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Commentaire biographique

Fils de Jacques-Louis d’Ancezune (1669-1751) et de Madeleine d’Oraison (?-1750), André-Joseph d’Ancezune Cadart de Tournon d’Oraison naît en décembre 1695. Il est marquis d’Ancezune, puis duc de Caderousse à la mort de son père en 1751. En 1715, André-Joseph entre chez les mousquetaires du roi et il se marie en avril de la même année (Mercure galant, 1715, p. 316-320) avec Françoise-Félicité Colbert de Torcy (1698-1749), fille de Jean-Baptiste Colbert de Torcy (1665-1746), ministre et secrétaire d’État, et de Catherine Félicité Arnault de Pomponne (1670-1757). La jeune mariée apporte une dot importante de 200 000 livres. Dans un premier temps, le jeune couple habite chez Jean-Baptiste Colbert, dans l’hôtel de Torcy, rue de Bourbon (actuelle rue de Lille), à Paris. En avril 1716, André-Joseph est envoyé en Autriche, à Vienne, sur ordre de Philippe d’Orléans (1674-1723), alors régent, pour une mission diplomatique lors de la naissance d’un archiduc, mais il échoue dans cette fonction (Balteau J., Barroux M. et Prévost M., 1936, p. 804). On lui confie, le 1er décembre 1716, une compagnie au régiment des cuirassiers du roi, dont il se sépare en 1721. En 1720, il devient maître des camps de cavalerie. En 1733, il prend le commandement du régiment de dragons de Caderousse. Sous les ordres du maréchal Claude Louis Hector de Villars (1653-1734), il participe à la guerre de succession de Pologne et prend part à la campagne d’Italie à Pavie, Novare et Milan. En 1734, il est nommé maître des camps de son régiment et rejoint l’armée du Rhin lors du siège de Philippsburg. Il est promu maréchal des camps le 1er janvier 1740, puis se démet de son régiment. Il ne sert plus, quitte la cour et suit son père à Sceaux, auprès de Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse du Maine (1676-1753). En 1740, après la fin de sa carrière militaire, André-Joseph entre donc dans le cercle de la duchesse du Maine au château de Sceaux. Duc de Caderousse à partir de 1751, il se fait appeler duc d’Ancezune. D’après le duc de Luynes et Saint-Simon, Françoise-Félicité, son épouse, est laide et brune, mais instruite, pleine d’esprit et très pieuse ; elle a une mauvaise santé et décède le 28 avril 1749, sans enfant. André-Joseph ne se remarie pas et meurt dans son hôtel rue de Bourbon, à Paris, le 17 octobre 1767 (Gazette de France, octobre 1767, p. 366). Dans son testament (AD 84, 1B17*, fol. 296-302), André-Joseph nomme comme légataire universel son neveu Marie-Philippe-Guillaume de Gramont (1719-1800), qui devient duc de Caderousse et hérite de l’hôtel parisien rue de Bourbon et de tous les biens du duché de Caderousse dans le Vaucluse.

Constitution de la collection

En novembre 1719, le marquis d’Ancezune et son épouse achètent à Paris pour 250 000 livres au sieur Duguet un terrain et un hôtel nouvellement édifié par l’architecte Gilles de La Fontaine, dont seules les mansardes sont inachevées (Constans M., 1983, p. 68). Détruit en 1876, cet hôtel est alors situé rue de Bourbon (actuelle rue de Lille), en face de l’hôtel de Torcy, occupé par son beau-père. Cette demeure est construite entre cour et jardin, et comporte deux appartements identiques au rez-de-chaussée et au premier étage. C’est dans ces lieux que le futur duc de d’Ancezune installe ses collections d’objets d’art, de tableaux, de porcelaines et de laques précieux.

On sait peu de chose sur la constitution de sa collection. En effet, bien que son cabinet ait été entièrement dispersé après sa mort en 1767, aucun catalogue imprimé n’a été édité. Seuls les inventaires après décès de son épouse, en 1749, et le sien, en décembre 1767 (AN, MC, ET/CXII/740), nous donnent un aperçu complet de cette collection.

Sa femme Françoise-Félicité meurt le 27 avril 1749. Il s’ensuit un inventaire à partir du 5 mai (AN, MC, ET/I/441). Celui-ci nous dévoile un ameublement riche et de bon goût. En 1749 apparaissent déjà des figures de bronze et des tableaux des plus grands maîtres, comme Albane, Titien, Rembrandt ou Véronèse. La marquise d’Ancezune possédait dans un de ses cabinets des boîtes, des coffres, des bougeoirs en laque rouge probablement chinoise et, sur un plateau de même laque, un cabaret en porcelaine de Chine monté en argent et une théière de terre des Indes, c’est-à-dire en grès de Yixing. On y voit également douze rouleaux, huit urnes et quatre grands cornets en porcelaine « bleu et blanc » de la Chine, ainsi que quelques porcelaines japonaises garnies en argent. Mais la grande majorité des porcelaines acquises par la marquise proviennent de Saxe.

Il en est tout autrement lors du décès du duc en 1767. La prisée de sa collection de tableaux est faite par le sieur Colins, peintre de l’académie, le 14 décembre 1767 et est vendue le 29 février 1768 dans son hôtel rue de Bourbon (Annonces affiches et avis divers, 18 février 1768, p. 145).

Le célèbre marchand-mercier Claude-François Julliot (1727-1794) effectue la prisée des porcelaines, des bronzes et des laques de la collection de feu monseigneur le duc d’Ancezune. On peut ainsi découvrir dans le cabinet au premier étage ayant vue sur la cour, au milieu des vases en porphyre, albâtre et autres pierres dures, des tables de marbre précieux et des sculptures en marbre blanc, quatre vases en porcelaine du Japon à décors kakiemon, deux oiseaux de proie en porcelaine d’Arita transformés en girandoles et plusieurs cabinets et autres meubles en laque noir et or à relief du Japon (AN, MC, ET/CXII/740). Mais c’est dans son salon au rez-de-chaussée, ayant vue sur le jardin, que son cabinet prenait véritablement place, comportant cent soixante porcelaines d’Extrême-Orient. Le duc possédait quelques porcelaines chinoises de Dehua, des céladons et des porcelaines de Chine à couverte turquoise. Mais l’essentiel de son cabinet était constitué par des porcelaines « bleu et blanc » des époques Transition (1620-1683) et Kangxi (1662-1722) et quelques céramiques bleues et blanches datant de la fin du XVIIe siècle et provenant des fours japonais d’Arita. Ces œuvres sont ornées de décors de broderie, de boccage, de modèle ou de jasmin, et la plupart sont agrémentées de montures en bronze ou en cuivre doré d’or moulu. Le duc d’Ancezune possédait plusieurs porcelaines « bleu et blanc » provenant de la prestigieuse collection de monseigneur le Grand Dauphin (1661-1711), fils de Louis XIV, dont l’article 233 cité dans l’inventaire de 1689 (sir Francis Watson et John Whitehead, « An inventory dated 1689 of the Chinese porcelain in the collection of the Grand Dauphin, son of Louis XIV, at Versailles », no 233). Il s’agit d’« une grande bouteille en forme de lisbet de porcelaine bleue et blanche de la Chine à broderie garnie de pied et gorge à oves en cuivre ciselé doré d’or moulu » (AN, MC, ET/CXII/740), qui appartiendra par la suite aux collections de Louis-Marie-Augustin, cinquième duc d’Aumont (1709-1782) (vente Aumont, 1782, lot 202). Datant du début de la période Kangxi (1662-1722), cette bouteille est l’un des rares témoignages de la collection du duc d’Ancezune identifiés de nos jours (collection particulière).

Si, aujourd’hui, les collections d’Extrême-Orient du duc d’Ancezune restent à redécouvrir, au Siècle des lumières, son cabinet était suffisamment renommé pour qu’il soit cité dans les catalogues des plus grandes collections de la seconde moitié du XVIIIe siècle, comme dans ceux de Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset (1706-1776), le 27 février 1777, et du duc d’Aumont, le 12 décembre 1782.