit the French establishments located in Oceania, and more particularly in New Caledonia, which earned him membership in the brotherhood of the Pioneers of Oceania (la confrérie des Pionniers de l’Océanie), an association created in 1909, of which he became the vice president. In 1902, the Commercial Geography Society of Paris (La Société de géographie commerciale de Paris) awarded him the La Pérouse Medal for this last trip. In 1904, he explored China and gave his "impressions" of Japan (Gallois E., 1904e). In 1908, the Ministry of Public Instruction entrusted him with another mission in Madagascar.

Forms of Travel

Thanks to a "considerable fortune,” judiciously used, as reported in the Annales coloniales (1916), Eugène Gallois could afford to finance his own expeditions, at his own initiative or under cover of an official but independent mission. His freedom of action was all the greater: he could reconcile travel for pleasure with the needs of French imperialism. Travel can be considered on several levels: for entertainment, touristic curiosity, scientific knowledge, and economic interest.

His involvement in various sports associations confirms the physical and playful aspect that he accorded them. The experienced traveler was notably a founding member of the Touring-Club de France (1898) and the Club alpin français (1899). In addition, he appreciated high-level sport, appearing on the jury of the fourth International Ski Competition in Eaux-Bonnes, in the Basses-Pyrénées, where he chaired the section "International Jump, Amateurs".

The voyages were also creative and gave rise to various artistic achievements. During his excursions, Eugène Gallois engaged in the exercise of drawing and photography, which he linked to a civic duty, a need for information and documentation, as opposed to pure amusement. While in Greece in 1899, he described his occupations to the explorer and geographer Joseph Eysséric (1860-1932): "We draw, we sketch, we paint, but without excess, because it is good simply to let live” (bibliothèque Inguimbertine, Ms. 2495).

Eugène Gallois was not a simple "globe-trotter", content to bring back travel souvenirs, as the geographer Numa Broc (2003) seems to think. On the contrary, for Gallois traveling favoured French expansion (1899c, p. 5-6) and the arguments he developed should invite the future reader to follow him.

A Recognised Geographer on the Job

Through his lived experience, Eugène Gallois acquired the aura of a geographer and thereby a legitimacy in his words, to which he alluded frequently. He thus became closer to the geographical societies, at whose meetings he shared his travels. The geographical societies of Paris, Lille, Dunkirk (1904-1908), Bordeaux, and Marseilles counted him among their members. He also joined the Commercial Geography Society of Paris (la Société de géographie commerciale de Paris) and was a member of its Board of Directors in 1913.

His writings were not intended to be "scientific", but rather educational. They were about “instructing by entertaining” (Gallois E., 1899b, p. 12). This was his motto; he aimed to reach a wide audience. His monographs resemble compendiums of acquired knowledge, like travel guides. But they are not simply diaries of road trips, but "serious stud[ies], carefully documented", of the countries visited (Gallois E., 1899b, p. 9). His articles published in the Bulletin de la Société de géographie, intended for a more informed public, always present his conclusions on the "things seen". The images most often serve the discourse. Regarding the British Indies, Eugène Gallois expresses the "desire to fix [his] memories", to "make a lasting work", and thereby even to relativise these "fantastic visions [conceived] following many readings concerning this marvellous country” (1899b, p. 7). Other means of enhancing this iconographic production were also employed, based on ephemeral devices, such as exhibitions and light projections during conferences. The correspondence between the image and the text responds to a social imperative for the explorer, who conceived a utilitarian geography.

The Conception of a Utilitarian Geography

The idea of ​​geography as useful to his country, fruitful in terms of economic benefits and the search for outlets, seems to motivate Eugène Gallois' travels and investments. Getting to know a country or a region better and transmitting this knowledge, acquired onsite, reflects a desire to extend French influence in the world and to stimulate the living forces of the nation, to encourage them to travel and invest in foreign places. Eugène Gallois was part of this French imperialist momentum, particularly significant at the beginning of the 20th century, and enriched the colonial sciences with his works, conferences, and exhibitions. On November 14, 1900, this "cicerone", as he was called, thus gave a lecture "in the name of modern colonial France", at the "Grand Amphithéâtre de la Sorbonne", at 28, rue Serpente, under the presidency of the geographer and Professor Marcel Dubois (1856-1916), who inaugurated the exhibition on France in Asia.

Eugène Gallois participated in the launch of the review L'Expansion française coloniale in March 1900, and became a member of the directing committee and of the Society for Industrial, Commercial, Maritime and Financial Studies that ensued. He also collaborated with the Annales coloniales. In January 1914, he was elected evaluator to the assembly presiding over the Revue des questions coloniales et maritimes, an organ of the Society for Colonial and Maritime Studies. He appears in the list of members of the Ligue de la patrie française, published in Le Gaulois, January 8, 1899. He was a founding and life member of the Comité des colonies française in 1910. His investment in the construction of the French colonial empire was great and his contributions numerous. His membership in the Society for Colonial and Maritime Studies demonstrates his desire to promote and facilitate exchanges between the colonies and the cities. He proposed with Vice-Admiral Besson "that the French government promote the creation of direct steam navigation services between our ports and those of the South American Pacific coast through the Panama Canal. That it also promote the creation of a direct postal service by French steamers between France and Tahiti, a service currently provided by an American company via San Francisco” (Paris J., 1914, p. 4).

Anxious to spread his knowledge to a wide audience, he made investments in colonial sciences that are confirmed by the legacy of his many drawings, watercolours, photographs, and archives at the Bibliothèque nationale and at the Société de géographie de Paris, recorded in 1928. He also bequeathed 5,000 francs for the foundation of an annual prize at the French Academy. Thus, at his death, the Annales coloniales lauded the work of a generous patron (1906).

Article by Florence Adrover (translated by Jennifer Donnelly)

Evénements
Type d'événement : 
Date de l'événement : 
1896 - 1897 - hiver
Lieu de l'événement : 
Commentaire Lieu de l'événement : 

Indes britanniques, Himalaya

Type d'événement : 
Date de l'événement : 
1897
Lieu de l'événement : 
Commentaire Evénements : 

Croisière à bord du paquebot le « Normandie », spécialement affrété pour assister à la grande revue de la flotte dans la rade de Spithead, lors du jubilé de la Reine

Type d'événement : 
Date de l'événement : 
1898 - 1900
Lieu de l'événement : 
Commentaire Evénements : 

Participe notamment à la Mission Gallois-Berchon

Thèmes d'étude
Commentaire Thèmes d'étude : 

Eugène Gallois est reconnu comme un vulgarisateur actif dans le domaine de la géographie et des sciences coloniales. Ses photographies, aquarelles, dessins et autres croquis s’inscrivent le plus souvent dans un discours oral ou écrit. Cette production « artistique » a une véritable vocation didactique, une dimension rhétorique aussi.

L’art au service de l’expansion coloniale

Eugène Gallois associe expositions artistiques et expositions documentaires. Il participe à de nombreux cercles artistiques, comme celui de la rue Volney à Paris et adhère à des associations artistiques, telles que la Société des peintres de montagnes, soutenue par le Club alpin français. Il se révèle sensible aux effets de couleurs et aux jeux de lumière, à même d’enchanter l’œil, comme il le souligne dans ses nombreux ouvrages.

Il nourrit ainsi le discours colonial et multiplie les invitations par la beauté des images, l’art soutenant l’œuvre coloniale française. Il investit de la sorte les cimaises de la salle du Musée commercial de l’Office colonial, dite galerie d’Orléans, au Palais-Royal. La Société de géographie de Paris présente à plusieurs reprises ses travaux, issus de ses différents voyages, dans ses locaux du 184, boulevard Saint-Germain. Ses événements sont la marque d’une reconnaissance de son talent d’artiste et d’une contribution à la propagande coloniale.

La question de la pratique photographique

Eugène Gallois ne témoigne pas dans ses écrits de sa pratique photographique ou picturale. Il semble que l’exhaustivité et la spontanéité soient la règle, les images trouvant leur sens a posteriori. C’est comme si la pratique s’effaçait au profit du résultat iconographique. Le voyageur a pu récolter au cours de ses pérégrinations une véritable moisson d’images, son regard restant à l’affût. Le photographe saisit le sujet en multipliant le plus souvent les points de vue. Il adopte une vision englobante et exhaustive du réel.

Les visites des villes et de leurs monuments se déroulent de façon méthodique, « le pinceau ou le crayon et l’appareil photographique toujours à la main » (Gallois E., 1899b, p. 10). En outre, Eugène Gallois ne travaille pas seul. En règle générale, il emporte avec lui trois appareils photographiques. Cependant, nulle mention dans ses ouvrages des noms de ses compagnons de voyage. Les archives demeurent également muettes à leur sujet (ANOM, MIS 68).

Du tour d’Asie au tour du monde

De 1898 à 1904, Eugène Gallois entreprend un tour de l’Asie, qui devait devenir un tour du monde. Sa première intention était de « rendre compte de près des menées anglaises au Thibet ». Il devait ensuite poursuivre son voyage en Corée et en Mandchourie (Gallois E., 1905b, p. 215). Mais la Guerre russo-japonaise (8 février 1904 – 5 septembre 1905) l’amène à modifier ses projets. Il fait donc de ce tour d’Asie un tour du monde. Après avoir parcouru le littoral chinois, où il étudie l’influence respective des grandes puissances européennes et des États-Unis en Chine, il entreprend une « visite d’inspection de la grande route aquatique de la Chine », « cette merveilleuse contrée d’une incomparable fertilité qu’arrose le fleuve gigantesque » (Gallois E., 904a, p. 404). Pour désigner le fleuve Bleu, le vocabulaire utilisé emprunte au registre superlatif. C’est un regard plein d’étonnement qu’il pose sur la Chine, alléguant son impossible description. Il ne cesse de relever le caractère « inimaginable » de ces paysages : « On ne saurait se faire une idée, ni de cette terre sans pareille qui laisse loin derrière la fameuse vallée du Nil et donne jusqu’à trois récoltes annuelles ni de la vie active qui y règne, si on ne l’a pas vue » (1904a, p. 405).

Gallois parcourt le Moyen-Yangzi (Changjiang [長江]), de Hankou(漢口) jusqu’à Yichang (宜昌), sur l’Olry, à l’invitation de son capitaine, Louis Audemard (1865-1955). Puis, il poursuit son exploration, seul, par ses propres moyens, dans les gorges d’Yichang, dont les photographies anatomisent le défilé impressionnant. L’œil se laisse emporter par le réel. Le regard vogue littéralement au fil de l’eau.

La descente du Yangzi dans le fonds Gallois de la Bibliothèque nationale

Cet ensemble, réuni sous l’intitulé « Descente du Yangzi », se compose de 28 photographies, développées sur du papier aristotype, d’après des négatifs sur verre au gélatinobromure d’argent. La plupart sont légendées au verso. Eugène Gallois est désigné comme le « photographe présumé ». Si les photographies retrouvées portent l’indication d’une appartenance au fonds Gallois, rien ne permet d’affirmer qu’il en soit l’auteur (BnF, inv. EN1-122-BOITE FOL A), si bien que leur attribution est problématique.

Certaines de ces images se sont vues éditées en cartes postales (Université de Bristol, Historical photographs of China, Plant, Cornell Collection). Une des photographies du corpus est une reproduction d’une œuvre de Teh-Kee, photographe chinois habitant sur les bords du fleuve Bleu, dont on trouve les gravures dans un article traitant de la présence militaire sur le fleuve, publiées dans le no 11 de la 4e série de la revue Armée et Marine (1902). Le photographe se concentre sur les forces vives du fleuve, les nautoniers, qui halent les jonques et autres bâtiments dans les rapides. Des recherches sur l’identification des photographies de ce fonds sont encore en cours.

Le traitement iconographique du Yangzi

L’ensemble iconographique (BnF, inv. EN1-122-BOITE FOL A) traitant du Yangzi s’avère relativement homogène et l’on peut supposer qu’il émane du même auteur. Le regard s’avère compulsif et englobant. Le photographe décompose le paysage, qui dévale sous ses yeux. L’œil semble se laisser emporter par le réel. Le regard saisit à la fois les rives et les remous du fleuve. Un croquis qui dissèque le passage de ses gorges escarpées.

Pour le patriote Eugène Gallois, la France occupe la première place en Chine, reléguant l’Angleterre à une position subalterne. Le fleuve Rouge et la vallée du Xi Jiang (西江) se trouvent dans la sphère d’influence de la France, portée par les promesses du chemin de fer du Yunnan (雲南). Il déplore en revanche l’absence de place forte, d’occupation effective du territoire, comme l’Angleterre a pu le faire à Hong Kong. Seul le Guangzhouwan (廣州灣) est territoire français, cédé à bail par les Chinois en 1898, pour une durée de 99 ans. Aussi, le Yangzi est-il considéré par Gallois comme une artère privilégiée, où l’influence occidentale prend une place croissante. Les photographies évoquent aussi la présence militaire française. La ville de Hankou, cette « nouvelle cité quasi-européenne » (Gallois E., 1905b, p. 216) est représentée au moyen d’un panorama, composé de photographies mises bout à bout.

Une dimension esthétique se dégage de cette production. Les calques attestent d’un travail de l’image photographique a posteriori, et révèlent une esthétisation des formes. L’élaboration de deux panoramas (BnF, EST, VZ 1369, Dossier "Chine"), que ce soit la reconstitution du défilé des gorges d’Yichang, véritable topos iconographique, ou le déploiement de Hankou, montre la volonté de restituer une continuité formelle du regard. L’amplitude déployée embrasse la totalité du réel, et en capte les aspects marquants et significatifs.

Si dans son ouvrage sur le Japon, Gallois évoque un simple « coup d’œil jeté à la Chine » (Gallois E., 1904e, p. 5) ; ses photographies attestent d’une technique d’observation fine, ou tout du moins d’une volonté de collecter les différents aspects du fleuve Bleu. L’œil travaille le paysage, alternant les vues globales, les zooms sur les méandres du fleuve, le défilé abrupt des gorges, perçu dans un nivellement subtil des plans.

Ce corpus montre également un effort pour légender ces images de la part de leur auteur ou collecteur. Il s’efforce d’identifier les lieux, de donner des précisions sur le point de vue adopté, le régime du fleuve au moment de la prise de vue. Outre ces considérations d’ordre technique, il assortit ses vues de commentaires historiques, permettant de documenter ce que donne à voir l’image. Se dégage ainsi une certaine rigueur non seulement dans la prise de vue, mais aussi dans la recension des images. Dans certains commentaires affleure le ressenti du photographe au passage des rapides. De sorte que le regard se révèle sensible, parfois immersif. L’auteur délivre à travers ses photographies une impression visuelle du réel, issue de l’expérience, ou captée à distance. Il propose une vue interne et externe de la navigation, se plaçant à la fois sur le bateau et comme témoin sur la rive.

Si la dénomination de reportage photographique est ici anachronique, on s’en rapproche, le fonds présentant une sorte de chronique visuelle de la descente du Yangzi, de la vie du fleuve et de ses abords urbains, ce qui était relativement peu présent jusqu’alors.

Eugène Gallois a donné de nombreuses conférences à la Société de géographie commerciale de Paris, accompagnées de projections photographiques, véritables « descriptions imagées » (Gallois E., 1905a, p. 141), une évocation « à la fois savante et artistique des pays qu’il a traversés ». Il s’affirme aux yeux de son auditoire en « artiste consommé » (Mabyre M., Lasseray C., 1900, p. 708), qui sait aussi bien manier l’objectif, que le pinceau ou le crayon et la plume. L’art et la science s’associent de fait harmonieusement.

Article rédigé par Florence Adrover

Commentaire Thèmes d'étude : 

Eugène Gallois is recognised as an active populariser in the field of geography and colonial sciences. His photographs, watercolours, drawings and other sketches are most often part of an oral or written discourse. This "artistic" production shows a didactic vocation as well as a rhetorical dimension.

Art at the Service of Colonial Expansion

Eugène Gallois combined artistic and documentary exhibitions. He took part in many artistic circles, such as that of rue Volney in Paris and joined artistic associations, such as the Société des peintres de montagnes, supported by the Club alpin français. He was sensitive to the effects of colour and to the plays of light, its ability to enchant the eye, as he emphasises in his many works.

He thus contributed to colonial discourse and received many invitations owing to the beauty of the images and the the fact that his art supported the French colonial enterprise. In this way, he filled the walls of the Musée commercial de l’Office colonial, known as the galerie d’Orléans, at Palais-Royal. The Geographical Society of Paris presented his work resulting from his various travels on several occasions in its premises at 184, boulevard Saint-Germain. These events testify to the recognition of his talent as an artist and his contribution to colonial propaganda.

The Question of Photographic Practice

Eugène Gallois did not address his photographic or pictorial practice in his writings. It seems that completeness and spontaneity were the rule, the images finding their meaning a posteriori. It was as if the process was being erased in favour of the iconographic result. The traveller reaped a veritable harvest of images during his wanderings, his gaze remaining on the lookout. The photographer captured the subject by often multiplying the points of view, resulting in an all-encompassing and exhaustive vision of reality.

Visits to towns and their monuments took place in methodical fashion, "brush or pencil and camera always in hand" (Gallois E., 1899b, p. 10). Moreover, Eugène Gallois did not work alone. He usually took three cameras with him. However, his works do not mention the names of his travelling companions. The archives are also silent on this count (ANOM, MIS 68).

From around Asia to around the world

From 1898 to 1904, Eugène Gallois undertook a tour of Asia, which was to become a world tour. His first intention was "to give a close account of the English pursuits in Tibet". He was then to continue his journey in Korea and Manchuria (Gallois E., 1905b, p. 215). But the Russo-Japanese War (February 8, 1904 – September 5, 1905) led him to modify his plans. He therefore transformed his tour of Asia into a tour of the world. After traveling along the Chinese coast, where he studied the respective influence of the great European powers and the United States in China, he undertook a "tour of inspection of the great water route of China", "this marvellous land of incomparable fertility watered by the gigantic river” (Gallois E., 904a, p. 404). In describing the Blue River, the vocabulary is in the superlative register. The gaze that he imposes on China is full of astonishment, claiming its description to be impossible. He never ceases to point out the "unimaginable" character of these landscapes: "One cannot form an idea, either of this unparalleled land which leaves far behind the famous Nile valley and gives up to three annual harvests, nor of the life which reigns there, if it has not been seen" (1904a, p. 405).

Gallois traveled the Middle Yangtze (Changjiang [長江]), from Hankou (漢口) to Yichang (宜昌), on the Olry, at the invitation of its captain, Louis Audemard (1865-1955). He then continued his exploration alone, by his own means, in the Yichang Gorges, the photographs of which depict its impressive flow almost anatomically. The eye is carried away by reality. The gaze literally sails over the water.

The Descent of the Yangtze in the Gallois Collection of the Bibliothèque nationale

This collection, brought together under the title "Descent of the Yangtze", consists of 28 photographs, developed on aristotype paper from silver gelatin bromide glass negatives. Most are captioned on the back. Eugène Gallois is referred to as the "presumed photographer". While the photographs found bear the indication of belonging to the Gallois collection, there is nothing to confirm that he is the maker (BnF, inv. EN1-122-BOITE FOL A), so their attribution is problem.

Some of these images have been edited into postcards (University of Bristol, Historical Photographs of China, Plants, Cornell Collection). One of the photographs in the corpus is a reproduction of a work by Teh-Kee, a Chinese photographer living on the banks of the Blue River, whose engravings can be found in an article dealing with the military presence on the river, published in number 11 of the fourth series of the magazine Armée et Marine (1902). The photographer focuses on the lifeblood of the river, the boaters, who tow the junks and other buildings in the rapids. Research on the identification of the photographs of this fund is still in progress.

The Iconographic Treatment of the Yangtze

The iconographic set (BnF, inv. EN1-122-BOITE FOL A) dealing with the Yangtze is relatively homogeneous and we can assume that it comes from the same author. The gaze turns out to be compulsive and encompassing. The photographer breaks down the landscape, which tumbles down before his eyes. The eye seems to be carried away by reality. The gaze captures both the shores and the eddies of the river, making a sketch that dissects the passage of its steep gorges.

For Eugène Gallois the patriot, France occupied first place in China, relegating England to a subordinate position. The Red River and the Xi jiang (西江) Valley were within France's sphere of influence, carried by the promises of the Yunnan Railway (雲南). On the other hand, he deplored the absence of a stronghold, of effective occupation of the territory, as England was able to do in Hong Kong. Only the Guangzhouwan (廣州灣) is French territory, leased by the Chinese in 1898, for a period of 99 years. Furthermore, the Yangtze is considered by Gallois as a privileged artery, where Western influence was taking a growing place. The photographs also evoke the French military presence. The city of Hankou, this "new quasi-European city" (Gallois E., 1905b, p. 216) is represented by means of a panorama, composed of photographs placed end to end.

An aesthetic dimension emerges from this production. The tracings attest to a work of the photographic image a posteriori, and reveal an aestheticisation of the forms. The elaboration of two panoramas (BnF, EST, VZ 1369, Dossier "Chine"), whether the reconstitution of the flow of the Yichang gorges, a veritable iconographic topos, or the deployment of Hankou, shows a desire to restore a formal continuity of the gaze. The amplitude deployed embraces the totality of reality, and captures its striking and significant aspects.

While in his work on Japan Gallois evokes a simple "glance at China" (Gallois E., 1904e, p. 5, his photographs attest to a fine technique of observation, or at least a desire to collect the different aspects of the Blue River. The eye works the landscape, alternating global views, zooms on the meandering of the river, and the steep parade of the gorges, perceived in a subtle levelling of the planes.

This corpus also shows an effort to caption these images on the part of their author or collector. He strives to identify the places, to give details on the point of view adopted, the conditions on the river at the time of the shooting. In addition to these technical considerations, he supplements his views with historical comments, making it possible to document what the image shows. A certain rigour thus emerges not only in the shooting, but also in the review of the images. In some comments, the photographer's feelings surface when passing the rapids. The look is thus sensitive, sometimes immersive. The author delivers through his photographs a visual impression of reality, resulting from experience, or captured from a distance. He offers an internal and external view of navigation, placing himself both as a passenger on the boat and as a witness on the shore.

If the denomination of photographic reportage here is anachronistic, we are getting closer to it, the collection presenting a sort of visual chronicle of the descent of the Yangtze, the life of the river, and its urban surroundings, which was then relatively little present.

Eugène Gallois gave numerous lectures at the Commercial Geography Society of Paris, accompanied by photographic projections, veritable "pictorial descriptions" (Gallois E., 1905a, p. 141), an evocation “both scholarly and artistic of the countries that he had passed through.” He asserted himself in the eyes of his audience as a "consummate artist" (Mabyre M., Lasseray C., 1900, p. 708), who knew how to handle the lens as well as the brush or the pencil and the pen. For Gallois, art and science went hand in hand.

Article by Florence Adrover (translated by Jennifer Donnelly)

Liens entre personnes
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Eugène Gallois et Joseph Eysséric sont amis. En mars 1900, ils participent ensemble au lancement du bulletin mensuel de l’Institut colonial marseillais L’Expansion française coloniale. (Source : notice Agorha "Joseph Eysséric" rédigée par Florence Adrover)

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En 1899, Eugène Gallois obtient de Paul Doumer, alors Gouverneur Général d’Indochine, une mission gratuite pour réaliser une étude économique de la colonie. (Source : notice Agorha "Eugène Gallois" rédigée par Florence Adrover)

Bibliographies / archives
Sources en ligne
Référence de notice : 
0000 0000 6122 0489
Date de consultation : 
14/04/2022
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Eugène Gallois (1856-1916)
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14/04/2022
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Institut national d'histoire de l'art (France)
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Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
Florence Adrover