Mus, Paul

Paul Mus est né dans une famille d'enseignants, où, très jeune, ses facultés intellectuelles ont pu s'épanouir. Toute son enfance se déroule en Indochine, puis il rentre en France pour faire ses études. Élève de khâgne au lycée Henri-IV, il a pour maître le philosophe Alain (1868-1951). Il se tourne vers l’orientalisme et devient disciple de Sylvain Lévi (1863-1935) en sanskrit et en tibétain, et d'Arnold Vissière (1858-1930) en chinois. Il apprend également le siamois et le vietnamien. Il devient membre de l’EFEO en 1927, soutient en 1933 une thèse de doctorat très remarquée sur le Borobudur. En 1937, il est nommé directeur d’études à la V^e section de l'École pratique des hautes études. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il est officier. Fin 1940, il gagne Calcutta et la France libre pour laquelle, en 1944, il est parachuté au Tonkin. Lors du coup de force japonais du 9 mars 1945, il est à Hanoï et travaille pour le compte des services spéciaux. Il échappe aux Japonais, rejoint à pied Son La, puis Kunming, ce qui lui vaut de nombreuses aventures. Après la capitulation japonaise, il devient pour quelque temps conseiller du général Leclerc et intervient en faveur d'une politique accordant clairement l’indépendance au Vietnam. Il se retire sur un échec. Il est alors nommé, en France, directeur de l’École nationale de la France d’outre-mer. En 1946, il obtient la chaire de civilisations d'Extrême-Orient au Collège de France. Quelques années plus tard, il accepte d'assumer parallèlement un enseignement à l'université de Yale. Dans ses travaux, Paul Mus privilégie la compréhension en profondeur sur la diversité. Il sent la distance sensible entre « l’homme de terrain » et le savant de cabinet. Son exigence est de « ne pas prendre une bibliothèque pour l'équivalent d'un pays ». Il s'applique à rechercher les substrats anciens, « les antécédents, ployés et recouverts par les apports brahmaniques pour l'Inde (ou confucéens pour la Chine) ». Pour cela, il combine les résultats de plusieurs disciplines : linguistique, ethnographie, archéologie, histoire des religions. Il en réalise une excellente formulation dans la conférence de 1934 intitulée : « Cultes indiens et indigènes au Campa ». Pour l'archéologue du Borobudur, ce monument et le stûpa en général sont parmi les grandes sources de réflexion et le meilleur cadre de référence pour ses recherches sur l'histoire du bouddhisme.

Article rédigé par Lucie Labbé

Paul Mus was born into a family of teachers, where from a very young age his intellectual faculties could flourish. He spent his childhood in Indochina, then returned to France to study. In his post-baccalaureate khâgne studies at the Lycée Henri-IV he was taught by the philosopher Alain (1868-1951). He turned to Orientalism and became a student of Sylvain Lévi (1863-1935) in Sanskrit and Tibetan, and of Arnold Vissière (1858-1930) in Chinese. He also studied Thai and Vietnamese. He became a member of the École française d'Extrême-Orient (EFEO) in 1927 and in 1933 defended a remarkable doctoral thesis on Borobudur. In 1937, he was appointed director of studies at the fifth section of the École Pratique des Hautes Etudes. He served as an officer during World War II. At the end of 1940, he reached Calcutta and La France libre for whom, in 1944, he parachuted into Tonkin. During the Japanese coup of March 9, 1945, he was in Hanoi and worked for the special services. He escaped the Japanese, reaching Son La on foot, then went on to Kunming, which afforded him many adventures. After the Japanese capitulation, he became General Leclerc's adviser for some time and intervened in favour of a policy clearly granting independence to Vietnam. Following failure, he withdrew. Back in France, he was then appointed director of the École nationale de la France d’outre-mer (the National School of Overseas France). In 1946, he obtained the chair of Civilisations of the Far East at the Collège de France. A few years later, he agreed to assume parallel teaching at Yale University. In his work, Paul Mus favoured in-depth understanding over diversity. He sensed the distance between "the man in the field" and the scholar in the office, and insisted that one must “not to take a library for the equivalent of a country". He applied himself to researching the ancient substrates, "the antecedents, warped and concealed by the Brahmanic contributions to India (or Confucian to China).” For this, he combined the results of several disciplines: linguistics, ethnography, archeology, and the history of religions. An excellent formulation of this appears in his 1934 lecture "Indian and Native Cults in the Campa” (Cultes indiens et indigènes au Campa). For the archaeologist of the Borobudur, this monument and the stûpa in general were among the great sources of reflection and the best frame of reference for his research on the history of Buddhism.

Article by Lucie Labbé (Translated by Jennifer Donnelly)