[1875, peinture, rapport Institut procès-verbal]Rapport sur les envois de peinture de 1875TYPE : rap [...]
Pas d'illustration
Description
[1875, peinture, rapport Institut procès-verbal]
Rapport sur les envois de peinture de 1875
TYPE : rapport de l'Institut de France - officiel
AUTEUR : Baudry, Paul
PAGE DE TITRE : Séance du 21 août 1875. M. Baudry, au nom de la section de peinture, lit le rapport suivant sur les Envois de Rome (année 1875)
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 21/08/1875
COMMENTAIRE : Le rapport conservé dans les archives de l'Académie de France à Rome (carton 91 f° 323-330) est quasiment identique à celui du procès-verbal (2 E 15). Les modifications sont minimes et ne modifient aucunement le sens des propos.
Rapport sur les envois de peinture de 1875
TYPE : rapport de l'Institut de France - officiel
AUTEUR : Baudry, Paul
PAGE DE TITRE : Séance du 21 août 1875. M. Baudry, au nom de la section de peinture, lit le rapport suivant sur les Envois de Rome (année 1875)
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 21/08/1875
COMMENTAIRE : Le rapport conservé dans les archives de l'Académie de France à Rome (carton 91 f° 323-330) est quasiment identique à celui du procès-verbal (2 E 15). Les modifications sont minimes et ne modifient aucunement le sens des propos.
Descriptions
Transcription :
[p. 388] M. Morot Aimé, 1e année / Étude de jeune fille / Le premier envoi de M. Morot est d'un heureux augure pour l'avenir de l'artiste, l'exécution de cette étude a du charme, on doit louer la partie supérieure de la figure, l'expression délicate et fine du visage, et le mouvement qui a une grâce naïve bien exprimée. Il est à regretter que M. Morot ait donné trop d'importance aux détails du paysage, il n'a qu'à se souvenir des beaux exemples laissés par les grands maîtres coloristes chez lesquels l'atténuation des fonds met toujours en relief et en plein éclat l'objet principal. / Si l'Académie n'a que des éloges à donner à l'étude peinte de M. Morot elle regrette de ne pouvoir louer également les dessins qui complètent son envoi. / Ces dessins sont ou négligés dans leur caractère essentiel, comme celui de la messe de Bolsena, ou perdus dans les minuties comme l'étude d'après la Vénus de Milo. / Nous profitons de cette occasion pour préciser l'esprit de l'article du règlement qui concerne ces envois trop souvent médiocres. Cette prévoyance s'affirme encore à la troisième année par la demande d'une copie de fresque et d'un tableau de maître. / L'Académie insistera sur ce point capital, le devoir strict du pensionnaire se limite, il est vrai, à l'envoi de deux dessins étudiés, mais il faut, en outre, qu'à ce point déterminé de sa carrière, le jeune artiste approfondisse, étudie et copie quelques unes des merveilles de l'Italie. Les marbres antiques, les bronzes, les fresques les dessins des grands maîtres sont sous ses yeux, il doit pénétrer ces beautés et s'en remplir. Ces études sont nécessaires [p. 389] au développement d'un talent sérieux ; c'est dans le rapport qui existe entre les chefs-d'oeuvre de l'art et l'immuable beauté de la nature qu'il trouvera son inspiration à la fois savante et originale ; l'étude des belles oeuvres du passé ne lui donnera bientôt que plus de force et de sûreté dans ses moyens d'expression personnelle, telle a été l'initiation des grands génies de la Renaissance. / Le règlement n'impose donc aux pensionnaires que ce qui est la loi de leur véritable intérêt. M. Ferrier, 2e année / Bethsabée / L'envoi de M. Ferrier présente plusieurs parties remarquables ; le tableau est bien ordonné ; dans la figure de Bethsabée l'expression du visage est heureusement cherchée et trouvée, les colorations, notamment celle de la suivante à genoux, ont de la richesse et de l'éclat ; l'exécution générale est bonne, bien qu'un peu alourdie et rancie çà et là par une concentration d'effet peu appropriée à la disposition de la scène en plein air. / M. Ferrier devrait atténuer les valeurs noires et un peu conventionnelles des angles du tableau, et transporter les plus énergiques sur les draperies de la servante qu'il met debout. Ce parti l'eut conduit naturellement à donner au paysage, aux marbres, au velours et au ciel bleu la limpidité et l'accent vrai de la nature. / Nous n'insisterons pas sur quelques imperfections de détails que l'artiste a eu le temps de reconnaître, comme un manque d'attache dans le cou de la figure agenouillée, le style trop moderne du fond. Mais nous signalerons à son attention des points d'une plus grande importance : la noblesse du dessin dans les silhouettes et surtout l'effacement de ce caractère précis que la nature offre spontanément à qui sait la voir. / L'Académie engage M. Ferrier à diriger ses efforts vers ce but, et signale avec plaisir les qualités brillantes et les heureux dons naturels dont il fait preuve dans son envoi. M. Toudouze, 3e année / La mort d'Agamemnon (envois de deuxième et troisième année) / Le tableau de M. Toudouze s'inspire plus, à ce qu'il semble, des brutalités du drame moderne que des sublimités de la tragédie grecque. / Le théâtre antique a traduit souvent les fureurs de la passion humaine, mais ses orages restent dans les hauteurs et éclatent, pour ainsi dire, en plein ciel. Il dédaigne les effets vulgaires, les flaques de sang, la hache de l'assassin, tous ces bas accessoires du meurtre qui relèvent plutôt de la chirurgie légale que de l'art tragique, sont mis dans l'ombre. / Aristophane, avec cette grâce mordante de l'esprit qui [p. 390] ne créé pas toujours dans les choses idéales, mais qui en relève si vivement les beautés, accuse Euripide, le réaliste du théâtre grec, d'avoir, par de tels moyens, fait déchoir la tragédie. Il veut que le poète s'adresse non aux sens mais à l'âme du spectateur. Le peintre qui se meut dans un plus vaste domaine, doit pourtant avoir les mêmes délicatesses ; il vise haut, lui aussi, il doit chercher ses premiers moyens d'action dans la noblesse et la vérité de la composition. Il s'inspire tout d'abord ou de la hauteur ou du naturel que le sujet comporte. / Dans un tableau bien ordonné les détails se mettent d'eux-mêmes à leur vraie place. / Par une regrettable erreur de l'arrangement du tableau de M. Toudouze, le cadavre d'Agamemnon n'offre qu'une expression presque nulle. L'artiste s'est privé de l'effet tragique qu'il eut pu tirer du mouvement du visage qui se perd dans un raccourci fâcheux. / Si quelques parties du vêtement de Clytemnestre offrent un heureux agencement, la physionomie est théâtrale, et cet effet est encore aggravé par un éclairage de bas en haut qui semble emprunté à la rampe du théâtre moderne. L'attitude d'Egisthe est peu conforme au caractère du personnage ; il ne fallait pas oublier que ce meurtrier ceignit le diadème, et qu'il joua le rôle du roi jusqu'au retour vengeur d'Oreste. / L'Académie n'adressera qu'incidemment les observations que suivent à M. Toudouze, mais elle a le devoir de réagir contre les influences d'actualités qu'il subit et qui pourraient dévoyer son talent. / La recherche des infiniment petits, les détails empruntés à une archéologie contestable, éclipsent trop souvent la pensée de l'artiste, s'ils n'en dissimulent pas l'absence. Les éléments divers que l'étude de l'Antiquité met au service d'un artiste curieux et lettré ne sont certes pas à dédaigner ; mais le peintre d'histoire doit se mettre en tête avant tout que le grand objet de l'art est l'homme, et que le reste vient par surcroît. / Michel-Ange raillait avec esprit un artiste de son temps qui, ayant le choix de prendre un pied nu ou chaussé, préféra le cuir du soulier. On pourrait non sans justesse, faire la même critique à l'esquisse de M. Toudouze : la captivité de Samson. / L'exécution des menus détails qui encombrent le premier plan, semble avoir absorbé son attention. La composition reste dans des lignes vagues qui n'accentuent que faiblement le caractère du sujet choisi par l'artiste. / Ce pensionnaire a également atténué dans sa copie de Véronèse les tons limpides, francs et suaves du grand coloriste vénitien. / Nous conseillons à M. Toudouze de mieux conduire les qualités [p. 391] d'observation originale et d'habileté de main que l'Académie est heureuse de trouver dans ses ouvrages, au milieu d'imperfections qu'elle a le devoir de lui signaler dans son intérêt le plus cher. M. Lematte, 4e année / Oreste / M. Lematte termine par cet envoi ses travaux à la villa Médicis. L'Académie ne peut qu'applaudir à la grandeur de l'effort et à l'élévation de la pensée de cet ouvrage. / Nous louons le jet de la composition, le caractère original de l'effet, si l'exécution n'est pas toujours à la hauteur de l'idée, il n'est pas douteux que l'artiste, très jeune encore, n'acquière bientôt plus d'expérience et de sûreté. / Après avoir signalé les qualités remarquables de ce tableau, il faut dire à M. Lematte qu'il aurait pu tirer meilleur parti de son groupe des Furies. Les poètes nous les représentent livides, noires, effilées comme les vipères qui se tordent dans leurs cheveux, antithèse vivante à ces figures qui rayonnent dans le ciel païen. / Les beautés de la mythologie grecque sont uniformément blondes ; Apollon, Vénus, Minerve elle-même sont des divinités blondes. / Par quelle étrange inspiration M. Lematte s'est-il avisé de dorer les chevelures des Erynnies. Cette erreur atténue l'effet dramatique du tableau. Le cadavre de la reine est d'un aspect saisissant, nous ne contesterons pas le caractère donné par l'artiste à la figure de Clytemnestre. / Clytemnestre en effet, quoique mère d'Oreste, est restée, comme Hélène, dans la fable et la poésie, un type de beauté et de jeunesse éternelle ; nous ne pouvons que louer M. Lematte d'avoir été sur ce point fidèle à la légende grecque. La figure d'Oreste a un mouvement d'arrêt, de stupeur plutôt que de fuite, mais si on ne doit pas insister sur le choix de l'idée expressive qui appartient en propre à l'artiste, on peut faire observer cependant que la main qui saisit l'épée a un mouvement défensif un peu en contradiction avec sa pensée. / Le corps d'Oreste offre des effets de lumière bien rendus mais la tête manque un peu de cette ardeur juvénile qui convient au personnage. / Oreste, pour les Anciens, et on le voit figurer souvent sur les vases grecs, est d'une nature frêle, fine, élégante. / Le grand poète qui a parfois des éclairs de génie antique, ne donne pas à Hamlet la stature robuste d'un athlète ; il nous le dépeint avec une admirable vérité, pâle, agité, débile ; son âme fiévreuse se reflète sur son visage amaigri. Tous les traits de l'Oreste scandinave ne conviennent pas à la belle plastique grecque, mais l'analogie de la création de Shakespeare est frappante et peut aider l'artiste. La poésie commente souvent la peinture et ces deux expressions de [p. 392] la pensée humaine se confondent dans le sublime. L'Académie malgré ces quelques observations critiques, signale les excellentes qualités du tableau de M. Lematte, elle prend la liberté d'appeler l'attention de M. le Ministre des beaux-arts sur les travaux de ce pensionnaire et le recommande à sa bienveillante sollicitude.
Localisations
Institution :
Cote / numéro :
Académie des beaux-arts, 2 E 15, p. 388-392
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, procès-verbal, 1875, peinture£ Notice créée le 16/06/2002. Notice modifiée le : 11/10/2018. Rédacteur : France Lechleiter.
Rédacteur
France Lechleiter