Portraits des trois frères Guise
sous « anonyme, Orléans ? »
Le contexte de commande de ce panneau montrant les trois frères Guise est plus intéressant que le peintre anonyme qui l’a réalisé. En effet, l’inscription en haut à gauche nous informe que le tableau appartenait à un certain Jacques Chaussier. Un homme du même nom était un marchand d’Orléans logeant à la paroisse Saint-Maclou documenté en 1583 et mort avant 1596 (Orléans, Archives départementales, H 25, dépouillé par Marc du Pouget, directeur des archives de l’Indre, cité dans H. Lebédel-Carbonnel (dir.), Catalogue des peintures du musée du château de Blois, XVIe-XVIIIe siècles, Montreuil, 2008, p. 39, n°6). C’est probablement pour honorer les figures de proues de la Ligue que le fidèle décide de faire représenter, de gauche à droite, Charles, duc de Mayenne, Henri de Lorraine, et Louis, cardinal de Lorraine. Il s’agit donc d’un moyen de signaler son allégeance politique et religieuse en des temps troublés, probablement autour de 1585. L’armure que revêt Henri de Lorraine, dit le Balafré, est également un symbole fort dans cette période des guerres de Religion. Il a été suggéré avec justesse que ce triple portrait serait une “réponse catholique au portrait en pied des trois frères Châtillon” (La Haye, Mauritshuis), tout en intégrant les codes des galeries de portraits popularisées par Catherine Médicis et d’autres à sa suite.
C’est également un tableau qui illustre la circulation probablement intense des portraits des grandes personnalités du royaume, que ce soit à travers des modèles peints ou dessinés. Le portrait de Henri de Lorraine, certainement le plus illustre des trois, est aussi le mieux réussi. Faut-il mettre le compte de cette qualité sur le fait que davantage d’images à son effigie semblent exister ? Ce sont probablement des dessins de 1580 de l’atelier des frères Dumonstier qui ont été utilisés pour les effigies de Charles et de Henri (Paris, BnF, cabinet des Estampes, Rés. Na 24A, pl. 15 et Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 33577). On trouve plusieurs versions peintes qui prennent pour modèle le dessin du Louvre, notamment une belle réplique au musée Carnavalet. Il existe aussi plusieurs peintures représentant le cardinal de Lorraine, fort similaires à celle employée par le peintre à Orléans, par exemple une toile à l’Hôtel de Soubise qui regarde visiblement le même modèle.
CE PRES[E]NT TABLEAV APPARTIENT AV SIEVR IACQVES CHAVSSIER
incertain
collection Jacques Chaussier, Orléans ; collection capitaine Lambard, Paris ; achat le 18 novembre 1948 ; Blois, musée du château, inv. 48.2.1, sous « anonyme, Orléans ? »
p. 23, n° 12 (notice de Pascale Thibault)
sous « Anonyme, France (Orléans ?) », notice de P. G. G.