La Visitation, la Nativité
Relief appliqué sur la face interne du volet senestre d'un retable, en partie supérieure.
- Restauration, Aubert Gérard, 1990.
- Identification du bois, Elisabeth Krebs, 2007.
- Observation, Sophie Guillot de Suduiraut, Éloïse Dumas, 2022.
Bas-relief constitué de planches de bois (tilleul) assemblées à plat-joint.
- Parties ajourées d’origine : les ouvertures des trois baies, le haut du paysage et les parties délabrées du pignon et du toit de chaume de l’étable.
- Traces de fixation sur le volet du retable : sept percements (tous d’origine ?), un à chaque angle, un au centre du bord inférieur, un au centre près du bord du toit de l’étable, un entre les poutres de la charpente.
- Attaque d’insectes xylophages (actuellement inactive).
- Principaux manques : quelques parties du bord supérieur du relief ; main droite de Joseph et main gauche de l’ange dans la scène de la Nativité.
- Interventions postérieures : restitution des têtes de l’âne et du bœuf ; fixation du relief sur un panneau de bois (panneau contraignant vissé, retiré lors de la restauration de 1990).
Polychromie partielle ; quelques rehauts de polychromie peut-être du 19e siècle (en 1858, retrait d’une polychromie postérieure et décapage du bois par le collectionneur Edmond Fleischhauer).
- Lèvres : rouge.
- Yeux : noir.
Deux scènes de la vie de la Vierge, inspirées de gravures de Dürer, sont juxtaposées sur le bas-relief. À dextre, est représentée la Visitation, la visite de Marie enceinte de Jésus, à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste : « Marie, partit et se rendit en hâte vers le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Élisabeth. Or dès qu’Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillit dans son sein […] » (Luc 1, 39-41). Les futures mères qui s’embrassent face à face, le fond de paysage montagneux, Zacharie sur le seuil de sa maison (il tient son chapeau dans ses mains), évoquent le récit évangélique.
À senestre est représentée la Nativité, la naissance du Christ à Bethléem « [Marie] mit au monde son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtellerie » (Luc (2, 7). À ce bref récit s’ajoutent de nombreux événements mentionnés dans les évangiles apocryphes, dont s’inspirent les représentations dès les premiers siècles chrétiens, ainsi que divers éléments issus de textes postérieurs en Occident, qui enrichissent et renouvellent en partie l’iconographie de la Nativité. La scène reprend ici plusieurs traits iconographiques devenus traditionnels aux 15e et 16e siècles. Le toit délabré de l’étable et la mangeoire pour les animaux (ou « crèche »), sur laquelle repose l’Enfant nu, rappellent le dénuement dans lequel le Christ est né. La Vierge est figurée, non plus allongée sur son lit d’accouchée, mais à genoux, adorant le nouveau-né selon la vision de sainte Brigitte de Suède dans la grotte de la Nativité à Bethléem en 1372, que relatent les Révélations. La présence de l’ange en adoration penché sur le nouveau-né évoque le récit de la Nativité dans l’Évangile de l’Enfance du Pseudo-Matthieu et dans les Méditations sur la vie du Christ (XIVe siècle) attribuées au franciscain Johannes de Caulibus. À l’arrière-plan, dans l’ouverture d’une baie, apparaissent le bœuf et l’âne, qui sont mentionnés dans l’Évangile de l’Enfance du Pseudo-Matthieu. Derrière la Vierge, se tiennent Joseph et un berger qui tient un bâton. Les bergers, à qui apparaît un ange annonçant la venue du Sauveur, sont les premiers témoins de la naissance du Christ (Luc 2, 8-18). Leur présence est traditionnelle dans les représentations, soit dans la scène complémentaire de l’Annonce aux bergers, soit dans l’image synthétique de la Nativité, englobant l’Adoration des bergers dans l’étable (Luc 2, 16).
Rhin supérieur (Oberrhein), Suisse, Bâle (Basel) ?
La Visitation et la Nativité, vers 1503-1504, deux gravures sur bois d’Albrecht Dürer, de la suite de la Vie de la Vierge éditée en 1511 (B. 84, B. 85).
Les deux reliefs (SB 24 A et B) proviendraient du retable du maître-autel de l'« église haute » de Kientzheim (Haut-Rhin), actuellement église paroissiale Notre-Dame-des-douleurs. Les reliefs auraient été déposés en 1725 dans la tribune de l'orgue où les aurait trouvés le menuisier Franz Joseph Gandenschwiller en 1847. Acquis en 1858 par un brocanteur de Colmar. Acquis en 1858 auprès du brocanteur par le collectionneur colmarien Edmond Fleischhauer (Strasbourg, 1812- Colmar, 1896). Legs Edmond Fleischhauer, n° 134, 1896.
Les deux reliefs étaient superposés sur la face interne du volet senestre d'un retable : dans la partie supérieure du volet La Visitation, la Nativité, dans la partie inférieure La Présentation au Temple, le Christ parmi les docteurs.
« En décembre 1858, Jaques le bouquiniste et brocanteur hébreux me prévient qu’il venait de recevoir des sculptures en bois […]. Je me rendis immédiatement chez lui et comme pour les 4 panneaux susdits et deux consoles à têtes d’ange, il ne me demandait que le modique prix de F 55. Le marché fut conclu sans hésitation de ma part et bien m’en prît. Il m’indiqua comme origine l’église ou la sacristie de Munster […]. Quelques années plus tard, vers 1865, un autre brocanteur juif Meyer Dreyfus de Hattstatt […] avisant ces panneaux dans mon cabinet, s’écria : « Tiens, voilà les sculptures pour lesquelles j’ai été […] avec Jaques et me raconta les avoir achetées chez un menuisier de Kientzheim près Ammerschwihr […]. Je répudie donc Jaques et j’accepte comme authentique le renseignement spontané de Meyer Dreyfus. L’église paroissiale de Kientzheim renferme les pierres tombales de Lazare de Schwendi 1584 et celles de son fils, seigneurs du Haut Landsberg […]. Il y avait donc dans cette église un ensemble d’œuvres d’art, dont mes 4 panneaux ont probablement fait partie : ce sont les restes d’un retable.
Lorsque j’en fis l’acquisition, ils étaient recouverts d’une peinture à la chaux ; mon premier soin fut de les débarrasser de cette odieuse couche tachée de cire et souillée par une poussière séculaire ; pendant les premiers mois de 1859, ce fut là une occupation qui pendant les soirées d’hiver me procura de grandes jouissances ; au fur et à mesure des lavages, les détails de la sculpture ressortaient dans toute leur délicatesse ; au moyen de petits instruments en fer et en bois, je parvins à éliminer la chaux de tous les replis . J’enduisis les panneaux d’une couche d’huile de lin après les avoir préalablement saturés d’une dissolution de gomme laque dans l’alcool ; au moyen de cette préparation le bois a conservé sa couleur naturelle, les vers ont été occis et, lorsqu’il en reparait de temps en temps, une injection de benzine ou d’essence de romarin en ont promptement raison.
Voir pour le monogramme, la lettre incluse de Monsieur Hugot, bibliothécaire archiviste de la ville de Colmar ; 15 février 1859 […].
Ceux-ci [mes panneaux] comptent parmi les pièces les plus remarquables de ma collection et ont aujourd’hui une grande valeur en l’estimant de 6.600 à 6.800 F je ne crois pas l’exagérer […].
ISR Cette marque dont on ne connait pas la signification, appartient à un sculpteur, qui selon toute apparence, a travaillé en Allemagne au XVIe siècle. On a de lui un bas-relief ainsi marqué qui est fait en nacre de perles et avec le portrait de Bilbad [sic] Pirckheimer, de Nuremberg, d’après une grande médaille très connue […]. Le monogramme en question ne parait pas être connu et relevé au Musée germanique de Nuremberg. Ceci résulte de réponses négatives qui m’ont été adressées à plusieurs de mes demandes ; c’est assez surprenant […]. Je continuerai, si Dieu m’accorde encore quelques années, mes investigations. »
p. 399 (collection de M. Fleischhauer : relief d’un ancien retable d’autel, provenant de Kientzheim, 16e siècle, monogramme HSR).
p. 100, n° 1032 (Monogramme HSR, 15e siècle, provenant de l’église de Kientzheim. Collection Edmond Fleischhauer, Colmar).