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Commentaire biographique

Octave du Sartel s’est fait connaître pour ses travaux sur la porcelaine chinoise en publiant en 1881, la première monographie sur ce sujet en langue française. Il possédait une très importante collection d’œuvre d’art qui sera dispersée lors de deux ventes marquant la seconde moitié du XIXe siècle.

Octave Charles Waldemar Frémin du Sartel est né le 6 janvier 1828 à Douai dans le Nord (AN, LH 1033 35 p. 5). Troisième enfant de Jean-Philippe Frémin du Sartel (1792-1864) et d’Eugénie Joséphine Adelaïde de Carondelet (1791-1855), il a pour frère et sœurs Adèle Cornélie (1815-1902), Jean Philippe Eugène Léon (1817-1881) et Marie-Charlotte (1829-1900). Son grand-père, Jean-Philippe Frémin du Sartel, était seigneur de Quesnines, Baratte, Sart-le-Sartel, et échevin de Cambrai. Son père fut garde du corps du roi Louis XVIII, chevalier de la Légion d’honneur (AN, LH/1033/34). Sa mère, fille de messire François, vicomte de Carondelet (1759-1807) et d’Angélique de Turpin-Crissé (1765-1835), est issue de la prestigieuse famille des Carondelet, originaire de Bresse et installée principalement en Bourgogne, où, pendant la Renaissance, plusieurs membres de la famille s’illustrèrent comme prélat et mécènes des arts et des lettres. Elle est également la descendante directe du maréchal Ulrich Frédérique Woldemar de Lowendal (1700-1755), chevalier de l’ordre du Saint-Esprit. C’est très vraisemblablement ce milieu raffiné et versé dans les arts qui inspirera à Octave du Sartel une vocation pour la collection et un engagement entier dans les cercles artistiques de son temps.

Sa carrière dans la Marine semblait toute tracée. À onze ans seulement, il entre à l’école navale, et trois ans plus tard en 1841, il devient aspirant au port de Brest. Il participe, si l’on en croit son dossier de Légion d’honneur, à la prise des îles Marquises et à l’annexion de Tahiti à bord de la Triomphante sous le commandement d’Abel Aubert Dupetit-Thouars (1793-1864). Il est nommé enseigne de vaisseau à partir du 1er novembre 1845. Après seulement deux ans de carrière, il est démissionnaire le 20 janvier 1847 soit quelques jours après son mariage.

Il se marie à Bruxelles le 12 janvier 1847 avec Mathilde Marie van Alstein (1823-1883), originaire de Gand. De leur union naîtra trois enfants, Georges Jean Philippe Waldemar Frémin du Sartel (1848-1904) et Marie Mathilde Antoinette Frémin du Sartel (1849-1919) et Gaston Léon Jean Frémin du Sartel (mort le 2 août 1885). La famille résidera au no 18 de la rue Lafayette.

S’ensuit une longue période entre le début des années 1850 et la fin des années 1870, pendant laquelle peu d’informations subsistent sur les activités d’Octave du Sartel. Le 15 mars 1862, il s’associe à Adolphe Brudenne, fabriquant de stéarine (matière employée dans la fabrication des bougies), ainsi qu’aux comtes Joseph Erard et Ernest de la Vaulx pour former une société dont l’objet est la fabrication stéarine et la vente des produits qui en sont issus, laquelle a pour nom « Société de stéarinerie Brudenne » (Madre, 1862, n.p.). Il s’agit là d’un investissement familial, le comte Érard de La Vaulx étant le mari de la sœur aînée d’Octave du Sartel. La société prend le nom de P.-P. Marin et Compagnie lorsque Philippe Marin rachète les parts d’Adolphe Brudenne. C’est sous ce nom que qu’elle est dissoute en 1866, Octave du Sartel en est nommé le liquidateur (Hèvre, 1866, n.p.). Octave du Sartel a sans doute poursuivi d’autres activités commerciales de ce type sans qu’il soit possible à ce jour de préciser lesquelles. Dans son testament, il lègue quelques objets à son « assistant », un certain Alphonse Poisat, rentier, demeurant à Paris, rue Viollet-le-Duc, no 1, et qui au cours de la succession intervient même comme tuteur de la petite-fille d’Octave du Sartel encore mineure, Elena Mathilde Frémin du Sartel (AN, MC/ET/VIII/1944).

L’Exposition universelle de 1878 marque le début de son plein investissement dans les cercles artistiques de son temps. Il expose à cette occasion quelques œuvres de sa collection dans la section rétrospective du Trocadéro où étaient présentées les œuvres chinoises et japonaises (Burty P., 16/02/1882, n.p.).

En 1883, il rejoint la commission de perfectionnement de la manufacture nationale de Sèvres (SMMN, U33 liasse 3), laquelle avait été créée par un arrêté du 26 juillet 1872, pour contribuer à l’amélioration de ses produits. C’est en tant que membre de cette assemblée qu’il soumet au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1884, un rapport sur les différentes orientations techniques devant être prises par la manufacture. Dans ce court texte, l’auteur fait état des progrès technologiques réalisés par la manufacture depuis le début du XIXe siècle, puis renouvelle l’intention de Sèvres de percer les mystères de certaines techniques chinoises : celle des émaux translucides sur porcelaine, de la couverte sang de bœuf et céladon (Du Sartel, 1884, p. 7-8). Il possédait chez lui des vases d’essai de la manufacture de Sèvres (AN, MC/ET/VIII/1944), ainsi que quelques pièces de Sèvres décorées aux armes de sa famille.

En 1884, il fait partie du comité d’organisation de l’exposition rétrospective des porcelaines de Vincennes et de Sèvres de l’Union centrale des arts décoratifs et prête à cette occasion certaines de ses œuvres. En 1889, il dirige la section céramique de l’Exposition ancienne au sein de l’Exposition universelle (Eudel, 1889, n.p.).

À partir de la fin des années 1870, il reçoit de nombreuses décorations : celle d’officier d’académie le 24 octobre 1878, de chevalier de l’ordre de Charles III d’Espagne le 16 mai 1882, et chevalier de l’ordre de François-Joseph d’Autriche-Hongrie le 13 avril 1885 (AN, LH 1033 35).

Malade, Octave du Sartel se serait donné la mort chez lui le 10 avril 1894 (Anonyme, 1894, n.p.). Il est enterré au cimetière Montmartre et une plaque funéraire à son nom est installée dans la chapelle du château de Potelles, demeure familiale où reposait déjà sa femme (au sujet du château de Potelles, voir Vienne A., 2020).

Constitution de la collection

La collection d’Octave du Sartel est surtout connue pour ses porcelaines chinoises, objets pour lesquels le collectionneur s’est adonné aux études les plus poussées, et qu’il magnifia dans son ouvrage intitulé La Porcelaine de Chine. Deux ventes permettent de restituer sa collection dans son entier, l’une effectuée de son vivant en 1882 (Lugt 41877), l’autre après décès organisée dans le cadre de sa succession (Lugt 52697).

Publication sur la porcelaine chinoise

Publiée en 1881, La Porcelaine de Chine. Origine. Fabrication, décors et marques. La porcelaine Chine en Europe. Classement chronologique. Imitations, contrefaçons est la première monographie entièrement dédiée à ce sujet en langue française. L’ouvrage est réalisé dans une édition prestigieuse : des illustrations xylographiées accompagnent le texte, et des planches chromolithographiques chatoyantes alternant avec des eaux-fortes et des héliogravures de près de 150 objets sont rassemblées à la fin de l’ouvrage. La majorité des œuvres illustrées proviennent de la collection d’Octave du Sartel.

Octave du Sartel présente son ouvrage comme le résultat de « quelques notes » accumulées au fil des années au point de donner un livre cohérent, tout ce travail ayant été encouragé par des « complices » dont il tait les noms (Du Sartel, 1882, n.p.). Le critique d'art Philippe Burty (1830-1890) dans son compte rendu de lecture, donne quelques éclaircissements sur la genèse de l’ouvrage : Adrien de Longpérier aurait suggéré à Octave du Sartel de réaliser un travail approfondi sur la porcelaine chinoise à la suite de l’Exposition universelle de 1878, au cours de laquelle la collection Du Sartel fut présentée pour la première fois. À l’origine, ce travail devait intégrer le catalogue général de l’Exposition, mais ce dernier ne vit jamais le jour. Longpérier aurait, semble-t-il, attiré l’attention d’Octave du Sartel sur le fait que « le classement de la porcelaine chinoise était encore tout empirique » (Burty P., 1882, n.p.), soulignant la nécessité d’actualiser les connaissances à ce sujet. Le fait est que, depuis la publication des travaux pionniers d’Albert Jacquemart (1808-1875) du début des années 1860, le domaine des céramiques chinoises n’avait pas été ravivé par de nouvelles plumes en France. Parallèlement, la classification élaborée par ce dernier était de plus en plus critiquée au point de tomber en désuétude à l’orée des années 1880 (Garnier, 1882, p. 403).

Octave du Sartel s’attaque ainsi à plusieurs sujets qui faisaient débat au XIXe siècle, le premier, et non des moindres, étant l’origine de la porcelaine chinoise qu’il entend ramener à « des proportions moins légendaires » (Du Sartel O., 1881, p. 35). Pour lui, les premières porcelaines chinoises furent fabriquées à la fin du IXe, s’opposant ainsi au sinologue Stanislas Julien (1799-1873) qui les situait au début de notre ère (Du Sartel O., 1881, p. 5-6). Il attaque Stanislas Julien sur son propre terrain, celui de la sinologie : pour Octave du Sartel, l’apparition du terme yao 窯 (fours) en remplacement du terme tao 陶 ("céramique, terre cuite") sous les Tang (618-907) n’est pas le signe d’une évolution linguistique mais bien de l’arrivée de nouveaux produits à pâte dure et blanche : la porcelaine (Du Sartel O., 1881, p. 4). Il pense que les « porcelaines de couleur cachée » 秘色窯 (miseyao) évoquées à plusieurs reprises dans des anecdotes datant du IXe siècle se reporte à « une sorte de porcelaine fort estimée au moment de son apparition » (p. 7). Enfin, le fait que les termes yao et ci (磁) n’aient pas de graphie ancienne lui permet de démontrer que la porcelaine n’existait pas avant la standardisation de l’utilisation des caractères sous forme kaishu (楷書) sous les Song 宋代 (Du Sartel O., 1881, p. 6).

Du point de vue de l’expertise, Octave du Sartel rétablit un grand nombre d’erreurs d’attribution principalement véhiculées par les ouvrages d’Albert Jacquemart. La première consiste à rétablir la paternité des porcelaines que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de kakiemon au Japon. Ces œuvres caractérisées par l’usage d’une couverte blanche laiteuse et d’un décor d’émaux sur couverte aux dominantes rouge, bleu, vert et jaune avaient été attribuées à la Corée et placées dans la catégorie des « familles archaïques » créée par Albert Jacquemart (D’Abrigeon P., 2020, p. 88). En s’appuyant sur les œuvres et la documentation apportées par la commission impériale japonaise à l’occasion des Expositions universelles, Octave du Sartel affirme que les porcelaines dite coquille d’œuf, décorées d’émaux de la palette famille rose ne peuvent nullement être attribuées au Japon, qui n’a, à aucune de ces manifestations, apporté de tels objets (Du Sartel O., 1881, p. 12-13). Il défend, à juste titre, que ces œuvres sont bien chinoises et, pour la plupart, attribuables à la période Yongzheng (1722-1735).

Ce qui distingue nettement le travail d’Octave du Sartel par rapport à celui de ses prédécesseurs c’est son attachement à la chronologie. Le « but principal » de l’ouvrage est de parvenir au classement « par ordre d’ancienneté relative » des porcelaines qui composent sa collection (Du Sartel O., 1881, p. 111). Il établit, dès les premiers chapitres de l’ouvrage une nette distinction entre la production « moderne » et « ancienne ». Jugée inférieure, les œuvres modernes, c’est-à-dire produites de son temps et qui pourtant continuent de susciter de son temps un « engouement irréfléchi » (Du Sartel O., 1881, p. 1-2), « choquent le sens artistique de quiconque s’est épris du génie des Orientaux ». Ainsi, son ouvrage s’intéresse essentiellement, erreur d’attribution mise à part, aux œuvres antérieures à la fin du règne de Qianlong (1796) [Du Sartel O., 1881, p. 2]. Ce préalable étant posé, il propose un classement des porcelaines chinoises anciennes selon trois méthodes. La première consiste à dresser une chronologie des marques de fabrications non datées, soit toutes celles qui représentent un motif figuratif ou abstrait et non une marque de règne (nianhao [年號]). Pour ce faire, il fait le relevé toutes les marques et inscriptions de quelque 632 pièces de sa collection et groupe autour des œuvres comportant des inscriptions datées par jeu de correspondance stylistique d’autres comportant de simples marques sans indication chronologique. En résulte un tableau numéroté et daté de ces marques (p. 100-110). Il classe ainsi plusieurs marques représentant deux poissons liés entre eux par la bouche (marques no 88 et 94, p. 106-107) comme étant datées de 1662, autrement dit du début du règne de l’empereur Kangxi (1661-1722). Sa deuxième méthode consiste à s’appuyer sur les inventaires d’anciennes collections européennes, en partant du postulat que les œuvres acquises au cours des siècles passés étaient peu ou prou de fabrication contemporaine à la date de leur importation (p. 117). Il en déduit ainsi que les décors polychromes sur couverte n’apparaissent qu’à partir de 1650 (p. 121). Avant cela, la production porcelainière était essentiellement faite de bleu et blanc, ainsi que l’illustre la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Enfin, Octave du Sartel parachève son classement par la lecture minutieuse du seul traité sur la porcelaine chinoise qui ait été traduit en langue occidentale à son époque : le Jingdezhen taolu 景德鎮陶錄 (Traité de la céramique de Jingdezhen) – traduit partiellement par Stanislas Julien et publié en 1856 sous le titre Histoire et Fabrication de la porcelaine chinoise – qu’il tente d’appliquer aux œuvres de sa collection. Cette méthode lui permettra de situer justement une pièce de type Ding 定 de sa collection à l’époque des Song 宋代 (D’Abrigeon P., 2018, p. 117).

Une autre originalité de l’ouvrage est de proposer une des toutes premières « histoire européenne de la céramique chinoise » (p. 113). Octave du Sartel retrace l’histoire des porcelaines chinoises en Europe, des premières mentions d’objets au XIVe siècle aux arrivages du Palais d’été (Yuanmingyuan 圓明園), en passant par l’évocation des grandes collections du XVIIIe siècle. L’auteur se positionne comme dépositaire d’une « longue tradition » de collectionneurs illustres et se défend de tout détracteur qui voudrait voir dans ses vitrines « le produit d’un goût bizarre et désordonné survenu dans un siècle blasé qui, las des choses vraiment belles, s’éprend tout à coup des infiniment petits de l’art et cherche des sensations neuves dans les recoins dédaignés de l’art » (p. 118). Et pour soutenir son argument, il décrit toute une généalogie des hommes illustrés ayant collectionnés de la porcelaine chinoise : Sully, le duc d’Orléans, le Grand Dauphin, Angran, vicomte de Fonspertuis, M. de Julienne, Randon de Boisset, etc., détaille le contenu de leur catalogue de vente et propose parfois d’illustrer les descriptions de lot avec les œuvres de sa collection ou d’autres collections qui lui sont contemporaine (p. 126-139).

Du point de vue de la terminologie employée, Octave du Sartel préserve certaines dénominations entrées dans l’usage commun comme celles des « famille verte » ou « famille rose », mais s’affranchit du reste de la nomenclature élaborée par Albert Jacquemart et Edmond Le Blant (1818-1897), ce qui sera apprécié de ses contemporains : « L’auteur – chose rare – a su éviter le pédantisme ridicule de certains écrivains qui ont traité de la céramique, les mots qui n’en finissent plus comme chrysanthémo-poeoniennes – les Sesquipedalia verba d’Horace. Il a tout simplement écrit son livre en une bonne langue solide et intelligible pour tous. On ne saurait trop l’en féliciter » (Bric-à-brac, 1882, n.p.).

Bien que s’appuyant essentiellement sur les œuvres de sa collection, l’ouvrage d’Octave du Sartel cite et reproduit également un grand nombre d’œuvres appartenant à d’autres collectionneurs de son temps, ce qui témoigne de son intégration dans les cercles d’amateurs et curieux, non seulement à Paris, mais également en Belgique et en Angleterre. Il mentionne ainsi les collections du vicomte de Borrelli, de Berthelin, Alfred Beurdeley (1847-1919), Siegfried Bing (1838-1905), Ferdinand Bischoffsheim (1837-1909), Louis Cahen d’Anvers (1837-1922), Henri Cernuschi (1821-1896), Mme Delagrange, Mme Duvauchel, Esnault-Pelterie, E. Hendlé, Léon Fould, Fournier père, Paul Gasnault (1828-1898), de l’amiral Benjamin Jaurès (1823-1889), Léon d’Hervey de Saint-Deny (1822-1892), François Philibert Marquis, Messager, A Pannier, L. Poiret, Charles Testart, Sichel à Paris ; Mme Leroy et de Paul Morren à Bruxelles, enfin de Georges Salting (1835-1909) et William Graham (11817-1885) à Londres. À ce jour, aucune correspondance ne permet malheureusement de rendre compte de ses échanges, sans doute nombreux, avec ces différents collectionneurs.

L’absence de notes infrapaginales fait qu’il est souvent difficile de retracer les sources d’Octave du Sartel. Systématiquement, lorsqu’il est question de sources chinoises, l’auteur évoque vaguement « les auteurs chinois » ou bien « un autre auteur chinois » sans préciser l’ouvrage de référence. Il est cependant clair que la majeure partie de ces citations proviennent de l’ouvrage susnommé de Stanislas Julien.

Les ventes de sa collection

De son vivant, Octave du Sartel organise une première vente de sa collection en avril 1882, soit seulement un an après la publication de son ouvrage. La vente comprend uniquement des porcelaines de la Chine (422 lots) et du Japon (33 lots), dont un grand nombre était illustré dans LaPorcelaine de Chine. Étonnamment, le catalogue de vente ne reprend pas l’ordre chronologique savamment établi par Octave du Sartel, mais adopte un classement par formes (ex. : vases et bouteilles, statuettes et pitongs (筆筒, pots à pinceaux, etc.). On trouve, parmi les principaux acheteurs les marchands d’art Nicolas Joseph Malinet (1805-1886), Sichel, Siegfried Bing, Winternitz, Fournier, l’expert Charles Mannheim, les collectionneurs Édouard André (1833-1894), Ernest Grandidier (1833-1912), Henri Cernuschi, le marquis de Thuisy (1836-1913), etc. et le musée de Céramique de Sèvres (AP, D48E3 70). Plusieurs lots atteignent des prix exceptionnels pouvant dépasser les 2 000 francs, parmi lesquels on peut citer un « vase rouleau à médaillons bleu fouetté, orné de dessins en or, se détachant sur un jeté de rinceau feuillu à grandes pivoines en émaux de la famille verte, ainsi que les bordures qui encadrent le tout » acquis par Sichel pour 2 000 francs (lot no 64, AP, D48E3 70). La somme totale de la vente sera de 127 933 francs, ce qui, reporté au nombre de lots, représente une moyenne de 280 francs par lot, soit un véritable succès (Saint-Raymond, 2021, p. 435). Il est indéniable que l’exposition, puis la publication de la collection d’Octave du Sartel avait grandement contribué à asseoir sa réputation auprès des collectionneurs. Il est cependant difficile d’établir les raisons qui conduisent Octave du Sartel à se séparer de ces objets à ce moment-là. Il ne s’agit pas d’une réorientation complète de ses goûts puisqu’il ne vend pas toutes ses porcelaines extrême-orientales, il en rachètera même quelques-unes lors des importantes ventes du chocolatier François-Philibert Marquis (AP, D48E3 71). Les porcelaines chinoises faisaient toujours partie de son mobilier quotidien à sa mort. On trouve ainsi dans son inventaire après décès « deux lampes montées dans des gourdes en vieux Chine » (AN, MC/ET/VIII/1944).

Dans son testament, Octave du Sartel n’impose nullement à ses descendants de préserver sa collection de quelque manière que ce soit. L’inventaire après décès énumère les contraintes qu’aurait engendré sa préservation : charges locatives de l’appartement, intérêt dû au capital représenté par celle-ci, rémunération du personnel pour son entretien, autant de frais auxquels s’ajoutent les risques liés à son entretien (AN, MC/ET/VIII/1944). La vente après décès sera donc organisée en deux temps, du 4 au 9 juin 1894 puis du 22 au 30 octobre de la même année (AP D48E3 79).

La vente après décès donne une tout autre image des objets collectionnés par Octave du Sartel. Les porcelaines chinoises et japonaises (lot 1 à 121) occupent à peine plus d’un huitième des œuvres vendues à cette occasion, auxquelles viennent s’ajouter une très grande diversité d’objets : porcelaine et faïence européennes, livres enluminés, miniatures persanes et indiennes, tableaux (essentiellement école du Nord), dessins, aquarelles et gravures, ivoires et bois sculptés, etc. On y trouve même les vitrines qui avaient servi à contenir la collection dans la bibliothèque de son appartement rue Lafayette. Parmi les œuvres vendues se trouvent également toutes les porcelaines surdécorées qui avaient sans doute nourris ses réflexions pour le dernier chapitre de son ouvrage sur les contrefaçons et imitations (Du Sartel O., 1881, p. 212-227). Les manuscrits enluminés témoignent de la passion du couple du Sartel pour l’enluminure. Son testament nous apprend en effet que le couple avait réalisé une généalogie des Du Sartel « écrite en caractères gothiques » par Eugénie et « ornée de miniatures et de lettres majuscules » par Octave du Sartel (AN, MC/ET/VIII/1944). Par ailleurs, on sait qu’Octave restaurait lui-même ses livres enluminés (cat. vente 04/06/1894, p. 129, n. 1). Le catalogue de la ventre après décès indique la provenance de certaines œuvres (sont ainsi citées les ventes Paul Morren, François-Philibert Marquis, Escudier, Watelin, comte de Viel-Castel, Charles Louis, Fournier père, Bancel, Eugène Piot, L. Decloux, J. Pascal, A. Jubinal, Jitta, Mme d’Yvon, baron Seillière, comte de Moisant, Valéro, Hamilton, Fountain, Maillet du Boullay, Lefrançois, Lafaulotte, Baring, Cabert, marquis d’Houdan, Ploquin, Reybaud, le DRaymond, Charles Davillier, Le Beuf de Montgermont, San Donato, Villestreux, Germain Bapst, Spitzer, l’Exposition universelle, Van Aelbroeck, Arpad, Bérard). Peut-être cette collection reflète plus le goût du couple Frémin du Sartel et non plus seulement celui d’Octave. La vente, composée de 782 lots atteindra un total de 197 776,25 francs (AP, D48E3 79), un nombre qui, reporté au nombre de lots, reste bien en dessous de la vente de 1882.

Certaines œuvres de la collection Du Sartel sont aujourd’hui conservées au musée Jacquemart-André, au Musée national des arts asiatiques-Guimet, et également au musée des Beaux-arts de Dijon. L’étiquette bien caractérisée d’Octave du Sartel servant d’illustration à cette notice permettra peut-être de poursuivre l’identification de ses œuvres dans les collections publiques françaises.