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Nicolas Beaujon négociant : les années 1740-1753

Nicolas Beaujon est né à Bordeaux en la paroisse Saint-Pierre le 28 février 1718 (AM Bordeaux, Registre des mariages et sépultures de Saint-André (1706-1713),no 1981). Il est le fils de Jean Beaujon (1690‑1745), opulent négociant en grain et en vin de la ville de Bordeaux, et de Thérèse Delmestre (1687-1730), jeune fille issue de la riche bourgeoisie de la paroisse Saint‑Pierre. Dès son plus jeune âge, Beaujon est associé aux affaires commerciales de son père. Ainsi, en 1740, il est envoyé en Bretagne, à l'instigation de l’intendant de Bordeaux, Aubert de Tourny (1695-1760), pour procéder à des achats de céréales pour le ravitaillement du Limousin. En 1743, alors que la Guyenne est frappée de disette, Tourny fait de nouveau appel à Beaujon, ainsi qu’en 1747 et 1748. Jean Beaujon meurt en 1745, c'est son fils Nicolas qui doit gérer cette affaire, en créant par ailleurs une société de négoce avec le fermier général Étienne‑Michel Bouret (1710-1777). Cette entreprise leur rapportera près de 200 000 livres de bénéfices. Enthousiasmée par le zèle déployé par Beaujon, la Chambre de commerce de Bordeaux élit Beaujon, directeur du commerce de Guyenne en 1748 (Masson A., 1937, p. 17-34).

À la suite du ravitaillement de la Guyenne, Nicolas Beaujon témoigne de nouveau ses engagements pour le gouvernement en assurant pour le compte du roi des armements pour le Canada (Communay A., 1888, p. 70), et en livrant à Québec des munitions après la prise de Louisbourg lors de la guerre de Succession d’Autriche. Il fournit également des armes aux Antilles et au Canada.

Nicolas Beaujon financier : les années 1753-1774

Désormais devenu négociant à Bordeaux, Nicolas Beaujon étend son influence en quittant Bordeaux et en s'installant à Paris dès l’année 1753. En 1825, Ludovic Lalanne écrit dans son Dictionnaire historique de la France (Labat G., 1902, p. 1-6) : « Poursuivi par le Parlement, au sujet d'une opération sur les blés, il se réfugia à Paris, où le Gouvernement le chargea de diverses affaires financières qui lui firent bientôt acquérir une fortune immense, dont il fit un très noble usage ». Larousse explique aussi : « Prévoyant une disette, il acheta et mit en réserve une immense quantité de blé ; l'hiver suivant, la famine régna dans la généralité de Bordeaux et Beaujon spécula habilement sur les besoins des habitants. Effrayé de la rumeur publique et surtout d'un commencement de poursuites judiciaires du Parlement, il quitta sa ville natale et vint à Paris, où il put non seulement étouffer cette fâcheuse affaire, grâce à ses relations, mais encore donner libre carrière à ses remarquables aptitudes financières » (Labat G., 1902, p. 1-6). Nous voyons par ces commentaires que les avis convergent pour dire que le financier a spéculé sur les grains, puis qu'il s'est volontairement réfugié à Paris pour étouffer l'affaire du ravitaillement de la Guyenne.

En tout état de cause, à la suite de son départ de Bordeaux, Beaujon s’installe à Paris et concrétise sa réussite professionnelle et sociale par un brillant mariage en 1753 avec Louise-Élisabeth Bontemps (morte en 1769) [AN, T/306], la fille du premier valet de chambre de Louis XV, Louis Bontemps (1669‑1742), nièce du maréchal de Varenne, et cousine du fermier général Ange-Laurent Lalive de Jully (1725-1779). Cette union permet à Beaujon de s'introduire dans le monde de la Cour et de la finance parisienne. À la mort de Louis Bontemps en 1747, Louis XV accorde la survivance de premier valet de chambre à son fils, et laisse à sa veuve le droit de vivre dans l'appartement que le premier valet occupait aux Tuileries. Par conséquent, lorsque Beaujon épouse Louise-Élisabeth Bontemps en 1753, il s'installe dans l'appartement familial aux Tuileries, avant de se trouver un logement rue du Dauphin (Masson A., 1937, p. 36). L'année du mariage de Beaujon marque donc la consécration du négociant, par l'alliance avec une famille qui partage l'intimité du roi, et par l'installation aux Tuileries qui permet au financier de fréquenter les plus hautes personnalités du royaume ; en témoigne le contrat de mariage de Beaujon qui porte les signatures de Louis XV, de Marie Leczinska (1703‑1768), de Madame de Pompadour (1721-1764), ainsi que des ministres Machault d'Arnouville (1701‑1794), Saint‑Florentin (1705-1777), D’Argenson (1694‑1757), Rouillé (1689‑1761) et Gratien Drouilhet (1702-1756), receveur général des finances de La Rochelle (AN, V1/506).

En 1756, à la mort de Drouilhet, Beaujon entre dans le monde de la finance parisienne en achetant la charge de receveur général des finances de la généralité de La Rochelle pour les années paires. Les receveurs généraux des finances sont chargés du recouvrement des impôts directs comme la taille, le vingtième et la capitation dans les 24 généralités du royaume. Au nombre de deux par généralité, ils exercent leurs fonctions alternativement, l'un dans les années paires, l'autre dans les années impaires. Le gouvernement, sans cesse à court d'argent, a pris l'habitude de demander aux financiers des avances sur les recouvrements futurs, ce qui explique que certains financiers deviennent également des banquiers.

En 1766, Beaujon devient conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances(AN, V²/49, folio 427‑428), et en 1769, reçoit le brevet de conseiller d’État (AN, O1/114, f. 1057). En 1771, il devient encore trésorier général de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis (AN, MC/ LV/76).

Outre ces charges, l'activité principale du financier en qualité de banquier de la Cour consistait à procurer au trésor royal l'argent dont le gouvernement avait besoin.

Nicolas Beaujon et son cercle

Une fois dans la capitale, nous pouvons présumer que Nicolas Beaujon noue des contacts avec les personnalités qu'il a déjà eu l'occasion de fréquenter lorsqu'il était encore négociant à Bordeaux, comme le ministre Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville (1701-1794) et les ministres du roi. Sur le contrat de mariage de Beaujon (AN, T/306), nous avons évoqué les signatures de Saint-Florentin, d'Argenson, Rouillé ou encore Ange‑Laurent Lalive de Jully, qui indiquent bien des liens entre Beaujon et les ministres de la Cour.

En s'alliant à une famille partageant l'intimité du roi, Nicolas Beaujon a aussi pu élargir son cercle en fréquentant les hautes personnalités du royaume présentes à son mariage. Ainsi, Louis XV, le frère du roi, Marie Leczinska ou encore Madame de Pompadour constituent une autre partie du cercle du financier. À cela, nous pouvons ajouter que le logement que Beaujon occupe au moment de son mariage en 1753 lui permet de nouer des contacts avec des artistes tels que Giovanni Niccolò Servandoni (1695-1766), l'architecte de Saint-Sulpice, ou encore avec les peintres de l'Académie royale, et notamment Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)qui avait son atelier aux Tuileries. Ces artistes ne constituent pas à proprement parler le cercle de Beaujon, mais ils ont peut-être permis le rapprochement du financier avec le milieu artistique. Nous savons, notamment d'après le catalogue de vente de Nicolas Beaujon du 25 avril 1787 (BINHA, MF/25/1787), mais aussi d'après les catalogues de vente dans lesquelles le financier a acheté (Blondel de Gagny [1695-1776] en 1776, Randon de Boisset [1708-1776] en 1777, le prince de Conti [1717‑1776] en 1777, le marquis de Ménars [1727-1781] en 1782) (BINHA, MF/25/1776 ; MF/25/1777, MF/25/1782), que les marchands Pierre Rémy (1715-1797) et Jean-Baptiste-Pierre Le Brun (1748-1813) recherchaient des tableaux pour Beaujon.

Constitution de la collection

Dès son installation à l'hôtel d’Évreux en 1774 (AN, MC/LIII/500), Nicolas Beaujon s'oriente vers les achats en vente publique afin de se constituer une collection de peintures, de sculptures et d'objets d'art. Le catalogue de vente du financier, daté du 25 avril 1787 (BINHA, MF/25/1787), est rédigé par Pierre Rémy et Claude-François Julliot (1727-1794). Il décrit avec précision chaque œuvre et insiste parfois sur la provenance des lots. Beaujon a ainsi acquis certaines de ses œuvres lors des ventes Blondel de Gagny (1776) Randon de Boisset (1777), du prince de Conti (1777), du marquis de Ménars (1782). La plupart des tableaux du financier proviennent de ces ventes, tandis que d'autres, moins prestigieux, sont issus des ventes Julienne (1767), La Guiche (1771), Du Barry (1774), Lempereur (1775) et Le Rebourg (1778). On suppose que tantôt Beaujon se déplace lui‑même dans les salles de vente afin de procéder à des enchères, tantôt il mandate un marchand d’art afin d'effectuer ces achats. Néanmoins, en analysant les catalogues de ventes dans lesquelles Beaujon a acheté, il n'est pas toujours évident de savoir s'il se déplaçait lui‑même ou bien s'il envoyait un marchand‑expert à sa place. Dans le catalogue de vente de Blondel de Gagny (BINHA, MF/25/1776), nous lisons que le marchand Pierre Rémy a acheté pour le financier deux grands vases à fond bleu et or. Il s'agit là du seul exemple où il est précisé en marge du catalogue une acquisition pour Beaujon au nom d'un marchand (« Rémy pour M. de Beaujon »). Outre les achats en vente publique, Beaujon a pu passer commande à des marchands, à des artistes, ou encore faire des échanges. Les documents d'archives, tel l'inventaire des papiers du financier (AN, MC/LV/76.), ne nous permettent toutefois pas de conclure quant à un type d'acquisition principal.

Composition de la collection en 1786

La collection de peintures de Nicolas Beaujon était principalement constituée des écoles italienne, « flamande », et française. L'école italienne était bien représentée avec des scènes essentiellement religieuses.

Les peintres Guido Reni (1575-1642), Paolo Véronèse (1528-1588), Carlo Maratta (1625-1713), Luca Giordano (1634-1705), Giovanni Paolo Pannini (1691-1765) ou encore Benedetto Castiglione (1609-1664) figuraient dans le cabinet du financier. Les tableaux de l’école flamande et hollandaise étaient plus nombreux que les tableaux italiens. Les paysages, les marines, les portraits et les scènes de genre l'emportaient sur les sujets religieux (66 contre 5). Rubens (1577-1640), Paul Bril (1554-1626), Cornelis van Poelenburg (1594-1667), Rembrandt van Rijn (1606-1669) ou encore David Teniers le Jeune (1610-1649) figuraient parmi les favoris du financier. À ces noms, nous pouvons ajouter ceux d’Adriaen van Ostade (1610-1685), de Bartholomé Breenbergh (1610-1660), de Jan Both (1618-1652), Nicolaes Berghem (1620-1683), mais aussi de Gabriel Metsu (1629-1667), avec sa célèbre Femme au clavecin avec son maître (Paris, musée du Louvre, inv. 1462), et de Frans van Mieris (1635-1681) avec sa Femme écrivant sur un tapis de velours (Amsterdam, Rijksmuseum, inv. A261). L’école française était très abondante aussi. Citons parmi les peintres appréciés du financier, Nicolas Poussin (1594-1665) avec notamment Achille parmi les filles de Lycomède (Boston, Museum of fine Arts, inv. 46.463), Carle van Loo (1705-1765), Joseph Vernet (1714-1789), Jean Baptiste Greuze (1725-1805), François Boucher (1703-1770) avec Vénus dans les forges de Vulcain (Paris, musée du Louvre, inv. 2707), et enfin Jean Baptiste Marie Pierre (1713-1789) avec une version de L’Enlèvement d'Europe. Le financier possédait aussi quelques marines de l’école anglaise, des peintures à gouache et en émail, des pastels et des peintures montées sous verre.

La collection de sculptures de Nicolas Beaujon était nettement moins importante, mais elle comptait toutefois de beaux marbres d’artistes du XVIIIe siècle. Citons parmi eux : Étienne Falconet (1716-1791), Augustin Pajou (1730-1809), Laurent Guyard (1723-1788), Pierre Ignace Joseph Barbieux (actif milieu XVIIIe), René Frémin (1672-1744), Philippe Bertrand (1663-1724), Louis Claude Vassé (1716-1772) et Jean Pierre Antoine Tassaert (1727-1788). La plupart des sculptures est en marbre, mais on en rencontre aussi en bronze, en talc ou en stuc. Il est intéressant de noter que Beaujon possède moins de statues en bronze (il possède près de 35 sculptures en marbre contre 15 en bronze), alors que le goût pour les bronzes à cette époque est en plein essor.

La collection Beaujon se compose aussi d’objets d'art, notamment des vases en porphyre, en granit, en pierre de touche et en albâtre. Certaines de ces pièces proviennent des ventes Blondel de Gagny, du Prince de Conti et de Randon de Boisset. Nous relevons aussi une quantité non négligeable de porcelaines d’Asie (vases, urnes, jattes ou encore bouteilles en céladon du Japon ou de Chine, en porcelaine bleu turc, en porcelaine bleu céleste, en porcelaine bleu turquin, en porcelaine jaspée, en porcelaine de la Chine coloriée ou encore en porcelaine de Saxe). Nous retrouvons chez d’autres collectionneurs de la période, notamment chez les financiers soucieux de s’accorder avec la tendance générale (Pierre-Paul-Louis Randon de Boisset [1708-1776], Augustin Blondel de Gagny (1695-1776) entre autres), ce même goût pour les porcelaines d’Extrême‑Orient. La préférence des collectionneurs de cette seconde moitié du XVIIIe siècle allait à la porcelaine du Japon, appelée « ancien Japon », « ancien blanc du Japon », « ancienne porcelaine du Japon de couleur », « ancien Japon de couleur de la première classe » ou encore « première qualité coloriée », qui pour la finesse de sa pâte l’emportait de beaucoup sur celle de la Chine (« ancien la Chine de couleur », « ancienne porcelaine de la Chine coloriée ») [Castelluccio S., 2013, p. 150-151]. Le décor plus léger et plus délicat des pièces japonaises était un critère de choix.

Le catalogue de vente de Nicolas Beaujon (BINHA, MF/25/1787) ne mentionne aucune provenance, excepté pour une porcelaine bleu céleste représentant une coquille ovale à côtes et limaçons en relief, provenant de la vente Blondel de Gagny, et deux grands vases Lisbet à fond bleu et or provenant de cette même vente. On peut toutefois supposer que le financier se procurait ses pièces chez les marchands-merciers. À Paris, le quartier des Halles (quai de la Mégisserie, rues Saint-Denis et Saint-Honoré) concentrait l’essentiel du commerce du luxe. Faïenciers et merciers se partageaient de fait la vente de ces porcelaines, bien que les seconds, plus attractifs par leurs créations audacieuses (montage de porcelaines d’Extrême‑Orient sur bronzes dorés), suscitèrent davantage l’intérêt des amateurs (Castelluccio S., 2013, p. 315). En effet, initialement destinées à souligner le galbe de la porcelaine, les montures en bronze doré se sont peu à peu émancipées de la forme même de l’objet pour évoluer librement. L’apparition de nouveaux motifs rocaille, le rôle déterminant des ornemanistes comme Juste‑Aurèle Meissonnier (1695-1750) ou Nicolas Pineau (1684‑1754), donneurs de modèles, et le génie créatif des marchands‑merciers ont ainsi largement favorisé l’envolée du goût pour la porcelaine.

Enfin, la collection Beaujon se compose d’objets mobiliers tels que des pendules, des commodes, des secrétaires, des bureaux et des armoires. Il est fait mention d’une grande armoire en laque (BINHA, MF/25/1787). Il peut être étonnant qu’un collectionneur d’objets d’art asiatiques ait si peu d’objets en laque. Or, Beaujon était avant tout un homme d’affaires, occupé par ses diverses charges professionnelles. Il laissait donc aux marchands-merciers le soin de lui constituer un cabinet remarquable, à la hauteur de son statut socioprofessionnel. Beaujon possédait également un ensemble de tapisseries tissées aux Gobelins, représentant des portraits de la famille royale et de hauts personnages du royaume. À la mort du financier, ces tapisseries ont été léguées à la Chambre de commerce de Bordeaux, où elles sont toujours conservées (AD de la Gironde, C/4258).

Visibilité de la collection dans les espaces publics et privés

Lorsque Nicolas Beaujon commence à collectionner, il est propriétaire de l'hôtel d'Évreux, véritable écrin pour le déploiement de sa collection (AN, MC/LV/76 et Thiery, L.-V., 1787, p. 82‑88). Le vestibule d’entrée était orné de quatre bustes en marbre représentant les saisons de Philippe Bertrand, tandis que la salle de billard contenait L’Amour et Psyché de Tassaert. Dans le petit salon se trouvait une pendule en forme d'urne, une table en marbre blanc, ainsi que deux vases d'ancien Japon garnis de bronzes dorés. Ces espaces sont majoritairement embellis de sculptures d’après l'antique, ainsi que de vases et porcelaines.

C’est dans les petits appartements de l’hôtel d’Évreux que Beaujon a disposé l’essentiel de ses tableaux. L’antichambre des valets de pied comportait Saint Roch de Guido Reni et Sénèque au bain du Guerchin (1591-1666). Le salon contenait, outre une table en marbre bleu turquin, des tableaux de Pater (1695-1736), Lancret (1690-1743), Van Loo, Houël (1735‑1813) et Doyen (1726‑1806) ; soit des artistes français. Dans le cabinet de travail se trouvaient des tableaux plus solennels, soit quatre portraits de Louis XVI, du comte de Provence, du comte d'Artois et du roi de Suède, Gustave III. Les murs du salon dit « vert » étaient décorés des quatre portraits en tapisseries des Gobelins de Louis XV, d'après Louis-Michel van Loo (1707-1771), de Marie Leczinska d'après Jean-Marc Nattier (1685-1766), du dauphin futur Louis XVI d'après Louis-Michel van Loo et de la dauphine Marie‑Antoinette, d'après François-Hubert Drouais (1727-1775), ainsi que deux tableaux en tapisserie représentant La Pêche et La Diseuse de bonne aventure d’après Boucher.C'est par le salon des petits appartements que l'on accédait à la galerie de tableaux, création de l’architecte Étienne‑Louis Boullée (1728-1799). Cette salle, plus longue que large selon la définition usuelle de la galerie, possédait un éclairage zénithal. Le pourtour des murs était aménagé d'armoires basses formant soubassement et renfermant la bibliothèque de Beaujon, constituée par Hémery. Sur les tablettes de marbre étaient placés des vases de bronze, des porcelaines et des marbres. Sur les murs de la galerie étaient accrochées les œuvres de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), Pierre Paul Rubens, Frans van Mieris, Charles Le Brun (1619-1690), Nicolas Poussin, Louis‑Michel van Loo, David Teniers le Jeune, Paul Bril, Hans Rottenhammer (1564-1625), Francesco Zuccarelli (1702-1788), mais aussi Philips Wouverman (1619-1668), Joseph Vernet ou encore Gabriel Metsu. Nous ne connaissons pas la disposition exacte de ces tableaux, mais ce parti pris de placer la galerie en lisière de ses petits appartements montre que Beaujon a souhaité disposer sa collection au plus près de son intimité. Qu’en était‑il à la Chartreuse ? Le financier a placé dans le salon l’essentiel de ses tableaux, ainsi que ses peintures à gouache, ses miniatures, ses peintures en émail, ses peintures en pastel et ses peintures sous verre (AN, MC/LV/76).

De fait, par ces différents dispositifs de présentation, il est clair que Beaujon a souhaité séparer les espaces privés (petits appartements de l’hôtel d’Évreux, chartreuse) des espaces publics (grands appartements de l’hôtel d’Évreux). Sa galerie de tableaux propose majoritairement des œuvres des écoles italienne et « flamande » des XVIIe et XVIIIe siècle. Les autres pièces des petits appartements de l'hôtel d'Évreux, présentent soit les tableaux d’une école précise, soit une thématique picturale particulière : ainsi, dans le salon des petits appartements, tous les tableaux appartiennent à l'école française du XVIIIe siècle, alors que dans le cabinet et le salon vert se trouvent les tableaux des princes et souverains, ainsi que les tapisseries des Gobelins.