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Commentaire biographique

Henri d’Orléans, duc d’Aumale, est le cinquième fils de Louis-Philippe (1773-1850), le dernier roi des Français, et de la reine Marie-Amélie (1782-1866). Filleul et petit-neveu du dernier prince de Condé, Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon (1756-1830), il hérite à l’âge de huit ans, en 1830, de l’immense fortune des Condé, dont le Palais-Bourbon (actuelle Assemblée nationale) et le château de Chantilly, alors en partie rasé depuis la fin de la Révolution. Après des études littéraires classiques au lycée Henri IV, à dix-huit ans, le duc d’Aumale embrasse la carrière militaire et rejoint en Algérie son frère aîné le prince royal, Ferdinand, duc d’Orléans (1810-1842). Soldat intrépide, il gagne ses épaulettes de lieutenant-colonel et la Légion d’honneur au passage du Teniah de Mouzaïa en 1840 (AN, LH/667/59). Général de division à vingt et un ans, il s’illustre par la prise de la smalah d’Abd el-Kader (16 mai 1843) et devient gouverneur de l’Algérie à vingt-cinq ans en remplacement du vieux maréchal Bugeaud. Très attaché à l’armée, il se définira ensuite toujours comme un soldat. Mais la révolution de 1848, chassant du trône son père le roi Louis-Philippe, brise sa carrière et l’exile en Angleterre pour vingt-trois ans, de 1848 à 1871. Gouverneur de l’Algérie, à la tête d’un corps expéditionnaire et secondé par son frère Joinville, disposant d’une partie de la flotte française, il aurait alors pu décider d’intervenir militairement, mais, profondément attaché aux libertés, il s’incline devant la volonté du peuple (Cazelles R., 1984, p. 149).

Réfugié avec les siens à Claremont, où les Orléans sont accueillis par la reine Victoria, leur cousine, le duc d’Aumale est le seul à disposer d’une fortune personnelle qui lui permet d’acquérir une belle demeure, Orleans House, à Twickenham, au sud-ouest de Londres. C’est là qu’il constitue la collection qui fait aujourd’hui de Chantilly le premier musée de peinture ancienne après le Louvre et l’une des plus grandes bibliothèques de France pour les éditions rares et les manuscrits à peintures.

Rentré en France en 1871, après la chute du Second Empire, veuf et sans enfants (il a perdu ses fils à l’âge de vingt et un ans et dix-huit ans), le duc d’Aumale se consacre à sa collection et à son château de Chantilly. De 1875 à 1880, il restaure l’aile Renaissance élevée par Jean Bullant pour le connétable Anne de Montmorency, ou « Petit Château », et remeuble les appartements historiques des princes de Condé (XVIIIe siècle) vidés par la Révolution. Surtout, avec son architecte Honoré Daumet, il reconstruit l’aile principale du château de Chantilly, ou « Grand Château », qui avait été rasée après la Révolution, afin d’y présenter ses collections (archives du musée Condé, série 4-PA et série CP). Il dispose ses tableaux selon les normes de l’époque, sur plusieurs niveaux, cadre contre cadre, selon une logique qui lui est propre, honorant la mémoire de la famille de Condé et de la famille royale de Bourbon. Voulant éviter la dispersion de sa collection après sa mort, il lègue l’ensemble en 1884 à l’Institut de France (dont il sera trois fois membre : 1871, Académie française ; 1880, Académie des beaux-arts ; puis 1889, Académie des sciences morales et politiques). Son testament contient deux contraintes majeures : ne pas prêter les collections, ne pas modifier la présentation – ce qui fait de Chantilly un témoignage irremplaçable sur les musées du XIXe siècle (AN, MC/RS//1573). Il continue d’acquérir des œuvres majeures jusqu’à sa mort en 1897 et fera de nombreux émules : d’autres grands collectionneurs, comme les Jacquemart-André, légueront leurs collections, véritables musées privés, à l’Institut de France.

Député de l’Oise en février 1871, conseiller général de Clermont et président du conseil général de l’Oise, le duc d’Aumale exerce des responsabilités politiques. En 1873, on pense à lui pour la présidence de la République. Mais ce n’est pas un homme politique au sens actuel (Woerth E., 2006). Fils de roi, militaire reconnu par ses supérieurs, historien, amateur d’art et collectionneur, le duc d’Aumale est une personnalité multiple, « un prince aux dix visages » (Cazelles R., 1984), à la fois un homme de lettres reconnu par l’Académie française, un homme politique qui aurait pu atteindre la présidence de la République, un chef militaire de grande envergure et, bien sûr et surtout, un collectionneur d’art exceptionnel.

Constitution de la collection

Henri d’Orléans, duc d’Aumale, est connu pour sa collection de plus de huit cents peintures, de plus de quatre mille dessins et d’autant d’objets d’art, de manuscrits et de livres précieux qu’il a donnée en 1886 à l’Institut de France avec son château de Chantilly pour former le musée Condé.

Le livre

Dès 1848, ayant été initié par son précepteur Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury (1802-1887) aux manuscrits médiévaux, aux incunables et aux éditions rares, il se dit déjà « atteint de la bibliomanie » (archives du musée Condé, 1-PA-103, pièce 13, lettre à Cuvillier-Fleury du 28 novembre 1848). Il forme une des premières bibliothèques de France après la Bibliothèque nationale et acquiert en Italie en 1856 un des plus beaux manuscrits du monde, les Très Riches Heures du duc de Berry, exécuté par les frères Limbourg vers 1410 pour le frère du roi Charles V.

La peinture

Après 1848, le brillant militaire, réduit à l’inactivité à vingt-six ans, doit trouver des dérivatifs : déjà bibliophile, il devient collectionneur et, grâce à la fortune des Condé, rachète les trésors de l’art français, en exil comme lui hors du territoire national. En 1854, il rachète la collection de peinture italienne (Carrache, Reni, Salvator Rosa) et d’antiques de son oncle et beau-père le prince de Salerne (archives du musée Condé, Na 37/6). Héritier des Orléans, il cherche à reconstituer la collection d’œuvres d’art de son ancêtre le régent Philippe d’Orléans (1674-1723), dispersée durant la Révolution par son grand-père le régicide Philippe Égalité (1747-1793), et forme une des plus belles collections de peinture en France après le musée du Louvre : trois Raphaël, trois Fra Angelico, sept Nicolas Poussin, quatre Watteau, quatre Greuze, cinq Ingres, sans compter les œuvres contemporaines commandées à ses confrères de l’Institut de France (Baudry, Olivier-Merson).

L’histoire

Descendant de la famille royale de Bourbon, Aumale aime que la peinture lui raconte une histoire : il collectionne les portraits des personnages historiques. Ayant obtenu le second prix d’histoire au concours général, il commence durant l’exil (1848-1871) la publication d’une monumentale histoire des princes de Condé (archives du musée Condé, 1-PA-2 ; 27-A-008). C’est l’origine de sa collection de portraits historiques, qui rassemblera plus de trois cents crayons de Jean et François Clouet, acquis en Angleterre et issus de la collection de la reine Catherine de Médicis (archives du musée Condé, Na 39/1) – un fonds unique au monde de portraits dessinés du XVIe siècle –, la quasi-totalité de l’œuvre de Carmontelle, également achetée dans les îles Britanniques, et près de cinq mille estampes.

L’orientalisme et les achats tardifs

Un autre des temps forts de la collection est l’orientalisme (Decamps, Marilhat, Delacroix), auquel le duc d’Aumale est attaché, à la fois comme militaire ayant servi en Algérie et comme soutien du courant romantique, à l’instar de son frère aîné Orléans (Robert H., 1993). Avec la collection de Frédéric Reiset (1815-1891), directeur des musées nationaux, Aumale acquiert en 1879 quarante chefs-d’œuvre (primitifs italiens, peintures de Poussin, portraits d’Ingres) (archives du musée Condé, Na 37) puis complète sa collection après la donation de 1886 avec les quarante enluminures de Jean Fouquet tirées du livre d’heures d’Étienne Chevallier acquis en Allemagne de Brentano, un cassone de Botticelli et Filippino Lippi et Le Concert champêtre de Corot (Archives du musée Condé, Na 37/4 ; AN, AP I 2150).

L’art asiatique

On sait moins qu’Aumale s’est aussi intéressé à l’art asiatique. Aujourd’hui, près de quatre-vingts pièces sont réparties dans le parcours de visite du musée Condé. Le premier conservateur du musée, Gustave Macon (1865-1930), comptait « quarante vases et assiettes de la Chine et du Japon », soulignant que « les vases chinois et japonais offrent une grande variété de styles, de formes et de décoration » (1928, p. 13).

L’héritage des princes de Condé

En 1830, le jeune duc d’Aumale, alors âgé de huit ans, hérite ses premiers objets d’art asiatique de son grand-oncle et parrain Louis-Henri-Joseph (archives du musée Condé, 4-PA-838* et 4-PA-839*), duc de Bourbon, dernier prince de Condé (1756-1830) : le coffre japonais en laque représentant des coqs, des poules et des poussins (OA 1798) et le vase-urne en porcelaine dure du Japon à décor kakiemon vers 1690-1700 (OA 1031), ainsi que sa copie en porcelaine tendre de Chantilly (OA 1032) proviennent de Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé (1692-1740), le grand collectionneur d’art asiatique qui créa au XVIIIe siècle la manufacture de porcelaine tendre de Chantilly, inspirée des pièces kakiemon de sa collection, et fit peindre les deux Singeries de Chantilly, où domine l’inspiration asiatique (voir ici notice par Mathieu Deldicque). Le 19 septembre 1843, le duc d’Aumale fait transporter à Chantilly le coffre en laque du Japon et le replace dans la galerie des Actions de M. le Prince, là où il se trouvait de 1740 à 1793 (Carlier, 2010, p. 40, no 3), lui adjoignant deux petits cabinets en laque (OA 3451) entrés sans doute plus tard chez les Condé. Aumale s’attache à mettre en valeur l’héritage des Condé, et l’amour du duc de Bourbon pour les arts asiatiques au XVIIIe siècle compte pour beaucoup dans l’intérêt d’Aumale pour les porcelaines de Chine.

Premiers achats d’art asiatique sous la Monarchie de Juillet (1845-1848)

Dans l’inventaire de Chantilly de 1845 à 1848 (archives du musée Condé, 4-PA-838* et 4-PA-839*), sur 139 porcelaines appartenant au duc d’Aumale, 36 sont réputées venir de Chine ; le Japon n’est jamais mentionné, mais est déjà présent avec les vases d’Arita (OA-1252-1253, OA-1561 et OA-1581) et le vase-urne provenant du duc de Bourbon (OA-1031). Avec le coffre en laque du Japon et les deux cabinets, le duc d’Aumale avait donc réuni à Chantilly trente-neuf objets d’art asiatique avant 1848. Quelques pièces venaient des Tuileries, comme les deux vases de Chine de forme quadrangulaire (OA 86), d’autres se trouvaient déjà à Chantilly, comme les deux grands vases sang-de-bœuf en porcelaine de Chine XVIIIe ou XIXe siècle (OA 1579-1580) montés en bronze doré au XIXe, « trouvés à Chantilly le 1er juillet 1845 » (OA 1579-1580). Le duc achète de 1845 à 1848 chez les meilleurs antiquaires parisiens plusieurs porcelaines de Chine et du Japon, le plus souvent par l’intermédiaire du peintre romantique Eugène Lami (1800-1890). Après son mariage avec sa cousine Marie-Caroline de Bourbon-Sicile (1822-1869) le 25 novembre 1844, le duc d’Aumale lui confie en effet la décoration de leur appartement de Chantilly, aujourd’hui le seul décor princier de la monarchie de Juillet qui soit conservé. Les premiers achats ont lieu dès 1845 : ainsi les « deux vases céladon en porcelaine de Chine, montures en bronze doré, anses à grappe de raisin » (4-PA-839*, inv. 1845-1848, nos 66-67), aujourd’hui dans le salon violet (OA 2255), sont acquis 750 francs chez Escudier le 30 septembre 1845. Eugène Lami acquiert pour l’appartement de la duchesse « deux vases de porcelaine de Chine, de couleur verte, en céladon craquelé, monture du temps de Louis XVI dorée, moyennant 600 francs, Paris, le 7 août 1846, Félix Lajoye. Pour le salon des dames » (OA 2255 (1-2) ; archives du musée Condé, Na 41/9, facture), qui sont aujourd’hui dans la Grande Singerie (OA 329). En 1879, ils sont exposés l’un dans le Salon de Guise, l’autre dans le Salon Rond (salon violet).

Le duc acquiert pour 45 francs chez Escudier, marchand de curiosités quai Voltaire, le 14 janvier 1846 (inv. de Chantilly en 1845, fo 28 no 70), une assiette creuse en porcelaine dure à décor de paysage, famille rose, Chine, XVIIIe siècle, époque Qianlong, 1735-1795 (OA 2789), aujourd’hui dans la galerie d’office ; puis chez le marchand Henry le 24 mai 1846 un « vase de Chine bleu de perce à cartel col à pans » (OA 102) (archives du musée Condé, Na 41/9). Lami achète chez Escudier le 13 juillet 1846 pour 460 francs une bouteille en porcelaine de Chine céladon fleuri, avec anses, socle et capuchon en bronze doré très travaillé (OA 87 ; archives du musée Condé, Na 41/9) ; l’œuvre est tout naturellement destinée au « salon chinois », c’est-à-dire la Grande Singerie, dont le décor appelle des objets asiatiques. En mai 1846, Aumale achète 1 400 francs chez Escudier une paire de vases en porcelaine de Chine noire incrustée de nacre qui provient de la vente du duc de Sussex à Londres (OA 81).

Le duc d’Aumale acquiert pour 1 200 francs chez Henry en septembre 1846 (inv. de Chantilly de 1845, fo 28, nos 73-74) deux grands vases verts à fleurs sur fond noir carré, Chine, XVIIIe, époque Kangxi (OA 1559-1560), dont « le vert est d’une intensité extraordinaire » et que Gustave Macon (1928, p. 13) décrira comme un « superbe spécimen de cette céramique si rare et si recherchée de l’époque des Ming ». À Twickenham, ils auront les honneurs du Grand Salon.

En novembre 1846, ce sont trois potiches couvertes du Japon (identifiées comme chinoises) avec des « cartels peints à fond blanc » (OA 1252-1253) qui sont acquises 550 francs chez Gansberg ; l’une, aujourd’hui disparue, est « sur la terrasse », deux « au salon de service ». Lami acquiert le 20 avril 1847 pour 1 500 francs chez Gansberg, marchand de curiosités et objets d’art boulevard des Capucines à Paris, deux grands vases japonais (alors considérés comme chinois) vers 1690-1710 en poterie d’Arita avec décors de laque en relief (OA 1561 et OA 1581). Contemporains du duc de Bourbon, ces deux grands vases importés d’Asie ont probablement reçu en Europe leur décor de laque. Eugène Lami les place « sur les tables de la Grande Galerie [des Actions] ». C’est l’achat le plus élevé en matière de porcelaines d’Extrême-Orient en dehors des « quatre grandes urnes en porcelaine de Chine, fond bronzé à fleurs riches » acquises chez Lassalle, 35, rue Louis-le-Grand, 2 700 francs (archives du musée Condé, Na 41/9), mais revendues à Beurdeley le 4 décembre 1852 (inv. 1845, nos 122-125). À côté de ces achats, citons un don en 1846 d’Edmond Halphen (1802-1847) : le vase de Chine du XVIIIe siècle à fond turquoise dit « bleu de Pékin » (OA 75). Quant aux « 2 vases porcelaine peinte à fleurs surmontés d’un bouquet de 3 lumières en bronze doré » aujourd’hui dans la chambre de la Reine (OA 2163 (1-2), ils sont « apportés par S.A.R. Mme la duchesse en Angleterre juin 1852 ». Parmi les pièces disparues, deux « tabourets en porcelaine de Chine céladon fleury blanc » acquis le 5 août 1845 chez Escudier quai Voltaire (inv. 1845, nos 38-39 ; archives du musée Condé, facture, NA 41/9).

L’exil anglais (1848-1871)

Après la chute de Louis-Philippe, le duc d’Aumale fait venir ses collections en Angleterre sans omettre les porcelaines asiatiques. L’inventaire de Twickenham mentionne 29 pièces asiatiques sur les 217 porcelaines d’art du duc (archives du musée Condé, 4-PA-974*). Le duc de Nemours donne à son frère Aumale « un grand vase de Chine, bronzes genre rocaille dorés » (OA 103).

Le retour en France et la reconstruction de Chantilly

En 1879, l’inventaire de Chantilly dispose d’une entrée spécifique pour les soixante-trois « porcelaines de Chine et du Japon », pays dont le nom apparaît pour la première fois. Vingt-cinq sont stockées au Jeu de Paume, qui sert alors de réserve, ce sont donc probablement celles qui reviennent de Twickenham. On y retrouve les tabourets chinois (inv. nos 181-182). Apparaissent alors les « deux cache-pots en porcelaine de Chine, avec armes de France » (OA 66) de la Compagnie des Indes, commande de Louis XV en 1739 (Castelluccio S., 2011).

L’appartement privé présente des objets asiatiques : une paire de vases gris-vert céladon au salon rond, une autre au salon de Guise, mais on relève de nombreux objets du XIXe siècle, comme l’écran de cheminée en soie brodée de la chambre du duc ou les objets usuels placés sur son bureau. Dans le Cabinet des Singes, Aumale a replacé le « tabouret en porcelaine de Chine gris ».

Au sein du musée Condé, le duc d’Aumale aménage à l’entrée des grands appartements dans le salon des Chasses, aujourd’hui appelé antichambre, deux grandes vitrines courbes pour accueillir ses céramiques asiatiques en porcelaine de Chine et du Japon, ainsi que des jades. Ce dispositif évoluera très peu.

Dans la galerie de peinture, les deux bornes de cuir rouge (XIXe siècle) sont surmontées de vases de Chine du XVIIIe siècle. Le cabinet des Gemmes comporte, outre quelques objets chinois, parmi lesquels une assiette en porcelaine coquille d’œuf (vitrine XLII), les grands vases d’Arita, les grands vases à fond noir et la paire de vases sang-de-bœuf.

Après le second exil (1886-1889), les bronzes japonais et l’exposition universelle

Le duc d’Aumale achète le 3 janvier 1891 chez Pohl, à Paris, 25, rue d’Enghien, le grand vase de bronze japonais (OA 873) qui est installé le 20 janvier dans le vestibule du musée, puis le 28 février, toujours chez Pohl, deux plus petits vases de bronze japonais (OA 31-32) exécutés à Kyoto chez Yoshida en 1889 (agenda du duc d’Aumale en 1891, archives du musée Condé, 4-PA-30). Le grand vase de bronze aurait coûté 10 000 francs et aurait été exécuté en 1889 (Bouteiller L., 1905, p. 35). Selon le catalogue de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, classes 11 et 25, p. 7-8 et 15, le ministère de l’Agriculture et du Commerce de Tokyo présentait des vases à fleurs en bronze, des pots à fleurs en bronze et des fontaines monumentales en bronze, la plupart réalisés à Kyoto, dont certains modèles uniques. Le duc d’Aumale semble ouvert au goût nouveau pour l’Extrême-Orient qui est à la mode à la fin du XIXe siècle.

Au fond de la galerie des Cerfs, salle à manger de réception inaugurée en 1880, sur la grande porte vitrée et la baie qui lui fait pendant, le duc d’Aumale dispose deux portières chinoises ; l’une d’elles en soie rouge brodée d’or (OA 3477) porte une inscription de 1835.

La salle bourbon de la maison de Sylvie

Un des ensembles de Chantilly les plus intéressants pour l’art asiatique est conservé dans la maison de Sylvie, bâtiment élevé dans le parc au XVIIe siècle et transformé par le duc d’Aumale en salles de musée en 1891. Il consacre aux arts de l’Extrême-Orient la salle Bourbon, ainsi nommée en hommage à Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé (1692-1740). Parmi les pièces les plus remarquables, outre le coffre en laque du Japon et les deux cabinets en laque venant des Condé, la salle Bourbon comporte une importante soierie du XVIIIe siècle, la tenture aux dragons, réputée provenir du Palais d’Été de Pékin (Macon G., 1928, p. 42) : il s’agit d’un « lit impérial » (OA 4455) à décor de dragons dans les nuages, en broderie de soie et fils métalliques sur satin de soie jaune. Cette pièce impressionnante, qui mesure H. 8,35 m ; L. 2,10 m, a fait l’objet d’une restauration et d’une étude en 2003 (Baptiste, Beugnot, Ducos et Garnier, 2004). En pendant, une grande tenture carrée à décor de fleurs et d’oiseaux (OA 4464, restaurée en 2002) en broderie de soie sur fond de soie beige, mesurant H. 3,52 m ; L. 3,78 m, était réputée au XIXe siècle être un tapis de billard asiatique (provenance aujourd’hui abandonnée). Mentionnons aussi des vases en porcelaine du Japon (volés en 1975) et un ensemble mobilier de huit chaises et deux fauteuils (OA 3435-OA 3442, OA 3446 et OA 3447), probablement réalisé en Angleterre dans le style de la Chine, un guéridon en bois peint rouge et or et en laque (OA 3388), une table incrustée de nacre ancienne provenant de Chine ou du Vietnam (OA 3467) et un fauteuil occidental en rotin (OA 3445) recouvert d’un tissu jaune et vert provenant d’une robe chinoise de fonctionnaire officiel de la seconde moitié du XIXe siècle, avec un dragon au milieu du dossier.