Triple portrait de Gaspard II de Coligny( 1519-1572), amiral de France, au centre, avec à gauche, Odet (1517-1571), cardinal de Chatillon et à droite, François d'Andelot (1521-1569). Tous trois étaient les fils de Gaspard I de Coligny, maréchal de Châtillon et de Louise de Montmorency, sœur du Connétable Anne de M. , garant de l'orthodoxie catholique. Ses neveux se convertirent après 1550 à la cause protestante, s'opposant au Triumvirat formé en 1561 par François II de Guise, Jacques d'Albon, maréchal de Saint André, et leur oncle Anne de Montmorency.
Peinture perdue connue par une estampe.
Ce triple portrait est une peinture perdue de Marc Duval, connue par cette estampe datée et signée de 1579 (Paris, Bibliothèque nationale de France, Estampes & Photographies, Réserve FOL-QB-201 (7)). La composition présente les trois frères en pied dans un environnement extérieur puisqu'un paysage est représenté en arrière-plan. Portant la mention "F." de fecit, il est possible de se demander si Duval est aussi bien le graveur de la plaque que le dessinateur, voir le peintre de la composition originelle.
Deux dessins sont conservés dans la collection Hennin de la Bibliothèque nationale de France (Recueil Qb 207, fol. 52, cf. Dimier 1924-26, II, p. 186 n° 766) au Musée Condé à Chantilly (DE PD 372, cf. sources en ligne). Tous deux montrent des caractéristiques confirmant qu'ils auraient été exécutés d'après l'estampe ou la peinture d'origine. Celle-ci semble avoir disparu puisque les deux versions connues, au Mauritshuis de La Haye et à la Knole House, semble être des compositions dérivées
La gravure présente une disposition comparable pour l'essentiel mais aussi des différences par rapport aux deux versions graphiques: le cardinal Odet, à gauche, porte l'habit ecclésiastique et sa barrette de cardinal ( rouge) et pose la main sur la hanche; de même François, à droite, porte-t-il lui aussi un couvre-chef.
Marc Duval produit des estampes de manière certaine à partir de 1579. Peintre officiel de la cour de Navarre, bien qu'installé à Saint-Germain-des-Prés, son œuvre construite autour de cette gravure montre qu'il était actif à la fois auprès de clients protestants que catholiques. Etant avant tout peintre, on suggère ici que cette estampe est dérivée d'une même peinture produite par Duval, aujourd'hui perdue, et que Duval ait produit cette gravure dans l'espoir de gagner un salaire, mais aussi dans l'exaltation de la foi protestante et de ses martyrs. L'estampe, qui montre en effet les trois frères en costume militaire et portant tous trois l'épée, cristallise en effet leur rôle militant dans la percée du protestantisme. Il y aurait dans ce cas évolution d'un portrait de famille vers un portrait plus politique, voire un portrait rétrospectif de martyres protestants (la mort d'Odet de Coligny en 1571 à Londres ayant été suspecte et Gaspard II de Coligny ayant été assassiné la veille de la saint Barthélémy). Cynthia Burlingham (1995) a soutenu cette idée que l'estampe de 1579, postérieure de 7 ans à la mort de Gaspard de Coligny, célébra certainement son rôle dans les guerres de religion.
L'influence, sinon du tableau, du moins du dessin et de la gravure de Marc Duval sur la composition du portrait en miniature des Trois frères Browne par Isaac Oliver (1598, Burghley House) a été notée dès le XVIIIe siècle par George Vertue (voir Tabitha Barber, in Hearn 1995).
Deux peintures documentent cette même composition, dont la gravure serait une version tardive d'après une peinture de Marc Duval, aujourd'hui perdue.
Dessins comparatifs : n° 766 et 767.