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Commentaire biographique

Milieu social

Emmanuel-Édouard Chavannes, dit Édouard Chavannes, est né le 5 octobre 1865 à Lyon, dans une famille protestante. Né Suisse, il est naturalisé Français vers l’âge de 20 ans. Édouard Chavannes est le deuxième fils de Frédéric-Émile Chavannes (1836-1909) et de Blanche Dapples (1841-1865), qui décède un mois après sa naissance. Cinqans plus tard, son père épouse Laure Poy (1849-1900 ?), avec qui il aura huit enfants. Chavannes passe quelques années de son enfance chez sa grand-mère paternelle à Lausanne, puis retourne à Lyon où il vit avec son père et sa belle-mère. (Chavannes É., 1882, p. 1-34 ; Cordier H., 1917, p. 114-147.)

Formation et profession

À l’âge de 18 ans, Chavannes se rend à Paris pour suivre ses études supérieures. Ancien élève du Lycée de Lyon, reçu bachelier ès Lettres en juillet 1883, il entre en classe préparatoire au Lycée Louis-le-Grand. Il est admis à l’École normale supérieure de Paris dans la spécialité de philosophieen juillet 1885, où il suit en même temps des cours d’histoire et d’archéologie. En 1886, il commence des études de chinois à l’École des Langues orientales vivantes et au Collège de France. Il obtient, en juillet 1886, la licence ès lettres et, en novembre, le baccalauréat de sciences. En 1888, il est reçu second à l’agrégation de philosophie et, en novembre de la même année, il est diplômé de langue chinoise à l’École des Langues orientales vivantes. Fin 1888, nommé d’abord au lycée de Lorient, Chavannes fait très vite une demande de mission en Chine auprès du ministère des Affaires étrangères pour étudier le chinois et la Chine. Au début de ce séjour, il écrit une dizaine d’articles sur la Chine, publiés dans la rubrique « Lettre de Chine » dans le journal Le Temps. Il commence sa traduction du Shiji 史記et effectue sa première mission scientifique, pendant laquelle il choisit d’étudier les bas-reliefs des Han du Wu Liang ci au Shandong (MAE, Archives diplomatiques, Personnel 1e sér., vol. 914, no 72 CHAVANNES Emmanuel Édouard, Lettre au Ministre des affaires étrangères, Pékin, 21 septembre 1890, Annexe). Il épouse Alice Dor (1868-1927), fille d’un ophtalmologue lyonnais, lors d’un congé en France en 1891. Chavannes avait initialement envie de devenir diplomate, ce qui lui aurait permis de rester en Chine et de continuer sa recherche sinologique. Mais, le 29 avril 1893, à l’âge de 28 ans, il est nommé professeur au Collège de France à la chaire de « Langue et littératures chinoises et de tartare mandchou ». À la fin de cette année, il commence son enseignement, qui fut l’une de ses principales occupations jusqu’à la fin de sa vie. À partir de 1904, il codirige la revue T’oung Pao avec Henri Cordier (1849-1925), ce qui fut son autre grande occupation. Entre mars 1907 et février 1908, il effectue sa deuxième mission en Chine, en Mandchourie et en Chine septentrionale. Pendant ce temps-là, Chavannes collecte une grande quantité de sources sous plusieurs formes et observe la Chine de son temps. Après son retour en France, il prend une charge d’enseignement à la section des Sciences religieuses de l’École pratique des hautes études pendant quatre ans (1908-1912). Le 29 janvier 1918, Chavannes meurt à Paris, d’une crise d’urémie, en pleine possession de ses hautes facultés intellectuelles et à l’aube de promesses de riches productions.

Chavannes a consacré beaucoup de temps à ses élèves et a formé une génération de grands sinologues en France et à l’étranger. On retrouve, parmi eux, ses élèves français Paul Pelliot (1878-1945), Henri Maspero (1883-1945), Marcel Granet (1884-1940) et Paul Demiéville (1894-1979) ainsi que son élève russe Vassili Alekseev (1880-1951), qui ont joué un rôle important dans le développement de la sinologie.

Chavannes a été membre ou collaborateur de plusieurs institutions scientifiques,telles que la Société asiatique, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, laBibliothèque nationale de France, l’École française d’Extrême-Orient, le muséeGuimet, le musée Cernuschi, ainsi que d’organisations privées. Il participa à leurs recherches scientifiques, aux travaux de leurs commissions de publication des revues et se chargea d’achats de livres et d’objets chinois.

Au cours de sa vie, Édouard Chavannes a déployé une intense activité : selon les circonstances, il est tour à tour journaliste, diplomate, sinologue, éditeur scientifique, ou encore protecteur du patrimoine chinois. Ce qui ressort le plus quand on considère l’ensemble de son œuvre, c’est non seulement son volume, mais aussi la variété des domaines abordés : histoire, épigraphie, archéologie, religion, art, science. Le large éventail des modes d’intervention est de même à souligner : traduction, étude critique, comptes-rendus, notes, correspondance épistolaire. Chavannes a publié au total quatorze ouvrages, environ cent articles et plus de deux cents comptes-rendus entre 1890 et 1917, auxquels s’ajoutent plusieurs publications posthumes.

Ses voyages

Dans ses études sinologiques, Chavannes mesure l’insuffisance des éléments que les textes peuvent fournir en tant que sources et ressent le besoin de creuser l’aspect archéologique par des enquêtes et des observations directes sur le terrain (Ghesquière J., 2005, p. 10-11). Il effectue ainsi deux missions scientifiques en Chine. Attaché autorisé à la Légation de France à Pékin à partir de 1889, il demande sa première mission scientifique en Chine lors de son congé en France en 1891. Il réalise cette mission après son retour de France entre le 10 novembre 1891 et le 19 mai 1893 (Lettre de la Légation de la République française en Chine au ministre des Affaires étrangères, le 2 décembre 1891, Pékin, Ministère des Affaires étrangères, Archives diplomatiques, Personnel 1e sér., vol. 914, no 72, CHAVANNES Emmanuel Édouard). Sa deuxième mission en Chine se déroule précisément entre le 14 avril et le 4 novembre 1907 sans compter les jours d’aller-retour entre la France et la Chine (Chavannes É., 1907, p. 561, 710). Son itinéraire est déterminé par des « considérations archéologiques », afin de trouver des monuments importants du passé. Au cours, essentiellement, de son deuxième voyage, Chavannes non seulement parcourt les routes déjà connues des voyageurs européens, mais essaye aussi un itinéraire encore jamais emprunté par aucun prédécesseur occidental (Chavannes É., 1908, p. 503-504). Les principaux sites que Chavannes visite et étudie peuvent être divisés en deux catégories : les premiers possèdent une valeur épigraphique et artistique, tels le Wu Liang ci 武梁祠, les temples funéraires de Confucius et de Mencius, la forêt des stèles (Beilin 碑林), les grottes de Longmen 龍門, celles de Yungang 雲岡et le Taishan 泰山 ; les seconds possèdent une valeur archéologique, tels les tombeaux impériaux de Koguryo et de la dynastie des Tang ou les grottes de Yungang et de Longmen. Chavannes cherche ce qu’il pourrait observer de neuf dans les sites déjà connus ou visités par ses prédécesseurs, et apporte de l’inédit en ouvrant une recherche épigraphique et archéologique sur ces sites.

Implications dans le monde artistique

Chavannes contribue à l’étude de l’art et possède une grande sensibilité littéraire et artistique dès sa jeunesse. Il joue des pièces de théâtre à l’école et chez lui, il visite des expositions, surtout de peinture et de sculpture, il exprime souvent son sentiment et apporte des commentaires sur les objets d’art. De plus, il se montre aussi passionné par la danse, plus classique que moderne. Cette préférence pour le classicisme s’est également manifestée sur les sujets et les matières de sa recherche sinologique (Lettres d’Édouard Chavannes à ses parents entre 1883 et 1885, conservées dans la famille Chavannes). D’après Louis de La Vallée Poussin (1869-1938), indianiste belge spécialisé dans le bouddhisme, l’École normale supérieure avait inculqué à Chavannes un profond sentiment artistique et humaniste (1918, p. 150).

Cette sensibilité à l’art est constante chez Chavannes tout au long de sa carrière. Pendant son voyage en Chine de 1907, il visite et photographie des chambres d’offrandes dans le Shandong et le Henan, où sont gravés des bas-reliefs par les peuples des Han. Il les relève également sous forme d’estampe. Il visite et photographie les deux grandes grottes de Bouddha, celles de Yungang et de Longmen, ainsi que les tombeaux impériaux Zhaoling et Qianling des Tang. Les résultats sont publiés dans les deux albums de photographies de Mission archéologique dans la Chine septentrionale (1909). Il collectionne des images populaires du Nouvel an chinois (nianhua 年畫) et achète également des ouvrages sur l’art chinois (1901 ; Eliasberg D., 1978).

Dans ses recherches iconographiques, l’intérêt de Chavannes se porte surtout sur les bas-reliefs des Han et les sculptures bouddhiques des grottes de Yungang et de Longmen. Il aborde l’aspect artistique de ces œuvres, en donnant une description détaillée des monuments : la taille, l’apparence, le style, la scène, le geste et la décoration, la couleur, etc. L’origine, la taille et le contenu de chaque œuvre sont soigneusement notés et, plus remarquable encore, il explique les motifs en s’appuyant sur la littérature ancienne, dont il donne les références précises. Ce faisant, il confère une valeur archéologique et artistique nouvelle aux pierres sculptées de la Chine ancienne (Chavanne É., 1893, 1909, 1913, 1915). Il organise la première exposition de peintures chinoises du musée Cernuschi d’avril à juin 1912 en partenariat avec Raphaël Petrucci (1872-1917) et Henri d’Ardenne de Tizac (1877-1932), et publie un ouvrage sur cette exposition (Goloubew V., 1914a, 1914b). Il rédige également des articles sur les peintures et les sculptures de la Chine présentées dans des expositions ou des musées, en fournissant des renseignements sur les œuvres concernées (Chavannes, 1904a, 1904b, 1906, 1909, 1913). Pourtant, Chavannes a pris soin d’éviter d’exprimer des commentaires de nature artistique, ne se considérant probablement pas comme un spécialiste.

D’après Henri Cordier, pendant longtemps, les Européens n’ont eu que des notions vagues sur l’art chinois et, concernant la sculpture, ils n’en connaissaient que très peu (Cordier H., 1914, p. 671). Chavannes est le premier historien de la sculpture sur pierre en Chine. Il se distingue également des lettrés chinois dans l’étude épigraphique par sa recherche iconographique. D’après Michèle Pirazzoli-t’Serstevens (2010, p. 129), les lettrés et collectionneurs chinois qui avaient étudié les inscriptions portaient leur attention sur la vérification et la correction des textes, mais montraient très peu d’intérêt pour d’autres domaines de recherche.

Berthold Laufer (1874-1934), l’élève américain d’origine allemande de Chavannes, suit la voie de son maître en ce qui concerne la sculpture funéraire des Han. Ce dernier s’intéresse aux travaux de son élève et en donne plusieurs comptes-rendus. Raphaël Petrucci, sinologue et historien de l’art de l’Extrême-Orient, entreprend dans les années 1890 l’apprentissage de l’épigraphie chinoise sous la direction de Chavannes. Liés par la suite par une amitié profonde, ils collaborent pour écrire La Peinture chinoise au musée Cernuschi (avril-juin 1912) (Goloubew V., 1914a).

S’agissant des images populaires de Nouvel an chinois, Chavannes remarque très tôt ce genre particulier d’estampe, devenu populaire à la fin de la dynastie des Qing et publie un article en 1901 (réédité sous la forme d’une brochure en 1922) intitulé « De l’expression des vœux dans l’art populaire chinois ». Dans cet article, il utilise des images populaires comme sources pour traiter de l’art populaire chinois. Gravées sur bois, ces images étaient collées sur les portes des maisons au moment du nouvel an. Les sujets représentés touchent les domaines suivants : les dieux, les scènes d’opéra, la vie quotidienne, les légendes folkloriques, les activités humaines, les événements politiques. Alekseev, qui a voyagé pendant 4 mois en Chine avec Chavannes, a très probablement été influencé par son professeur et se passionne par la suite pour ce type d’art. Aujourd’hui, la coutume des nianhua a disparu dans la plupart des régions de Chine, et les collections qui survivent de Chavannes et d’Alekseev, ainsi que celles d’autres amateurs ou spécialistes, sont d’autant plus précieuses qu’elles ont été réunies à une époque où l’intérêt des sinologues et des amateurs d’art chinois pour le folklore était très peu courant.

Constitution de la collection

Dans ses études sinologiques, Chavannes perçoit l’insuffisance des éléments que les textes peuvent fournir en tant que sources et ressent le besoin de creuser l’aspect archéologique par des enquêtes et des observations directes sur le terrain (Ghesquière J., 2005, p. 10-11). Il effectue ainsi deux missions scientifiques en Chine et ses collections se constituent quasiment toutes à cette occasion.

Il faut reconnaître que l’exploration de la Chine correspond à une tendance de l’époque. L’archéologie chinoise était alors totalement inconnue du monde entier, et ce sont les Français qui lui ont donné son ampleur, selon Henri Cordier (1914, p. 671). À la fin du XIXe siècle, différents comités nationaux commencent à organiser une série d’explorations dans le bassin du Tarim, se succédant presque sans interruption jusqu’au milieu des années 1910. Entre 1891 et 1894, la mission de Jules Léon Dutreuil de Rhins (1846-1894) est effectuée au Turkestan oriental (actuel Xinjiang) et au Tibet. En 1895 et 1896, Charles-Eudes Bonin (1865-1929) se rend en Asie du Sud-Est et au Gansu ainsi qu’en Mongolie (Malsagne S., 2015). Paul Pelliot, entre 1906 et 1908, réalise ses fameuses missions dans le nord-ouest de la Chine et récupère les manuscrits de Dunhuang. Entre 1899 et 1902, une première expédition suédoise dans la région du lac Lob-nor au Xinjiang est dirigée par Sven Hedin (1865-1952). Puis, du côté anglais, Aurel Stein (1862-1942) se rend dans le Turkestan chinois à trois reprises en 1900-1901, en 1906-1908 et en 1913-1915. Du côté prussien, le Museum für Völkerkunde de Berlin envoie Albert Grünwedel (1856-1935) et Georg Huth en 1902-1903, Albert von Le Coq (1860-1930) en 1904-1905, Grünwedel et Le Coq en 1905-1907 et Le Coq en 1913-1914 dans le nord du bassin du Tarim, autour de Turfan et de Koutcha. Les Japonais et les Russes ont aussi effectué des missions autour du Turkestan et de Dunhuang. De 1902 à 1914, Kōzui Ōtani 大谷光瑞 (1876-1948) et son disciple Tachibana Zuichō 橘瑞超 (1890-1968) organisent trois missions archéologiques en Asie centrale, où ils fouillent, achètent et collectionnent une grande quantité de précieux manuscrits, documents et antiquités, tels que des livres anciens et des manuscrits de Dunhuang (Sang B., 1996, p. 34). P. K. Kozloff (1863-1935) et Sergei Oldenburg (1863-1934) se chargent d’enquêtes de terrain à Dunhuang en 1914. En plus de l’Asie centrale, le nombre de Français explorant l’Asie s’est élargi : citons les missions de Sylvain Lévi (1863-1935) en Inde et au Japon entre 1897 et 1898, puis en Asie orientale entre 1921 et 1923. D’autres, comme la mission du général Henri d’Ollone (1868-1945) au sud-ouest de la Chine entre 1906 et 1909, ont pour but d’étudier les populations indépendantes comme les Lolos, une ethnie presque inconnue des explorateurs et des chercheurs. Aimé-François Legendre (1867-1951) et le capitaine Noiret, dans les années 1910, se rendent aussi dans les régions du Yunnan et du Sichuan. Il faut également évoquer les missions de Victor Segalen (1878-1919) en Chine, accompagné de Jean Lartigue (1886-1940) et de Gilbert de Voisins (1877-1939) en 1914-1917.

Ces missions sont aussi fructueuses que contestées quand il s’agit d’une grande collection d’objets précieux construite par les explorateurs, telles que celles d’Aurel Stein et de Paul Pelliot. D’après Michèle Pirazzoli-t’Serstevens, plusieurs des expéditions de l’époque n’avaient pour but que l’érudition traditionnelle ou la chasse aux trésors (2010, p. 126). En ce sens, Chavannes n’est pas un collectionneur mais plutôt un protecteur des vestiges antiques. Il respecte les vestiges et préfère les laisser sur place pour mieux les conserver. En comparaison avec les autres explorateurs de son époque, qui cherchent à tout prix à obtenir le plus d’objets précieux possible, Chavannes préfère rapporter en France des objets peu appréciés des collectionneurs mais dotés d’une valeur scientifique ou archéologique, qu’ils soient authentiques ou, pour la plupart, de simples copies, ayant gardé leur forme et leur couleur d’origine. Chavannes peut ainsi être considéré comme un pionnier de l’archéologie chinoise. Il réunit plus de 1 300 estampages de bas-reliefs et d’inscriptions, réalise environ 1 700 photographies et recueille 238 images populaires du Nouvel an chinois ainsi que de nombreux livres d’art anciens ou modernes en chinois et des objets divers. Il collectionne des œuvres d’art originales, mais en petit nombre et à prix peu élevé, faciles à acquérir sur le marché. Ils sont conservés aujourd’hui dans les musées, les bibliothèques et chez les descendants de la famille. Dans le même temps, son souhait est surtout de ne pas remettre en cause la conservation de ces objets précieux sur place, à une époque où il n’existait pas de mesures locales pour la protection du patrimoine (He M., 2019, vol. 1, p. 200, 377).

Les estampages

Il existe deux types d’estampage dans la collection de Chavannes : les estampages de bas-reliefs et les estampages d’inscriptions. Les premiers ont été collectés pour la plupart dans les chambres d’offrande du Wu Liang ci et du Xiaotangshan 孝堂山, ainsi que dans celles du Shandong et du Henan. Les estampages d’inscriptions que Chavannes a collectés concernent principalement les inscriptions du mont Taishan, des grottes de Longmen et des chambres d’offrande mentionnées ci-dessus.

À l’exception des estampages du Taishan qui ont été publiés et étudiés dans la monographie Le T’ai chan (1910), tous les autres l’ont principalement été dans La Sculpture sur pierre en Chine aux temps des deux dynasties des Han (1893) et dans Mission archéologique dans la Chine septentrionale (1909, 1913, 1915). Les estampages se sont trouvés dispersés entre la Société Asiatique, le musée Guimet, la Bibliothèque nationale de France et le musée Cernuschi, sans répartition cohérente. Le musée Guimet, y compris sa bibliothèque, en possède environ 630 pièces, la Société Asiatique environ 610, le Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (Site Richelieu) 71, l’Institut des Hautes Études chinoises en possède probablement une et le musée Cernuschi 14, dont 10 sont conservées dans la réserve et 4 ont disparu. À l’exception de ceux du musée Cernuschi, la totalité de ces estampages ont été catalogués et numérisés sous la direction de Jean-Pierre Drège, qui a recensé un total d’environ 1 313 pièces dans la base de données (2002, 2004, 2005).

Les photographies

Chavannes fut le premier à photographier systématiquement les monuments en Chine dans un but purement scientifique. Ces photographies (sauf les estampages), d’un total de 704, ont été publiées pour la plupart (669) dans les deux volumes de planches de la Mission archéologique dans la Chine septentrionale (1909), et 35 dans la monographie Le T’ai chan (1910). Chavannes a fait, pour la première fois, une série de photographies complète des grottes en publiant 78 photos sur celles de Yungang et 121 photos sur celles de Longmen dans les deux volumes de planches. De plus, il a ajouté 18 photos des Temples des grottes (Shikusi 石窟寺) à Gongxian 鞏縣dans le Henan, et 2 images de la montagne des mille Bouddhas à Jinan 濟南. En plus des photographies sur la sculpture bouddhique du Ve au VIIIe siècle de notre ère, il a publié 30 images sur les sépultures impériales des T’ang et des Song, ainsi que 401 images de vues pittoresques. Le fonds photographique de cette mission a d’abord été conservé à la bibliothèque Jacques Doucet, avant d’être transféré au musée Guimet en 1918 (Ghesquière J., 2005, p. 17). Aujourd’hui, tous les clichés de la mission de Chavannes de 1907, soit environ 1 700 plaques de verre, sont dans les réserves du musée Guimet.

Les divers objets au musée Guimet

Au musée Guimet, Chavannes a donné des objets divers qu’il avait réunis pendant sa mission de 1907 en Chine. Il s’agit de miroirs en bronze et de moulages en plâtre, d’amulettes de laiton, de pièces de monnaie, de bouts de tuiles de Koguryo et d’éléments d’architecture, ainsi que des objets funéraires en terre cuite d’une tombe du Henan (découverte pendant les travaux de la construction de la ligne de chemin de fer du Bianluo 汴洛, entre Kaifeng et Luoyang, en juillet 1907). Les seuls artefacts authentiques de fouille archéologique proviennent de la tombe du fonctionnaire Liu Tingxun 劉庭訓de la dynastie des Tang (Huo H., 2017, p. 49) ; parmi celles-ci, figurent un cheval, deux lions ailés assis, deux statuettes, deux vases, trois dalles et une statue de chameau. Les photos de ces objets sont publiées dans Mission archéologique dans la Chine septentrionale (1909, Planches, vol. II, n° 525-537). Les objets eux-mêmes sont conservés aujourd’hui dans les réserves du musée Guimet. D’autres objets ont été exposés dans la Galerie de l’Indochine du musée Guimet du 27 mai au 31 juillet 1908 (De Milloué et al., 1908, p. 4). Il s’agit de fragments de briques et de tuiles inscrites, provenant des sépultures des princes de Koguryo, et de vingt-huit moulages de miroirs métalliques chinois anciens conservés au palais impérial de Moukden. Ils étaient présentés dans deux vitrines. Aujourd’hui, dans la salle 605 de l’exposition permanente sur la Corée au musée Guimet, sont exposés les objets suivants : un élément d’architecture avec une inscription (MG, MG 14320), un embout de tuile décoré d’un masque de monstre (kwimyon) (MG 14351) et un miroir polylobe en bronze de l’époque Koryo (MG, MG 14282).

Après la mort de Chavannes, grâce à une donation d’Alice Dor, le musée Guimet avait installé au premier étage une salle qui lui était dédiée, inaugurée en 1921, où se trouvaient les photographies, les estampages, les monuments archéologiques ainsi que tous les clichés de la mission de 1907 qu’il avait rapportés de Chine. Pour l’installation de cette salle, Alice avait aussi supporté une partie des frais d’aménagement de l’ancienne salle réservée aux jades et du bureau dédié au service photographique (Musée Guimet, 1928, p. 12). Aujourd’hui, cette salle n’existe plus ; elle a été dévolue à divers usages au cours du développement du musée.

Images populaires du nouvel an chinois

Chavannes a collecté un total de 238 images populaires du Nouvel an chinois pendant son voyage de 1907 en Chine, auxquelles il faut ajouter de nombreux exemplaires en double et en triple. Parmi ces images, la plupart portent un caractère religieux, et 87 estampages sont d’inspiration théâtrale ou littéraire (Eliasberg D., 1978, p. 9). Ces images sont conservées aujourd’hui à la Société Asiatique.

Les tapis

Deux tapis du Turkestan chinois (Xinjiang) datés entre le XVIe et le XVIIe siècles ont été donnés par Chavannes le 23 octobre 1911 au musée Cernuschi (inv. MC 05249-MC 05250).

Livres chinois de dessin

Dans la collection d’œuvres d’art de Chavannes, se trouvent également deux livres chinois de dessin de la dynastie des Qing, aujourd’hui conservés à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art. Il s’agit du livre Wu Yue suojian shuhua lu 吳越所見書畫錄de Lu Shihua 陸時化(XIXe siècle) et du livre Zhide zhi 至德誌de Wu Dingke 吳鼎科(1762).

Chavannes était également chargé de l’acquisition de livres chinois pour la bibliothèque d’art et d’archéologie de Jacques Doucet (1853-1929), grand couturier et collectionneur, qui envisageait d’ajouter une bibliothèque d’art chinois au grand ensemble qu’il faisait construire au début du XXe siècle. Ce dernier avait eu recours à Chavannes, qui s’occupait d’acheter des livres chinois dans des librairies au Japon, telles que la librairie Bunkyûdô 文 求 堂 de Tokyo, et en Chine, ou via le centre d’étude des missionnaires à Zikawei, ou encore en passant par des sinologues envoyés en mission et financés par Doucet. Ainsi, Victor Segalen a acheté, pendant sa mission en 1914, tous les ouvrages indiqués par Chavannes pour Doucet. La liste d’ouvrages, identifiés comme ayant été achetés sur le conseil de Chavannes par une courte notice de lui-même insérée à l’intérieur des livres, constitue le cœur du fonds chinois de la bibliothèque Doucet appartenant aujourd’hui à l’Institut national d’histoire de l’art. Cette collection éclaire les choix de Chavannes, liés d’un côté à ses propres recherches et, de l’autre, à ce qu’il considérait être des livres essentiels pour l’étude sinologique. Ainsi privilégie-t-elle l’épigraphie et la calligraphie, viennent ensuite l’archéologie et la peinture (Pirazzoli-t’Serstevens M., Laurent C., 2007, p. 109-127).

La bibliothèque orientale personnelle de Chavannes est conservée à la Société Asiatique dans le fonds Chavannes (Sénart E., 1918, p. 190) et une partie de cette collection se caractérise par les catalogues et les études d’épigraphie chinois, tels le Jinshi suo 金石索(L’Enchaînement des objets en métal et en pierre) et le Jinshi cuibian 金石萃編(Recueil général des inscriptions sur métal et sur pierre).

Vente aux enchères

En mars 2017, une vente aux enchères a été organisée par Millionasium concernant la collection du docteur Pierre Thierrart (1918-2016), collectionneur d’objets d’art d’Asie. Dans cette collection, se trouvaient plusieurs livres de Chavannes, tels que les quatre volumes de la Mission archéologique, La Sculpture sur pierre en Chine, Les Six Monuments de la sculpture chinoise, Le T’ai chan, Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien. Tous ont été vendus à un prix très élevé.