Ginier, Paul

Collection acquise par les musées royaux

Outre les échantillons de matière première catalogués à la fin, le catalogue du Bazar Bonne-Nouvelle de 1840 (Ginier P., Paris, 1845) décrit 2 612 objets de la collection chinoise et japonaise de Paul Ginier sous les numéros 1 à 866 (ou plutôt, sous 822 numéros car une erreur typographique fait que 40 numéros manquent).

La provenance des objets est précisément indiquée : 995 objets viennent de Chine, 941 du Japon. Les 875 autres objets viennent d’autres pays d’Asie du Sud-Est dont beaucoup de Java, d’îles du Pacifique, voire de la côte orientale de l’Afrique. En voici la liste par ordre d’arrivée dans le catalogue : Bengale, Java, Mascate (sultanat d’Oman), Cochinchine, Moluques, Macassar, Amboine (Ambon, Moluques), Perse, Manille (Philippines), Nouvelle Guinée, Célèbes, Palimbang (Philippines), Pegu [Birmanie], Ternate (Moluques), Sumatra, Bornéo, Madura (île voisine de Java), Sandwich (îles Hawaï), Ceylan, Bombay, Inde, Siam, Madagascar, Manado (Célèbes), Nouvelle Hollande (Australie), Bailly, Arabie, Côte Mozambie, Wanikoro (îles Salomon).

Collections dans les musées

Par décision du 20 novembre 1842, les musées royaux dépensent le prix convenu de 8 250 francs pour l’acquisition de 98 lots. Ce sont plus de 200 objets ou œuvres graphiques qui entrent dans les collections du musée de la Marine, installé au deuxième étage de la cour carrée du Louvre avant son transfert au palais de Chaillot après 1939. Au moins vingt-huit numéros sont décrits comme chinois, douze comme japonais, quinze comme javanais, cinq proviennent de Ternate, d’autres de divers pays d’Asie du Sud-Est ou de Vanikoro (MMAR, inventaires, s. c.).

La présence d’objets japonais (ce pays n’étant accessible qu’aux commerçants hollandais ou chinois qui ont des comptoirs à Nagasaki) intéresse particulièrement l’administration des musées royaux. C’est probablement du côté de Batavia (actuelle Jakarta) qu’ils ont été acquis, car ils sont proches de ceux que l’on trouve au Rijksmuseum voor Volkenkunde de Leyde.

Parmi les vingt-quatre objets actuellement conservés au Musée national de la Marine, outre une extraordinaire « cage à oiseaux en forme de maison flottante » chinoise (Catalogue du musée chinois et japonais créé par M. Paul Ginier, de Marseille et acquis par M. Deschaux et Cie, 1845, n° 158), se trouvent plusieurs modèles de bateaux : un bateau en clous de girofle vient des îles Moluques (n° 778) ; une jonque est chinoise (n° 637), mais cinq modèles sont japonais : deux caboteurs (n° 669 et 670) ; un « bateau plat, espèce de chaland dont se servent les japonais à Nangasakki [sic] pour le débarquement des marchandises hollandaises et chinoises » (n° 673) et deux petits canots avec voile (n° 674) ou sans voile (n° 675). Ont été acquises à la même vente plusieurs peintures sur papier, également conservées au musée national de la Marine. Certaines sont chinoises : l’une représente une jonque chinoise, neuf autres, représentant différents types de bateaux chinois, sont actuellement montées en un seul cadre, mais proviennent peut-être d’un album typique de la production de Canton. Trois autres, « encadrées sous verre », sont japonaises : l’une représente Deshima (n° 677), l’îlot artificiel où est alors installé le comptoir hollandais à Nagasaki, deux paysages montrent la ville et la rade de Nagasaki (n° 677 bis et 677 ter). Ces trois œuvres, anonymes, peuvent être attribuées à Kawahara Keiga (1786-v. 1860), un peintre de Nagasaki spécialiste de ce genre de vues (L’Or du Japon, 2010, n° 99, 100, 101, repr. ; À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 9, 10, 11.).

Les collections ethnographiques, qui ne sont plus du programme du musée de la Marine à partir du début du XX^e siècle, sont pour la plupart dispersées en différents lieux de dépôt.

Une partie est envoyée au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye en 1907 et 1911, en vue d’une salle d’ethnographie comparée qui n’a, semble-t-il, jamais été organisée. De nombreux objets reviennent en 1930 enrichir les collections du musée de l’Homme en préparation au palais de Chaillot et sont maintenant au musée du quai Branly-Jacques Chirac. Citons, provenant de Paul Ginier, quatre modèles de maisons japonaises de Nagasaki ainsi décrits en 1840 : « 665. Une maison de la classe inférieure qui avait des parois en papier ; 666. Une maison japonaise de la classe distinguée qui contenait trois personnages “dans le costume vrai de leur état” ; 667. Une boutique japonaise pour les étoffes de soie ; 668. Un corps de garde japonais “tel qu’il s’en trouve dans les grandes villes du Japon”. » Ils ont maintenant perdu leurs accessoires et leurs personnages (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 12. ; Cluzel, Gautier, Nishida, 2018, fig. 1 à 4, p. 139 à 141, repr.).

C’est au musée des Beaux-Arts de Brest qu’a été déposé, en 1924, un palanquin miniature japonais en laque noir et or (1840, n° 248), le plus luxueux de trois proposés à la vente, contenant une poupée à la coiffure et au costume masculins que l’on avait pris à tort pour une des « dames japonaises assises sur des coussins », l’autre poupée ayant disparu : il s’agit d’un objet exposé au Japon le jour de la fête des filles (Lacambre G., 2008 , p. 174, fig. 62 ; L’Or du Japon, 2010, n° 102, repr. ; Lacambre G., 2012, p. 59 fig. 5 (liste p. 15) ; À l’aube du japonisme, 2017, n° 13, repr.).

Sous la Seconde République, une « salle de la sauvagerie » fut organisée au Louvre dont la description, datée du 1^er mai 1848 et conservée dans les archives du musée de la Marine (MMAR, inventaires, s. c.), fait état de quatre-vingt-trois civilisations du monde entier. La Chine (53 objets) et le Japon y figurent, avec, pour ce dernier, une quinzaine d’objets parmi lesquels le modèle de palanquin, maintenant au musée de Brest, ainsi que, provenant également de Paul Ginier, deux boîtes contenant, l’une « des épingles doubles pour coiffure de femme », l’autre « des fleurs pour parure de dame », dont certaines semblent avoir été envoyées au musée de l’Homme en 1946 (actuellement au musée du quai Branly-Jacques Chirac).

Collection acquise par Sèvres

Pour sa part, le musée de la manufacture de Sèvres achète sept pièces en céramique pour ses collections montrant la variété des techniques utilisées : parmi les objets japonais, la plus chère (150 francs) est une sculpture en terre blanche vernissée de brun représentant une tortue et son petit sur un rocher (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 14), une verseuse en grès à couverte « peau de requin » (À l’aube du japonisme, 2017, n° 15, repr.), une jatte couverte en forme de chrysanthème de 25 cm de diamètre en faïence polychrome (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 16), une théière en grès cérame, décorée d’un paysage en émaux polychromes en léger relief sous une couverte incolore (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 17).

Autres objets...

Les autres objets proposés à la vente se retrouvèrent dans le commerce de curiosités : le musée d’Ennery conserve, en effet, plusieurs objets à rapprocher de ceux qui sont décrits dans la collection de Paul Ginier. Ils ont dû entrer tôt dans la collection de Clémence d’Ennery, car aucune facture n’est conservée ; citons deux damiers japonais décrits ainsi dans le catalogue de 1840 : « 592. Un damier japonais en bois jaune, carré, porté par quatre pieds, 324 cases tracées par des raies noires », mais il manque les 360 pions en agate noire et blanche ; « 593. Un id. [damier] japonais en carré de 36 c 2 p., divisé en 9 cases de côté par des lignes noires » : là aussi les 41 pions en bois en forme de petite pyramide avec caractères japonais sont absents.

Article rédigé par Geneviève Lacambre

Collection acquired by the Royal Museums

Besides the raw material samples cataloged at the end, the catalog of the Bazar Bonne-Nouvelle of 1840 (Ginier P., Paris, 1845) describes 2,612 objects from the Chinese and Japanese collection of Paul Ginier under the numbers 1 to 866 (or rather, under 822 numbers because a typographical error caused 40 numbers to be missing).

The provenance of the objects is precisely indicated: 995 objects come from China, 941 from Japan. The other 875 objects come from other Southeast Asian countries, including many from Java, the Pacific Islands, and even the eastern coast of Africa. Here is the list in order of arrival in the catalog: Bengal, Java, Muscat (Sultanate of Oman), Cochinchina, Moluccas, Macassar, Amboyna (Ambon, Moluccas), Persia, Manila (Philippines), New Guinea, Celebes, Palimbang (Philippines), Pegu [Burma], Ternate (Moluccas), Sumatra, Borneo, Madura (neighbouring island of Java), Sandwich (Hawaii Islands), Ceylon, Bombay, India, Siam, Madagascar, Manado (Celebes), New Holland (Australia), Bailly, Arabia, Côte Mozambie, Wanikoro (Solomon Islands).

Collections in Museums

By decision of November 20, 1842, the Royal Museums spent the agreed price of 8,250 francs for the acquisition of 98 lots. More than 200 objects or graphic works entered the collections of the Musée de la Marine, installed on the second floor of the Cour Carrée du Louvre before its transfer to the Palais de Chaillot after 1939. At least twenty-eight items are described as Chinese, twelve as Japanese, fifteen as Javanese, five from Ternate, and others from various Southeast Asian countries or Vanikoro (MMAR, inventories, s. c.).

The presence of Japanese objects (this country being accessible only to Dutch or Chinese traders who had outposts in Nagasaki) was of particular interest to the administration of the royal museums. They were probably acquired near Batavia (now Jakarta), as they are similar to those found in the Rijksmuseum voor Volkenkunde in Leiden.

Among the twenty-four objects currently preserved at the Musée national de la Marine, in addition to an extraordinary Chinese "birdcage in the form of a floating house" (Catalogue du musée chinois et japonais créé par M. Paul Ginier, de Marseille et acquis par M. Deschaux et Cie, 1845, no. 158), there are several models of boats: one clove boat comes from the Moluccas Islands (no. 778); one junk is Chinese (#637); and five examples are Japanese - two coaster vessels (#669 and 670); a "flat boat, a kind of barge used by the Japanese at Nangasakki [sic] for the landing of Dutch and Chinese goods" (no. 673) and two small dinghies, one with sails (no. 674) and one without (no. 675). Several paintings on paper were acquired at the same sale, also conserved at the maritime museum. Some are Chinese: one depicts a Chinese junk; nine others, depicting different types of Chinese boats, are currently mounted in a single frame, but may be from a typical Cantonese production album. Three others, "framed under glass", are Japanese: one represents Deshima (no. 677 bis and 677 ter). These three anonymous works can be attributed to Kawahara Keiga (1786-c. 1860), a painter from Nagasaki specialising in this type of view (L'Or du Japon, 2010, n° 99, 100, 101, repr.; À l’aube du japonisme, 2017, cat. Nos. 9, 10, 11.).

The ethnographic collections, which no longer formed part of the program of the Musée de la Marine from the beginning of the 20th century, were for the most part dispersed among various sites.

Parts were sent to the Antiquités nationales in Saint-Germain-en-Laye in 1907 and 1911, for a room of comparative ethnography that was apparently neverrealised. Many objects returned in 1930 to enrich the collections of the Musée de l'Homme in preparation at the Palais de Chaillot and are now at the musée du quai Branly-Jacques Chirac. We can cite descriptions directly from Paul Ginier in 1840 of four models of Japanese houses in Nagasaki: “665. A house of the lower class which had walls of paper; 666. A Japanese house of the distinguished class which contained three figures “in the true dress of their state”; 667. A Japanese shop for silk stuffs; 668. A Japanese guardhouse “as found in the great cities of Japan.” These objects have since lost their accessories and their figures (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 12.; Cluzel, Gautier, Nishida, 2018, fig. 1 to 4, p. 139 to 141, repr.).

The musée des Beaux-Arts of Brest received in 1924 a Japanese miniature palanquin in black and gold lacquer (1840, no. 248), the most luxurious of the three offered for sale, containing a doll with a male hairstyle and costume that was mistaken for one of the "Japanese ladies sitting on cushions", the other doll having since disappeared: it is an object exhibited in Japan on the day of the festival of girls (Lacambre G., 2008 , p. 174, fig. 62; L’Or du Japon, 2010, n° 102, repr.; Lacambre G., 2012, p. 59 fig. 5 (liste p. 15) ; À l’aube du japonisme, 2017, n° 13, repr.).

Under the Second Republic, a "room of savagery" was organised at the Louvre, the description of which, dated May 1, 1848 and preserved in the archives of the Musée de la Marine (MMAR, inventories, s. c.), mentions 83 civilisations from around the world. Among the countries represented were China (53 objects) and Japan, from which about fifteen objects were included, such as the model of palanquin now in the museum of Brest, as well as two boxes from Paul Ginier containing "double pins for a woman's hairstyle” and "flowers for a lady's finery", some of which seem to have been sent to the Musée de l'Homme in 1946 (currently at the Musée du quai Branly-Jacques Chirac).

Collection acquired by Sèvres

The musée de la manufacture de Sèvres bought seven ceramic pieces for its collections showing the variety of techniques used: among the Japanese objects, the most expensive (150 francs) was a sculpture in white clay with brown glaze representing a turtle and her baby on a rock (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 14), a stoneware jug with a "shark skin" lid (À l’aube du japonisme, 2017, n° 15, repr.), a covered bowl in the shape of a chrysanthemum 25 cm in diameter in polychrome earthenware (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 16), a porcelain stoneware teapot, decorated with a landscape in polychrome enamels in light relief under a colourless cover (À l’aube du japonisme, 2017, cat. n° 17).

Other Items

The other objects offered for sale ended up on the market for curiosities: the Musée d'Ennery still has several objects to compare with those described in the collection of Paul Ginier. They must have entered Clémence d'Ennery's collection early, as no invoices are extant; we can note two Japanese checkerboards described in the catalog of 1840: "592. A Japanese checkerboard in yellow wood, square, supported by four feet, 324 squares traced by black lines", but the 360 ​​tokens in black and white agate are missing; “593. An id. Japanese [checkerboard] in a square of 36 c 2 p., divided into 9 side squares by black lines": there too the 41 wooden tokens, in the shape of small pyramids with Japanese characters, are absent.

Article by Geneviève Lacambre (translated by Jennifer Donnelly)