Le Libon, Albert
200 rue de Rivoli
30 quai du Louvre
Directeur général des Postes.
Polytechnicien, dont la brillante carrière au ministère des Finances à partir de 1847 est décrite dans son dossier de Légion d’honneur (AN, LH//1571/37), il obtient le grade de commandeur en 1876 – Albert Le Libon est notamment chef de la mission pour la trésorerie et la poste de l’expédition de Chine : il part de Marseille le 12 janvier 1860, atteint Hong Kong le 27 février, puis se rend fin mai 1860 à Shanghai où il est sérieusement malade. Il part ensuite pour le nord et il se trouve, le 29 septembre 1860, à Tien-tsin (Tianjin) où est installé l’État-major du corps expéditionnaire, d’où il revient peu après à Shanghai. Il quitte la Chine le 1er juin 1861 sans être allé jusqu’à Pékin, pour atteindre Marseille le 29 juillet 1861. Les problèmes que posait l’approvisionnement en argent des troupes françaises ne semblent guère laisser la place à un voyage personnel au Japon pour un haut fonctionnaire en mission. À partir de 1873 et jusqu’à sa mort, il est Directeur général des Postes, un service qui dépend, jusqu’en 1878, du ministère des Finances. Son inventaire après décès (AN, MC/ET/CXVII/1380) permet de connaître ses goûts : dans son appartement de cinq pièces, sont décrits notamment des dessins encadrés de Gustave Doré (1832-1883), qui était l’un de ses amis, de Jean-François Millet (1874-1875), du paysagiste Théodore Rousseau (1812-1867), de Jean-Baptiste Fauvelet (1819-1883) (des Joueurs d’échecs), de Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), ainsi que des livres illustrés par Gustave Doré, des fascicules de la revue L’Art pour tous, riches en reproductions d’objets d’art, ou encore des partitions musicales. Il est connu comme ami du musicien Camille Saint-Saëns (1835-1921) qui lui dédie une composition dès 1864 et à qui il lègue 100 000 francs (AN, MC/ET/CXVII/1380). Il en donne la raison dans son testament : « […] cette somme est destinée à [le] soustraire à la servitude de l’orgue de la Madeleine et doit lui permettre de se consacrer à la composition musicale ». Il avait prévu que Saint-Saëns écrirait un Requiem, ce dont il le dispensait dans un codicille du 19 mai 1877. Cependant, son vœu fut réalisé et le Requiem fut écrit et exécuté à l’église Saint-Sulpice, un an après sa mort, le 23 mai 1878. Saint-Saëns partageait avec Le Libon un intérêt pour l’Extrême-Orient, comme l’atteste son bref opéra-comique, La Princesse jaune, de 1872.
Article rédigé par Geneviève Lacambre
Albert Le Libon, a polytechnicien whose brilliant career at the Ministry of Finance from 1847 is described in his file for the Légion d’honneur (AN, LH//1571/37) – of which he obtained the rank of Commander in 1876 – was notably chief of the mission of the expedition to China for the treasury and the post. He left Marseilles on January 12, 1860, reached Hong Kong on February 27, and continued to Shanghai at the end of May 1860, where he became seriously ill. He then left for the north and on September 29, 1860 found himself in Tien-tsin (Tianjin) where the general staff of the expeditionary force was installed, and from which he shortly thereafter returned to Shanghai. He left China on June 1, 1861 without having gone as far as Beijing, reaching Marseilles on July 29, 1861. The problems posed by the supply of money to the French troops hardly seemed to leave room for a personal trip to Japan for a senior official on mission. From 1873 and until his death, he was Director General of Posts, a service which until 1878 depended on the Ministry of Finance. His posthumous inventory (AN, MC/ET/CXVII/1380) allows us to understand his tastes: it describes in his five-room apartment framed drawings by Gustave Doré (1832-1883), who was one of his friends; Jean-François Millet (1874-1875); the landscape gardener Théodore Rousseau (1812-1867); Jean-Baptiste Fauvelet (1819-1883) (Joueurs d’échecs); Jean-Baptiste Camille Corot (1796- 1875); and also books illustrated by Gustave Doré, booklets of the review L'Art pour tous, rich in reproductions of works of art, and even musical scores. He was known as a friend of the musician Camille Saint-Saëns (1835-1921) who dedicated a composition to him in 1864 and to whom he bequeathed 100,000 francs (AN, MC/ET/CXVII/1380). He gives the reason in his will: "[...] this sum is intended to remove [him] from the servitude of the organ of the Madeleine and should enable him to devote himself to musical composition". He had planned that Saint-Saëns would write a Requiem, which he dispensed with in a codicil of May 19, 1877. However, his wish was realised and the Requiem was written and performed at the church of Saint-Sulpice a year after his death, on May 23, 1878. Saint-Saëns shared with Le Libon an interest in the Far East, as evidenced by his short comic opera, La Princesse jaune, of 1872.
Article by Geneviève Lacambre (translated by Jennifer Donnelly)
[Objets collectionnés] bronzes, porcelaines, coupes laquées, netsuke, objets en ivoire et ivoires sculptés.
Le Libon réunit une collection chinoise et japonaise variée : il possédait plus de 220 objets japonais en bronze, cloisonné, porcelaine, bambou, etc. ainsi que des objets chinois, mais, dans son testament daté du 17 décembre 1876, conservé dans les Archives des musées nationaux (AN, MC/ET/CXVII/1380), il précise : « Quant aux objets d’art et de curiosité que je possède, j’en fais deux parts : la première que je laisse au Louvre se compose d’objets d’ivoire et de coupes laquées du Japon. » Il semble qu’il ait assemblé ivoires et coupes en laque avec une volonté didactique, présentant dans les deux cas, une véritable typologie des formes, des décors, des sujets, dans des domaines peu représentés jusqu’alors dans les collections du musée de la Marine.
Son inventaire après décès précise :
« 134. Treize pièces, carnets et boîtes en ivoire peint avec incrustations de nacre et une boule en ivoire
135. Trois plaques hommes et une petite statuette en ivoire.
136. 136 coupes laquées du Japon
138. 2 petits cabinets en ivoire, 2 boîtes, 3 bouts de dents en ivoire sculpté et doré
139. 26 boutons en ivoire sculpté
140. 120 petits groupes en ivoire sculpté »
L’ensemble devait être regroupé dans une même vitrine de son appartement avec le lot « 137. 14 boîtes et coffrets en bois laqué » non retenu par le Louvre, qui obtient en outre le lot « 127. 2 bracelets japonais » en raison du matériau.
Aucune précision n’est donnée sur leur mode d’acquisition. Le Libon a probablement dû visiter l’Exposition universelle de 1867 à Paris, et particulièrement sa section japonaise, puis l’année suivante, en 1868, l’exposition-vente chez Chevrillon dont le « catalogue des produits et objets d’art japonais composant la collection envoyée du Japon pour l’Exposition universelle de 1867 et groupés aujourd’hui rue de la Victoire n° 41 ». Parmi les 1 208 lots, tous destinés aux amateurs, se trouvent notamment de nombreux objets en ivoire. On trouvait également des objets japonais rue Vivienne ou chez E. Desoye (1811-1870, puis sa veuve, Mme Desoye (1836-1909) après 1870), 220 rue de Rivoli, qui possédaient notamment des objets provenant de l’Exposition universelle de 1867, ou encore chez les Sichel, rue Pigalle ; Philippe Sichel (1840-1899) ayant rapporté, en 1874, 450 caisses d’objets variés de son voyage au Japon, dont des netsuke.
La collection de plus de 300 pièces, souvent de petite taille, reçue par Henry Barbet de Jouy (1812-1896), le conservateur des sculptures et des objets d’art, le 2 août 1877, est transmise au vice-amiral François Edmond Pâris (1806-1893), conservateur du musée de la Marine. Elle est exposée dans des vitrines – dont une vitrine centrale étroite – dans la salle des bronzes chinois, entre les pavillons Sully et Marengo au 2e étage de la cour carrée du Louvre.
Les coupes sont des coupes à saké ou à friandises de tailles variées ; en raison de la grande variété de leurs diamètres, certaines devaient constituer des séries, utilisées superposées pour des friandises. Une seule, de 18 cm de diamètre, décorée de deux poissons, est encore conservée au musée national de la Marine (L’Or du Japon, 2010, n° 162, repr.). Un grand nombre a été déposé au ministère de la Marine en 1922 où elles n’ont pas été retrouvées, et les quelques coupes envoyées au Cercle naval de Brest en 1926 ont été détruites pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le musée des Beaux-Arts de Brest a reçu, en 1924, le dépôt de vingt-six objets en ivoire (Bretagne-Japon, 2012, fig. 3, p. 56 et fig. 6, p. 60 et liste de treize œuvres exposées, p. 13-14), dont deux bracelets (Brest-Asie, 2004, p. 55, repr.).
Parmi les ivoires déposés à Brest, les cinq « bouts de dent », sans doute bouts de défense d’éléphant, sont des pots à pinceau ; ils présentent trois types de décor correspondant sans doute à des ateliers différents : figures et paysage en relief, bas-relief sur fond uni avec quelques rehauts de noir et de rouge, incisions avec ou sans rehauts de polychromie et décor de laque doré. Deux de ces pots sont accompagnés de socles laqués noir et or ; l’un présente une scène de la vie quotidienne, une femme portant un plateau à thé et un enfant, avec rehauts de noir et rouge et motifs dorés. C’est une technique qui date de la fin d’Edo, comme le montre un objet similaire du Victoria and Albert Museum de Londres, inventorié en 1869 et acquis lors de l’Exposition universelle de 1867 à Paris (Inv. 894-1869). L’autre est décoré de grenouilles humanisées lançant des flèches sur une cible en feuille de nénuphar en laque d’or. Des grenouilles et un serpent décorent une boîte en ivoire et les deux plaques d’un carnet ; un porte-carte représente, sur une face, un pêcheur, sur l’autre, une dame qui se promène. Une boîte rectangulaire est décorée sur le dessus d’un faucon perché sur une branche en noir et or et sur les côtés d’oiseaux dorés en vol. Deux boîtes cylindriques à couvercle au décor incisé plus sommaire contiennent des jetons de jeu. Une boîte cylindrique à trois compartiments superposés avec vifs rehauts de noir et de rouge, est décorée d’une femme tenant deux enfants, d’un autre enfant, de chiens, chats et oiseaux ; une grue s’envole sur le couvercle. Un des netsuke représentant une pieuvre jouant du shamisen porte la signature de Sômin (pieuvre jouant (Bretagne-Japon, 2012, p. 60, fig. 6, repr.) ; un bouton (manju) décoré d’enfants est dû à Gyokkosai (Gyokkosai Morisama est actif au milieu du XIXe siècle) ; Hotei avec un enfant assis sur son sac (Lacambre, 2008, p. 177, fig. 63, repr.) porte la signature de Minkoku, un artiste célèbre de la fin du XVIIIe siècle.
Comme pour les coupes à saké, nombreux sont les ivoires qui n’ont pas été retrouvés dans les collections du musée national de la Marine : y était encore conservé jusqu’en 1946 un modèle de bateau en ivoire chargé de passagers, dont la localisation actuelle est inconnue.
Article rédigé par Geneviève Lacambre
Dans le cinq pièces qu'occupait Albert le Libon, sont décrits certains dessins qu'il possèdait, comme des dessins de Gustave Doré (1832-1883), avec qui il était ami, de Jean-François Millet (1814-1875), du paysagiste Théodore Rousseau (1812-1867), ou encore de Camille Corot (1796-1875). (Source : Notice Agorha "Albert Le Libon" rédigée par Geneviève Lacambre)
Albert Le Libon est aussi connu comme étant un ami du compositeur Camille Saint-Saëns (1835-1921), qui lui dédiera une composition en 1864 et lui léguera aussi 100 000 francs afin de "[le] soustraire à la servitude de l'orgue de la Madeleine et dont il devra se servir pour lui permettre de se dédier à la composition musicale." (Source : Notice Agorha "Albert Le Libon" rédigée par Geneviève Lacambre)