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28/10/2021 Répertoire des acteurs du marché de l'art en France sous l'Occupation, 1940-1945, RAMA (FR)

Walter Borchers a travaillé à partir de 1942 pour la section spéciale « Bildende Kunst » [beaux-arts] de l’ERR à Paris. Il était chargé d’inventorier et de cataloguer les œuvres d’art confisquées.

Historien de l’art expert auprès de l’ERR

L’historien de l’art et ethnologue Walter Borchers a travaillé pour le Landesmuseum de Stettin de 1930 à 1938. Dans ce laps de temps, il a créé une dizaine de musées dédiés à la culture locale [Heimatmuseen] en Poméranie et a pu se familiariser ainsi avec les procédures d’acquisition par des institutions publiques d’objets d’arts décoratifs appartenant à des particuliers1. Il est considéré comme un spécialiste de l’art populaire de cette région. Il est mobilisé le 6 janvier 1940 et affecté à la défense anti-aérienne. Détaché à Paris en 1942, il est chargé, en tant qu’expert en histoire de l’art, d’inventorier et de cataloguer les œuvres confisquées pour la section spéciale « Bildende Kunst » [beaux-arts] de l’ERR. À cette fin, il s’est servi de son large réseau de collègues, spécialistes et experts à qui il envoyait des photographies des œuvres spoliées par l’ERR ou saisies dans le cadre de la « M-Aktion » [action meubles]. L’expertise établie était consignée ensuite sur les fiches d’inventaire correspondantes2.

À partir de 1943, Borchers a assumé, avec Bruno Lohse, le poste de directeur adjoint de la section spéciale « Bildende Kunst » de l’ERR à Paris. On ne sait pas s’il s’est lié d’amitié avec Lohse ou si celui-ci le considérait simplement comme un collaborateur fiable et honnête3. Peut-être Lohse n’a-t-il fait que mettre à profit les excellentes connaissances en français de son collègue. Quoi qu’il en soit, Borchers est désigné plusieurs fois à ses côtés en qualité de directeur adjoint de l’ERR, par exemple à l’occasion des actions spectaculaires mises sur pied par l’entreprenant Lohse entre 1942 et 1944, notamment la confiscation, à l’automne 1943, de la collection d’Adolph Schloss4.

En août 1944, Borchers et Lohse ont reçu du Reichsmarschall Göring en personne la mission d’organiser et d’accompagner, en tant que « Haupteinsatzführer de l’ERR », l’évacuation des œuvres d’art pillées avant que les Alliés ne libèrent Paris5. Alors qu’il battait en retraite, Borchers est blessé à la colonne vertébrale au cours d’une attaque aérienne à basse altitude, ce qui lui évita d’être retenu longtemps prisonnier en France. À l’automne 1944, il reprenait déjà ses activités dans le dépôt de l’ERR à Schloss Kogl, en Haute-Autriche, où il est resté jusqu’à la fin de la guerre pour « achever ses travaux d’inventaire et de catalogage6 ».

Après la guerre

Borchers a dû se soumettre à une procédure de dénazification, lors de laquelle il a pu produire plusieurs certificats et lettres de recommandation de ses anciens collègues du musée de Stettin aux fins de se disculper. Il s’en est également servi après 1947 pour candidater auprès de potentiels employeurs1. S’il n’est jamais devenu membre d’aucune organisation nazie en dépit des pressions qu’il eut certainement à subir, c’est probablement grâce à sa réputation d’expert en matière d’art, qui lui a permis de bénéficier d’une certaine protection. Contrairement à Lohse, qui a fait main basse sur un grand nombre d’œuvres d’art provenant des biens spoliés, les a secrètement mises à l’abri en Suisse et les a même léguées à ses descendants, Borchers n’a jamais été accusé d’enrichissement personnel2.

Après la Seconde Guerre mondiale, Borchers n’a pas repris son ancien poste à Stettin, mais il est revenu dans sa ville natale d’Osnabrück, où il a été chargé de la direction du Städtisches Museum, le musée municipal dont il est devenu officiellement directeur en 1947. Il y a poursuivi ses travaux muséologiques et scientifiques de folkloriste et d’historien de l’art3. Après 1945, Borchers n’a pas été associé aux procédures de restitution mises en œuvre par les Alliés sur leurs différents Collecting Points. Il n’a pas collaboré non plus à la recherche des anciens propriétaires des œuvres spoliées qu’il avait inventoriées à Paris. En sa qualité de directeur, il put en revanche choisir dans les fonds non restitués du CCP de Munich trois œuvres majeures pour son musée d’Osnabrück, où elles sont conservées à titre de dépôts permanents de l’État fédéral allemand4.