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Famille et formation

Jules Maciet est né le 13 novembre 1846 rue Cambon, à Paris. Il est le fils unique de Charles Jules Maciet (1817-1884), rentier originaire de Provins, et d’Olympe Gabrielle Maciet (1824-1904) née Jean. Il passe sa jeunesse entre Paris et Château-Thierry auprès de parents « qui n’aiment que la charité, les livres et les chiens » (Aman-Jean F., 1967, p. 8-9). Entré au lycée Louis-le-Grand, il passe ses loisirs au Louvre dès l’âge de douze ans, le connaît par cœur à quatorze ans, « à quinze il étudie l’art du tapis, celui de la tapisserie, les enluminures, les miniatures persanes. À seize ans, il étudie la céramique, la porcelaine » (Aman-Jean F., 1967, p. 9). Il fréquente les marchands dès ses années de lycée et commence à collectionner à dix-huit ans. À partir de 1865, il tient un cahier d’acquisitions et de dépenses artistiques (UCAD, F 117) dans lequel il donne une description succincte de ses achats, leur prix ; les lettres V (vente) ou M (marchand) précisent auprès de qui les acquisitions ont été effectuées. De juillet à novembre 1868, il accomplit son Grand Tour en voyageant en Allemagne et en Italie, où il visite les musées. Les lettres qu’il envoie à sa famille et à ses amis montrent sa profonde connaissance des collections des musées parisiens, auxquelles il fait référence en comparaison des œuvres qu’il découvre (Sirieys J., 2004, p. 9-12). Destiné par sa famille à une carrière de notaire, il fait des études de droit, soutient sa thèse le 28 avril 1869, mais n’entamera jamais de carrière de juriste car il préfère consacrer sa vie à l’art. En 1869, il travaille pour le commissaire-priseur maître Pillet puis comme commis chez le marchand de tableaux Paul Durand-Ruel (1831-1922) (Kœchlin R., 1912, p. 5). Pendant la guerre de 1870, il s’engage dans la garde mobile (Maciet C., 1913) puis fait le choix de vivre de sa rente et de se consacrer à ses collections. Ses goûts personnels le mènent d’abord vers les petits maîtres hollandais, puis vers l’art du XVIIIe siècle, l’art persan et la tapisserie. Par ailleurs, il est lié à quelques artistes contemporains : les peintres Aman-Jean (1858-1936), son cousin, et Albert Besnard (1849-1934), les sculpteurs René de Saint-Marceaux (1845-1915) et Alfred Lenoir (1850-1920) (Kœchlin R., 1912, p. 24).

Implication auprès des musées

Plus qu’un simple collectionneur, Maciet est un évergète, dont la passion est d’acquérir pour les musées des œuvres qui complètent leurs collections et qu’il repère chez les marchands ou en salle des ventes. Sa plus belle réussite, en 1885, est d’acheter pour 357 francs à la vente La Béraudière le portrait d’Anne de Beaujeu par le Maître de Moulins (UCAD, F 117), qu’il donne en 1888 au Louvre, qui conservait l’autre panneau du diptyque. Le premier musée auprès duquel Maciet s’engage est celui de Château-Thierry. Dès sa création en 1876, il donne essentiellement des tableaux et des œuvres graphiques, souvent en rapport avec la ville et son histoire. Son rôle est tellement important dans les premières années que le peintre et critique d’art Frédéric Henriet (1826-1918), premier conservateur du musée, le qualifie de véritable fondateur de ce dernier (Henriet F., 1900, p. 6). La liste des musées qu’il fait bénéficier de sa générosité, tant à Paris qu’en province, est impressionnante : Gray, Clamecy, Sens, Dijon, Lille, Aubusson, Orléans, Rouen, Péronne, Limoges et, à Paris, le Louvre, le musée Carnavalet, le musée de l’Armée, le musée du Luxembourg (UCAD, F 117 ; Sirieys J., 2004, p. 36). La multiplication de ses dons aux musées lui fait changer l’organisation de son cahier d’acquisitions à partir de 1878 : ils ne sont plus signalés en note de bas de page, mais sur la page de droite, avec la date, qui peut être très décalée par rapport à celle de l’acquisition (seize ans pour un portrait de femme acheté en 1878 et donné au Louvre en 1894), tandis que les achats sont listés sur la page de gauche.

Jules Maciet et le musée des Arts décoratifs

C’est pour son rôle auprès du musée des Arts décoratifs de Paris que Jules Maciet est le plus connu. Dès le 13 novembre 1878, il souscrit 500 francs en tant que cofondateur de la Société du musée des Arts décoratifs (UCAD, A2/7). En 1882, il est membre fondateur de l’Union centrale des Arts décoratifs, née de la fusion de la société avec l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie (UCAD, A3/35). Élu au conseil d’administration en 1885 (UCAD, A4/90), il est président de la commission du musée de 1895 à 1911. Proche de Georges Berger (1834-1910), le président de l’institution, et des conservateurs Paul Gasnault (1828-1898) puis Louis Metman (1862-1943) à partir de 1898, il participe activement à la politique d’acquisitions. Dès sa création en 1890, il est membre puis président de la commission de l’enseignement (UCAD, A6/6) et collabore étroitement à ce titre avec le directeur de la bibliothèque Alfred de Champeaux (1833-1903). Dès la fin des années 1880, il est un des principaux donateurs de la bibliothèque et l’âme de la collection iconographique. Dans les années 1900, il rédige le projet pour l’installation de la bibliothèque rue de Rivoli (UCAD, B6/85) et le plan du catalogue (UCAD, F 5). Jules Maciet donne au musée des Arts décoratifs de 1880 à 1911 : au total, près de 350 dons et un legs totalisant plus de 2 500 objets, auxquels s’ajoutent ceux innombrables faits à la bibliothèque. Dans son cahier d’achats, la plupart des acquisitions qu’il fait dans les années 1880 sont à destination du musée des Arts décoratifs. Maciet donne pour aider le musée à constituer ses collections : essentiellement des modèles offrant « logique de composition, appropriation de la matière à l’objet, du décor à l’usage », car pour lui le musée doit avant tout servir à l’éducation du goût des artistes et du public (Koechlin R., 1912, p. 11). Les objets sont achetés spécifiquement pour le musée ou bien issus de sa collection personnelle. Il est particulièrement généreux pour certaines séries, comme l’art perse, qu’il a découvert en 1878 (Koechlin R, 1912, p. 12), plus particulièrement la céramique, les miniatures et les tapis. À des moments particuliers de son existence, il donne des pans entiers de sa collection : en 1903-1904, il offre l’ensemble de ses faïences, tapis, tapisseries à la suite de son déménagement (Koechlin R., 1912, p. 13 ; UCAD, F 166).

Jules Maciet et la Société des Amis du Louvre

Donateur régulier dès 1888, il participe en 1897 à la fondation de la Société des amis du Louvre pour aider le musée à acquérir les œuvres d’art qui auraient pu partir à l’étranger faute de moyens financiers. Vice-président du conseil dès la fin de la même année (Musée du Louvre, 1997, p. 53), il en devient le président en 1910 et est nommé à cette occasion membre du Conseil des musées nationaux, seulement pour quelques semaines car il meurt brusquement le 15 janvier 1911. Le rôle de Jules Maciet en tant que donateur aux musées français fut tellement remarquable qu’un an après sa mort, en 1912, a lieu au musée des Arts décoratifs une exposition qui lui est dédiée. Une salle sur les six est consacrée aux objets orientaux, tapis, céramiques ou miniatures (Sirieys J., 2004, p. 47).

Constitution de la collection

Les objets asiatiques trouvent naturellement une place parmi les achats de Jules Maciet, homme de son temps, et dans son cadre de vie, mais il ne fut jamais considéré comme un spécialiste ou un collectionneur de ce domaine. En 1867, c’est peut-être à l’occasion de l’Exposition universelle qu’il achète sa première pièce, une bouteille en porcelaine du Japon à ornement bleu (UCAD, F 117). Par la suite, il acquiert majoritairement d’autres œuvres auprès de marchands (UCAD, F 117) dont on ne connaît pas les noms, à l’exception d’éventuelles étiquettes encore collées sur quelques rares objets. Une petite partie de ses acquisitions sont réalisées en ventes publiques. De 1880, où le musée des Arts décoratifs commence à s’installer au palais de l’Industrie, à sa mort en 1911, Maciet participe à la constitution de la collection asiatique. À partir de 1881, il achète des objets pour les donner directement. Dès 1882, « Art chinois et japonais » est une catégorie propre dans son cahier de dons. De 1880 à 1887, il donne chaque année entre trois et vingt-quatre objets, puis, de 1888 à 1910, ses libéralités ne se font plus à un rythme annuel et se limitent à quelques pièces chaque fois. Au total, il donne ou lègue moins de deux cents objets et textiles asiatiques sur les 2 561 œuvres inscrites dans le livre de ses dons au musée (UCAD, F-166) et dans la liste des objets légués. Dans le domaine des arts extra-européens, Jules Maciet reste célèbre au musée des Arts décoratifs pour ses dons exceptionnels dans le domaine du tapis islamique (Day S., 2007, p. 302-309). Si l’Asie n’est pas son domaine de prédilection, la vision universaliste de la collection de l’Union centrale des Arts décoratifs semble convenir à son esprit curieux. Son intérêt se porte sur les arts asiatiques dans toute leur diversité, et il offre par ordre d’importance numéraire et qualitative des objets chinois (près de 60 % de l’ensemble), des objets japonais et indiens (respectivement 37 % et 5 %). Maciet s’intéresse d’abord à la céramique et plus encore à la porcelaine chinoise et japonaise, qui représente plus de 60 % des près de deux cents objets. Viennent ensuite les bronzes, métaux et cloisonnés (15 %), puis les netsuke japonais. Enfin, il acquiert également quelques papiers peints, objets en bois peint ou doré tels que des étagères, un petit autel japonais, une stèle chinoise, des statuettes japonaises en bois naturel ou doré et un masque de théâtre en bois laqué et doré. Peintures de petit format sur soie, pierres dures, tapis, deux panneaux de soie façonnée ou brodée, deux échantillons textiles composent le reste et semblent confirmer son intention universaliste. Au regard des prix, on pourrait également penser que certains achats sont dictés par les occasions d’objets trouvés à bon marché, une façon de faire toute différente de celle adoptée pour ses acquisitions très onéreuses de tapis d’Anatolie.

Maciet participe à la constitution de la collection asiatique de céramique, matériau qu’il connaît bien, avec la volonté de proposer des modèles, ce qui explique qu’il compose des séries sur plusieurs années avant de les offrir au musée. Ainsi, en 1884, il donne en deux fois deux douzaines de soucoupes, assiettes et plats de Chine et du Japon, ensembles rassemblés depuis 1881 au fur et à mesure de ses trouvailles. Avec un regard contemporain et au vu de l’évolution des connaissances scientifiques, un tiers des pièces offre un intérêt particulier si ce n’est remarquable. Quant aux œuvres restantes, elles gardent leur rôle de sources d’inspiration à travers les séries constituées, initiées ou complétées par Maciet. Parmi le premier groupe, il faut mentionner un ensemble d’une trentaine de porcelaines à décor de bleu de cobalt sous couverte : une jarre à décor bleu, l’une des deux porcelaines remarquables de la dynastie Yuan (1279-1368) aujourd’hui conservées par le musée (Musée des Arts décoratifs, 2014, p. 31), un ensemble de porcelaines de la dynastie Ming (1368-1644) fait pour le marché chinois et d’autres de l’époque de Wanli de type kraak destinées à l’exportation vers l’Europe, quelques pièces de la période de Kangxi, un vase japonais produit à Hirado à décor de paysages de montagne. On estime que, de 1878 à 1893, les dons de Maciet représentent 20 % des acquisitions de porcelaine japonaise du musée, dont de nombreux exemples de pièces destinées à l’exportation produits à Arita à décor de type Imari, mais également quelques porcelaines du XVIIe siècle de type ko-Kutani (Kutani ancien) (Musée des Arts décoratifs, 2018, p. 118). Dans le domaine du métal, Maciet enrichit la collection de quelques bronzes japonais et des rares statuettes indiennes aujourd’hui conservées au musée. Toutefois, les bronzes chinois sont très majoritaires et comptent quelques belles pièces, parmi lesquelles un bronze tardif de forme You du XVIIIe siècle (Musée des Arts décoratifs, 2014, p. 62), et quelques statuettes bouddhiques, figures de Guanyin ou de moines en bronze doré (Musée des Arts décoratifs, 2014, p. 57), ainsi qu’un guerrier en bronze peint de la dynastie Ming. Son intérêt pour les petites figures sculptées est visible tant du côté chinois que japonais et, parmi la vingtaine d’exemples, on en trouve en grès, en porcelaine, en bois naturel, en bois doré, en bronze peint ou doré. Dans le domaine de l’art japonais en sculpture miniature, il donne en 1887 quinze netsuke achetés en 1877 et 1878. Enfin, le nom de Maciet reste également lié au domaine des papiers peints chinois grâce à deux panneaux présentant des canards dans un paysage et deux panneaux, aujourd’hui regroupés en un, présentant un arbre fleuri animé par des oiseaux (Musée des Arts décoratifs, 2014, p. 25 et p. 27 no 19), seuls exemples complets de papiers peints fabriqués en Chine au XVIIIe siècle et exportés vers l’Europe. Ces derniers, qui décoraient sa salle à manger, ainsi que le bronze You ou bien une bouteille japonaise du XVIIe siècle en porcelaine (inv. 17875) font partie des dix-sept dernières œuvres asiatiques rejoignant le musée des Arts décoratifs, celles de son legs, avec lesquelles il vivait.

À partir de 1892, il participe à la constitution de la collection japonaise de la bibliothèque. Il donne les centaines de pages d’albums de kimonos ou de modèles textiles qui sont collées dans la collection iconographique (Coignard J., 2002, p. 27). En 1898, cinq recueils de modèles de broderies de kimono rejoignent la collection. Enfin, il offre au musée en 1908 un magnifique album de gouaches chinoises sur « papier de riz » du début du XIXe siècle d’une dimension remarquable, reversé à la bibliothèque en 1920 (Musée des Arts décoratifs, 2014, p. 8, 82 et 85). Les dons d’objets asiatiques aux autres musées sont moins nombreux. En 1879, il offre à celui de Château-Thierry la bouteille en porcelaine du Japon à ornement bleu achetée en 1867 (UCAD, F 117), cinq netsuke et un petit dragon chinois en pierre de lave (Société historique et archéologique de Château-Thierry, 1880, p. 94). En 1894, il donne au musée du Louvre, pour la collection d’art asiatique entreprise par son ami le conservateur Gaston Migeon (1861-1930), un bouddha japonais en bois acheté en 1884 (UCAD, F 117). Enfin, il lègue cinq céramiques japonaises au musée de Dijon (Sirieys, J., 2004, p. 45 et annexes p. 50).