Portrait de Jean Legas (vers 1512-1587)
Ce singulier portrait représente Jean Legas, maître boucher de Troyes. Henri III, lors de son passage à Troyes en 1586, fut si admiratif de sa barbe remarquablement longue qu’il décida de l’anoblir. Selon les historiens locaux, Legas lui avait été présenté comme un phénomène et voulant s’assurer que la barbe n’était pas un postiche, il passa la main dedans. Il accepta alors d’octroyer à Legas et ses descendants un titre de noblesse ainsi que le fermage des boucheries de Troyes (Fichot 1889). Charles Fichot affirme qu’il fut anobli par Henri IV en 1595, ce qui semble peu probable du fait que Jean Legas décèderait en 1587. Le portrait a donc dû être peint entre 1586 et 1587. L’inscription, posthume, semble avoir été ajoutée peu de temps après la mort de Jean Legas. Après avoir vraisemblablement été exposé dans la demeure de Jean Legas, le portrait est légué par ses petits-fils à la maison des Trinitaires de Troyes, à la condition qu’il serait conservé dans la chapelle (Migne 1855). Après des années d’enfumage par les cierges, l’inscription disparu sous des couches de saleté et la figure devint curieusement « saint Le Gat », jusqu’à ce qu’un peintre nettoie la couche picturale, résultant en un scandale qui faillit mener à la destruction de l’œuvre.
L’homme est représenté en pied à échelle humaine, complètement nu à l’exception d’un drapé rouge qui le recouvre à l’antique, un peu à la manière d’un Vulcain. Un chien est couché à ses pieds, sur un carrelage en perspective. L’occupation de Jean Legas en tant que boucher rend sa représentation en portrait encore plus extraordinaire au regard des règles du paraître et de bienséance édictées par la société renaissante. En effet, les bouchers, par leur contact quotidien avec le sang, sont alors associés aux activités illicites et déshonnêtes. Le tabou préchrétien du sang en fait des personnages aux marges de la société. Ce corps de métier est pourtant souvent aisé au XVIe siècle et participe de manière active à la vie urbaine et municipale. Le choix de se faire représenter en pied, un format habituellement réservé à la riche noblesse, atteste également des ambitions sociales de Legas, tout comme la miniature qui reprend la même composition et orne une boîte en ivoire
JEAN LEGAS MAISTRE BOUCHER DE TROYES LEQUEL EST DECEDE L'AN 1587
Légué par les petits-fils de Jean Legas à la chapelle des Trinitaires de Troyes ; collection Mme Coquet-Nérot, don en 1850 ; Troyes, musée Vauluisant, inv. 850.1.22
La miniature de Jean Legas pourrait avoir été réalisée en même temps que le tableau Portrait de Jean Legas de Vauluisant.
p. 1413
p. 291-293
p. 213-214