Portrait présumé de Nicolas Pithou
Nicolas Pithou, seigneur de Changobert, né à Troyes en 1524, a pour frères Jean, son jumeau qui exerçait comme lui la profession d’avocat, et Pierre, le célèbre jurisconsulte. Nicolas est surtout connu pour son activité littéraire, notamment sur l’histoire ecclésiastique de Troyes, publiée à Paris en 1863 par le pasteur Recordon sous le titre Protestantisme en Champagne. Il est également l’auteur d’un volume manuscrit sur les événements marquants de la seconde moitié du XVIe siècle (Sainte-Marie 1984). Il termina sa vie à Bâle en 1598, où il s’était exilé en tant que fervent huguenot (il est notamment l’ami de Théodore de Bèze). Il entretient toutefois des liens étroits avec sa ville natale et sa famille, comme son testament de 1595 rédigé à Troyes en atteste (Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme français, 1866, p. 109). Il semble également avoir connu les cercles artistiques et littéraires de la ville. Il mentionne en effet dans son histoire ecclésiastique, sous l’année 1549, le peintre Jacques Cochin, huguenot comme lui, et l’imprimeur Macé Moreau, qui se fournissait en images chez l’artiste (Nicolas Pithou, Histoire ecclésiastique de la ville de Troyes, Bibliothèque nationale, ms. coll. du Puy, vol. 698, fol. 47). Nicolas Pithou décrit également dans son ouvrage un tableau de Jean Pothier réalisé en 1544 : « [le cordelier Morel] se fit peindre et pourtraire après le vif par un exper et sçavant peintre de Troyes nommé Jean Pothier, et tirer au naturel sur un tableau, soubz le nom de sainct Bonaventure. A quartier de son effigie estoit peint un chapeau de cardinal pendu à un arbre, sur lequel il avoir les yeux et le regard fichez” »(fol. 38).
Comme dans le cas du portrait de Pierre de Ferralhon (collection particulière), acquis à la cause de la Réforme, réalisé par Étienne de Martellange, l’effigie de Nicolas Pithou tend à contredire le cliché du costume protestant éternellement noir et austère. Vêtu d’une chemise blanche aux manches bouffantes recouvertes d’un pourpoint gris de cuir entrouvert au niveau du ventre, Pithou est présenté à mi-corps, la main gauche posée sur la hanche. Le col à large rebords et l’âge avancé du modèle semblent confirmer une datation dans la dernière décennie du XVIe siècle, alors que Nicolas Pithou est âgé d’environ 65 ans. Bien que le peintre demeure anonyme et isolé, nous pouvons le supposer actif à Troyes, où Nicolas Pithou a passé l’essentiel de sa vie. L’artiste se montre proche d'œuvres locales contemporaines, notamment le portrait de Jean Legas (Troyes, musée Vauluisant), avec lequel il partage un visage assez bien défini dans une touche assez lâche. Le visage de Nicolas Pithou est cependant très retouché. L’artiste se montre proche d'œuvres locales contemporaines, notamment le portrait de Jean Legas (Troyes, musée Vauluisant), avec lequel il partage un visage assez bien défini dans une touche assez lâche. On ne peut cependant exclure que l’homme se soit fait portraiturer ailleurs : on sait d’après les documents qu’il est proche de la communauté artistique troyenne protestante qui s’est réfugiée à Genève. Le contrat de mariage de 1577 de Germain Viarre, fils du Girard Viard que Frédéric Elsig propose d’identifier au Maître des sept sacrements, cite comme témoins Nicolas Pithou et le peintre Jacques Varin, parent de Germain (F. Elsig, « Un peintre de la Renaissance à Troyes : le Maître des sept sacrements (Girard Viarre ?) », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 2015, 77, p. 79). Si d’un point de vue stylistique on peut raisonnablement supposer que le peintre est d’origine troyenne, il n’est pas impossible que le portrait ait été réalisé à Genève par un peintre champenois.
legs de Mlle de Mesgrigny, 1926 ; Troyes, musée de Vauluisant, inv. 26.1.3
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