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Ancien aviateur, héros de la guerre de 1914-19181, reconverti en industriel après la Première Guerre mondiale, Jacques Ehrlich est responsable de la vente d’une partie de la collection de peinture française des frères Wertheimer au marchand d’art Martin Fabiani2.


Jacques Ehrlich est né le 5 octobre 1893 dans le Xe arrondissement de la capitale. Il est le deuxième fils d’Eugénie Honig et de Nathan Ehrlich, fabricant de chaussures1. Lui et son frère cadet André (10 novembre 1894 – 30 avril 1970) se distinguent par leurs exploits dans l’aviation au cours de la Première Guerre mondiale2. Après la guerre, les deux hommes rejoignent la manufacture de chaussures fondée par leur père, la société en nom collectif Ehrlich Frères, transformée en société anonyme sous la dénomination « Société des chaussures Ehrlich Frères » le 20 décembre 19233. Jacques est par ailleurs courtier à la Bourse de commerce de Paris. En 1933, il doit une importante somme d’argent (477 246 F) à la banque Victor Lyon4. Entre 1930 et 1933, il fait l’objet de plusieurs procédures d’exclusion des jeux pour émission de chèques sans provision5. Le 14 mai 1940, il épouse Lili Bertheim à la mairie du XVIe arrondissement de la capitale6.

En 1940, au début de l’Occupation, les frères Paul (1883-1948) et Pierre (1888-1965) Wertheimer, qui étaient devenus de proches collaborateurs de Chanel en 1924, propriétaires de l’entreprise de cosmétiques Bourjois ainsi que de nombreux chevaux de course7, étant juifs, sont contraints de fuir Paris précipitamment. Grands amateurs d’art moderne, ayant d’abord tenté d’emporter avec eux leur collection en Amérique en passant par l’Espagne, par l’intermédiaire du fils de Pierre, Philippe8, ils confient leurs œuvres à leur ami Jacques Ehrlich9. Resté à Paris en 1940, ce dernier s’engage alors à faire passer cette collection en zone libre10. L’industriel étant lui-même d’origine israélite, ayant besoin d’argent, finit cependant par vendre une partie de cette collection au marchand Martin Fabiani en 194111. Une lettre de dénonciation concernant l’un des frères Ehrlich domicilié 15 rue Spontini, adressée à la Préfecture de police, est peut-être la preuve des menaces qui pesaient sur le banquier à cette époque12. La vente de ces tableaux, parmi lesquels des toiles du Douanier Rousseau, de Camille Pissarro ou d’Auguste Renoir, se fait à très bas coût13. Martin Fabiani les revend par la suite à des prix plus élevés à ses contacts14. Le marchand d’origine corse affirme cependant avoir acheté deux toiles du Douanier Rousseau à Ehrlich pour la somme 1 700 000 F chacune15. L’une d’entre elles fut vendue à Pablo Picasso16.

Les frères Jacques et André Ehrlich parviennent quant à eux à rejoindre la Suisse à une date inconnue. En 1944, ils sont tous deux installés au prestigieux hôtel des Bergues de Genève17. Les frères Ehrlich sont alors suspectés par les Américains d’être des agents du régime de Vichy, et de vendre des œuvres spoliées au marchand et joaillier suisse Lucien Baszanger et à l’agent britannique Louis Guillaume. Jacques Ehrlich et sa maîtresse, Van Cleef18, sont réputés être rentrés à Paris autour du 10 septembre 1944 ; André autour du 15 octobre.

En 1945, Jacques Ehrlich est poursuivi par la justice en même temps que le marchand Fabiani. Les deux hommes sont accusés du détournement des tableaux de la collection Wertheimer19.